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- 332. La plainte figure dans des communications du SYNTRA-MFPTRA datées du 26 mai 2006 et du 7 juillet 2006.
- 333. Le gouvernement a envoyé ses observations par des communications du 18 juillet 2006 et du 11 septembre 2006.
- 334. Le Bénin a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 335. Dans sa communication datée du 26 mai 2006, le Syndicat national des travailleurs du ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Réforme administrative allègue que la division (opérée par l’ancien gouvernement) de l’ancien ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative en deux ministères (le ministère du Travail et de la Fonction publique et de la Réforme administrative, et le ministère de la Réforme administrative et institutionnelle) a séparé les dirigeants syndicaux de leurs bases, démobilisant et déstabilisant l’organisation plaignante tout en éparpillant ses dirigeants.
- 336. Les autorités ont en outre procédé à des mutations de syndicalistes (nullement fondées sur les nécessités de service), se sont ingérées dans le fonctionnement de l’organisation plaignante et ont réalisé des manipulations pour opposer les syndicats du même milieu de travail.
- 337. Plus concrètement, l’organisation plaignante signale que les autorités sont décidées à la faire disparaître. Le 24 mai 2005, dix dirigeants ou syndicalistes de l’organisation plaignante (tous les membres du Bureau directeur et des responsables des cellules de base de la Direction des archives du contentieux et des affaires disciplinaires (DACAD) et de la Direction de la gestion des carrières des agents de l’Etat (DGAE)) ont été mutés et se sont retrouvés séparés de leurs bases respectives. Les militants de l’organisation plaignante sont en outre alarmés par des menaces de mutations très loin de la capitale Cotonou s’ils réalisent encore des mouvements de grève (comme ce fut le cas, par exemple, du syndicaliste Henri Akpaoka, à la suite du mouvement de grève de 2003).
- 338. Par ailleurs, l’organisation plaignante joint une lettre au Directeur du cabinet du ministre de la Fonction publique datée du 12 mai 2005 informant que «toute réunion des travailleurs sans indications claires de son ordre du jour ne saurait être autorisée» et demande en conséquence au syndicat de «reporter l’assemblée prévue dans la correspondance» concernant la tenue d’une assemblée générale des travailleurs du ministère. Des lettres sont annexées à la plainte faisant état d’ingérence, dont une en date du 9 novembre 2005 déniant l’autorisation d’organiser certaines séances de formation dans le domaine de la déontologie administrative tout en signalant que de toute façon la salle de conférence n’était pas disponible.
- 339. L’organisation plaignante souligne que le cabinet ministériel privilégie le syndicat SYNATRA et lui accorde des facilités (par exemple, véhicule pour faire des démarches administratives liées à la prime de gestion et à la prime de rendement).
- 340. Enfin, la rédaction de l’arrêté d’extension de la prime spécifique de gestion a été confiée au syndicat SYNATRA (proche du cabinet ministériel selon l’organisation plaignante) qui n’a pas déposé de motion de grève dans le passé. En outre, neuf syndicalistes de l’organisation plaignante ont vu diminuer (de plus de la moitié) ou disparaître les primes liées aux activités de reclassement pour motif de grève.
- 341. Dans sa communication datée du 7 juillet 2006, l’organisation plaignante allègue que, le 12 septembre 2003, une note de service (062/MFPTRA/DC/SGM/SA) officialisait un consensus des travailleurs en assemblée générale au sein du ministère chargé de la Fonction publique et du Travail selon lequel un prélèvement d’une somme forfaitaire de 1 000 francs CFA pour le compte du SYNTRA-MFPTRA était dû en tant que prime spécifique de gestion. L’organisation plaignante ajoute qu’en vue de créer la division le ministère a abrogé cette note, bénéficiant ainsi au syndicat «patronal» SYNATRA qui, par exemple, avait invité ses adhérents à ne pas suivre le mouvement de grève d’avril 2004 et à faire confiance au cabinet ministériel.
- 342. L’organisation plaignante joint le texte de la nouvelle note de service nº 055 (suite à l’abrogation de la note no 062) selon laquelle:
- En raison de l’existence de plusieurs organisations syndicales au sein du ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Réforme administrative, les positions de la note de service no 062/MFPTRA/DC/SGM/SA du 12 septembre 2003 relative au prélèvement par bénéficiaire de la somme de mille (1 000) francs CFA sur la prime spécifique à la gestion du personnel de l’Etat au profit du Syndicat des travailleurs du ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Réforme administrative (SYNTRA-MFPTRA) sont et demeurent abrogées.
- En conséquence, tout prélèvement sur ladite prime devra désormais se faire en concertation entre lesdites organisations syndicales.
