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- 596. Les plaintes figurent dans des communications de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), de la Confédération générale des travailleurs démocratiques (CGTD), de la Centrale des travailleurs de Colombie (CTC) en date du 7 juin 2004, de l’Association des dirigeants professionnels et techniques d’entreprises de l’industrie pétrolière de Colombie (ADECO) en date du 8 juin 2004, et de l’Union syndicale ouvrière (USO) en date des 18 juin et 27 juillet 2004. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) s’est associée à la plainte par sa communication du 28 juin 2004.
- 597. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications des 22 septembre 2004, 15 et 17 février, 11 et 20 avril 2005.
- 598. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 599. Dans leurs communications des 7, 8 et 18 juin et 27 juillet 2004, la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Confédération générale des travailleurs démocratiques (CGTD), la Centrale des travailleurs de Colombie (CTC) et l’Union syndicale ouvrière (USO) affirment qu’en novembre 2002 l’Union syndicale ouvrière (USO) a présenté un cahier des revendications au gouvernement national et à l’administration d’ECOPETROL, essentiellement dans le but de défendre et de renforcer l’entreprise colombienne de l’industrie pétrolière. Parallèlement, l’entreprise ECOPETROL a déposé auprès du ministère de la Protection sociale un cahier des contre-revendications visant à dénoncer la convention collective de travail et à refuser la discussion sur la politique pétrolière et la situation de l’entreprise. Alors que la phase de négociations directes avait commencé, l’administration s’est refusée, pendant les quatre mois de discussions, à négocier le cahier des revendications du syndicat et a insisté pour imposer le cahier des contre-revendications; en conséquence, le processus a pris fin sans avoir débouché sur aucun résultat.
- 600. Les plaignants ajoutent qu’ECOPETROL a convaincu le ministère de la Protection sociale d’imposer arbitrairement la convocation d’un tribunal arbitral obligatoire, dans le but de dénoncer la convention collective en vigueur. Considérant que ladite convocation était arbitraire et contraire aux principes de liberté syndicale consacrés par les conventions nos 87 et 98, au sens de la jurisprudence du Comité de la liberté syndicale, l’USO a refusé de désigner l’arbitre qu’il lui revenait de désigner conformément à la législation interne de la Colombie. Le ministère s’est substitué à l’organisation syndicale et a désigné l’«arbitre pour les travailleurs».
- 601. Les plaignants déclarent que le tribunal arbitral a ensuite été constitué et a entamé ses travaux; il a rendu une sentence contraire aux droits et intérêts des travailleurs représentés par l’USO, qui a formé un recours en annulation contre ladite sentence. La Chambre du travail de la Cour suprême a rendu une ordonnance en date du 31 mars 2004 par laquelle, outrepassant ses compétences, elle s’est non seulement gardée d’annuler en partie la sentence, mais elle a renvoyé l’affaire au tribunal arbitral obligatoire pour qu’il tranche un grand nombre de questions sur lesquelles il avait statué sans avoir tenu compte des procès-verbaux des négociations directes entre les parties.
- 602. Les plaignants font valoir qu’en réaction au conflit collectif l’entreprise publique ECOPETROL a licencié, au mois de novembre, onze dirigeants de l’USO dans la ville de Carthagène (les organisations plaignantes ne communiquent pas les noms de ces dirigeants).
- 603. Les plaignants signalent que l’USO, fidèle à sa tradition historique de défenseur non seulement des intérêts des travailleurs mais principalement du développement national, a essayé par tous les moyens d’éviter la grève, en lui préférant le dialogue et la négociation. Etant donné que les possibilités de règlement ou de solution directe du conflit n’ont pas abouti, les travailleurs d’ECOPETROL membres de l’USO ont commencé la grève le 22 avril 2004. Le ministère de la Protection sociale, par sa décision no 1116 du 23 avril 2004, a décidé de déclarer illégale la grève menée par les travailleurs d’ECOPETROL membres de l’Union syndicale ouvrière de l’industrie pétrolière (USO). Dans sa décision, le ministère autorise l’entreprise publique ECOPETROL à licencier les travailleuses et les travailleurs qui encouragent la grève ou y participent.
- 604. Le ministère de la Protection sociale a invoqué comme fondement de la «déclaration d’illégalité» l’affirmation qu’une grève dans l’industrie pétrolière a une incidence sur un service public essentiel. L’entreprise publique ECOPETROL a effectivement licencié, en invoquant ladite décision du ministère, 248 travailleurs et a menacé de sanctions et d’actions pénales un nombre important de membres de l’USO qui ont continué la grève.
- 605. Selon les plaignants, la décision du ministère de la Protection sociale en vertu de laquelle la grève est déclarée illégale est contraire au droit, car elle constitue une violation des conventions nos 87 et 98 et méconnaît le concept de service essentiel. Le ministère enfreint les dispositions de la convention no 87, du fait qu’il commet ouvertement un acte d’ingérence administrative.
- 606. Les plaignants ajoutent que pendant le conflit collectif et la grève l’entreprise a commis divers actes de discrimination antisyndicale.
