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- 698. La plainte figure dans les communications envoyées par la Fédération générale des syndicats iraquiens (GFTU), les 29 septembre 2005 et 26 février 2006, et par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), le 24 octobre 2005.
- 699. Le gouvernement a formulé ses observations dans une communication datée du 23 janvier 2006.
- 700. L’Iraq a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, mais pas la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 701. Dans leurs communications datées des 29 septembre et 24 octobre 2005, et du 26 février 2006, les organisations plaignantes indiquent que, le 7 août 2005, le secrétaire général du Premier ministre a promulgué le décret no 875 au nom du Conseil des ministres de la République d’Iraq. Ce décret révoque, conformément aux instructions des forces d’occupation de l’époque, et sans consultation préalable, les dispositions prises dans le cadre de la loi administrative transitoire qui avait permis aux syndicats de fonctionner sans ingérence ni harcèlement de la part de l’Etat et qui avait ainsi légalisé le syndicalisme en Iraq pour la première fois depuis la mainmise du parti Ba’ath sur les syndicats dans les années soixante-dix.
- 702. Ce décret est libellé comme suit (selon la traduction fournie par la CISL):
- Le décret no 3 promulgué par le Conseil du gouvernement en 2004 avait donné naissance à une commission gouvernementale des droits sociaux et du travail présidée par Nasser al-Charderdi. Cette commission a été désinvestie de cette responsabilité et remplacée par une nouvelle commission qui est composée des ministres de la Justice, de l’Intérieur et des Finances, du ministre d’Etat en charge de l’Assemblée provisoire, du ministre de la Société civile et du ministre de la Sécurité nationale.
- Cette commission est chargée de revoir toutes les décisions prises pour contrôler la mise en œuvre du décret no 3 depuis sa publication en 2004 et doit contrôler toutes les ressources financières des syndicats et les empêcher de les redistribuer. Je propose par ailleurs l’élaboration d’un nouveau document sur le mode de fonctionnement, de gestion et d’organisation souhaitable des syndicats.
- Signé: Dr Fahdal Abass (secrétaire général du Premier ministre).
- 703. Les organisations plaignantes expliquent qu’en prenant le contrôle des finances des fédérations et syndicats existants le gouvernement iraquien les empêche de fonctionner et supprime tout droit de liberté syndicale sans indiquer la durée de cette suspension, ce qui constitue une violation des principes de liberté syndicale de l’OIT et une atteinte extrêmement préoccupante aux droits de l’homme en Iraq. La CISA demande expressément au gouvernement de respecter les droits et libertés des syndicats, de reconnaître les droits de sa filiale, la Fédération générale des syndicats iraquiens (GFTU), ainsi que la restitution de leurs biens et de leurs avoirs gelés.
- 704. La CISL ajoute que, de surcroît, le gouvernement n’a pas appliqué la loi sur le travail élaborée en consultation avec les syndicats et l’OIT et que les lois interdisant les syndicats aux niveaux local et national adoptées par Saddam Hussein ont été maintenues. Cela constitue une restriction inacceptable aux droits de l’homme et des syndicats garantis par la loi administrative transitoire.
- 705. La CISL fait également état d’un cas d’ingérence dans les affaires syndicales, les services de police ayant investi les locaux de la GFTU le 2 juin 2005 et arrêté son président, M. Jabbar Taresh.
- 706. Enfin, dans sa nouvelle communication du 26 février 2006, la CISA allègue que le gouvernement a commencé à donner des instructions concernant les élections syndicales et à imposer des conditions qui sont contraires aux statuts des syndicats en exerçant une tutelle sur le mouvement syndical. L’organisation plaignante proteste contre les actes d’ingérence des autorités dans l’exercice des droits syndicaux, tels que la constitution de comités préparatoires, les conditions d’élection des candidats des bureaux des syndicats, et dans les activités des syndicats en général. Par-là même, le gouvernement essaie de contrôler le mouvement syndical.
- B. Réponse du gouvernement
- 707. Dans sa communication du 23 janvier 2006, le gouvernement déclare que les syndicats et les confédérations de travailleurs d’Iraq exercent leurs activités en toute liberté et en toute indépendance, et que le ministère du Travail et des Affaires sociales est en étroite relation avec eux.