- B. Réponses du gouvernement
- 343. Dans sa communication datée du 18 juillet 2006, le gouvernement indique que l’organisation plaignante SYNTRA-MFPTRA estime que les mutations, objet du titre d’affectation nº 041-MFPTRA/DC/SGM/DA/SA du 24 mai 2005, sont abusives au motif qu’elles ont séparé les membres du bureau directeur du syndicat de leurs bases, muselant ainsi le syndicalisme au sein du ministère chargé de la Fonction publique et du Travail. A cet égard, le gouvernement fait observer que plusieurs éléments méritent d’être pris en compte dans l’appréciation de cette allégation qui confirment que lesdites affectations d’agents ne sont motivées que par le souci de la bonne marche du service public et donc nullement dirigées contre un syndicat en particulier. En premier lieu, le titre d’affectation contesté concerne 31 agents mais le SYNTRA-MFPTRA n’en cite qu’une dizaine comme étant membres du bureau directeur et des cellules de base ou des supposés sympathisants du SYNTRA-MFPTRA. En second lieu, la mesure de redéploiement a pris en compte toutes les directions générales du ministère et non uniquement la Direction de la fonction publique comme a tenté de l’affirmer le SYNTRA-MFPTRA. Enfin, les services d’origine de tous les agents affectés ainsi que leurs nouveaux services d’accueil sont localisés dans la même ville et distants de moins de cinq (5) kilomètres. Certains sont même situés dans la même enceinte, tels la Direction de la gestion des carrières des agents de l’Etat, le Bureau des relations avec les usagers et la Direction de l’administration.
- 344. La plainte se réfère à la division de l’ancien ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Réforme administrative en deux départements distincts, à savoir: le ministère du Travail et de la Fonction publique (MTFP) et le ministère de la Réforme administrative et institutionnelle (MRAI). Les agents appartenant à l’ex-Direction générale de la réforme et de la modernisation de l’administration (DGRMA) se retrouvent au ministère chargé de la Réforme administrative et institutionnelle, qu’ils soient syndicalistes ou non. Le fait que des syndicalistes se retrouvent au MRAI ne présente donc aucun caractère d’injustice et ne cache aucune intention de démobilisation des organes syndicaux.
- 345. Quant à l’abrogation de la note de service nº 055/MFPTRA/DC/SGM/SA du 24 novembre 2004 qui subordonne tout prélèvement sur la prime spécifique de gestion du personnel de l’Etat, initialement effectué au profit du SYNTRA-MFPTRA, à une concertation entre les différents organes syndicaux, le gouvernement indique dans sa communication datée du 11 septembre 2006 que cette décision trouve sa justification dans l’existence, au sein du ministère du Travail et de la Fonction publique, de deux autres organisations syndicales, à savoir, le Syndicat national des corps de l’administration du travail (SYNACAT) et le Syndicat autonome des travailleurs du MFPTRA (SYNATRA). La mesure de prélèvement d’office sur les primes de tous les agents ne pouvait donc plus subsister au risque d’être qualifiée de discriminatoire, étant donné qu’aucune part n’était versée au profit du SYNACAT et du SYNATRA. Ce faisant, l’administration n’a pris aucune décision arbitraire et ne s’est pas rendue coupable d’ingérence dans les affaires syndicales mais a garanti l’égalité de traitement.
- 346. Quant à l’allégation du SYNTRA-MFPTRA selon laquelle les responsables du ministère chargé de la Fonction publique et du Travail se sont opposés à la tenue de ses réunions de concertation, le gouvernement précise que les réunions syndicales n’ont jamais été interdites au niveau du ministère. Cependant, la sécurité sur les lieux de travail relève de la compétence exclusive du chef de département qui en répond en cas de trouble de l’ordre public. La demande d’indication de l’ordre du jour d’une réunion ne saurait donc être interprétée comme une immixtion dans la vie et les affaires de l’organisation syndicale étant donné que ladite réunion pourrait se tenir sur les lieux et aux heures de travail. Il convient de souligner enfin que cette demande a été faite au lendemain des grèves politiques déclenchées par le SYNATRA-MFPTRA en conformité avec la décision de la Centrale des syndicats des travailleurs du Bénin à laquelle est affilié le SYNTRA-MFPTRA.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 347. Le comité note que les allégations concernent: 1) les différentes mesures des autorités pour séparer des syndicalistes de leurs bases, y compris la mutation de dix d’entre eux; 2) les restrictions aux droits de réunion syndicale; 3) des actes de favoritisme des autorités au bénéfice du syndicat SYNATRA; 4) la diminution ou disparition pour motif de grève des primes liées aux activités de reclassement à l’encontre de neuf syndicalistes; et 5) le changement unilatéral de régime de la prime de gestion dont le prélèvement appartenait à l’organisation plaignante.