- 607. Les plaignants allèguent qu’en vertu de la déclaration d’illégalité de la grève les licenciements suivants ont été effectués:
- - le 28 avril 2004, ont été licenciés les dirigeants syndicaux Alirio Rueda Gómez, Fernando Coneo García, Juvencio Seija Mejía et Gregorio Alfonso Mejía Mancera;
- - le 30 avril 2004, ont été licenciés Danilo Marín Sánchez, José Ramiro Luna Martínez, Manuel Jesús Coronado, Jairo Alberto Suárez Murcio, Luis Roberto Schmalbach, Luis Alberto Ramos Arenilla, Nelson Abril Hernández et Dagoberto Tovar Gómez;
- - le 3 mai 2004, ont été licenciés Hernando Hernández Pardo, Rafael Enrique Torres Noguera, Abel Antonio Giraldo, José Antonio Meneses Becerra, Javier Antonio Calderón Chona, Carlos Eduardo Oviedo Barrios, César Muñoz Suárez, Gustavo Cardozo Ramírez, Dairo de Jesús Sánchez et Fernando Tapias Ayal;
- - le 4 mai 2004, ont été licenciés Fernando Tapias Ayala, Luis Carlos Zapata Araque, Víctor Julio Bayona Arévalo, Alfonso Acosta Viña, Cristóbal Salas Angulo, Javier Rodríguez Rincón, Bernardo Urrego Beltrán, Edwin Geliz Pérez, Salomón Ayala Vásquez, Arnulfo Núñez Herrera, Freddy Jair Díaz Rojas, Alvaro Gómez Lizarazo, Luis Carlos Días García, Roberto Plata Dueñas, José Miguel Vera Meza, Pedro Nel Quintero, Jaminthon Meza Alvarado, Julio César Mantilla Chinchila, Jaime Villadiego Hernández, Rusbel de la Rosa Morales, Luis Serrano Cifuentes, Alvaro Remolina Gutiérrez et Gabriel Alvis Ulloque – président de l’USO;
- - le 5 mai 2004, ont été licenciés Eduardo Araujo Ortega, Gilberto Durán Higuera, Carlos García Chona, Emilio Manrique Alfonso, Raúl Atuesta Cano, Manuel Pianeta Matute, Alvaro Meléndez Arroyo, Héctor Carrillo Villamizar, Orlando Moreno Páez, Edwar Humberto Heredia Duarte, Julio Emilio Rico B., Leonardo Muñoz Velez, Juan Manuel Fonseca Beltrán et Pedro Nel González;
- - le 6 mai 2004, ont été licenciés Luz Stella Acero de Forero, Elvia Vega de Escobar, Abelardo Gamarra Fonseca, Pedro Elías Herrera Ramírez, Olga Lucía Amaya Páez, Gladis Suárez Vertel, Yomber Sierra Ospina, José Vicente Morales, Carmen Helena Mármol Vásquez, Alfredo Cabarcas Martínez, Néstor William Parrado Ruiz, Joselito Cristancho Solano, Jaime Pachón Mejía, Ricardo Parrada Escano, Julio Flores Oses, Germán Alvarino Soracá, Jhon Freddy Henao Espitia, Jhon Freddy Certuche Vásquez, Víctor Manuel Pedraza Roa, Hermes Francisco Montiel, Nelson Fuentes Cabarcas, Gustavo Torres Castro, Pedro Julián Cote Parra, Jorge Alberto Zambrano Ramírez, Juan Carlos Aguilar Durán, Oscar Manuel Monsalve, Martín Emilio Rendón Castillo, Mario García Ochoa, Ludwing Fabián Villamizar, Omar Darío Gómez Galeano, Carlos Enrique Padilla Muñoz, Cynthia King Muleth et Guillermo Duque Pedrozo;
- - le 7 mai 2004, ont été licenciés Fredys Jesús Rueda Uribe, José F. Blanco Landinez, Luz Miryam García Quivano, Rocío Sandoval Sánchez, Carlos Sarmiento Centeno, Alexander Giovann Campos Vega, Javier Hernández Acosta, Neil Armstrong Ramírez Delgado, Jorge Enrique Gómez Prada, Ricardo Forero Rondano, Carlos Alonso Ardila, Braulio Mosquera Uribe, Reinaldo Mantilla Florez, Wilson Alfredo Villaba Giraldo, Alfredo Salazar Díaz, Leonardo Mauricio González, Sergio Luis Peinado Barranco, Oscar Sánchez Pinto, Alfonso Plata Sarmiento, Ludwing Gómez Almeida, Pedro Pablo Moreno Cortés, Ariel Corzo Díaz, Juan Carlos González Canal, Ariel Rosero, Jhon Jairo Castillo, William Hernán Chanchi, Edmundo Julián Buchelly, Nelson Martín Luna, William Hernández Castaño, Jorge Coral Paladines, Néstor Cortés Oliveros, Iván Botero Osorio, Jorge Elicer Palencia Alvarino, Alonso Rangel Zambrano et Henry Valero Rincón;
- - le 8 mai 2004, ont été licenciés Oscar Martínez González, Carlos Cevallos Castro, Jairo Eduardo Solarte, Nelson Franco Mendoza, Moisés Barón Cárdenas et José Oliveiros Arroyo;
- - le 10 mai 2004, ont été licenciés Fernando Duarte Franco, Jesús Garrido Garrido, Alvaro Rueda Duque, Gabriel Sepúlveda Cáceres, Pablo Asensio Florez, Hugo Alexander Torres Rodríguez, Wilmer Guerrero Rendón, Edgar Correa González, Jairo Vidal Barón Cárdenas, Alvaro Hernández Cuaran, Jorge Christopher Ortiz Yela, Mario Alberto Mora, Ordubey Cuartas Jaramillo, José Alexander Martínez, Ramiro Medina, Fernando Jiménez Chaparro, Geninser Parada Torres, Germán E. Sánchez Martínez, Honorio Lozano Pinzón, Pedro Becerra Padilla, Luis Fernando Martínez Becerra, José Luis Sepúlveda Jaimes, Richard Alfonso Díaz Caballero, Edgar Páez Sarmiento, Oscar Javier Celis Suárez, Oscar Javier Sánchez Villamizar, Jair Ricardo Chávez, Jhon Enrique Pérez Cáceres, Carlos David Quijano, Aldemar Vásquez Velásquez, Fernando Londoño Díaz, Adriano Ochoa Gómez, Héctor Rojas Aguilar, Alfonso Rafael Dovale Florez, Guillermo Lastre Castillo, Alberto Pérez Hernández, Reinaldo Rey Coronel, Raúl Alberto Gómez Buitrago, Héctor Meza Pulido, Luis Carlos Castillo Santos, Ramón Manduano Urrutia, Manuel Francisco Palomino, Henry Hernández Tamara, Carmelo José Ramos Herazo, Angel María Rueda Garzón, Nelson Miranda Gallardo, Saul Ospino Hernández et Jimmy Alexander Patiño Reyes; et
- - le 11 mai 2004, ont été licenciés Pablo Emilio Valencia Torres, Sergio Páez Mantilla, Franklin Murgas Estrada, José Manuel Acosta Arrieta, Freddys Elpidio Nieves Acevedo, Miguel Antonio Gómez Calderón, Juliano Hernández García, Roberto Guerrero Ramírez, Mauricio Gómez, Gerben Linington Castro Salazar, Alirio Acevedo Rueda, Alexander Domínguez Vargas, Lino Caro Castellanos, Wilmer Hernández Cedrón, Germán Polanco Castillo, Orlando Robles Alvarez, Lavinis Arzuza Alcántara, Ernesto Carlos Martelo, Clemente Sals Yanes, Idael Betancour Parra, Oscar Carrillo Gómez, Orlando Fernández Mañara, Alejandro Blanco Becerra, Julio César Atencia, Gustavo Martínez Afanador, Ludys Torres Arias, Angela Fiallo Marín, María Luisa Niño de Prada, Mayra Alejandra Joya Bueno, Donaldo Alvarino Pinto et Mauricio Durán Gamarra.
