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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration - Rapport No. 343, Novembre 2006

Cas no 2375 (Pérou) - Date de la plainte: 30-JUIL.-04 - Clos

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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration

Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
  1. 172. Lors de son examen antérieur du cas en novembre 2005, le comité, en l’absence d’observations de la part du gouvernement, a formulé les recommandations suivantes [voir 338e rapport, paragr. 1228]:
  2. a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 45 du décret-loi no 25593 et l’article 46 de la loi no 27912 afin de les rendre conformes aux normes et principes de l’OIT en ce qui concerne le niveau de négociation collective;
  3. b) Le comité demande au gouvernement d’inviter les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives à créer un mécanisme de règlement des différends relatifs au niveau auquel la négociation collective doit avoir lieu.
  4. 173. Il convient de rappeler à cet égard que, dans ses conclusions lors du dernier examen du cas, le comité avait observé que le décret-loi no 25593 du 26 juin 1992 portant sur les relations collectives de travail stipule dans son article 45: «S’il n’existe pas préalablement une convention collective à l’un quelconque des niveaux mentionnés à l’article précédent, les parties décideront, d’un commun accord, le niveau auquel elles négocieront la première convention. Faute d’accord, la négociation aura lieu au niveau de l’entreprise.» «Si une convention existe à un niveau quelconque, l’accord des parties est indispensable pour engager des négociations sur des dispositions de remplacement ou des dispositions complémentaires, étant donné que de telles dispositions ne pourraient être édictées ni par un acte administratif ni par une sentence arbitrale. [...]»De son côté, l’article 46 de la loi no 27912 entrée en vigueur le 9 janvier 2003 établit que: «Si un niveau de négociation existe dans une branche d’activité déterminée, ce niveau sera maintenu.» [Voir 338e rapport, paragr. 1223.]
  5. 174. D’un autre côté, lors du dernier examen du cas, le comité avait pris note que, dans les considérants de la décision de la Cour constitutionnelle du 26 mars 2003 mettant l’accent sur l’obligation de l’Etat de promouvoir la négociation collective, en invoquant l’article 28 de la Constitution, ainsi que l’article 4 de la convention no 98 de l’OIT, il est dit que:
  6. (...) le régime de travail des travailleurs du secteur de la construction civile présente des caractéristiques très singulières qui le différencie de celui d’autres secteurs, notamment: a) le caractère occasionnel, puisque la relation de travail n’est pas permanente; la relation de travail dure tant que s’effectue le travail pour lequel les travailleurs ont été engagés ou tant que l’ouvrage est en exécution; b) l’emplacement occasionnel, puisqu’il n’y a pas d’endroit fixe et permanent où les travaux de construction sont réalisés.
  7. Il s’ensuit que, tant que le travailleur de la construction civile prête ses services à une multiplicité d’employeurs, la possibilité qu’il puisse compter sur une organisation syndicale au niveau de l’entreprise devient diffuse; il s’ensuit qu’il est pratiquement impossible de négocier plusieurs fois par année. Etant donné cette situation particulière qui prévaut dans le secteur de la construction civile, il est juste et raisonnable que l’Etat intervienne pour que la négociation collective ne devienne pas inopérante et qu’il prenne des mesures visant à promouvoir une négociation effective. C’est pourquoi il faudra supprimer de notre système juridique les normes qui sont incompatibles avec une promotion réelle de la négociation dans le secteur de la construction civile; si tel est le cas, il conviendra d’adopter des normes qui, sans perdre de vue que le niveau de négociation doit être fixé par accord mutuel, disposent que le niveau de négociation sera celui de la branche d’activité quand il n’est pas possible d’arriver à un tel accord mutuel.
  8. C’est la raison pour laquelle le traitement différencié adopté par l’Etat dans ce cas ne constitue pas en tant que tel une violation du droit à l’égalité ou de la négociation collective puisqu’il se fonde sur des critères objectifs et raisonnables. (…)
  9. [Voir 338e rapport, paragr. 1223.]
