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- 364. La plainte figure dans une communication de la Fédération nationale des travailleurs du secteur des travaux sanitaires (FENATRAOS) en date du 23 mai 2008.
- 365. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 5 janvier 2009.
- 366. Le Chili a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 367. Dans sa communication en date du 23 mai 2008, la Fédération nationale des travailleurs du secteur des travaux sanitaires (FENATRAOS) indique qu’elle regroupe 39 organisations syndicales de base dans tout le pays et compte 3 300 membres. Elle ajoute que, en 2006, par la décision no 35 émanant des ministères de la Défense, de l’Economie et du Travail et de la Prévoyance sociale, pour donner suite à la procédure de révision encouragée par le Comité de la liberté syndicale, dans son rapport no 326, cas no 2135, le gouvernement avait exempté les travailleurs des entreprises de travaux sanitaires de l’interdiction de déclarer la grève qui prévalait jusqu’alors dans leur secteur. Ledit principe a été ratifié par le gouvernement en 2007 par la décision no 30 émanant des mêmes ministères.
- 368. Pour appliquer ce nouveau principe, conforme aux directives des conventions nos 87 et 98 de l’OIT, le gouvernement a décidé avec l’ensemble des organisations qu’il n’y a pas d’inconvénient à ce que la grève soit déclarée dans les entreprises du secteur. Le gouvernement du Chili a dû tenir compte, entre autres, des aspects suivants: a) une grande partie des travailleurs des entreprises de travaux sanitaires n’est pas affectée à proprement parler à la production de l’eau ou au traitement des eaux usées, raison pour laquelle sa paralysie éventuelle n’est pas un argument et l’invoquer serait totalement arbitraire; b) en ce qui concerne ceux qui, effectivement, occupent des fonctions dans les services essentiels, il existe dans la réglementation de négociation collective des normes permettant d’assurer parfaitement la continuité du service, comme cela se fait avec la constitution d’équipes d’urgence (Code du travail, art. 380) qui est obligatoire dans le cas des entreprises chargées de «services spéciaux»: la possibilité pour l’entreprise d’embaucher du personnel de remplacement (Code du travail, art. 381), la possibilité de décréter la reprise du travail (Code du travail, art. 385); et c) la réalité du travail des entreprises de travaux sanitaires est, de par la responsabilité directe des entreprises, tellement complexe que l’interdiction de grève est totalement inefficace, vu que la production d’eau et le traitement des eaux usées sont en grande partie assurés par des entreprises de sous-traitance.
- 369. La FENATRAOS allègue que, malheureusement, après la révision faite par le gouvernement pour assurer le strict respect des conventions nos 87 et 98, elle a été lésée par l’intervention du Département de contrôle général de la République, qui a outrepassé ses compétences; en effet, ledit département, recevant une demande des entreprises privées du secteur des travaux sanitaires, dont la majeure partie a des capitaux multinationaux, a déclaré illégale la décision du gouvernement, par l’arrêté no 37849, estimant que les entreprises de travaux sanitaires assureraient des services essentiels ce qui, pour cet organisme de contrôle, obligerait le gouvernement à établir à leur égard une interdiction absolue de déclaration de grève. (L’arrêté du département de contrôle dispose qu’il convient d’inclure les concessionnaires de services sanitaires dans la liste des entités dont les travailleurs ne peuvent se déclarer en grève.)
- 370. Selon l’organisation plaignante, l’arrêté transgresse les normes de l’article 19, alinéa 16, de la Constitution et de l’article 384 du Code du travail puisque le contrôleur général de la République s’arroge un pouvoir d’évaluation que celles-ci attribuent exclusivement aux ministères du Travail et de la Prévoyance sociale, de la Défense nationale, et de l’Economie, du Développement et de la Reconstruction.