- 608. Les plaignants allèguent également que des procédures pénales ont été engagées contre des syndicalistes et des dirigeants de l’USO parce qu’ils ont exercé leur droit de grève. En fait, pendant la grève déclenchée par les travailleurs d’ECOPETROL membres de l’USO, sept dirigeants syndicaux accusés d’avoir commis des délits d’injures, de menaces et de dommages causés aux biens d’autrui ont fait l’objet d’actions judiciaires. Il s’agit de: Fredys Fernández Suárez, Luis Roberto Schmalbach Cruz, Ignacio Vecino, Fernando Jiménez, Humberto Rodríguez, Sandro Efrey Suárez et Ricardo Harold Forero. Le Procureur général de la nation a confié l’enquête à deux procureurs de la section de Bogotá, qui remplissent leur mission dans les locaux du complexe industriel d’ECOPETROL situé dans la ville de Barrancabermeja, plus précisément dans le bureau du personnel. Cela signifie qu’ils travaillent dans les lieux mêmes où se trouvent les travailleurs qui n’ont pas fait grève. MM. Hermes Suárez et Edwin Palma, membres de l’USO, ont été arrêtés les 3 et 11 juin 2004 respectivement et ont été accusés de complot en vue de délit et terrorisme.
- 609. Les plaignants indiquent que le 26 mai 2004 les parties ont conclu un accord pour mettre fin à la grève. Les organisations plaignantes joignent en annexe une copie de l’accord signé par les représentants du gouvernement national, l’entreprise ECOPETROL SA et l’organisation syndicale USO. Ledit accord déclare en ce qui concerne les 248 travailleurs licenciés:
- 2.2.2. Tribunal d’arbitrage volontaire ad hoc
- Compte tenu du désaccord manifesté par les représentants de l’Union syndicale ouvrière de l’industrie pétrolière – USO – à l’égard de la décision de l’entreprise de résilier unilatéralement et pour un juste motif 248 contrats individuels de travail notifiés par l’entreprise, en raison de l’arrêt collectif de travail déclaré illégal par le ministre de la Protection sociale en vertu de la décision no 001116 du 22 avril 2004, désaccord dont ECOPETROL SA ne reconnaît pas le bien-fondé, étant donné que l’entreprise estime qu’il ne s’appuie sur aucun fondement de fait ni de droit, les parties, dans l’intention de trouver une solution adéquate audit différend, conviennent de constituer un tribunal arbitral volontaire ad hoc qui rendra une décision en droit conformément à la législation en vigueur, notamment toutes les dispositions de celle-ci relatives au fond et à la procédure, après avoir examiné les réclamations formulées par les travailleurs licenciés dont la situation ne correspond pas à celle décrite au paragraphe 2.2.1 ci-dessus et dont le contrat de travail a été résilié pour un juste motif en raison des faits qui ont découlé de l’arrêt collectif de travail qui a commencé le 22 avril 2004; ledit tribunal arbitral entendra exclusivement ces faits, ce qui signifie qu’il ne connaîtra ni ne tranchera aucune autre affaire que celle des licenciements dus aux faits mentionnés dans le présent accord.
- De même, en ce qui concerne la fin de la grève, il est stipulé au point 3:
- 3. Reprise du travail, abandon des actions administratives en matière de travail et prêt consenti à l’USO
- 3.1. Reprise du travail
- En vertu des accords antérieurs, l’USO mettra fin à l’arrêt collectif de travail et, à cet effet, prendra les mesures nécessaires et donnera les instructions pour veiller à ce que l’ensemble des travailleurs soient disponibles pour reprendre le travail, garantissant ainsi le fonctionnement et le déroulement normal des activités commerciales, industrielles et administratives de l’entreprise ECOPETROL SA, à compter du vendredi 28 mai 2004 à 6 heures du matin, conformément au programme que l’entreprise établira à cet effet.
- 3.2. Abandon des actions administratives en matière de travail
- Dans l’intention de remédier définitivement aux situations engendrées par les conditions anormales de travail au sein d’ECOPETROL SA, les parties conviennent qu’à compter de ce jour l’entreprise cessera les citations à décharge en raison des faits survenus le 22 avril 2004 et les résiliations de contrats de travail pour un juste motif. De même, l’entreprise s’engage à ne pas donner suite aux actions administratives en matière de travail qui auraient été engagées et qui, à la date de la signature du présent accord, n’auraient pas été notifiées.