- 708. Le gouvernement fait savoir que, étant donné le grand nombre de confédérations et de syndicats qui ont été créés et compte tenu des circonstances exceptionnelles et transitoires que connaît le pays, il a édicté une résolution qui vise à protéger les avoirs des syndicats contre toute mainmise et toute manipulation jusqu’aux élections des délégués syndicaux.
- 709. Le gouvernement ajoute que, le 20 septembre 2005, à Damas, trois grands syndicats d’Iraq ont conclu un accord, qui a obtenu le soutien de la CISA, prévoyant l’élection par ces syndicats d’un organe administratif unifié élu chargé de les représenter au sein des commissions tripartites du travail et de la sécurité sociale, sans préjuger des droits des autres syndicats du pays.
- 710. A propos de M. Jabbar Taresh, le gouvernement déclare qu’il a été arrêté pour homicide, et non pour avoir exercé ses activités syndicales de président de la CISA.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 711. Le comité note que les allégations formulées dans ce cas concernent des restrictions apportées au droit des travailleurs de s’organiser par le décret no 875 du 7 août 2005 qui autorise le gouvernement à contrôler les finances des fédérations et syndicats existants et, par conséquent, à leur droit de créer des organisations de leur choix et d’y adhérer. Ces allégations évoquent également le maintien des lois interdisant les syndicats aux niveaux local et national, ainsi que la non-application de la nouvelle loi du travail, et font état d’un cas d’ingérence dans les affaires syndicales, les services de police ayant investi les locaux de la Fédération générale des syndicats iraquiens (GFTU) et arrêté son président.
- 712. Tout en prenant note du processus de reconstruction en cours dans le pays et de remise en place des institutions nationales, le comité insiste sur l’importance qu’il accorde au droit des travailleurs d’exercer librement leurs droits syndicaux.
- 713. Concernant les restrictions apportées à l’utilisation des fonds syndicaux, le comité rappelle que des dispositions qui conféreraient aux autorités le droit de restreindre la liberté d’un syndicat de gérer et d’utiliser ses fonds comme il le désire en vue d’objectifs syndicaux normaux et licites seraient incompatibles avec les principes de la liberté syndicale. Le gel d’avoirs bancaires syndicaux peut constituer une grave ingérence des pouvoirs publics dans les activités syndicales. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 438 et 439.]
- 714. Le comité prend note de la réponse du gouvernement selon laquelle les mesures prises unilatéralement par le gouvernement s’expliqueraient par les circonstances exceptionnelles et transitoires que connaît l’Iraq. A cet égard, le comité rappelle qu’il a été invité à plusieurs reprises à examiner des questions de dévolution du patrimoine syndical en période de transition. Dans ces cas-là, le comité a souligné l’importance qu’il accorde au principe selon lequel la dévolution du patrimoine syndical (y compris les biens immobiliers) ou, dans l’hypothèse où des locaux syndicaux sont mis à disposition par l’Etat, la redistribution de ces biens doit avoir comme objectif de garantir, sur un pied d’égalité, à l’ensemble des syndicats, la possibilité d’exercer effectivement leurs activités en toute indépendance. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 687.] Le comité invite par conséquent les autorités à abroger le décret no 875, à engager des discussions approfondies avec toutes les parties concernées afin d’aboutir à un accord qui donne satisfaction à toutes les parties concernées et à le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 715. Le comité prend note des allégations disant que les restrictions qui ont été apportées aux finances des fédérations et syndicats existants ont empêché ces derniers de fonctionner et ont supprimé tout droit de liberté syndicale. Il note également que le décret no 875 prévoit l’élaboration par le secrétaire général du Premier ministre d’un document proposant un mode de fonctionnement, de gestion et d’organisation pour les syndicats.
