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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 363, Mars 2012

Cas no 2789 (Türkiye) - Date de la plainte: 02-JUIN -10 - Clos

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Allégations: Le plaignant allègue que deux entreprises, Menderes Tekstil et Desa Der Sanayi ve Ticaret AS, ont lancé des campagnes de discrimination antisyndicale ayant donné lieu à des actes de harcèlement et d’intimidation, et à des licenciements destinés à dissuader les travailleurs de s’organiser. Le plaignant allègue en outre que la législation nationale restreint exagérément le droit d’organisation et de négociation collective et n’offre aucune protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence

  1. 1098. La Fédération internationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir (FITTHC) a présenté sa plainte dans des communications en date du 2 juin 2010.
  2. 1099. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication en date du 29 septembre 2011.
  3. 1100. La Turquie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1101. Par ses communications en date du 2 juin 2010, la FITTHC a présenté une plainte pour le compte de deux de ses organisations affiliées, Teksif et Deri-Is, plainte qui met en cause deux entreprises, comme cela est rapporté ci-dessous.

    Menderes Tekstil

  1. 1102. En guise de contexte, la FITTHC indique que les travailleurs de l’usine de Menderes Tekstil à Denizili ont commencé à s’organiser au milieu de l’année 2008, lorsque l’entreprise a lancé une réduction de ses effectifs sans consentir, d’après les allégations, le moindre effort pour en atténuer les effets défavorables pour les travailleurs. L’organisation plaignante allègue que, lorsque Teksif a commencé à recruter des adhérents dans le personnel de l’entreprise, celle-ci a adopté une attitude de discrimination antisyndicale, empêchant les militants syndicaux de distribuer des tracts, diffusant de la musique à haut volume sonore pour perturber les militants syndicaux qui tentaient de prendre la parole devant les travailleurs aux portes de l’usine, insultant les syndicalistes devant les travailleurs et tentant de manière générale de les intimider. La FITTHC allègue en outre que, en juillet 2008, 12 membres du syndicat ont été licenciés de manière abusive. Selon l’organisation plaignante, une travailleuse a été menée sous escorte devant un officier assermenté afin de signer une lettre dans laquelle elle résiliait officiellement son adhésion au syndicat et d’attester qu’elle n’intenterait aucune action contre l’entreprise. Les honoraires de l’officier assermenté, qui s’élevaient à près d’une semaine de salaire, ont été réglés par l’entreprise.
  2. 1103. Lorsque l’entreprise a refusé d’aborder le problème, 12 travailleurs ont engagé des poursuites judiciaires. Sept d’entre eux ont retiré leur plainte après avoir reçu, selon les allégations, des menaces de la part de l’entreprise. Le 21 octobre 2009, le tribunal du travail a statué que le lien entre le licenciement des travailleurs et leur activité syndicale n’avait pas été établi, étant donné que l’entreprise procédait à des réductions d’effectifs. La FITTHC indique que le syndicat a formé un recours devant la Haute Cour d’appel pour ces cas.
  3. 1104. En juillet 2009, Teksif a officiellement demandé à rencontrer la direction de l’entreprise afin de discuter des problèmes à régler dans l’usine. Dans sa réponse, l’entreprise a prétendu que la Charte sociale européenne l’empêchait d’agréer le syndicat en tant que partie et que le fait de lui accorder une entrevue reviendrait à «imposer» au personnel un syndicat en particulier.
  4. 1105. Sur la base de ce qui précède, l’organisation plaignante allègue que le gouvernement n’a pas fait respecter le droit des travailleurs de constituer des organisations, n’a pas permis aux syndicats de représenter les intérêts de leurs membres et n’a pas encouragé la négociation collective. En particulier, la FITTHC indique que le fait que la législation exige que les syndicats représentent au moins 10 pour cent des travailleurs au niveau du secteur et plus de 50 pour cent des travailleurs au niveau de l’entreprise pour obtenir leur reconnaissance aux fins de la négociation collective et pouvoir élire des délégués syndicaux (dont le rôle est de traiter les revendications, de protéger les droits et les intérêts des travailleurs et de veiller au respect des conditions de travail) a rendu impossible pour les travailleurs de l’entreprise en question de créer un syndicat. Selon l’organisation plaignante, l’exercice du droit syndical est également entravé par la disposition législative obligeant les travailleurs à obtenir une certification, par un acte établi par un officier assermenté, de leur adhésion à un syndicat, ce qui ne peut se faire que pendant les heures de travail et oblige donc les travailleurs à quitter leur poste, permettant ainsi à l’employeur d’identifier facilement les personnes qui se syndiquent. En outre, l’organisation plaignante estime que les honoraires de l’officier assermenté, qui s’élèvent à environ 20 euros (un quinzième du salaire mensuel), freinent manifestement le libre exercice du droit syndical.