- 371. Conformément à l’article 19, alinéa 16, de la Constitution, les pouvoirs constituants ont disposé que la loi établirait des «procédures visant à déterminer les corporations ou les entreprises dont les travailleurs seront soumis à l’interdiction (…)» de déclarer la grève; cette disposition concerne «les personnes qui travaillent dans des corporations ou entreprises, quelle que soit leur nature, leur finalité ou leur fonction, assurant des services publics ou dont la paralysie pourrait gravement mettre en danger la santé, l’économie du pays, l’approvisionnement de la population ou la sécurité nationale». En application du mandat constitutionnel, l’article 384 du Code du travail établit, comme procédure visant à déterminer les corporations et entreprises dont les travailleurs ne pouvaient se déclarer en grève, une évaluation par les ministères du Travail et de la Prévoyance sociale, de la Défense nationale, et de l’Economie, du Développement et de la Reconstruction, évaluation effectuée chaque année au mois de juillet et exprimée par décision conjointe dans un acte administratif.
- 372. Contrairement à ce qui est énoncé dans l’article 384 susmentionné, où le sens et la portée des normes établies sont univoques, et il n’existe aucune polémique possible dans la doctrine nationale, l’arrêté contesté crée une différence erronée, sans consultation préalable, entre les entreprises qui seraient mentionnées dans l’alinéa a) dudit article et celles qui seraient reprises dans l’alinéa b). Cela est erroné parce que l’alinéa 16 de l’article 19 de la Constitution ne fait aucune distinction entre les deux situations et les soumet toutes à la procédure légale d’évaluation de l’article 384 du Code pénal. C’est d’autant plus grave qu’il viole la disposition constitutionnelle en ne se conformant pas à la procédure de loi et en introduisant un distinguo qui n’y est pas prévu, distinguo qui transgresse ouvertement les dispositions de l’article 384 dans le sens où l’évaluation pour les entreprises se trouvant dans l’une des situations décrites dans ledit article doit être effectuée exclusivement par les trois ministères mentionnés.
- 373. Evaluer signifie «apprécier ou déterminer les qualités et les conditions d’une personne ou d’une chose», ce qui revient à exprimer un jugement. Dans le cas en question, il s’agit d’apprécier si une entreprise concrète et déterminée assure des services publics, ce qui autorise à interdire à ses travailleurs le droit de grève. Il n’existe aucune norme définissant certaines entreprises comme assurant des services publics, ce concept n’a pas non plus de définition légale précise. L’alinéa 16 de l’article 19 établit un distinguo entre la situation des fonctionnaires d’Etat et des municipalités pour les travailleurs étant dans les situations de la deuxième partie du cinquième alinéa dudit paragraphe, c’est-à-dire des entreprises reprises dans les deux alinéas de l’article 384 du Code du travail.
- 374. La procédure d’évaluation ne s’applique qu’aux corporations ou entreprises assurant des services publics ou dont la paralysie pourrait mettre gravement en danger la santé, l’économie du pays, l’approvisionnement de la population ou la sécurité nationale. Elle ne s’applique pas aux fonctionnaires de l’Etat ni aux employés municipaux: dans ce cas, il n’y a rien à évaluer car cette qualité est établie concrètement par la loi. Par contre, dans le cas des entreprises qui assurent des services publics, l’évaluation, entendue comme procédure permettant d’attribuer pour une entreprise la mission essentielle d’assurer des services publics, est inévitable. Avant tout, il faut déterminer si le service fourni est d’utilité publique, ensuite il faut établir si l’entreprise est appelée dans ses fonctions et de manière essentielle à assurer ce service. Enfin, ce qui est le plus important, il est indispensable d’analyser si l’exercice du droit de grève compromettrait ou non le fonctionnement du service public.
- 375. L’article 380 du Code du travail confirme pleinement ce que nous venons d’exprimer car il considère la situation explicite d’un service essentiel – concept synonyme de service public – paralysé par une grève, vu que c’est principalement cette caractéristique qui est l’une des hypothèses qui contraint à constituer des équipes d’urgence. Il convient de dire la même chose de la norme établie dans l’article 385 relative à la possibilité de décréter la reprise du travail d’une entreprise paralysée par une grève ou un lock-out.