- 716. A cet égard, le comité appelle l’attention du gouvernement sur le principe selon lequel les dispositions législatives régissant de façon détaillée le fonctionnement interne des organisations de travailleurs et d’employeurs présentent des risques graves d’ingérence par les autorités publiques. Lorsque de telles dispositions sont jugées nécessaires par les autorités publiques, elles devraient se borner à établir un cadre global, en laissant la plus large autonomie possible aux organisations dans leur fonctionnement et leur gestion. Les restrictions à ce principe devraient avoir pour seul but de préserver l’intérêt des membres et de garantir le fonctionnement démocratique des organisations. Il devrait, par ailleurs, exister une procédure de recours devant un organe judiciaire, impartial et indépendant, pour éviter tout risque d’ingérence excessive ou arbitraire dans la liberté de fonctionnement des organisations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 331.] Le comité est convaincu que le gouvernement tiendra compte de ces principes au moment de l’élaboration de ses propositions concernant le mode de fonctionnement, de gestion et d’organisation des syndicats, et qu’il garantira pleinement, en droit et en pratique, le droit des travailleurs de créer des organisations de leur choix et d’y adhérer, ainsi que la liberté de fonctionnement et de gestion de ces organisations.
- 717. Le comité prend également note de l’allégation selon laquelle, de surcroît, le gouvernement n’a pas appliqué la loi sur le travail élaborée en consultation avec les syndicats et l’OIT et que les lois interdisant les syndicats aux niveaux local et national adoptées par Saddam Hussein ont été maintenues. Le comité note que le gouvernement n’a pas fourni d’information à cet égard. Au vu de ce qui précède, et notant que le processus d’élaboration d’un nouveau Code du travail a débuté en 2004, le comité espère que ce code sera adopté bientôt afin de garantir la protection pleine et entière du droit d’organisation et de négociation collective à tous les travailleurs et employeurs et à leurs organisations en Iraq, et que le gouvernement abrogera les lois interdisant les syndicats aux niveaux local et national.
- 718. Le comité note que la CISL fait état d’un cas d’ingérence dans les affaires syndicales, les services de police ayant investi les locaux de la Fédération générale des syndicats iraquiens (GFTU) et arrêté son président, M. Jabbar Taresh. Il prend également note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il aurait été arrêté pour homicide, et non pour avoir exercé ses activités syndicales.
- 719. Etant donné la contradiction entre les allégations du plaignant et la réponse du gouvernement et le libellé très général de ces deux allégations, le comité demande aux organisations plaignantes de lui fournir de plus amples informations sur l’arrestation de M. Taresh afin qu’il puisse formuler des conclusions sur cet aspect de l’affaire en pleine connaissance des faits.
- 720. S’agissant des allégations d’ingérence dans les élections syndicales présentées par la CISA dans sa communication du 26 février 2006, le comité rappelle le principe selon lequel les autorités devraient s’abstenir de toute intervention indue dans l’exercice du droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants. Il prie le gouvernement de répondre à ces allégations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 721. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Concernant les restrictions apportées à l’utilisation des fonds syndicaux, le comité invite les autorités à abroger le décret no 875, à engager des discussions approfondies avec toutes les parties concernées afin d’aboutir à un accord qui donne satisfaction à toutes les parties concernées et à le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- b) Le comité est convaincu que, lorsqu’il formulera des propositions concernant le mode de fonctionnement, de gestion et d’organisation des syndicats, le gouvernement garantira pleinement, en droit et en pratique, le droit des travailleurs de créer des organisations de leur choix et d’y adhérer, ainsi que la liberté de fonctionnement et de gestion de ces organisations.
- c) Le comité espère que le nouveau Code du travail sera adopté bientôt afin de garantir une protection pleine et entière du droit d’organisation et de négociation collective à tous les travailleurs et employeurs et à leurs organisations en Iraq, ainsi que l’abrogation des lois interdisant les syndicats aux niveaux local et national adoptées par Saddam Hussein.
- d) Le comité demande aux organisations plaignantes de lui fournir de plus amples informations sur l’arrestation du président de la GFTU, M. Taresh, afin qu’il puisse formuler des conclusions sur cet aspect de l’affaire en pleine connaissance des faits.
- e) Le comité prie le gouvernement de répondre aux allégations d’ingérence concernant les élections syndicales, formulées par la CISA dans sa communication du 26 février 2006.