  5. 1106. La FITTHC indique que Teksif était le seul syndicat de l’entreprise et qu’il lui a pourtant été refusé non seulement de négocier les conditions d’emploi mais aussi d’exercer ses activités sur le lieu de travail, d’engager des discussions sur les bonnes pratiques en matière de relations professionnelles ou même de transmettre les revendications individuelles des travailleurs. Le syndicat s’est également vu refuser la possibilité d’être consulté sur les mesures à prendre pour prévenir ou limiter les licenciements et les mesures visant à atténuer les effets défavorables des licenciements, conformément à la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, ratifiée par la Turquie.

    Desa Der Sanayi ve Ticaret AS

  1. 1107. La FITTHC allègue que, lorsque son organisation affiliée, Deri-Is (première organisation syndicale de l’entreprise), a commencé à organiser les travailleurs de l’usine en avril 2008, l’entreprise a commencé à licencier les travailleurs syndiqués ou à les harceler. Durant la semaine du 28 avril au 5 mai, l’entreprise a licencié 38 membres du syndicat. D’autres travailleurs ont été victimes d’actes de harcèlement et d’intimidation et ont été informés qu’ils perdraient leur emploi s’ils ne quittaient pas le syndicat. En juillet 2008, l’entreprise a également licencié une travailleuse de son usine de Sefakoy. Pendant les huit années qu’elle a passées dans l’usine, Mme Emine Arslan s’est forgé une réputation de travailleuse consciencieuse; pourtant, peu après avoir commencé à organiser des travailleurs, elle a reçu trois avertissements dans la même journée et a été licenciée. Le lendemain de son licenciement, des représentants du syndicat Deri-Is se sont rendus à l’usine et ont tenté de rencontrer la direction de l’entreprise, mais celle-ci a refusé de traiter avec le syndicat, indiquant à Mme Arslan de venir seule si elle souhaitait un entretien. En décembre 2009, l’entreprise a licencié cinq autres membres du syndicat.
  2. 1108. Devant le refus de l’entreprise de réintégrer les travailleurs licenciés, Deri-Is et la FITTHC ont engagé des discussions avec celle-ci pour tenter de trouver une solution. La FITTHC a écrit à la direction de l’entreprise à 22 reprises entre avril 2008 et juin 2009 afin de demander la réintégration des travailleurs licenciés de manière abusive et d’autres mesures visant à instaurer des relations professionnelles saines dans l’usine (y compris le respect du droit syndical, l’accès des représentants syndicaux au lieu de travail et l’engagement de discussions avec le syndicat sur les questions relatives aux relations professionnelles). Selon l’organisation plaignante, plusieurs réunions ont eu lieu entre la direction, Deri-Is et l’organisation régionale de la FITTHC, l’ORE:THC, mais chaque fois qu’une avancée se profilait, l’entreprise revenait sur ses engagements. L’entreprise a prétendu à plusieurs reprises qu’elle ne pouvait pas accepter les demandes du syndicat visant à instaurer un système de gestion des relations professionnelles, car elles contrevenaient à la législation turque relative aux droits de représentation, qui prévoit qu’un syndicat doit représenter plus de 50 pour cent du personnel pour être reconnu.
