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Rapport définitif - Rapport No. 350, Juin 2008

Cas no 2563 (Argentine) - Date de la plainte: 30-AVR. -07 - Clos

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  1. 218. La plainte figure dans une communication de l’Association des travailleurs de l’Etat (ATE) et de la Centrale des travailleurs argentins (CTA) en date d’avril 2007.
  2. 219. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par communication en date du 29 janvier 2008.
  3. 220. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 221. Dans leur communication en date d’avril 2007, la Centrale des travailleurs argentins (CTA) et l’Association des travailleurs de l’Etat (ATE) affirment que la décision du ministère de l’Education de la province de Salta de remplacer les enseignants en grève par des enseignants suppléants contrevient aux dispositions de la convention no 87. Les organisations plaignantes indiquent que la Constitution de l’Argentine, en son article 14bis, garantit le droit de grève en tant que droit fondamental des syndicats. D’autre part, le deuxième paragraphe de l’article 75, alinéa 22, confère un statut constitutionnel à un certain nombre de traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, parmi lesquels les Pactes de New York de 1966, en vertu desquels la convention no 87 est placée au même niveau (art. 8.3 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et art. 22.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels établit en outre, spécifiquement, que les Etats parties s’engagent à assurer le droit de grève (art. 8.1, d)). Enfin, la Constitution nationale, au premier paragraphe de l’article 75, alinéa 22, confirme la protection de la liberté syndicale, en conférant la primauté juridique aux autres traités internationaux dont les conventions de l’OIT. Pour sa part, la Constitution de la province de Salta garantit à tous les travailleurs l’exercice du droit de grève (art. 44.10, 46 et 65). Les organisations plaignantes affirment que, en dépit de ce qui précède sur la protection formelle du droit de grève, la ministre de l’Education de la province de Salta a décidé, par la décision no 602/07, de remplacer tous les enseignants participant à la grève organisée par l’Association des travailleurs de l’Etat. Selon les plaignants, cette décision vise à anéantir l’efficacité de la grève et sanctionne, de façon discriminatoire et illégale, les travailleurs qui participent à cette grève, en décidant de les remplacer.
  2. 222. Les plaignants indiquent que le 6 février 2007 le ministère de l’Education de la province de Salta a été informé des préoccupations des enseignants concernant la remise à niveau du salaire de base. Le 21 février 2007, n’ayant pas obtenu de réponse à la demande susvisée d’augmentation salariale, l’ATE a déclaré l’état d’alerte et de mobilisation permanente et a fait savoir que, en l’absence d’une réponse positive, des mesures d’action directe seraient entreprises. Ce message a été envoyé le jour même à la Direction générale du travail de la province de Salta. N’ayant finalement reçu aucune réponse à ces avis, le bureau provincial de l’ATE a mis à exécution les mesures annoncées, en déclarant la grève et la mobilisation pour une durée indéterminée à compter du 1er mars 2007. La ministre de l’Education a été mise en copie de cette décision.
  3. 223. Les organisations plaignantes indiquent que le mouvement social a eu une grande ampleur, la majorité des travailleurs du secteur y ayant participé. L’administration a alors pris des mesures pour contrer cette action et intimider les travailleurs qui y participaient. Les organisations plaignantes affirment que les grévistes et les personnes soupçonnées de faire grève ont fait l’objet d’enquêtes secrètes, de même que les dirigeants syndicaux concernés par ce conflit du travail. Ces enquêtes auraient été menées par la police de Salta. Une «liste noire» a été élaborée sur la base des données de l’enquête susmentionnée, laquelle liste comporterait le nom des travailleurs qui ont activement participé aux actions syndicales considérées. Dans ce contexte, la ministre de l’Education de la province de Salta, en vertu de la décision no 602/07 du 26 mars 2007, a décidé de remplacer les enseignants en grève, ce qui est une manœuvre manifeste visant à contrer et briser la grève.