  10. 175. Dans ses communications du 2 novembre 2005, des 1er juin et 29 septembre 2006, le gouvernement signale que l’OIT n’a fait aucune objection à l’article 45 de la loi sur les relations collectives de travail, met en question certaines affirmations des organisations d’employeurs plaignantes et expose en détail l’évolution de la négociation collective par branche d’activité dans le secteur de la construction depuis 1962 (en insistant tout particulièrement sur la phase du gouvernement dictatorial de la décennie quatre-vingt-dix et sur ses effets néfastes sur la syndicalisation et sur la négociation collective) et les différentes règles et législations qui se sont appliquées en la matière, et signale que les parties négociatrices (la Fédération de la construction civile du Pérou et la Chambre péruvienne de la construction) n’ont cessé de négocier au niveau de la branche d’activité depuis 2001; en 2005, elles ont signé une convention collective pour 2005-06 sans qu’aucune réticence ou objection n’ait été manifestée par la partie entrepreneuriale. Le gouvernement se réfère à une sentence de l’autorité judiciaire sur la négociation collective dans la construction selon laquelle la détermination du niveau de la négociation ne saurait se faire par acte administratif; toutefois, le tribunal constitutionnel a estimé que le principe d’égalité n’est pas violé dans la mesure où, du fait de la situation particulière du secteur de la construction, il est «raisonnable et justifié» que l’Etat intervienne en mettant en place des mesures destinées à favoriser une négociation effective.
  11. 176. Le gouvernement souligne les points suivants:
  12. – depuis 1992 et jusqu’à présent, l’arsenal juridique national ne cesse de perfectionner ses dispositions en matière de négociation collective, afin de le mettre en conformité avec les prescriptions des conventions internationales en la matière;
  13. – l’OIT n’a émis aucune objection aux dispositions renfermées dans l’article 45 de la loi sur les relations collectives de travail (bien qu’elles aient été analysées dans différents cas ayant été présentés devant le Comité de la liberté syndicale) mais, de plus, elle n’a pas considéré la contravention audit article que présuppose la troisième disposition transitoire de la loi, en établissant que toutes les négociations collectives en cours doivent être ratifiées à son niveau et que, faute d’accord, il est entendu que la négociation collective se fera au niveau de l’entreprise;
  14. – les différences entre les positions défendues par la CAPECO et celle tenue par l’Etat et adoptée de manière appropriée par le pouvoir judiciaire sont les suivantes:
  15. a) dans le cas du secteur de la construction civile, nous ne sommes pas devant une hypothèse de nouvelle négociation: il s’agit d’un secteur qui, par tradition et pour des raisons diverses déjà enracinées et assumées par les parties (coutume) depuis 1965, a vu les négociations se dérouler au niveau de la branche d’activité, rendant ainsi inapplicable le premier paragraphe de l’article 45 de la loi sur les relations collectives du travail;
  16. b) dans le cas de l’activité de la construction civile, du fait de ses caractéristiques particulières telles que précisées en détail dans la sentence du tribunal constitutionnel, nous ne sommes pas en présence d’un travail ordinaire mais d’une activité présentant des caractéristiques singulières liées à la durée (temporaire) de la relation de travail, aux conditions dans lesquelles cette relation se déploie et à la dispersion de la force de travail qui rendent «naturelle» la négociation collective par branche d’activité pour ce secteur de production; il n’est pas possible que la négociation se déroule à un niveau inférieur et, si cela se produit (occasionnellement), cela n’a pas lieu dans des situations d’équilibre;
  17. c) le dispositif national s’est rendu coupable de défauts de réglementation en délivrant les décisions ministérielles no 053-93-TR et no 051-96-TR, du fait que ces deux actes administratifs déterminent quel est le niveau de négociation applicable au secteur de la construction civile;
  18. d) l’article 45 de la loi sur les relations collectives de travail, dans son deuxième alinéa (la partie contestée par les employeurs), ne porte atteinte à aucune norme de l’OIT – ce qui n’a pas été contesté –, car il ne décide pas du niveau de négociation que doivent adopter les parties, mais donne, en l’absence d’un accord entre ces dernières, la possibilité d’une solution (basée sur les précédents ou conduites antérieures des parties), option qui se fonde sur une situation reconnue comme étant une source de droit dans l’arsenal juridique du travail: la coutume. En l’absence d’accord, la négociation continuera de se dérouler dans le cadre d’ores et déjà existant. C’est effectivement l’élément non contesté par les employeurs, à savoir celui qui conduit la négociation au niveau de l’entreprise en cas de nouvelles négociations collectives;
  19. e) eu égard à ce qui a été exprimé, on considère qu’il n’y a pas de violation du principe de l’autonomie de négociation prévu par l’article 4 de la convention no 98 dans la mesure où la promotion de la négociation collective incombant à l’Etat est garantie dans le deuxième paragraphe de l’article 45 de la loi sur les relations collectives de travail qui a été appliqué par la magistrature nationale;