- 348. En ce qui concerne les allégations sur la mutation des dirigeants ou syndicalistes de l’organisation plaignante, le comité note que, selon le gouvernement, elle a été motivée par la bonne marche du service public, a concerné 31 agents, dont seulement dix étaient mentionnés par le plaignant, s’est produite dans toutes les directions générales du ministère et a impliqué des destinations dans la même ville dans des centres distants de moins de cinq kilomètres ou encore dans la même enceinte. Le comité attire néanmoins l’attention du gouvernement sur le fait que la mutation des syndicalistes a certainement eu des conséquences sur le fonctionnement efficace du syndicat et relève que le gouvernement n’a pas fait état de consultations avec l’organisation plaignante lors de cette mutation. Le comité prie le gouvernement d’étudier avec l’organisation plaignante la façon d’atténuer l’impact de la mutation de ces syndicalistes et prie le gouvernement de procéder à des consultations franches et approfondies lorsqu’il considérera nécessaire de procéder à la mutation d’un nombre important de travailleurs, y compris des syndicalistes.
- 349. En ce qui concerne les allégations sur les restrictions au droit de réunion, le comité note que, selon le gouvernement, les réunions syndicales n’ont jamais été interdites et que la demande d’indication de l’ordre du jour des réunions serait liée à la sécurité sur les lieux de travail. Le comité relève cependant que le syndicat devrait pouvoir réaliser des réunions syndicales sans besoin de communiquer aux autorités l’ordre du jour, compte tenu du principe de l’article 3 de la convention no 87 d’après lequel les organisations ont le droit d’organiser librement leurs activités sans ingérence des autorités. Le comité souligne en outre que l’organisation plaignante a envoyé copie d’une communication du cabinet du ministre de la Fonction publique datée du 9 novembre 2005 déniant l’autorisation d’organiser certaines séances de formation dans le domaine de la déontologie administrative, tout en signalant que de toute façon la salle de conférence n’était pas disponible. Compte tenu de la déclaration du nouveau gouvernement selon laquelle des réunions syndicales n’ont jamais été interdites au niveau du ministère, le comité prie le gouvernement de respecter pleinement le droit de réunion syndicale sans exiger la communication de l’ordre du jour, qui reste une question interne aux syndicats.
- 350. En ce qui concerne l’allégation sur le changement unilatéral du régime de la prime de gestion dont le prélèvement appartenait à l’organisation plaignante, le comité note les déclarations du gouvernement selon lesquelles ce changement tenait compte du fait que, dans le ministère de la Fonction publique, il y avait au moins trois syndicats et que le changement a pour but d’assurer l’égalité de traitement entre organisations.
- 351. Enfin, notant que le gouvernement n’a pas envoyé ses observations sur les allégations concernant: 1) des actes de favoritisme des autorités au bénéfice du syndicat SYNATRA (selon les allégations, proche du Directeur du cabinet ministériel); et 2) la diminution ou la disparition pour motifs de grève des primes liées aux activités de reclassement à l’encontre de neuf syndicalistes, le comité prie le gouvernement de clarifier ces questions avec l’organisation plaignante en vue d’assurer le plein respect des principes de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 352. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) En ce qui concerne les allégations sur la mutation des dirigeants ou syndicalistes de l’organisation plaignante, le comité invite le gouvernement à étudier avec l’organisation plaignante la façon d’atténuer l’impact de la mutation de ces syndicalistes et prie le gouvernement de procéder à des consultations franches et approfondies chaque fois qu’il considérera nécessaire de procéder à la mutation d’un nombre important de travailleurs, y compris des syndicalistes.
- b) En ce qui concerne les allégations sur les restrictions au droit de réunion, compte tenu de la déclaration du nouveau gouvernement selon laquelle des réunions syndicales n’ont jamais été interdites au niveau du ministère, le comité prie le gouvernement de respecter pleinement le droit de réunion syndicale sans exiger la communication de l’ordre du jour, qui reste une question interne aux syndicats.
- c) Quant aux allégations concernant: 1) des actes de favoritisme des autorités au bénéfice du syndicat SYNATRA (selon les allégations, proche du Directeur du cabinet ministériel); et 2) la diminution ou la disparition pour motifs de grève des primes liées aux activités de reclassement à l’encontre de neuf syndicalistes, le comité prie le gouvernement de clarifier ces questions avec l’organisation plaignante en vue d’assurer le plein respect des principes de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.