  4. 224. Les organisations plaignantes ont communiqué le texte de la décision qui est libellé comme suit: «Article 1 – Autoriser les Directions générales de l’enseignement général de base, et de l’enseignement initial, de l’enseignement polymodal, des régimes spéciaux et de l’enseignement supérieur à assurer le service d’enseignement aux postes actuellement laissés vacants par leurs titulaires, du fait de l’action de grève qui empêche la prestation effective et continue du service prévu, d’où la décision d’assurer le service, conformément à la classification en vigueur, jusqu’à la reprise par les enseignants de leurs fonctions habituelles. Article 2 – Les agents désignés dans ces circonstances devront assurer la prestation de service, de façon réelle et effective, jusqu’au moment où les enseignants titulaires reprendront les fonctions en question. Article 3 – Il appartient à l’équipe de direction ou d’encadrement de mettre en œuvre les mesures correspondant à la décision.» Cette décision a été appliquée dans les établissements relevant du ministère de l’Education de la province de Salta à compter du 26 mars 2007.
  5. 225. Selon les plaignants, il convient de souligner que le jugement invoqué par la ministre comme «cause» de la décision considérée n’ordonne en aucun cas de remplacer les grévistes mais d’assurer l’enseignement. En outre, il ne conforte pas la revendication d’amparo en ce qui concerne le remplacement des grévistes. C’est pourquoi, si l’on interprète correctement les textes, la ministre est contrevenue au jugement qu’elle dit et prétend exécuter, aggravant ainsi la violation du droit à la liberté syndicale puisque, bien qu’elle sache que cette mesure ne saurait être prise, elle la prend dans l’intention de briser la grève. Qui plus est, le 2 avril 2007, l’administration a fait savoir, en publiant l’information dans le plus grand quotidien, qu’elle a pris une décision conjointe (nos 248 et 618) en vertu de laquelle les enseignants grévistes qui réintégreront leur poste le premier jour ouvrable du mois d’avril (soit le 3 avril 2007), en s’engageant à accomplir leur tâche de manière effective et continue (c’est-à-dire en renonçant au droit de grève), se verraient payer les jours de grève en plusieurs versements. Outre que cela constitue un acte de coercition de la part du ministère qui, par des mesures de séduction ou d’incitation, cherche à briser la grève, cela constitue par ailleurs un acte discriminatoire dans la mesure où les grévistes qui n’obtempéreront pas subiront l’intégralité de la réduction salariale, mesure qui est d’ailleurs actuellement mise à exécution au moment de la soumission de la présente plainte.
  6. 226. Selon les organisations plaignantes, il s’agit d’une manœuvre du gouvernement de la province de Salta, par l’intermédiaire du ministère de l’Education et de la police de Salta, qui vise à affaiblir la grève, l’empêcher et saper son efficacité. La mesure visant à remplacer les enseignants en grève a pour seul motif d’intimider les fonctionnaires et de les soumettre. Les organisations plaignantes admettent la possibilité d’imposer des limites à l’exercice du droit de grève, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires, dans la mesure où certaines catégories d’entre eux fournissent des services que l’on peut considérer comme des services essentiels (bien que dans le droit argentin cet aspect soit expressément stipulé en ce qui concerne certaines activités, parmi lesquelles l’emploi public en général n’est pas mentionné), mais cet argument, en l’espèce, n’est pas pertinent puisque l’Etat provincial n’invoque pas de restriction ni de difficulté liée à cet aspect mais se contente simplement de sanctionner de façon discriminatoire les personnes ayant participé à la grève. Les organisations plaignantes estiment, compte tenu de ce qui précède, qu’il s’agit là d’une violation manifeste de la liberté syndicale de la part des dirigeants de la province de Salta qui ont sanctionné des enseignants pour avoir participé à une grève, en les remplaçant par des suppléants pour anéantir la grève, ce qui est contraire aux dispositions des articles 3 et 10 de la convention no 87 de l’OIT.