- Dans le but de garantir, avec effet immédiat, le développement harmonieux et la stabilité optimale des relations entre l’entreprise et le syndicat, les parties ne pourront intenter que les actions légales qu’elles envisagent contre la déclaration d’illégalité de la grève ou la sentence arbitrale.
- 610. Dans sa communication du 8 juin 2004, l’Association des dirigeants professionnels et techniques d’entreprises de l’industrie pétrolière de Colombie (ADECO) rappelle que l’entreprise pétrolière colombienne ECOPETROL était une entreprise industrielle et commerciale publique créée par la loi no 165 de 1948. En vertu du décret-loi no 1760 de 2003, elle a été réorganisée en société publique par actions, dénommée ECOPETROL SA et liée au ministère des Mines et de l’Energie. Au sein de l’entreprise, deux syndicats coexistent: l’USO et l’ADECO. L’ADECO fait par ailleurs état du processus de présentation du cahier des revendications par l’USO, déjà mentionné dans les communications des autres plaignants et qui est notamment à l’origine de la convocation du tribunal arbitral obligatoire en vertu de la décision no 0382 du 25 mars 2003 du ministère de la Protection sociale. L’ADECO rappelle et conteste la nomination par le gouvernement de l’arbitre qui représentait le secteur des travailleurs, sans consultation des organisations syndicales.
- B. Réponse du gouvernement
- 611. Dans ses communications des 22 septembre 2004, 15 et 17 février, 11 et 20 avril 2005, le gouvernement déclare que le 28 novembre 2002 l’Union syndicale ouvrière de l’industrie pétrolière (USO) et ECOPETROL, dans l’exercice des compétences légales consacrées par l’article 479 du Code du travail, modifié par l’article 44 du décret-loi no 616 de 1954, ont déposé devant l’inspecteur du travail du ministère de la Protection sociale un cahier des revendications et une dénonciation partielle de la convention collective de travail en vigueur du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002. Les délais légaux ayant expiré sans que les parties soient parvenues à un accord lors de la phase de négociations directes, le ministère de la Protection sociale, dans l’exercice de ses compétences et conformément à la réglementation du travail, a ordonné, par la décision no 000382 du 25 mars 2003, la constitution du tribunal arbitral obligatoire chargé de trancher le conflit collectif de travail mentionné. A cet égard, il a tenu compte du fait que l’entreprise pétrolière publique a pour tâche de fournir un service public essentiel, comme l’a précisé la Cour constitutionnelle dans son arrêt no C-450 de 1995.
- 612. L’USO a formé un recours en révision contre l’acte administratif ordonnant la constitution du tribunal arbitral obligatoire; par sa décision no 001273 du 29 mai 2003, le ministère de la Protection sociale s’est prononcé sur ledit recours, confirmant la décision initialement prononcée. Le tribunal arbitral obligatoire a rendu une sentence arbitrale le 9 décembre 2003 (interprétée et complétée le 17 décembre 2003). Outre les travaux normaux du tribunal arbitral obligatoire en tant qu’instance légale à caractère obligatoire, des discussions informelles ont eu lieu entre les parties, en dépit desquelles, malgré les efforts déployés par l’entreprise, il n’a pas été possible de parvenir à un accord sur l’ensemble des thèmes litigieux ni, par conséquent, d’aboutir au règlement direct du conflit collectif.
- 613. Lors de l’assemblée nationale des délégués, l’USO a décidé de commencer à préparer et à organiser la grève générale de l’entreprise en vertu de la décision no 001 du 16 janvier 2004. Le ministère de la Protection sociale, par sa décision no 000936 du 4 mars 2004, a recommandé à l’organisation syndicale d’annuler ladite décision et lui a donné à cet effet un délai péremptoire de huit jours ouvrables à compter de la date à laquelle l’acte administratif a été confirmé. L’USO a formé un recours en révision et présenté une demande d’appel à titre subsidiaire contre la décision susvisée, sur lesquels les décisions nos 001235 et 001512 des 26 mars et 16 avril 2004 respectivement se sont prononcées, confirmant la décision initialement rendue.
- 614. Les organisations syndicales USO et ADECO ont présenté, contre la sentence arbitrale rendue par le tribunal arbitral obligatoire, des recours en annulation sur lesquels la Chambre de cassation du travail de la Cour suprême de justice s’est prononcée dans sa décision no 23556 du 31 mars 2004, par laquelle elle a décidé de ne pas annuler la sentence arbitrale rendue le 9 décembre 2003. Cette instance judiciaire a également ordonné le renvoi du dossier aux arbitres, les priant de se prononcer, dans un délai de dix jours, sur les points de la dénonciation partielle de la convention collective de travail et du cahier des revendications, qui n’avaient pas été expressément tranchés par le tribunal arbitral obligatoire.
- 615. Le gouvernement ajoute que, bien que la législation nationale interdise de faire grève dans les entreprises fournissant des services publics essentiels, comme c’est le cas d’ECOPETROL SA, l’organisation syndicale a décrété le 22 avril 2004 l’arrêt collectif de travail dans l’entreprise. Pour cette raison, le ministère de la Protection sociale a déclaré illégal cet arrêt collectif de travail par sa décision no 1116 de la même date.
- 616. S’appuyant sur les éléments de fait et de droit pertinents, ECOPETROL SA a résilié unilatéralement et pour juste cause 248 contrats individuels de travail entre le 30 avril et le 15 mai 2004 en raison de la participation active et de l’adhésion des travailleurs concernés à la grève déclarée illégale. Ces mesures ont été prises en conformité avec la procédure conventionnelle établie à cet effet, tendant à garantir les droits à la défense et à un procès équitable des travailleurs, aujourd’hui licenciés en conformité avec les critères définis par les juridictions de degré supérieur en la matière.