  3. 1109. L’organisation plaignante indique qu’au vu du refus de l’entreprise de réintégrer les travailleurs licenciés le syndicat a intenté une action en justice en leur nom. Elle fait également observer que la nature illégale de ces licenciements n’est pas en question étant donné que les tribunaux ont conclu que les travailleurs avaient été licenciés en raison de leur appartenance à un syndicat. Dans 34 des 43 cas, les tribunaux ont conclu que les travailleurs avaient été congédiés en raison de leurs activités syndicales et ont ordonné à l’entreprise soit de les réintégrer en leur versant rétroactivement quatre mois de salaire, soit d’achever leur procédure de licenciement en leur payant une indemnité équivalant à seize mois de salaire. Sur les neuf cas restants, deux ont été rejetés au motif que les travailleurs concernés avaient moins de six mois d’ancienneté; six procédures ont été abandonnées par les travailleurs concernés à la suite d’incitations de la part de l’employeur (trois d’entre eux ont été réintégrés ultérieurement et les autres ont reçu de l’argent) et un cas a été rejeté au motif que le travailleur concerné avait signé une lettre de démission ainsi qu’une autre lettre attestant qu’il quittait l’entreprise de son plein gré (le syndicat a fait appel de cette décision en arguant que la lettre avait été signée sous la contrainte). L’entreprise a formé un recours contre les décisions du tribunal du travail, mais la Cour suprême a rejeté l’appel. A ce jour, 32 recours ont été tranchés en faveur des travailleurs et deux sont encore pendants.
  4. 1110. Malgré cela, l’entreprise a continué de refuser de réintégrer l’ensemble des travailleurs qui souhaitaient retrouver leur poste, à l’exception de trois d’entre eux, et a choisi de dédommager 15 travailleurs pour lesquels la décision avait été validée par la Cour suprême. Le 24 août 2009, l’entreprise et le syndicat sont parvenus à un accord prévoyant la réintégration de six travailleurs et la reconnaissance de Deri-Is comme le seul syndicat autorisé à exercer ses activités dans l’usine. Cependant, l’entreprise n’a pas respecté les termes de l’accord, refusant notamment de réintégrer deux des six travailleurs. La FITTHC allègue que la discrimination antisyndicale n’a pas cessé à ce jour. Un membre du syndicat a été licencié en mai 2010 et d’autres ont été victimes de harcèlement, ont reçu des avertissements et ont été réaffectés dans d’autres ateliers. Durant un programme de formation qui s’est déroulé en mars, des travailleurs ont été mis en garde contre le syndicat, présenté comme une organisation «terroriste».
  5. 1111. L’organisation plaignante allègue en outre qu’au cours d’une campagne de syndicalisation dans les usines, l’entreprise a instauré un conseil paritaire des travailleurs, qui a été utilisé pour saper les actions des syndicalistes. Les employés siégeant au conseil ont été nommés par l’employeur et non librement élus par les travailleurs.
  6. 1112. Sur la base de ce qui précède, la FITTHC considère que le gouvernement n’a pas fait respecter le droit des travailleurs de créer des organisations et n’a pas assuré leur protection contre les actes d’ingérence et de discrimination antisyndicale, et qu’il n’a pas encouragé la négociation collective ni permis aux syndicats de défendre les intérêts de leurs membres. Indépendamment des dispositions législatives évoquées ci-dessus qui imposent des minima de représentation au niveau de l’entreprise pour établir une organisation syndicale, l’organisation plaignante considère qu’en créant un conseil paritaire des travailleurs, l’employeur a cherché à démontrer aux travailleurs qu’ils n’avaient pas besoin d’un syndicat et a ainsi entravé un peu plus leurs droits à la liberté syndicale. En effet, selon la FITTHC, le conseil s’est efforcé d’empêcher le syndicat d’avoir accès au lieu de travail, et le fait que ses membres ont été nommés par l’employeur, au lieu d’être librement élus, implique que le conseil n’est ni indépendant ni légitime.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1113. Dans sa communication en date du 29 septembre 2011, en guise de contexte, le gouvernement se réfère à l’article 51(1) de la Constitution de la République de Turquie, qui donne le droit aux salariés et aux employeurs de constituer des syndicats et des associations d’employeurs, ainsi que des organisations de niveau supérieur, sans avoir à obtenir d’autorisation préalable, et de rejoindre et quitter librement de telles organisations, en vue de préserver et de renforcer leurs droits et intérêts économiques, sociaux et professionnels. La même disposition prévoit que nul ne peut être contraint d’adhérer ni de résilier son adhésion à un syndicat. Le gouvernement mentionne également l’article 22 de la loi sur les syndicats (no 2821), aux termes de laquelle l’adhésion à un syndicat doit être facultative, nul ne pouvant se voir imposer de rejoindre ou de ne pas rejoindre un syndicat. En vertu de cette même disposition, l’adhésion à un syndicat nécessite de faire parvenir à celui-ci cinq exemplaires du formulaire d’adhésion dûment rempli et signé par le travailleur, et certifié par un acte établi par un officier assermenté, cette demande étant soumise à l’approbation de l’organe compétent du syndicat. D’après le gouvernement, l’article 25 de cette loi spécifie également qu’aucun travailleur ni employeur ne peut être contraint d’adhérer ou de résilier son adhésion à un syndicat et que tout membre peut résilier son adhésion en donnant son préavis en personne en la présence d’un officier assermenté.
