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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 371, Mars 2014

Cas no 2988 (Qatar) - Date de la plainte: 28-SEPT.-12 - Cas de suivi fermés en raison de l'absence d'informations de la part du plaignant ou du gouvernement au cours des 18 mois écoulés depuis l'examen de ce cas par le Comité.

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce des restrictions à l’exercice par les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, du droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, de faire grève et de négocier collectivement ainsi qu’un contrôle excessif des activités syndicales par l’Etat

  1. 814. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) en date du 28 septembre 2012.
  2. 815. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 11 septembre 2013. Le Qatar n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 816. Dans sa communication du 28 septembre 2012, la CSI indique que les travailleurs migrants représentent environ 94 pour cent des travailleurs actifs au Qatar, soit quelque 1,2 million de personnes. Leur nombre continue de croître puisque l’on procède à des recrutements massifs de travailleurs, originaires pour la plupart d’Asie du Sud, pour construire les infrastructures et stades qui seront utilisés lors de la Coupe du monde de football de 2022. Comme beaucoup d’autres travailleurs migrants employés dans la région du Golfe, ils font l’objet de mesures et de pratiques particulièrement discriminatoires allant à l’encontre des droits fondamentaux de la personne et des droits au travail, notamment de la liberté syndicale. Les ressortissants qatariens eux-mêmes ne jouissent pas pleinement de ces droits.
  2. 817. La CSI indique avoir tenté, avec l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), de collaborer avec le gouvernement du Qatar pour améliorer la situation. Plusieurs réunions ont eu lieu à l’Ambassade du Qatar, à Genève, et une délégation de la CSI a pu rencontrer le ministre du Travail, en juin 2012, pour lui faire part des nombreuses préoccupations de la confédération au sujet de la liberté syndicale, du travail forcé et de la traite des êtres humains. Bien que la CSI indique avoir été informée qu’une réforme de la législation répondant à ses préoccupations verrait le jour prochainement, il ne faisait pour elle aucun doute, au vu de la description que le gouvernement (et la presse) en a donné, que cette réforme ne garantirait pas, loin s’en faut, le plein exercice de la liberté syndicale ni aux travailleurs migrants ni aux nationaux. L’organisation plaignante ajoute que le gouvernement avait proposé de lui communiquer copie des modifications envisagées afin qu’elle puisse formuler des observations à leur sujet, mais qu’il n’a pas pour autant donner suite à cette proposition, en dépit de demandes répétées à ce sujet. Elle indique avoir découvert depuis dans la presse que le Conseil des ministres avait introduit un certain nombre de modifications dans le Code du travail, mais elle ne dispose d’aucune information quant à la nature de ces modifications et ignore si la réforme annoncée a bien eu lieu.
  3. 818. Pour la CSI, l’absence de liberté syndicale au Qatar est indirectement la cause de la mort de nombreux travailleurs migrants. Ces travailleurs œuvrent dans des conditions de travail difficiles et doivent notamment fournir des efforts physiques intenses de longues heures durant, par des températures extrêmes, sur des chantiers dépourvus d’équipements de protection adaptés ou ne répondant pas à des règles de construction sûres et appropriées. En outre, ils vivent dans des conditions sordides, entassés dans des baraquements mal ventilés, voire pas du tout, où règne une chaleur suffocante. A cela s’ajoute que certains employeurs escroquent leurs employés, que ce soit en leur versant un salaire bien inférieur à ce qui était promis, en multipliant les retenues illégales ou tout simplement en ne les payant pas. Faute d’une représentation collective qui leur permette de se soustraire aux situations dangereuses et de négocier leurs conditions de travail avec leur employeur, les travailleurs migrants s’exposent aux blessures ou à la mort.
  4. 819. L’organisation plaignante considère que le Code du travail du Qatar, en vigueur depuis 2004, porte atteinte aux principes de la liberté syndicale et elle soulève différents problèmes à cet égard. Ainsi, plusieurs travailleurs n’ont pas le droit de constituer un syndicat ou de s’y affilier parce qu’ils appartiennent à l’une des nombreuses catégories professionnelles qui sont exclues du champ d’application du Code du travail. D’une part, l’article 3 du Code du travail établit qu’aucune de ses dispositions n’est applicable aux travailleurs relevant des catégories suivantes:
    • a) les travailleurs de l’administration et du secteur public;
    • b) les membres des forces armées et de la police ainsi que les travailleurs servant à la mer;
    • c) les travailleurs occasionnels (s’entend des travailleurs employés moins de quatre semaines);
    • d) les travailleurs domestiques (chauffeurs, bonnes, cuisiniers, jardiniers, et travailleurs accomplissant des tâches similaires);
    • e) les travailleurs familiaux;
    • f) les travailleurs de l’agriculture et de l’élevage pastoral.
