Allégations: L’organisation plaignante allègue le refus de la direction de la Compagnie de distribution d’électricité de Karachi d’appliquer un accord tripartite auquel elle est partie. Elle allègue par ailleurs que la direction de la compagnie a donné l’ordre d’ouvrir le feu sur des travailleurs qui manifestaient, dont neuf ont été blessés, et a porté plainte au pénal contre 30 responsables syndicaux
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1110. La plainte figure dans une communication du syndicat de la Compagnie de distribution d’électricité de Karachi (KESC) en date du 12 octobre 2011.
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1111. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 7 juin 2012.
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1112. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante
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1113. Dans sa communication en date du 12 octobre 2011, l’organisation plaignante se présente comme un syndicat industriel, élu négociateur exclusif chargé de représenter les travailleurs de la Compagnie de distribution d’électricité de Karachi en vertu des dispositions de la loi sur les relations professionnelles.
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1114. L’organisation plaignante allègue que l’entreprise a licencié 4 500 travailleurs ayant de l’ancienneté ou de l’expérience et a recruté en parallèle de nouveaux employés, sur une base contractuelle, par l’intermédiaire d’un entrepreneur privé, afin de se soustraire à certaines obligations financières (gratifications, augmentations, avantages sociaux, etc.), violant ainsi les droits fondamentaux à la liberté syndicale des travailleurs et la législation nationale pertinente.
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1115. Le syndicat s’est donc mobilisé pour tenter de résoudre ces problèmes grâce au dialogue social, mais la direction n’a pas donné suite. Le gouverneur de la province du Sindh a organisé une réunion tripartite avec les représentants du syndicat, la direction et les autorités locales de Karachi, le 26 juillet 2011, et un accord a été conclu entre les trois parties, qui prévoit l’affectation des employés licenciés à d’autres postes et le versement des arriérés de salaires ainsi que la création d’un comité de conciliation chargé de recommander des solutions appropriées pour les autres problèmes rencontrés (l’organisation plaignante a joint une copie de l’accord à sa communication). La direction a cependant refusé de respecter et d’appliquer ledit accord.
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1116. Les travailleurs ont par conséquent décidé d’organiser une manifestation publique le 29 août 2011 en face du siège de la compagnie, pour réclamer le paiement des arriérés de salaires (quatre mois) ainsi que le respect et l’application de l’accord tripartite. Au cours de la manifestation, la direction de la compagnie a donné l’ordre à ses agents de sécurité d’ouvrir le feu sur les travailleurs, faisant plusieurs blessés, dont neuf ont dû recevoir des soins.
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1117. Suite à cette manifestation, la direction a licencié 30 responsables syndicaux ou a déposé des plaintes au pénal à leur encontre, les accusant sous de faux motifs à charge d’avoir enfreint la loi antiterroriste, afin de contrecarrer les activités licites du syndicat et d’empêcher que l’accord tripartite soit appliqué. Les services de police n’ont par contre pris aucune plainte au pénal contre la direction, en dépit des demandes écrites du syndicat, avant d’en avoir reçu l’injonction du tribunal et du rapport préliminaire de la police (FIR ou First Information Report).
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
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1118. Dans une communication en date du 7 juin 2012, le gouvernement fait savoir qu’un accord a été conclu entre la direction et le syndicat de la Compagnie de distribution d’électricité de Karachi, grâce à l’intervention décisive du gouverneur de la province du Sindh. Par la suite, le gouvernement de cette province a en outre été prié de ne ménager aucun effort pour faire en sorte que cet accord soit appliqué à la lettre et conformément à l’esprit dans lequel il a été conclu.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
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1119. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que la direction de la Compagnie de distribution d’électricité de Karachi a, d’une part, refusé d’appliquer un accord tripartite, conclu le 26 juillet 2011, auquel elle est partie et, d’autre part, donné l’ordre à ses agents de sécurité d’ouvrir le feu sur les travailleurs qui manifestaient contre son refus d’appliquer ledit accord, faisant neuf blessés, suite à quoi elle a licencié 30 responsables syndicaux ou a déposé des plaintes au pénal à leur encontre. Le comité note que, d’après l’organisation plaignante, les services de police ont refusé d’enregistrer des plaintes au pénal contre la direction de la compagnie et que l’organisation plaignante n’a pu déposer une telle plainte qu’après injonction du tribunal et du FIR.
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1120. Le comité regrette profondément que le gouvernement n’a communiqué que des informations partielles, dont il ressort qu’un accord a été conclu entre la direction et le syndicat de la Compagnie de distribution d’électricité de Karachi grâce à l’intervention décisive du gouverneur de la province du Sindh et que, par la suite, le gouvernement de cette province a en outre été prié de ne ménager aucun effort pour faire en sorte que cet accord soit appliqué à la lettre et conformément à l’esprit dans lequel il a été conclu. Rien ne permet de déterminer clairement si le gouvernement fait référence à l’accord de juillet 2011 ou à un autre accord qui serait intervenu plus récemment en réaction aux événements regrettables d’août 2011. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de préciser à quel accord il fait référence et, s’il s’avère qu’un nouvel accord a bien été conclu, d’en communiquer une copie. Le comité prie en outre le gouvernement et l’organisation plaignante d’indiquer si l’accord de juillet 2011 est maintenant appliqué.