  20. f) la décision adoptée par une instance administrative établissant que la négociation collective de la construction civile devrait se poursuivre est conforme à ce qui a été prévu dans l’intérêt supérieur de protéger la négociation collective et de ne pas la rendre ineffective. En ce sens, établir ou permettre que le refus de l’une des parties du fait que la négociation doit se faire au niveau de l’entreprise constitue une violation intégrale des principes prévus tant dans la convention no 87 que dans la convention no 98;
  21. g) si l’on admettait une position telle que celle revendiquée par l’organisation plaignante – en dépit d’une tradition historique nationale de négociation au niveau de la branche d’activité –, les travailleurs de la construction civile au Pérou devraient obtenir, dans chaque négociation qu’ils proposeraient, l’accord des employeurs au sujet du niveau de négociation et, faute d’accord du secteur de l’entreprise, il n’y aurait pas de négociation collective. Dans cet ordre des choses, il est clair que cette solution ne favorise ni n’encourage l’exercice du droit à la négociation collective que protège la convention no 98 de l’OIT;
  22. h) le deuxième paragraphe de l’article 45 du décret-loi no 25593 fait allusion au précédent de négociation et à la bonne foi des débats qui, d’après nous, doivent supposer le respect du niveau auquel ils avaient lieu historiquement en ayant conscience de son caractère obligatoire mais, en plus, exiger que la bonne foi implique pour le moins de dialoguer, d’entamer des pourparlers audit niveau, sans que cela n’implique l’imposition d’une décision ou résolution externe du différend économique. Le refus d’une organisation d’employeurs de négocier ou d’entamer des pourparlers au niveau de la branche d’activité ou, en général, à tout niveau proposé, ne paraît pas s’inscrire dans le cadre du principe de bonne négociation; mais en sachant de plus que, au niveau de l’entreprise ou de l’industrie, la négociation collective n’est pas réellement possible, du fait du contrôle unilatéral par l’employeur.
  23. 177. Pour finir, le gouvernement demande au comité de pouvoir évaluer trois points essentiels:
  24. – distinguer le cas précis de la négociation dans la construction civile, résolu par le tribunal constitutionnel (TC) par une sentence ayant pour effet de remettre en vigueur l’accord de négociation collective au niveau de la branche d’activité, affecté par l’application de la troisième disposition finale et transitoire du décret-loi no 25593. Au sens strict, vu l’existence d’un accord historique sur le niveau de négociation ayant vocation à la permanence, l’article 46 du décret-loi no 25593 est dénué d’effet concret; dès lors, la permanence du niveau de négociation découle de la convention et non de la règle étatique;
  25. – le point portant sur l’article 46 du décret-loi no 25593 ne renvoie pas à la question de la négociation collective dans la construction civile, puisqu’elle comporte un accord de détermination de niveau qui a été remis en vigueur par une sentence du tribunal constitutionnel avec l’autorité de la chose jugée. L’analyse de l’article 46, du fait qu’il s’agit d’une règle générale, conduit à évaluer les conditions du syndicalisme au Pérou, des différences de pouvoir sur le marché du travail donnant naissance à des rémunérations et des conditions de travail inéquitables; ce qui a conduit l’Etat péruvien à mettre en place des mesures de promotion du droit de négociation collective, l’une d’elles étant la négociation supra-entreprises, dans laquelle la corrélation de pouvoirs entre organisations d’employeurs et de travailleurs est moins symétrique que le niveau de l’entreprise. Cette règle donne lieu à une procédure positive (garantie positive) pour encourager la négociation supra-entreprises dans la mesure où la faiblesse syndicale existante exige que les lieux ne soient pas atomisés pour permettre la mise en œuvre effective du droit à la négociation collective (sur un plan réel et concret), dans une phase post «trauma social». Cela ne dénie pas le droit des parties à envisager d’autres niveaux; le décret-loi no 25593 a également prévu la possibilité de négociations parallèles à des niveaux divers, permettant leur articulation;
  26. – estimer qu’un niveau donné est le niveau souhaitable pour négocier collectivement est une garantie étatique positive. Le droit de négociation des deux parties est favorisé dans le respect de sa teneur étant donné que chacune des parties peut décider de ne pas négocier ou de ne pas parvenir à un accord, le différend collectif pouvant rester ouvert. La différence particulière consistant à favoriser un niveau réside dans le fait que la procédure de négociation collective réglementée par la loi prévoit des étapes et l’intervention de l’Autorité administrative du travail pour faciliter la notification d’actes, la préparation de rapports économiques, la médiation, la conciliation, etc.; on voit ainsi que, à chaque étape, le rôle de l’Etat est un rôle de collaboration, l’autonomie des parties demeurant garantie;
  27. – la négociation par branche d’activité dans ce cas précis a été le résultat de négociations historiques établies par les parties.