- 376. On ne peut donc faire valoir que la simple attribution de la qualité d’entreprise assurant des services essentiels ou d’utilité publique oblige automatiquement à priver ses travailleurs du droit de grève. Il est évident que si l’on agit ainsi, comme c’est le cas pour l’arrêté du Département de contrôle général de la République, des normes aussi claires que celles qui viennent d’être énoncées, qui admettent qu’il est parfaitement possible que les travailleurs qui assurent des services publics puissent exercer le droit de grève, sont transgressées. L’évaluation que doivent effectuer les ministères est donc impérative non seulement parce que l’article 384 l’ordonne mais aussi parce qu’il appartient à la juridiction applicable à la négociation collective d’exiger que l’évaluation ne soit pas mécanique mais pondérée, au cas par cas, et qu’elle analyse les différents aspects en cause.
- 377. Cette évaluation – qui en aucune manière n’incombe au département de contrôle – suppose d’analyser chaque cas en particulier et qu’il ne s’agit pas d’une matière susceptible de formulation objective. L’arrêté en question lui-même donne raison à cette interprétation dans le sens où, pour arriver à la conclusion qui motive la plainte, il effectue précisément une procédure d’évaluation qui ne lui incombe pas car la loi la réserve aux ministères déjà mentionnés.
- 378. Il est possible que l’évaluation faite par les ministères dans l’exercice de leurs devoirs légaux et de leur compétence exclusive paraisse erronée ou ne convienne pas au contrôleur général de la République parce qu’ils n’ont pas inclus les travailleurs des entreprises du secteur des travaux sanitaires. Mais ceci ne justifie pas l’arrêté car ce n’est pas le contrôleur qui est appelé à vérifier les questions de qualité, il n’agit que dans le cadre de la légalité. Selon les plaignants, il est plus qu’évident que les ministères, qui se sont limités à respecter les dispositions de l’article 384 du Code du travail en évaluant quelles sont les entreprises qui doivent être caractérisées comme assurant des services publics afin de décider de restreindre le droit de grève, ne peuvent pas avoir transgressé la loi.
- 379. Autrement, c’est-à-dire si on soutient qu’on est dans une situation d’illégalité, on ne comprend alors pas pourquoi le contrôleur limite les effets de l’arrêté aux seules entreprises sanitaires dans des circonstances où il existe bien d’autres entreprises qui assurent des services publics dans le domaine hospitalier, du transport, des communications, etc., qui n’ont pas été incluses dans les décisions émises pour respecter l’article 384. Les interdictions imposées par la législation au droit de grève sont clairement adressées aux travailleurs. Ce à quoi visent les lois, c’est à ce que la paralysie des fonctions n’affecte pas le fonctionnement d’entreprises qui assurent des services essentiels. Il faut qu’il y ait alors une relation nécessaire et directe de cause à effet entre la paralysie du travailleur, provenant de l’exercice éventuel de la grève, et le fonctionnement des services essentiels assurés par l’entreprise. S’il n’y a pas de telle relation, il n’y a pas de raison de limiter le droit de grève car, ainsi, le sens de la loi, dont l’application est restrictive, serait faussé.
- 380. Selon les plaignants, dans le cadre du respect des droits sociaux fondamentaux, il ne suffit pas que l’entreprise assure un service public pour interdire la grève mais il faut établir si la paralysie provenant de la grève met réellement en péril ou non ce service essentiel. Dans le présent cas, l’autorité, dans l’exercice de son pouvoir d’évaluation attribué par l’article 384 du Code du travail, a estimé de manière fondée qu’il n’y a pas de raison valable pour priver les travailleurs des entreprises sanitaires du droit de grève, étant donné que les normes sur la négociation collective offrent d’autres moyens permettant de satisfaire le bien social de protection de la population en ce qui concerne la réception des services sanitaires. Cela veut dire qu’il a estimé que, dans ce cas, le critère de nécessité selon lequel il est demandé que «la mesure ou la restriction du droit fondamental soit indispensable pour parvenir à une fin légitime, une autre alternative moins coûteuse ou moins contraignante n’existant pas» ne se justifie pas.