  2. 1114. Sur la question des conventions collectives, le gouvernement renvoie à l’article 53 de la Constitution, qui prévoit que travailleurs et employeurs ont le droit de conclure des conventions collectives afin de définir leur position économique et sociale et leurs conditions de travail, et qui précise que la procédure de négociation collective sera régie par la loi. Le gouvernement se réfère également à l’article 12 de la loi sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out (no 2822) qui prévoit qu’«un syndicat représentant au moins 10 pour cent des travailleurs d’une branche d’activité donnée (à l’exclusion de celle comprenant l’agriculture, la foresterie, la chasse et la pêche) et plus de la moitié des travailleurs employés dans l’établissement ou dans chacun des établissements devant être couverts par la convention collective sera habilité à conclure une convention collective applicable à l’établissement ou aux établissements en question».
  3. 1115. Le gouvernement indique qu’à la suite des révisions apportées en 2010 à la Constitution il est devenu possible d’adhérer à plusieurs syndicats et de conclure plusieurs conventions collectives sur un même lieu de travail. D’autres dispositions limitant le droit de grève (responsabilité pour les dommages causés durant une grève et interdiction des grèves pour des motifs politiques, des grèves de solidarité, des grèves perlées et des piquets de grève) ont également été abrogées. Le gouvernement explique que les lois nos 2821 et 2822 seront révisées en consultation avec les partenaires sociaux. A cet égard, il indique qu’un comité composé d’universitaires a été constitué pour revoir le projet de loi portant modification des lois nos 2821 et 2822. Ce projet de loi est actuellement à l’ordre du jour de la Grande Assemblée nationale de Turquie. Le gouvernement précise que le projet de loi sur les syndicats et les conventions collectives, les grèves et les lock-out, élaboré par le comité conformément aux normes de l’OIT et aux règles de l’UE, a été examiné par les partenaires sociaux dans le cadre des réunions du comité consultatif tripartite.

    Observations sur les points soulevés par le syndicat Teksif

  1. 1116. Le gouvernement indique que les allégations d’actes de discrimination antisyndicale au sein de l’entreprise Menderes Tekstil ont été examinées par des inspecteurs du travail du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Il renvoie aux constatations suivantes, communiquées dans leur rapport de juin 2011:
    • i) Le contrat de certains travailleurs ayant été résilié en raison du refus de ces derniers de se conformer à la décision de leur employeur, en date du 21 mars 2008, d’arrêter des machines dans l’atelier fibres de l’usine et de réaffecter les travailleurs à d’autres ateliers, et ces travailleurs ayant perçu une indemnisation à ce titre, on ne peut pas considérer que leur droit syndical a été limité ou entravé. La réduction des effectifs de l’entreprise est révélatrice de la crise économique mondiale.
    • ii) Lorsque des travailleurs sont licenciés pour des motifs économiques, il est normal que des membres des syndicats soient également touchés; le fait que les membres des syndicats soient épargnés constituerait une violation du principe de l’égalité de traitement inscrit dans le droit du travail.
    • iii) Le verdict dans les cas portés devant les tribunaux locaux par certains des travailleurs concernés a confirmé que «la résiliation de contrats ne peut pas être considérée comme constituant la preuve d’un obstacle à la liberté syndicale».
    • iv) Le fait que la protestation des travailleurs a pris fin uniquement quand un petit nombre de travailleurs, dont les contrats de services avaient été résiliés, a abandonné les poursuites, a donné à penser que l’employeur n’avait pas exercé de pressions sur les membres du syndicat.