- 617. Le gouvernement déclare que la phase de négociations directes du processus de négociation collective a commencé le 5 décembre 2002 et s’est poursuivie jusqu’au 21 mars 2003. Cette phase a été relancée à trois reprises, sans que l’organisation syndicale USO contribue à l’examen de tous les points en litige du conflit collectif. Il en a été ainsi aussi bien pour le cahier des revendications que pour la dénonciation de l’employeur. Alors que l’entreprise a toujours été disposée au dialogue et à la concertation, l’organisation syndicale n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer un bon déroulement de la phase de négociations directes, qu’elle avait elle-même demandée lors du dépôt de son cahier des revendications.
- 618. Le gouvernement signale que, d’après les informations fournies par ECOPETROL SA, le processus de négociation s’est déroulé conformément aux dispositions légales applicables en l’espèce, dans le respect des droits et compétences de chaque partie; aucun accord mettant fin au conflit collectif de travail n’ayant pu être conclu entre les parties, l’entreprise a demandé au ministère de la Protection sociale de convoquer un tribunal arbitral obligatoire, mécanisme légal qui devait régler le conflit. Cela ne doit pas être considéré comme une «faveur» accordée à ECOPETROL SA ni un «avantage obtenu» par elle, mais comme la conséquence juridique prévue par la réglementation du travail, lorsque, au terme de la phase de négociations directes dans un conflit collectif dans une entreprise fournissant un service public essentiel, les parties ne sont pas parvenues à un accord pour régler ledit conflit. Le gouvernement ajoute que conformément aux dispositions de l’article 452 du Code du travail les conflits collectifs qui surviennent dans des entreprises de services publics essentiels doivent être portés devant un tribunal arbitral obligatoire, comme en l’espèce. Le fait que l’organisation syndicale s’est refusée à exercer son droit de nommer un arbitre pour la représenter au sein du tribunal ainsi constitué et a ensuite contesté la désignation faite par le ministère de la Protection sociale est une autre question. Il relève de la compétence du ministre de la Protection sociale de convoquer et de constituer les tribunaux arbitraux et de désigner les arbitres, lorsque l’une des parties renonce à le faire et lorsque les parties ne s’entendent pas sur le choix du troisième arbitre.
- 619. S’agissant du licenciement allégué de 11 travailleurs de l’entreprise, au sein de la Gérance de la raffinerie de Carthagène, le gouvernement déclare que, d’après les informations fournies par ECOPETROL SA, ces licenciements ne sont pas la conséquence du conflit collectif. Le contrat de travail des travailleurs mentionnés a été résilié unilatéralement et pour un juste motif à l’issue de la procédure conventionnelle établie à cet effet. Des onze travailleurs, sept seulement, et non tous, étaient membres du comité directeur de la sous-direction de l’USO dans cette ville. La décision mentionnée découle de la participation active des travailleurs à l’arrêt collectif de travail qui a eu lieu les 19 et 20 novembre 2002 et qui a été déclaré illégal par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en vertu de la décision no 01878 du 20 novembre 2002. Il apparaît clairement que ces mesures ont été prises avant la présentation du cahier des revendications. Les décisions de licenciement prises par ECOPETROL SA ont fait l’objet d’un recours devant la juridiction ordinaire du travail, qui n’a pas fait droit aux demandes de réintégration des travailleurs licenciés. Par ailleurs, les travailleurs licenciés ont formé un recours en amparo, qui n’a pas abouti, étant donné qu’il a été estimé qu’il existait un autre mécanisme de défense, la justice du travail ordinaire.
- 620. S’agissant de la violation alléguée de l’exercice du droit de grève, le gouvernement fait savoir que le ministère de la Protection sociale a agi conformément à la législation interne du travail, étant donné que la décision déclarant illégal l’arrêt collectif de travail décidé par les travailleurs d’ECOPETROL SA était fondée sur l’article 430 du Code du travail, modifié par l’article 1 du décret extraordinaire 753 de 1956, lequel prévoit l’interdiction de la grève dans les services publics et considère, au point h), comme services publics les activités d’exploitation, de raffinage, de transport et de distribution du pétrole et de ses produits dérivés, lorsqu’ils sont destinés à l’approvisionnement normal en combustible du pays, à l’appréciation du gouvernement. A cet égard, la Cour constitutionnelle a déclaré dans son arrêt no C-450 du 4 octobre 1995 que les activités d’exploitation, de raffinage et de transport de pétrole et de ses produits dérivés visés au point h) de l’article 430 du Code du travail étaient des activités fondamentales et essentielles pour assurer à leur tour d’autres activités essentielles, telles que le transport, la production d’énergie, etc., qui avaient toutes pour but d’assurer également l’exercice ou la jouissance des droits fondamentaux. Par conséquent, lesdites activités constituent des services publics essentiels. En vertu de ce qui précède, le gouvernement conclut que ECOPETROL SA fournit un service public essentiel, raison pour laquelle le ministère de la Protection sociale a déclaré illégale l’interruption collective des activités.
- 621. S’agissant de l’allégation relative au licenciement de 248 travailleurs, ECOPETROL SA explique que la législation colombienne du travail régit les conditions des arrêts collectifs illégaux du travail. Plus précisément, le point 2 de l’article 450 du Code du travail, remplacé par l’article 65 de la loi no 50 de 1990, stipule: «Si un arrêt de travail ou un débrayage est déclaré illégal, l’employeur est libre de licencier pour ce motif les personnes qui sont intervenues dans cet arrêt de travail ou débrayage ou qui y ont participé et, à l’égard des travailleurs bénéficiant de l’immunité syndicale, le licenciement ne requiert pas de qualification judiciaire.» ECOPETROL SA ajoute qu’en ce qui concerne les licenciements mentionnés elle a agi conformément aux dispositions légales susvisées, en vertu desquelles l’employeur a la faculté de résilier les contrats de travail des travailleurs qui participent au débrayage, comme c’est le cas en l’espèce, où l’entreprise fait remarquer que les décisions prises en ce sens ont été précédées de la procédure établie dans la convention collective de travail à cet effet, laquelle procédure a été menée jusqu’au bout, garantissant ainsi le droit à la défense des travailleurs licenciés. Le gouvernement affirme qu’on ne saurait soutenir que la déclaration d’illégalité d’un débrayage n’entraîne aucune conséquence juridique, comme, en l’espèce, la résiliation des contrats individuels de travail des travailleurs qui ont participé à l’arrêt de travail. D’autant plus que les travailleurs ont persisté à maintenir l’arrêt collectif de travail après qu’il eût été déclaré illégal.