- 381. Il est curieux que les multinationales qui gèrent les entreprises sanitaires appellent à l’alerte publique sur le caractère essentiel de leurs services pour protéger la vie et la santé de la population alors qu’ils n’hésitent pas à couper l’approvisionnement en eau potable aux citoyens qui, à cause de difficultés économiques, sont en retard pour le paiement de leurs factures.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 382. Dans sa communication en date du 5 janvier 2009, le gouvernement déclare que, en 2006, par la décision no 35 des ministères de la Défense, de l’Economie, du Travail et de la Prévoyance sociale et pour donner suite à la procédure engagée par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2135, les travailleurs des entreprises sanitaires ont été exemptés de l’interdiction de déclarer la grève qui prévalait jusqu’alors dans leur secteur. Le Département de contrôle général de la République, pour sa part, et dans l’exercice des pouvoirs que lui confère la Charte fondamentale chilienne, particulièrement dans son article 88, premier alinéa, a déclaré illégale la décision du gouvernement déclarant que les entreprises sanitaires assureraient des services essentiels.
- 383. Le gouvernement indique que la Constitution politique de la République du Chili établit dans son article 16, cinquième alinéa et dernier alinéa, que «la négociation collective dans l’entreprise dans laquelle ils travaillent est un droit des travailleurs, excepté dans les cas où la loi expressément ne permette pas la négociation. La loi établira les modalités de la négociation collective et les procédures à suivre pour parvenir à une solution juste et pacifique dans la négociation. La loi indiquera les cas où la négociation collective devra être soumise à un arbitrage obligatoire qui reviendra à des tribunaux spéciaux d’experts dont l’organisation et les attributions seront établies par la loi. Ne pourront se déclarer en grève les fonctionnaires de l’Etat ni ceux des municipalités. Les personnes qui travaillent dans des corporations ou des entreprises, quelle que soit leur nature, leur finalité ou leur fonction, qui assureraient des services publics ou dont la paralysie pourrait mettre gravement en danger la santé, l’économie du pays, l’approvisionnement de la population ou la sécurité nationale, ne pourront pas le faire non plus. La loi établira les procédures visant à déterminer quelles sont les corporations ou les entreprises dont les travailleurs seront soumis à l’interdiction établie par cet alinéa.»
- 384. Le gouvernement ajoute que, conformément au mandat exprès de la Constitution chilienne et en vertu de celui-ci, l’article 384 du Code du travail chilien établit que «ne pourront déclarer la grève les travailleurs des entreprises: a) qui assureraient des services publics; ou b) dont la paralysie, par sa nature, pourrait mettre gravement en danger la santé, l’approvisionnement de la population, l’économie du pays ou la sécurité nationale». Le cinquième alinéa de la loi établit que «dans les cas énoncés dans cet article, si un accord direct n’est pas obtenu entre les parties de la négociation collective, il sera procédé à l’arbitrage obligatoire dans les termes prévus par la loi. L’évaluation, si l’entreprise n’est pas dans l’une des situations signalées antérieurement, sera effectuée chaque année au mois de juillet par décision conjointe des ministères du Travail et de la Prévoyance sociale, de la Défense nationale, et de l’Economie, du Développement et de la Reconstruction.»
- 385. Conformément aux règles précédemment citées, le Département de contrôle général de la République du Chili, dans l’arrêté en question, relève que le Code du travail chilien, après avoir considéré les deux hypothèses signalées, envisage un mécanisme visant à déterminer la configuration du motif interdisant la grève, mais seulement par rapport à celle examinée dans l’alinéa b) de l’article 384, mais ne le fait pas par rapport aux entreprises qui assurent des services publics. Et il ajoute: «à cet égard, il convient d’observer que ce traitement inéquitable par rapport aux entités qui assurent des services publics, tant dans la Constitution que dans le Code du travail, obéit au fait que l’activité ou l’orientation de ces entreprises concerne l’offre des fournitures les plus fondamentales et essentielles au bien-être de la population, raison pour laquelle il est cohérent que pour celles-ci l’interdiction de déclarer la grève soit effective sans qu’il soit nécessaire pour cela d’évaluer administrativement les effets envisageables d’une paralysie éventuelle, comme le dispose ce corps de loi dans la situation prévue dans l’alinéa b) de l’article 384 en question».