    • v) Selon la législation, un syndicat qui n’a pas été accrédité pour conclure une convention collective ne peut pas représenter des travailleurs face à un employeur. En conséquence, le fait que l’employeur a refusé d’agréer le syndicat Teksif en tant que partie et n’a pas accepté son offre de participer à la prise de décision ne doit pas être critiqué ni considéré comme un motif de plainte.
  2. 1117. Le gouvernement précise que, la procédure judiciaire liée aux allégations de résiliation de contrats présentées dans ce cas n’étant pas encore achevée, il n’y a pas lieu d’engager de procédure administrative.

    Observations sur les points soulevés par le syndicat Deri-Is

  1. 1118. Le gouvernement indique que les allégations d’actes de discrimination antisyndicale au sein de l’entreprise Desa Deri Sanayil Tic. Ltd ont été examinées par des inspecteurs du travail du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Il renvoie aux constatations suivantes:
    • i) Les cotisations syndicales n’ont pas donné lieu à des déductions sur les salaires.
    • ii) Dans leurs déclarations confidentielles, les témoins ont nié avoir fait l’objet de pressions.
    • iii) Aucune preuve concrète n’a été trouvée confirmant l’allégation selon laquelle un conseil paritaire des travailleurs a été créé dans l’usine afin d’entraver les droits à la liberté syndicale.
    • iv) L’allégation selon laquelle les termes du contrat conclu entre l’entreprise et le syndicat le 24 août 2009, prévoyant la réintégration de six travailleurs et la reconnaissance de Deri Is comme le seul syndicat autorisé à exercer ses activités dans l’usine, n’ont pas été respectés est une question qui relève des tribunaux. En conséquence, il n’y a pas lieu d’engager de procédure administrative à cet égard.
    • v) Trente-sept des 41 travailleurs licenciés ont initialement déposé une plainte contre l’employeur, mais six d’entre eux l’ont ensuite retirée. Le tribunal a débouté trois travailleurs (l’un d’entre eux a fait appel de cette décision) et s’est prononcé en faveur de 28 autres. L’employeur a fait appel des verdicts en faveur de quatre travailleurs et ces procédures sont encore en cours. Dix-sept des 24 travailleurs restants ont demandé leur réintégration: trois l’ont obtenue et 14 ont été indemnisés au lieu d’être réintégrés. Les sept travailleurs restants n’ont fait aucune demande de réintégration. La procédure judiciaire n’étant pas terminée, il n’y a pas lieu d’engager de procédure administrative.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1119. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que deux entreprises, Menderes Tekstil et Desa Der Sanayi ve Ticaret AS, ont lancé des campagnes de discrimination antisyndicale ayant donné lieu à des actes de harcèlement et d’intimidation, et à des licenciements destinés à dissuader les travailleurs de s’organiser, et que la législation nationale restreint exagérément le droit d’organisation et de négociation collective et n’offre aucune protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement eu égard aux constatations établies à la suite de la visite d’inspection effectuée dans les deux entreprises, et au cadre législatif national.
  2. 1120. S’agissant des allégations concernant la première entreprise, le comité observe que le cas relatif aux cinq travailleurs licenciés est actuellement en instance devant la Haute Cour d’appel, après que le tribunal du travail a considéré dans son jugement en date du 21 octobre 2009 que le lien entre le licenciement des travailleurs et leur activité syndicale n’avait pas été établi, étant donné que l’entreprise procédait à des réductions d’effectifs. Le comité note les constatations établies à la suite de la visite d’inspection effectuée dans l’entreprise, telles qu’exposées par le gouvernement, selon lesquelles les travailleurs ont vu leur contrat résilié en raison de leur refus d’être réaffectés dans d’autres ateliers, conformément à la décision prise par l’employeur dans le contexte de la réduction des effectifs de l’entreprise. Selon le gouvernement, le rapport de l’inspection du travail indique également que les travailleurs concernés ont été indemnisés. Le comité retient également de la réponse du gouvernement que les procès relatifs aux licenciements sont encore en instance. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de ces cas et de lui transmettre une copie des jugements lorsque ceux-ci auront été rendus.