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 227. Dans sa communication du 29 janvier 2008, le gouvernement indique que, dans la mesure où les organisations plaignantes remettent en question un acte du gouvernement provincial, il convient de souligner qu’en vertu du système de gouvernement fédéral les provinces ont un statut d’autonomie qui leur permet de décider des mesures qu’elles estiment appropriées en ce qui concerne la gestion de leurs provinces administratives respectives, sans ingérence de la part du gouvernement national. De ce fait et eu égard à la décision no 602 du ministère de l’Education de Salta, qui autorise le recours à des enseignants suppléants pour assurer les fonctions des enseignants en grève pour une durée indéterminée, le gouvernement fait savoir qu’une solution au conflit a été trouvée par voie de conciliation volontaire entre le gouvernement de la province de Salta et les représentants syndicaux des enseignants de cette province les 12 et 13 avril 2007, les cours ayant repris le 15 avril à la suite de l’arrêt du mouvement social. Conformément à l’accord, les décisions du ministère de l’Education nos 602, 671 et 618 et les procédures administratives connexes n’ont pas été appliquées ni la proposition d’augmentation salariale et le paiement des jours de grève après rattrapage des cours non assurés. Enfin, le gouvernement indique que la décision des autorités provinciales mise en cause est restée lettre morte, et qu’en conséquence les éléments factuels sur lesquels se fonde le présent cas de liberté syndicale n’existent plus, l’affaire ayant été résolue.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 228. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes contestent la décision no 602/07 du 26 mars 2007 du ministère de l’Education de la province de Salta, qui prévoit le remplacement de tous les enseignants participant à la grève et à la mobilisation pour une durée indéterminée depuis le 1er mars 2007. Les plaignants indiquent que la grève a été décidée faute de réponse de la part des autorités du ministère de l’Education de la province à la communication datée du 6 février 2007, l’informant des préoccupations des enseignants au sujet de la remise à niveau du salaire de base et demandant une augmentation salariale. Le comité note par ailleurs que les organisations plaignantes ont présenté de graves allégations selon lesquelles la décision dénoncée avait pour objet, d’une part, de saper l’efficacité de la grève (ils ajoutent à cet égard que le 2 avril 2007 les autorités ont pris les décisions nos 248 et 618, qui disposent que les travailleurs grévistes qui réintégreront leur poste le premier jour ouvrable du mois d’avril, en s’engageant à accomplir leur tâche de manière effective et continue, se verraient payer les jours de grève en plusieurs versements) et, d’autre part, d’intimider les travailleurs participant à la grève (selon les plaignants, en particulier, la police de la province aurait effectué des enquêtes secrètes sur les grévistes et aurait élaboré une liste noire sur laquelle figure le nom des grévistes en se fondant sur les données recueillies au cours de ces enquêtes).
  2. 229. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle: 1) le conflit en question a été résolu par voie de conciliation volontaire entre le gouvernement de la province de Salta et les représentants syndicaux des enseignants les 12 et 13 avril 2007, les cours ayant repris le 15 avril à la suite de l’arrêt du mouvement social; et 2) l’accord prévoit de ne pas mettre à exécution les décisions du ministère de l’Education nos 602, 671 et 618 et les procédures administratives correspondantes, ni la proposition d’augmentation salariale et de paiement des jours de grève après rattrapage des cours manqués.
  3. 230. Tenant compte des informations concernant l’accord conclu, du fait que les procédures administratives sont restées lettre morte et du fait qu’il n’y a eu aucune sanction pour participation à la grève, le comité ne poursuivra pas l’examen des allégations soumises dans le présent cas. Néanmoins, il estime nécessaire de rappeler le principe selon lequel «l’embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel au sens strict du terme, où la grève peut être interdite, constitue une violation grave de la liberté syndicale» [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 632], et qu’il importe que les travailleurs qui exercent leur droit de grève pacifiquement ne soient l’objet d’intimidation d’aucune sorte.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 231. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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