- 386. Le gouvernement reconnaît que la polémique suscitée concerne un problème d’évaluation du concept juridique indéterminé de «service public» qui, par mandat légal, dépend de l’évaluation effectuée par décision conjointe des ministères du Travail et de la Prévoyance sociale, de la Défense nationale, et de l’Economie, du Développement et de la Reconstruction. Cependant, rien n’empêche, selon la législation chilienne, que le Département de contrôle général de la République du Chili, dans l’exercice de ses fonctions constitutionnelles, déclare un acte de l’administration illégal. Etablir le contraire impliquerait de reconnaître que certains actes de l’administration seraient exemptés du contrôle de légalité que le département de contrôle effectue en toute raison, ceci serait très préjudiciable pour les institutions chiliennes.
- 387. En ce qui concerne le concept juridique indéterminé de «service public», si ni la Constitution politique de la République du Chili ni le Code du travail chilien ne précisent quelles sont les activités économiques qu’assurent ces services, en laissant l’évaluation aux ministères déjà mentionnés, c’est la commission d’experts de l’OIT elle-même qui, en 1983, le définit comme «les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne». En outre, le Comité de la liberté syndicale a précisé la définition précédemment exposée en indiquant que «les services essentiels au sens strict du terme sont ceux pour lesquels le droit de grève peut être restreint, voire interdit: le secteur hospitalier, les services d’électricité, les services téléphoniques, le contrôle du trafic aérien et les services d’approvisionnement en eau». L’application stricte de cette liste est renforcée par le fait que le Comité de la liberté syndicale a exclu certaines activités mentionnées auparavant, ne maintenant que celles qui, au sens le plus strict, étaient reprises dans la définition de services essentiels. Dans le même sens, bien que sans établir de concept, la loi générale chilienne sur les services sanitaires dispose que ceux auxquels se réfère l’article 19, alinéa 16, de la Charte fondamentale chilienne assurent des services publics.
- 388. C’est ainsi que le Comité de la liberté syndicale dispose que le droit de grève peut faire l’objet de restrictions, voire d’interdictions, dans la fonction publique ou les services essentiels «dans la mesure où la grève pourrait y provoquer de graves préjudices pour la collectivité nationale et pourvu que ces limitations soient accompagnées de certaines garanties compensatoires». L’Etat du Chili, en respect des dispositions antérieures, a introduit des garanties compensatoires par un arbitrage obligatoire dans les termes suivants de l’article 384 du Code du travail: «dans les cas auxquels se réfère ce présent article, si un accord direct entre les parties n’est pas obtenu en négociation collective, ils seront soumis à un arbitrage obligatoire dans les termes établis par la loi». De cette manière, le législateur chilien n’a en aucun cas voulu interdire le droit de grève dans certains secteurs mais, bien au contraire, il a établi une garantie compensatoire à la grève qui offre des garanties d’indépendance, d’impartialité et de rapidité dans lesquelles les parties peuvent intervenir à toutes les étapes dans le but que les travailleurs affectés par cette restriction ne soient pas lésés dans leurs droits du travail.
- 389. C’est dans ce contexte, et face à la décision antérieurement citée, que les ministères de l’Economie, du Développement et de la Reconstruction, du Travail et de la Prévoyance sociale, et de la Défense nationale, la Fédération nationale des travailleurs du secteur des travaux sanitaires (FENATRAOS), le Syndicat no 1 des travailleurs de l’entreprise Esval S.A., les travailleurs du service Aguas Antofagasta région II, différents syndicats d’Aguas Andina S.A. et Aguas Cordillera S.A., le Syndicat des travailleurs d’ESSMET S.A., le Syndicat des cadres et techniciens du secteur sanitaire d’Essal S.A. et le Syndicat des cadres et techniciens d’Aguas El Altiplano, s’efforçant de défendre le droit de grève et étendre la possibilité d’y recourir au moins pour les travailleurs des entreprises sanitaires, ont demandé au Département de contrôle général de la République de reconsidérer l’arrêté no 37849 de 2007.