  3. 1121. Le comité note l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle l’entreprise en question a refusé de rencontrer le syndicat en vue de discuter des réductions d’effectifs et d’autres questions relatives au travail, et de reconnaître le syndicat aux fins de la négociation collective. L’organisation plaignante allègue également que l’entreprise a adopté une attitude de discrimination antisyndicale, empêchant les militants syndicaux de distribuer des tracts, diffusant de la musique à haut volume sonore pour perturber les militants syndicaux qui tentaient de prendre la parole devant les travailleurs aux portes de l’usine, insultant les syndicalistes devant les travailleurs et tentant de manière générale de les intimider. Le comité note que, selon le gouvernement, les inspecteurs du travail ont eu le sentiment que l’employeur n’avait pas exercé de pressions sur les travailleurs. Le comité note également que le gouvernement a indiqué qu’il n’y avait pas lieu d’engager de procédure administrative pour examiner ces allégations étant donné que le cas était actuellement devant les tribunaux. Le comité rappelle que la tactique à laquelle l’employeur a eu recours, selon l’allégation de l’organisation plaignante, constitue, si elle est avérée, une ingérence dans les affaires internes des syndicats, et rappelle à cet égard que le respect des principes de la liberté syndicale suppose que les employeurs fassent preuve d’une grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats. Le comité considère que, lorsque des compressions d’effectifs sont envisagées, des négociations devraient avoir lieu au préalable entre l’entreprise concernée et l’organisation syndicale compétente. Notant que seuls les cas concernant les allégations de licenciement illégal sont actuellement en instance devant les tribunaux, le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête sur les allégations de refus de la part de l’employeur de rencontrer le syndicat pour discuter des réductions d’effectifs et sur l’allégation générale de discrimination antisyndicale. Observant que Teksif est le seul syndicat de l’entreprise, le comité prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que la direction reconnaisse cette organisation, de façon à permettre aux deux parties de collaborer à la mise en place de relations de travail saines dans l’entreprise. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sur ce point.
  4. 1122. S’agissant des allégations impliquant la deuxième entreprise, le comité prend note de l’indication de la FITTHC selon laquelle la nature illégale des licenciements n’est pas en cause dans la mesure où les tribunaux ont considéré que, dans 34 des 43 cas portés devant eux, les travailleurs avaient été congédiés en raison de leur appartenance à un syndicat, et ont ordonné à l’entreprise soit de réintégrer les travailleurs en leur versant rétroactivement quatre mois de salaire, soit de les indemniser à hauteur de seize mois de salaire. L’organisation plaignante indique que, sur les neuf cas restants, deux ont été rejetés au motif que les travailleurs concernés avaient moins de six mois d’ancienneté; six procédures ont été abandonnées par les travailleurs concernés à la suite d’incitations de la part de l’employeur (trois d’entre eux ont été réintégrés ultérieurement et les autres ont reçu de l’argent) et un cas a été rejeté au motif que le travailleur concerné avait signé une lettre de démission ainsi qu’une autre lettre attestant qu’il quittait l’entreprise de son plein gré (le syndicat a fait appel de cette décision en arguant que la lettre avait été signée sous la contrainte). L’entreprise a formé un recours contre les décisions du tribunal du travail, mais la Cour suprême a rejeté l’appel. A ce jour, 32 recours ont été tranchés en faveur des travailleurs et deux sont encore pendants. La FITTHC indique que l’entreprise a choisi d’indemniser 15 travailleurs et d’en réintégrer cinq, et qu’elle avait accepté d’en réintégrer quatre autres mais n’a ensuite pas respecté les termes de l’accord et a refusé de reprendre ces quatre travailleurs. La FITTHC allègue que la discrimination antisyndicale n’a pas cessé à ce jour et qu’un membre du syndicat a été licencié en mai, tandis que d’autres ont subi des actes de harcèlement, ont reçu des avertissements et ont été réaffectés dans d’autres ateliers.
  5. 1123. Le comité note les informations communiquées par le gouvernement au sujet des constatations de l’inspection du travail en relation avec ces allégations. Notant la divergence entre les informations fournies par le gouvernement et les allégations de l’organisation plaignante pour ce qui est du nombre de travailleurs concernés, le comité prie les deux parties de communiquer d’autres informations afin de clarifier ce point.