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1121. En ce qui concerne les allégations de recours à la violence contre une manifestation pacifique, le comité rappelle que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. Lorsque se sont produites des atteintes à l’intégrité physique ou morale, le comité a considéré qu’une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans délai, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions. L’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. Qui plus est, le recours à des mesures extrêmement graves comme le licenciement de travailleurs du fait de leur participation à une grève et le refus de les réembaucher impliquent de graves risques d’abus et constituent une violation de la liberté syndicale. Des allégations de comportement criminel ne doivent pas être utilisées pour harceler des syndicalistes à cause de leur affiliation ou de leurs activités syndicales. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 133, 50, 52, 666 et 41.] Le comité prie donc le gouvernement de diligenter immédiatement une enquête judiciaire indépendante au sujet: i) des allégations de recours à la violence à l’encontre de syndicalistes, dont neuf ont été blessés, alors que ceux-ci manifestaient contre le refus de la compagnie d’appliquer l’accord tripartite; et ii) des allégations de licenciement de 30 responsables syndicaux ou de dépôt de plaintes au pénal à leur encontre suite à cette manifestation, et ce en vue d’éclaircir pleinement les faits, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition de tels actes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête ainsi que de toute mesure qui pourra être prise à l’issue de celle-ci. Dans le cas où il s’avérerait que les militants syndicaux en question ont été licenciés ou ont fait l’objet d’une plainte au pénal pour avoir exercé des activités syndicales légitimes, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour garantir leur réintégration et l’abandon de toutes les charges qui pèsent sur eux. Si la réintégration n’est pas possible, pour des raisons objectives et impérieuses, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que les syndicalistes concernés reçoivent une indemnité adéquate et de nature à constituer une sanction suffisamment dissuasive contre la discrimination antisyndicale.
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1122. Le comité observe que, selon ce que le gouvernement a déclaré devant la Commission de l’application des normes de la Conférence (en juin 2011) lorsque celle-ci a examiné l’application de la convention no 87, l’ordonnance présidentielle no IV de 1999 portant amendement de la loi antiterroriste, qui rendait passibles d’emprisonnement les troubles à l’ordre public, y compris les grèves et les grèves du zèle illicites, a été abrogée et n’est donc plus en vigueur. Notant que, d’après les allégations de l’organisation plaignante, des plaintes ont été déposées contre les responsables syndicaux en vertu de la loi antiterroriste, le comité prie le gouvernement d’indiquer précisément les dispositions de ladite loi que les responsables syndicaux ont été accusés d’avoir enfreintes et l’invite à s’assurer que les charges soient abandonnées s’il s’avère qu’elles sont liées à l’exercice d’une activité syndicale légitime.
Recommandations du comité
Recommandations du comité
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1123. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de préciser à quel accord il fait référence dans sa réponse et, s’il s’avère qu’un nouvel accord a bien été conclu, d’en communiquer une copie. Le comité prie en outre le gouvernement et l’organisation plaignante d’indiquer si l’accord de juillet 2011 est maintenant appliqué.
- b) Compte tenu de la gravité des allégations, le comité prie le gouvernement de diligenter immédiatement une enquête judiciaire indépendante au sujet: i) des allégations de recours à la violence à l’encontre de syndicalistes, dont neuf ont été blessés, alors que ceux-ci manifestaient contre le refus de la compagnie d’appliquer l’accord tripartite; et ii) des allégations de licenciement de 30 responsables syndicaux ou de dépôt de plaintes au pénal à leur encontre, suite à cette manifestation, et ce en vue d’éclaircir pleinement les faits, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition de tels actes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête ainsi que de toute mesure qui pourra être prise à l’issue de celle-ci. Dans le cas où il s’avérerait que les militants syndicaux en question ont été licenciés ou ont fait l’objet d’une plainte pour avoir exercé des activités syndicales légitimes, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour garantir leur réintégration et l’abandon de toutes les charges qui pèsent sur eux. Si la réintégration n’est pas possible, pour des raisons objectives et impérieuses, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que les syndicalistes concernés reçoivent une indemnité adéquate et de nature à constituer une sanction suffisamment dissuasive contre la discrimination antisyndicale.
- c) Notant que, d’après les allégations de l’organisation plaignante, des plaintes ont été déposées contre les responsables syndicaux en vertu de la loi antiterroriste, le comité prie le gouvernement d’indiquer précisément les dispositions de la loi antiterroriste que les responsables syndicaux ont été accusés d’avoir enfreintes et l’invite à s’assurer que les charges soient abandonnées s’il s’avère qu’elles sont liées à l’exercice d’une activité syndicale légitime.