- 390. Dans cette demande en reconsidération, les ministères signalent que, vu les dispositions de l’article 19, alinéa 16, de la Constitution politique, le droit de grève peut être restreint pour les travailleurs qui travaillent dans des corporations ou des entreprises – quelle que soit leur nature, leur finalité ou leur fonction – qui assurent des services publics et qu’il s’agit donc d’une interdiction qui est établie pour le travailleur et non pour les entités qui assurent lesdits services; il est donc nécessaire d’évaluer annuellement quelles sont celles qui seront incluses dans la décision triministérielle. Dans le même ordre d’idées, ils rappellent que la Charte fondamentale, en prévoyant cette restriction, considère le travailleur et non l’entreprise dans sa totalité, critère qui est compatible avec la nécessité de «faire prévaloir les restrictions de déclarer la grève au personnel strictement nécessaire pour garantir la prestation du service essentiel». Ils expliquent également que les entreprises sanitaires n’assurent pas directement les services publics mais font appel à la sous-traitance.
- 391. En se prononçant sur les données antérieures, le département de contrôle fait valoir qu’il n’est pas conforme aux dispositions de l’article 19, alinéa 16, de la Constitution que, sur base de considérations de caractère générique, on prétende exclure de la liste, contenue dans la décision triministérielle mentionnée, des entreprises déterminées qui assurent des services publics ou d’en inclure certaines et d’en exclure d’autres. Il dit qu’il en est de même avec les explications sur la nécessité de «faire prévaloir les restrictions de déclarer la grève au personnel strictement nécessaire pour garantir la fourniture de service essentiel» ou de le limiter seulement au personnel qui est impliqué dans ce type de services, car la disposition constitutionnelle établit de telles limitations pour toutes les personnes travaillant dans ce type d’entreprise. Il argue que, pour les mêmes raisons, l’autorité n’a pas la compétence d’effectuer des discriminations dans le but d’omettre de la décision triministérielle des entreprises déterminées d’utilité publique sur base de la considération que celles-ci, pour exécuter une partie de leur travail, ont recours au régime des sous-traitances.
- 392. Enfin, le gouvernement, par un savant travail de législation et d’administration, a lutté pour que les conventions de l’OIT soient pleinement respectées. Ainsi, les conventions, les recommandations et la doctrine abondante émanant de l’OIT ont été pleinement insérées dans la législation chilienne, dans le sens où ses normes de travail, indépendamment de sa hiérarchie, doivent y être conformes aux conventions, recommandations, principes et doctrine de ladite organisation. Conformément à la séparation des pouvoirs de l’Etat et dans le respect de l’interdiction qui lui est faite d’«exercer des fonctions juridictionnelles, de se mêler des procès en cours, de revoir les fondements de leurs décisions ou de rouvrir des affaires résolues», le gouvernement s’engage à tenir le Comité de la liberté syndicale informé de l’avancement des procédures en cours à cet égard.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 393. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante conteste l’arrêté no 37849 du Département de contrôle général de la République de 2007 par lequel il est considéré que les entreprises sanitaires assurent des services essentiels, et qu’il faut donc inclure les concessionnaires de services sanitaires dans la liste des entités dont les travailleurs ne peuvent se déclarer en grève (l’organisation plaignante rappelle que l’autorité administrative avait exempté les travailleurs des entreprises sanitaires de l’interdiction de déclarer la grève).