  6. 1124. Le comité note également que les informations réunies durant l’inspection semblent montrer qu’un accord conclu entre le syndicat et l’entreprise en août 2009, prévoyant la réintégration de six travailleurs et la reconnaissance de Deri-Is comme unique syndicat représentatif dans l’usine, n’avait pas été respecté par l’employeur. Le rapport d’inspection considérait toutefois que cette question devait être examinée par le tribunal et qu’en conséquence il n’y avait pas lieu d’engager de procédure administrative.
  7. 1125. Rappelant que nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir mené ou tenté de mener des activités syndicales légitimes, le comité exprime sa profonde préoccupation devant le refus apparemment persistant de l’employeur de réintégrer ou d’indemniser les travailleurs licenciés, et ce en dépit de la décision de justice rendue sur cette question. Le comité considère qu’une telle attitude de l’employeur constitue une violation des principes de la liberté syndicale. Rappelant en outre que les licenciements remontent à 2008, le comité prie le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour garantir l’exécution des décisions de justice s’y rapportant, de façon que tous les travailleurs syndiqués licenciés concernés par ce cas soient réintégrés à leur poste ou perçoivent l’indemnité ordonnée par le tribunal, et de le tenir informé sur ce point. Il prie également le gouvernement et l’organisation plaignante de le tenir informé du statut des deux cas de licenciement dans lesquels l’employeur a fait appel de la décision et des cas qui ont fait l’objet d’un recours du syndicat, ainsi que de la situation du travailleur qui aurait été congédié en mai 2010.
  8. 1126. S’agissant de l’allégation de la FITTHC selon laquelle la direction de l’entreprise a mis sur pied un conseil paritaire des travailleurs pour saper les actions des syndicalistes et que les représentants de ce conseil ont été nommés par l’employeur, le comité note que, selon le gouvernement, le rapport de l’inspection du travail indique: «Aucune preuve concrète n’a été trouvée confirmant l’allégation selon laquelle un conseil paritaire des travailleurs a été créé dans l’usine afin d’entraver les droits à la liberté syndicale». Le comité prie le gouvernement d’apporter des clarifications supplémentaires sur ce point et, en particulier, d’indiquer si un conseil paritaire des travailleurs a bien été créé dans l’entreprise et si ce conseil exerce actuellement ses activités.
  9. 1127. S’agissant des allégations de pressions, le comité note que, d’après le gouvernement, le rapport de l’inspection du travail indique que «dans leurs déclarations confidentielles, les témoins ont nié avoir fait l’objet de pressions». Le comité prie le gouvernement d’apporter des informations détaillées supplémentaires au sujet des travailleurs interrogés et de l’enquête spécifiquement diligentée sur l’allégation de harcèlement des travailleurs de l’entreprise par le biais, en particulier, d’avertissements et de réaffectations dans d’autres ateliers, ainsi que sur l’allégation de présentation du syndicat comme une organisation «terroriste».
  10. 1128. A propos des questions législatives soulevées dans ce cas, le comité rappelle qu’il a été saisi en plusieurs occasions de cas concernant la Turquie qui posaient des problèmes similaires. De la même façon, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et la Commission de l’application des normes de la Conférence émettent depuis un certain nombre d’années des avis sur plusieurs dispositions de la loi no 2821 sur les syndicats et de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out.
  11. 1129. Plus précisément, le comité rappelle que, dans les cas nos 1810 et 1830, il avait examiné le double critère applicable pour déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective et avait considéré, en l’occurrence, que la législation turque n’avait pas pour effet de promouvoir ni d’encourager une négociation collective sans entraves au niveau de l’entreprise. [Voir 303e rapport, paragr. 57.] Le gouvernement avait donc été prié de modifier l’article 12 de la loi no 2822, aux termes de laquelle un syndicat, pour être autorisé à négocier une convention collective, doit représenter 10 pour cent des travailleurs d’une branche et plus de la moitié des salariés d’un lieu de travail. Le comité observe que la commission d’experts a également prié le gouvernement de modifier la disposition susmentionnée de façon à garantir que, lorsqu’aucun syndicat ne remplissait la condition de représentation de 50 pour cent, les syndicats présents sur le lieu de travail ou dans l’entreprise pussent négocier au moins pour le compte de leurs propres adhérents. Le comité observe en outre que la commission d’experts a, en de nombreuses occasions, prié le gouvernement de modifier la disposition législative exigeant l’intervention d’un officier assermenté pour l’adhésion ou la résiliation de l’adhésion à un syndicat, disposition qui entravait le libre exercice des droits visés par l’article 2 de la convention no 87.