- 622. S’agissant de la déclaration d’illégalité de la grève, le ministère de la Protection sociale a agi conformément à la législation interne, en tenant compte des dispositions de l’article 451 du Code du travail, qui dispose que le ministère a compétence pour déclarer illégal un arrêt de travail ou un débrayage collectif.
- 623. S’agissant de l’inculpation de syndicalistes et de dirigeants de l’USO pour leur participation à la grève, le gouvernement signale que l’entreprise déclare avoir demandé l’appui du Procureur général de la nation dans le but de préserver la sécurité des travailleurs qui ont poursuivi leurs activités au sein de la Gérance générale du complexe de Barrancabermeja lors du mouvement encouragé par l’USO. L’entreprise ajoute que le système juridique colombien non seulement prévoit des garanties de tous ordres en faveur des personnes qui ont le statut de subordonnés dans une relation de travail, mais que tous les citoyens bénéficient d’un ensemble de principes que l’Etat est tenu de respecter, notamment la certitude de pouvoir accéder à la justice et porter plainte lorsqu’on porte atteinte à leur vie, à leur honneur et à leurs biens. En ce qui concerne les enquêtes relatives à Hermes Suárez et Edwin Palma, le gouvernement déclare qu’on ne dispose pas de détails sur la date et le lieu des faits, de sorte qu’un renvoi aux autorités judiciaires est problématique.
- 624. Enfin, le gouvernement déclare qu’à la date du 26 mai 2004 il a signé un document par lequel les parties ont convenu de soumettre la situation des 248 travailleurs à un tribunal arbitral volontaire. Le tribunal mentionné a rendu une sentence arbitrale le 21 janvier 2005, par laquelle il s’est prononcé sur la situation de 161 travailleurs sur les 248 travailleurs licenciés (les autres ont demandé une pension de retraite). Plus précisément, le dispositif de la sentence se lit comme suit: 1) ordonner la réintégration pleine et entière (ce qui comprend le paiement des salaires non perçus à compter du licenciement et jusqu’au moment de la réintégration) de deux travailleurs; 2) résilier légalement les contrats et, en conséquence, refuser la réintégration, sans qu’il y ait lieu à indemnisation, de 33 travailleurs; 3) ordonner le paiement d’indemnités, sur la base du dernier salaire, à 22 travailleurs; 4) ordonner la réintégration avec indemnisation de 104 travailleurs aux fins de l’application du Code disciplinaire. Le gouvernement joint en annexe une copie de la sentence.
- 625. Dans sa communication du 15 février 2005, le gouvernement rappelle que la convocation du tribunal arbitral obligatoire était conforme aux dispositions de l’article 452 du Code du travail.
- 626. S’agissant des violations alléguées des articles 16 et 453 du Code du travail et 29 de la Constitution politique, du fait qu’il a désigné l’arbitre représentant les travailleurs, le gouvernement signale qu’en vertu des dispositions de la décision no 01948 du 29 novembre 2002 il relève de la compétence du ministère de la Protection sociale de convoquer et de constituer les tribunaux arbitraux et de désigner les arbitres, si l’une des parties renonce à le faire. Cette disposition n’a pas fait l’objet de commentaires de la part des organes de contrôle de l’OIT.
- 627. Cette renonciation peut être constatée dans le contenu des décisions nos 001803 du 7 juillet 2003, 001908 du 17 juillet 2003, 002159 du 8 août 2003 et 002449 du 1er septembre 2003, par lesquelles le ministère de la Protection sociale, conformément aux compétences conférées par la loi, a désigné l’arbitre de l’USO; à cet effet, il a tenu compte du fait que, les délais légaux prévus à l’article 2 de la décision no 000382 du 25 mars 2003 ayant expiré, l’USO s’est abstenue de désigner l’arbitre qu’il lui revenait de désigner.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 628. Le comité observe que les questions soulevées dans le présent cas concernent les points suivants: 1) la déclaration d’illégalité, proclamée par le ministère de la Protection sociale, d’une grève menée à l’encontre d’une sentence arbitrale rendue par un tribunal arbitral obligatoire convoqué unilatéralement par ledit ministère à l’issue de négociations qui ont duré plusieurs mois [selon le gouvernement, en novembre 2002, les organisations plaignantes ont présenté un cahier des revendications et l’entreprise ECOPETROL a dénoncé partiellement la convention collective; la phase de négociations directes s’est déroulée du 5 décembre 2002 au 21 mars 2003; le 25 mars 2003, le ministère de la Protection sociale a convoqué le tribunal arbitral obligatoire; le tribunal arbitral obligatoire a rendu la sentence arbitrale le 9 décembre 2003; pendant les travaux normaux du tribunal arbitral obligatoire, des discussions informelles ont eu lieu entre les parties; le 16 janvier 2004, l’USO a pris la décision de faire grève; le 22 avril 2004, l’USO a proclamé la grève et, à la même date, le ministère de la Protection sociale a déclaré qu’elle était illégale; entre le 30 avril et le 15 mai 2004, l’entreprise ECOPETROL SA a résilié 248 contrats de travail]; et 2) les licenciements, après la déclaration d’illégalité de la grève, ont touché de nombreux syndicalistes et dirigeants syndicaux. Le comité observe également que, d’après les déclarations des organisations plaignantes et du gouvernement, un accord mettant fin à la grève a été conclu le 26 mai 2004.