  28. 178. Enfin, à titre de conclusion finale, le gouvernement cite une conclusion de la CEACR, présentée dans son étude générale de 1994, paragraphe 236, qui met en garde contre la tendance à privilégier en matière d’emploi les droits individuels au détriment des droits collectifs et contre le risque que les changements structurels soient exploités pour affaiblir les syndicats si les autorités ne prennent pas des mesures pour l’empêcher.
  29. 179. Le gouvernement joint un long rapport, en date du 25 avril 2006, de la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou, qui couvre tous les principaux aspects de la plainte. Cette fédération qui, pour l’essentiel, recueille les arguments et informations du gouvernement et du tribunal constitutionnel, estime que le système actuel ne porte pas atteinte à l’esprit de la convention no 98 et s’oppose à la position des organisations plaignantes dans le cas no 2375, qui souhaiteraient que l’on revienne à la négociation au niveau de l’entreprise; il ajoute que le niveau de négociation au niveau de l’industrie est le niveau historique et la seule façon viable de concrétiser le droit de négociation collective dans le secteur de la construction.
  30. 180. Le comité prend note de la réponse complète du gouvernement qui contient des informations sur les caractéristiques spécifiques du système de relations professionnelles et de négociation collective dans le secteur de la construction, ainsi que des commentaires de la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou annexés à la réponse du gouvernement. S’il est certain que le comité a examiné le cas en novembre 2005 en n’ayant pas reçu la réponse du gouvernement et après lui avoir adressé un appel pressant pour qu’il réponde, le comité souligne que les organisations plaignantes (OIE, CONFIET et CAPECO) lui avaient transmis une copie de la sentence du tribunal constitutionnel sur cette affaire, dont le gouvernement reprend les arguments dans sa réponse ainsi que la fédération précitée.
  31. 181. Le comité prend note des arguments du gouvernement pour ce qui est des conclusions adoptées lors du précédent examen des cas ainsi que des commentaires de la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou et du tribunal constitutionnel en faveur de la négociation collective au niveau de la branche d’activité dans le secteur de la construction. Le comité veut qu’il soit bien clair que, dans ses conclusions antérieures, il n’avait pris parti ni pour la négociation au niveau de la branche d’activité (qui se produit dans la pratique depuis plusieurs années) ni pour la négociation au niveau de l’entreprise. Le principe fondamental indiqué par le comité est que le niveau de la négociation collective doit être déterminé librement par les parties concernées. A cet égard, le comité observe que, en application du système juridique national et en invoquant la convention no 98 de l’OIT, le tribunal constitutionnel a décidé que toutes les négociations collectives qui se tiendront dans le secteur de la construction devront se dérouler au niveau de la branche d’activité, modifiant ainsi le principe d’autonomie des parties et le principe de la négociation libre et volontaire, principes indissociables du droit de négociation collective consacré par la convention no 98. Le comité a estimé que, en cas de désaccord entre les parties sur le niveau de négociation, un système établi d’un commun accord par les parties, dans lequel elles pourront faire valoir de manière concrète leurs intérêts et points de vue, est plus conforme à la lettre et à l’esprit de la convention no 98 et de la recommandation no 163 qu’une décision générale de l’autorité judiciaire. Sur la base de ce qui précède, tout en prenant note de la déclaration du gouvernement faisant état de la possibilité légale d’articuler la négociation collective au niveau de la branche d’activité avec des négociations collectives au niveau de l’entreprise, le comité réitère les conclusions et recommandations qu’il a formulées à sa session de novembre 2005 et il demande au gouvernement d’inviter les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives à mettre en place un mécanisme de règlement des différends relatifs au niveau auquel la négociation collective doit avoir lieu (par exemple, un organe composé de personnalités indépendantes ayant la confiance des parties) et à prendre des mesures pour la modification de l’article 45 du décret-loi no 25593 et de l’article 46 de la loi no 27912, qui réglementent la question du niveau de la négociation collective.
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