  12. 1130. Le comité note que le gouvernement a indiqué son intention de modifier les lois nos 2821 et 2822 de façon à les mettre en conformité avec les conventions nos 87 et 98 et avec la Constitution récemment modifiée. Le comité s’attend à ce que, en consultation avec les partenaires sociaux, le gouvernement mette, dans un très proche avenir, sa législation et ses pratiques en conformité avec les principes de la liberté syndicale, comme l’en ont prié à plusieurs reprises les organes de contrôle de l’OIT. Le comité suggère au gouvernement de continuer à se prévaloir à cet effet de l’assistance technique du BIT et attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
  13. 1131. Le comité note que l’organisation plaignante allègue également que la législation du travail n’offre pas de protection suffisante contre les actes d’ingérence et de discrimination antisyndicale. Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas fourni d’informations spécifiques sur les mesures prises pour remédier à cette situation dans le cadre de la révision indiquée de la législation du travail. En conséquence, le comité exprime l’espoir que cette question sera traitée de façon adéquate en consultation avec les partenaires sociaux dans un très proche avenir de sorte que toutes les propositions pertinentes puissent être considérées dans le cadre de l’examen en cours de la législation du travail.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 1132. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) S’agissant des allégations concernant l’entreprise Menderes Tekstil, le comité prie le gouvernement:
      • – de le tenir informé de l’issue des cas de licenciement en instance devant la Haute Cour d’appel et de lui transmettre une copie des jugements lorsque ceux-ci auront été rendus;
      • – de diligenter une enquête sur les allégations relatives au refus de l’employeur de rencontrer le syndicat pour discuter des réductions d’effectifs et sur l’allégation générale de discrimination antisyndicale; et
      • – de prendre les mesures nécessaires afin que la direction de l’entreprise reconnaisse Teksif, de façon à permettre aux deux parties de collaborer à la mise en place de relations de travail saines dans l’entreprise.
    • b) S’agissant des allégations concernant l’entreprise Desa Der Sanayi ve Ticaret AS, le comité:
      • – notant la divergence entre les informations fournies par le gouvernement et les allégations de l’organisation plaignante pour ce qui est du nombre de travailleurs concernés, prie les deux parties de communiquer d’autres informations afin de clarifier ce point;
      • – prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires sans délai pour garantir l’exécution des décisions de justice se rapportant aux licenciements de façon que tous les travailleurs syndiqués licenciés concernés par ce cas soient réintégrés à leur poste ou perçoivent l’indemnité ordonnée par le tribunal;
      • – prie le gouvernement et l’organisation plaignante de le tenir informé du statut des deux cas de licenciement dans lesquels l’employeur a fait appel de la décision et des cas qui ont fait l’objet d’un recours du syndicat, ainsi que de la situation du travailleur qui aurait été congédié en mai 2010;
      • – prie le gouvernement de lui indiquer si un conseil paritaire des travailleurs a bien été créé dans l’entreprise et si ce conseil exerce actuellement ses activités; et
      • – prie le gouvernement d’apporter des informations détaillées supplémentaires au sujet des travailleurs interrogés et de l’enquête spécifiquement diligentée sur l’allégation de harcèlement des travailleurs de l’entreprise par le biais, en particulier, d’avertissements et de réaffectations dans d’autres ateliers, et sur l’allégation de présentation du syndicat comme une organisation «terroriste».
    • c) Le comité s’attend à ce que, en consultation avec les partenaires sociaux, le gouvernement mette, dans un très proche avenir, sa législation et ses pratiques en conformité avec les principes de la liberté syndicale, comme l’en ont prié à plusieurs reprises les organes de contrôle de l’OIT, et prie le gouvernement d’intensifier ses efforts dans ce domaine.
    • d) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet effet des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations ci-dessus.
    • e) Le comité suggère au gouvernement qu’il continue à se prévaloir de l’assistance technique du BIT.
    • f) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
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