- 394. A cet égard, le comité note que le gouvernement déclare que: 1) en 2006, par la décision no 35, les ministères de la Défense, du Travail et de la Prévision sociale, donnant suite à l’examen du cas no 2135 par le Comité de la liberté syndicale, ont exempté les travailleurs des entreprises sanitaires de l’interdiction de déclarer la grève qui prévalait jusqu’alors dans leur secteur; 2) le Département de contrôle général de la République, dans l’exercice des pouvoirs que lui confère la Charte fondamentale du Chili, a déclaré illégale la décision du gouvernement en vertu de ce que les entreprises sanitaires assureraient des services essentiels; 3) la polémique suscitée concerne un problème d’évaluation du concept juridique indéterminé d’utilité publique qui, par mandat légal, est soumise à l’évaluation effectuée par une décision conjointe des ministères du Travail et de la Prévoyance sociale, de la Défense nationale, et de l’Economie, du Développement et de la Reconstruction; mais malgré cela, il n’existe aucun empêchement établi par la législation à ce que le Département de contrôle général de la République, dans l’exercice de ses pouvoirs constitutionnels, déclare un acte de l’administration illégal; 4) établir le contraire serait reconnaître que certains actes de l’administration sont exemptés du contrôle de légalité effectué par le département de contrôle, ce qui serait préjudiciable pour les institutions; 5) les ministères de l’Economie, du Développement et de la Reconstruction, du Travail et de la Prévoyance sociale, et de la Défense nationale, la FENATRAOS ainsi que d’autres organisations de travailleurs ont demandé au département de contrôle de reconsidérer l’arrêté no 37849 de 2007, et le département de contrôle a indiqué qu’il n’est pas conforme aux dispositions de la Constitution d’exclure de la liste contenue dans la décision no 35 certaines entreprises qui assurent des services publics, sur base de considérations de caractère générique, ou d’en inclure certaines et pas d’autres; 6) des garanties compensatoires ont été établies par un arbitrage obligatoire, comme le signale le Comité de la liberté syndicale au sujet de la fonction publique ou des services essentiels; et 7) tout en se conformant à la séparation des pouvoirs de l’Etat, le gouvernement s’engage à tenir le comité informé des avancements des procédures en cours à cet égard.
- 395. Tout d’abord, le comité rappelle qu’il a déjà eu l’occasion d’examiner des allégations relatives à l’interdiction d’exercer le droit de grève pour les travailleurs du secteur des travaux sanitaires au Chili [voir 326e rapport, cas no 2135, paragr. 265 à 267], dont les conclusions sont reproduites ci-dessous:
- 265. Le comité relève que, selon le gouvernement, le service d’approvisionnement en eau constitue un service essentiel.
- 266. Le comité rappelle que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 576.]
- 267. Le comité rappelle également qu’il a considéré les services d’approvisionnement en eau comme un service essentiel où la grève peut être interdite en prévoyant des garanties compensatoires. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 544 et 546.] Le comité note toutefois que, selon le gouvernement, la demande formulée par les organisations plaignantes en vue de délimiter les différentes tâches ou fonctions exercées à l’intérieur de l’entreprise, afin de déclarer que seuls les travailleurs exerçant directement des services essentiels doivent être assujettis à l’interdiction de faire grève, mérite une analyse plus approfondie à laquelle le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale procédera dans les meilleurs délais. Le comité apprécie et encourage cette initiative; il espère que cette analyse sera effectuée très rapidement et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 396. A cet égard, le comité apprécie l’information du gouvernement et de l’organisation plaignante selon laquelle, suite à l’examen du cas no 2135 relatif à l’interdiction du droit de grève non seulement pour les travailleurs du secteur sanitaire dont les activités constituent un service essentiel, mais aussi pour le personnel qui exerce des fonctions manifestement distinctes des services essentiels, et notamment des tâches administratives, des conseils juridiques, des études de projets, la planification, la construction et l’inspection de travaux, l’informatique, entre autres, le gouvernement, par la décision no 35 a exempté les travailleurs des entreprises sanitaires de l’interdiction de déclarer la grève qui prévalait jusqu’alors dans leur secteur.
- 397. Cependant, le comité prend note de ce que le Département de contrôle général de la République a révoqué la décision de l’autorité administrative mentionnée, vu qu’il y a des incompatibilités avec les dispositions de la Constitution du Chili et que, selon le gouvernement, lesdits travailleurs ainsi exclus du droit de grève ont des garanties compensatoires. Dans ces conditions, observant que le gouvernement déclare que, tout en se conformant à la séparation des pouvoirs de l’Etat, il s’engage à informer de l’avancement des procédures en cours sur cette question et, tenant en compte que ce cas soulève des questions juridiques complexes, y inclus constitutionnelles, soumet ce cas à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 398. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité soumet ce cas à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.