- 629. S’agissant des allégations concernant la convocation du tribunal arbitral obligatoire et la déclaration d’illégalité de la grève proclamée par l’autorité administrative du travail, étant donné que la législation considère le secteur pétrolier comme un service public essentiel, le comité note que selon le gouvernement: 1) les délais légaux ayant expiré sans que les parties soient parvenues à un accord lors de la phase de négociations directes, le ministère de la Protection sociale a ordonné la constitution du tribunal arbitral obligatoire chargé de trancher le conflit, étant donné que l’entreprise publique fournit un service public essentiel, comme l’a déclaré la Cour constitutionnelle, et que l’article 452 du Code du travail stipule que les conflits collectifs qui surviennent dans des entreprises de services publics essentiels doivent être soumis à un tribunal arbitral obligatoire; et 2) en ce qui concerne la décision de déclarer la grève illégale, le ministère de la Protection sociale s’est basé sur l’article 430 du Code du travail qui stipule que: «conformément à la Constitution nationale, la grève est interdite dans les services publics. A cet effet, on entend par service public toute activité organisée qui tend à satisfaire les besoins d’intérêt général de façon régulière et continue, en conformité avec le système juridique spécial, qu’elle soit réalisée par l’Etat, directement ou indirectement, ou par le secteur privé. Par conséquent, constituent un service public notamment les activités suivantes: ... h) les activités d’exploitation, de raffinage, de transport et de distribution du pétrole et de ses produits dérivés, lorsqu’ils sont destinés à l’approvisionnement normal en combustible du pays, à l’appréciation du gouvernement»; il relève de la compétence du ministère de la Protection sociale de déclarer illégal un arrêt de travail ou un débrayage collectif en vertu des dispositions de l’article 451 du Code du travail.
- 630. Le comité constate que la nature de service public essentiel assuré par l’entreprise pétrolière ECOPETROL SA a été à l’origine de la convocation du tribunal arbitral obligatoire et de la déclaration d’illégalité de la grève dans le service public pétrolier. A cet égard, le comité a considéré à maintes reprises que les installations pétrolières ne constituaient pas des services essentiels au sens strict du terme. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 545.] Le comité souligne que le secteur en question n’est pas un service essentiel au sens strict du terme (c’est-à-dire les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l’ensemble de la population) dans lequel la grève peut être interdite. Le gouvernement pourrait toutefois envisager la possibilité d’assurer un service minimum négocié entre les syndicats et les autorités publiques concernées. A cet égard, le comité a considéré que «le maintien de services minima en cas de grève ne devrait être possible que: 1) dans les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l’ensemble de la population (services essentiels au sens strict du terme); 2) dans les services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme mais où les grèves d’une certaine ampleur et durée pourraient provoquer une crise nationale aiguë menaçant les conditions normales d’existence de la population; et 3) dans les services publics d’importance primordiale». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 556.] Par ailleurs, le comité rappelle que dans d’autres cas relatifs à la Colombie il a déjà contesté l’imposition d’un arbitrage ayant des effets obligatoires dans des services non essentiels comme le secteur pétrolier [par exemple dans le secteur de l’exploitation du gaz, voir 236e rapport, cas no 1140, paragr. 144]. De même, alors qu’il examinait un cas d’interdiction de grève dans le secteur pétrolier, le comité a estimé que ce secteur ne constituait pas un service essentiel au sens strict du terme; néanmoins, il constituait, dans le contexte de ce cas, un service public dans lequel devrait être maintenu, en cas de grève, un service minimum négocié entre les syndicats, les employeurs et les autorités de sorte que les besoins essentiels des usagers de ces services puissent être satisfaits. [Voir 327e rapport, cas no 1865 (République de Corée), paragr. 488.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour apporter les modifications nécessaires de la législation (en particulier l’article 430, point h)), conformément aux principes mentionnés, et le prie de le tenir informé de toute mesure adoptée à cet égard.
- 631. S’agissant de la déclaration d’illégalité de la grève proclamée par le ministère de la Protection sociale, le comité note que le gouvernement déclare avoir agi en conformité avec la législation interne (art. 451 du Code du travail), qui stipule que ce ministère a compétence pour déclarer illégal un arrêt de travail ou un débrayage collectif. A cet égard, le comité rappelle qu’à maintes reprises il a signalé que «la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 522.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 451 du Code du travail en conformité avec ce principe.
- 632. S’agissant de l’allégation relative à la désignation par l’autorité administrative de l’arbitre qui représentait les travailleurs au sein du tribunal arbitral obligatoire, le comité note que selon le gouvernement la décision no 01948 du 29 novembre 2002 donne compétence au ministère de la Protection sociale pour convoquer et constituer les tribunaux arbitraux et désigner les arbitres, si l’une des parties renonce à le faire et que cette disposition n’a pas fait l’objet de commentaires de la part des organes de contrôle. A cet égard, le comité observe que le sous-alinéa 4 de l’article 453 du Code du travail concernant les tribunaux spéciaux stipule que: «La renonciation de l’une des parties à son droit de désigner un arbitre donnera au ministère du Travail le droit de le faire...» Compte tenu de ces informations, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.
- 633. Enfin, le comité note que les organisations plaignantes et le gouvernement l’informent qu’un accord mettant fin à la grève a été conclu le 26 mai 2004, où les parties conviennent ce qui suit: a) la fin de l’arrêt collectif de travail et la reprise du travail; b) l’engagement de l’entreprise de ne plus résilier de contrats de travail pour un juste motif et son engagement de ne pas donner suite aux actions administratives en matière de travail qui auraient été engagées et qui n’auraient pas été notifiées; et c) porter devant un tribunal arbitral volontaire la situation des 248 travailleurs licenciés. Le comité note que le 21 janvier 2005 le tribunal arbitral constitué à cet effet a ordonné la réintégration pleine et entière de deux des travailleurs, la résiliation des contrats de 33 travailleurs sans réintégration et sans reconnaissance d’indemnités, la réintégration de 104 travailleurs en application du Code disciplinaire et le paiement d’une indemnité à 22 travailleurs (les autres travailleurs ont demandé une pension). Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de veiller au respect des clauses de l’accord conclu le 26 mai 2004, en particulier en ce qui concerne l’engagement de l’entreprise ECOPETROL de ne pas donner suite aux actions administratives en matière de travail engagées contre les travailleurs qui n’auraient pas été notifiées. De même, étant donné que les sanctions de licenciement appliquées aux travailleurs découlent d’une législation présentant des problèmes de conformité avec les principes de la liberté syndicale, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que, lorsque sera réexaminée la situation des travailleurs licenciés – après la réintégration en vertu de la sentence rendue par le tribunal arbitral volontaire –, il soit tenu compte des principes mentionnés dans le présent cas et que lesdits travailleurs ne soient pas sanctionnés pour le seul fait d’avoir participé à la grève.
- 634. S’agissant des licenciements allégués de onze autres dirigeants au début du conflit en novembre 2002, le comité note que selon le gouvernement: 1) sept seulement des onze travailleurs licenciés mentionnés par les organisations plaignantes étaient des dirigeants syndicaux; 2) leur licenciement découle de leur participation active à un arrêt de travail collectif les 19 et 20 novembre 2002, avant la présentation du cahier des revendications que les plaignants mentionnent dans la plainte; et 3) les décisions de licenciement ont fait l’objet d’un recours devant l’autorité judiciaire et les demandes de réintégration n’ont pas été accueillies. A cet égard, le comité demande au gouvernement et aux organisations plaignantes de l’informer si d’autres procédures judiciaires sont en cours à l’encontre de ces dirigeants syndicaux.
- 635. Enfin, s’agissant des allégations relatives aux procédures pénales qui auraient été engagées contre sept dirigeants syndicaux de l’USO (dont le nom est mentionné dans la plainte) du fait qu’ils ont participé à la grève, le comité note que selon le gouvernement l’entreprise a donné les informations suivantes: 1) elle a demandé l’appui du Procureur général de la nation dans le but de préserver la sécurité des travailleurs qui ont poursuivi leurs activités au sein de la Gérance générale du complexe de Barrancabermeja lors du mouvement encouragé par l’USO; et 2) le système juridique colombien non seulement prévoit des garanties de tous ordres en faveur des personnes qui ont le statut de subordonnés dans une relation de travail, mais veille aussi à ce que tous les citoyens bénéficient d’un ensemble de principes que l’Etat est tenu de garantir, notamment la certitude de pouvoir accéder à la justice et porter plainte lorsqu’on porte atteinte à leur vie, à leur honneur et à leurs biens. A cet égard, le comité déplore que le gouvernement n’ait pas communiqué des informations détaillées sur les faits imputés aux dirigeants syndicaux ni sur les procès intentés. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de lui communiquer des informations sur les faits précis et les accusations portées contre les dirigeants syndicaux mentionnés par l’USO, sur l’état de la procédure les concernant et s’ils sont détenus. Par ailleurs, en ce qui concerne l’état de la procédure engagée contre MM. Hermes Suárez et Edwin Palma (arrêtés, selon les plaignants, les 3 et 11 juin 2004, pour complot en vue de délit et terrorisme), le comité note que le gouvernement déclare manquer de détails sur la date et le lieu des faits, de sorte qu’un renvoi aux autorités judiciaires est problématique. Tenant compte des informations transmises par l’organisation plaignante, le comité demande au gouvernement de le tenir informé sur l’état de la procédure engagée contre ces travailleurs.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 636. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour apporter les modifications nécessaires à la législation (en particulier l’article 430, point h), du Code du travail), de telle manière qu’il soit possible de faire grève dans le secteur pétrolier, un service minimal négocié assurant le fonctionnement pouvant être prévu avec la participation des syndicats, des employeurs et des autorités publiques concernées. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure adoptée à cet égard.
- b) Rappelant que la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 451 du Code du travail en conformité avec ce principe.
- c) S’agissant du licenciement de 248 travailleurs après la déclaration d’illégalité de la grève au sein de l’entreprise ECOPETROL SA, le comité demande au gouvernement de veiller au respect des clauses de l’accord conclu le 26 mai 2004 pour mettre fin au conflit, en particulier en ce qui concerne l’engagement de l’entreprise de ne pas donner suite aux actions administratives en matière de travail engagées contre les travailleurs qui n’auraient pas été notifiées. De même, étant donné que les sanctions de licenciement appliquées aux travailleurs découlent d’une législation présentant des problèmes de conformité avec les principes de la liberté syndicale, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que, lorsque sera réexaminée la situation des travailleurs licenciés – après la réintégration en vertu de la sentence rendue par le tribunal arbitral volontaire –, il soit tenu compte des principes mentionnés dans le présent cas et que lesdits travailleurs ne soient pas sanctionnés pour le seul fait d’avoir participé à la grève.
- d) Le comité demande également au gouvernement et aux organisations plaignantes de l’informer de l’existence d’autres procédures judiciaires en cours à l’encontre des onze autres dirigeants syndicaux (d’après le gouvernement, il n’y en avait que sept).
- e) S’agissant des allégations relatives aux procédures pénales qui auraient été engagées à l’encontre de sept dirigeants syndicaux de l’USO (dont le nom est mentionné dans la plainte) du fait qu’ils ont participé à la grève, le comité demande au gouvernement de lui communiquer des informations sur les faits précis et les accusations portées à leur encontre, sur l’état de la procédure les concernant et d’indiquer s’ils sont détenus. De même, le comité demande au gouvernement de l’informer sur l’état de la procédure engagée contre MM. Hermes Suárez et Edwin Palma (arrêtés, selon les plaignants, les 3 et 11 juin 2004, pour complot en vue de délit et terrorisme).