  5. 820. D’autre part, il est interdit (art. 116) aux travailleurs non qatariens – soit à plus de 90 pour cent de la population active totale – de s’affilier à une organisation syndicale (ou «comité de travailleurs»). Outre les catégories de travailleurs susmentionnées, les entreprises qui comptent moins de 100 travailleurs de nationalité qatarienne sont elles aussi exclues du champ d’application de l’article 116, par lequel le droit de se syndiquer est reconnu aux employés, ce qui revient à interdire l’affiliation syndicale à tous les travailleurs des petites et moyennes entreprises.
  6. 821. La CSI ajoute que, en vertu de l’article 116 du Code du travail, les travailleurs d’une entreprise donnée ne peuvent constituer qu’un seul «comité de travailleurs»; l’existence simultanée de plusieurs organisations au sein de la même entreprise est expressément interdite. A cela s’ajoute que toutes les organisations de travailleurs doivent être affiliées au Syndicat général des travailleurs du Qatar.
  7. 822. L’organisation plaignante affirme par ailleurs que, si le droit de grève est bien établi par l’article 120, son exercice par la maigre frange de la population active à laquelle il est reconnu (les Qatariens) est assujetti à des conditions si restrictives et soumis à des procédures telles qu’il en devient pratiquement impossible. Ainsi, les travailleurs des «services publics essentiels», qui s’entendent «des industries pétrolière et gazière, de la distribution d’eau et d’électricité, des ports maritimes et des aéroports, des hôpitaux et des transports», ne peuvent en aucun cas faire grève. La CSI juge inquiétant que, pour être autorisée, une grève doive avoir reçu l’approbation des trois quarts des membres de la commission générale des travailleurs de la branche ou du secteur d’activité ainsi que l’aval du gouvernement en ce qui concerne ses lieu et date. L’organisation plaignante considère qu’il s’agit-là de conditions excessives, susceptibles d’entraver la plupart des mouvements de grève. En outre, le fait d’imposer que la grève se déroule dans un lieu éloigné de l’entreprise ou à certaines heures seulement ou encore pendant un temps limité revient à restreindre le recours à cette forme d’action, voire à le vider de son sens. Dès lors que le Code du travail prévoit que la grève doit être votée au niveau du secteur ou de la branche d’activité, on peut se demander si les grèves sont admises au sein d’une entreprise (ou si elles ne le sont qu’après un vote du syndicat sectoriel). La CSI fait observer que, même les travailleurs des secteurs essentiels, où le droit de grève est restreint, devraient recevoir en contrepartie des garanties propres à sauvegarder leurs intérêts. Puisque le caractère spécifique de leur profession est reconnu, ils doivent bénéficier d’avantages en conséquence (comme la garantie de ne pas se voir imposer un lock-out). Or la législation du Qatar ne prévoit pas de semblables dispositions. De plus, le recours à la grève est limité aux seuls conflits du travail. La CSI considère par ailleurs que la législation ne précise pas si la sentence arbitrale, qui doit obligatoirement intervenir dans le cas où les parties ne parviennent pas à conclure un accord à l’issue de la conciliation, a force contraignante ou non (art. 128-130). Si tel est bien le cas, la CSI doute qu’une grève ne puisse jamais être légale.
  8. 823. L’organisation plaignante déclare par ailleurs que l’article 127 du Code du travail autorise le gouvernement à fixer les règles et procédures applicables à la négociation collective et aux modalités de la représentation des parties, ainsi qu’à préciser le contenu des conventions collectives, leur champ d’application, leur durée et les moyens devant être mis en œuvre pour les établir. Elle considère par conséquent qu’il ne saurait y avoir de processus de négociation collective légitime dans le cadre de la législation en vigueur.
  9. 824. La CSI allègue également que l’article 119 du Code du travail interdit expressément un certain nombre d’activités aux syndicats et restreint l’accès des travailleurs à la vie politique. L’exercice «d’activités politiques ou religieuses» est expressément interdit aux organisations de travailleurs. Sont également proscrits «l’élaboration, l’impression ou la distribution de tout document offensant envers l’Etat» ou séditieux. Le ministère de la Fonction publique et du Logement peut prononcer la dissolution de toute organisation qui contreviendrait à ces dispositions. La CSI souligne que la défense et la promotion des intérêts des travailleurs sont indissociables de la liberté politique; le droit de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement devrait être garanti.
  10. 825. Qui plus est, d’après la CSI, certaines activités syndicales, dont l’affiliation à des organismes internationaux, nécessitent l’accord du gouvernement. Ainsi, les syndicats doivent obtenir cet accord pour pouvoir s’affilier à une organisation arabe ou internationale.
  11. 826. La CSI souligne par ailleurs qu’aucune protection n’est prévue pour les travailleurs qui exercent des activités syndicales.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 827. Dans une communication en date du 11 septembre 2013, le gouvernement fait savoir que les travailleurs migrants en résidence temporaire dans le pays ainsi que leurs familles forment le plus important groupe de population au Qatar et il se dit prêt à assumer, dans le cadre des normes de l’OIT, son rôle international et régional dans l’action visant à jeter les bases de la justice et de l’égalité et assurer la sécurité, la stabilité et l’égalité des chances. Le gouvernement déclare accorder une grande attention aux travailleurs migrants, qui représentent 71 pour cent de la population totale du pays et 93 pour cent de sa population active. Il rappelle que ces travailleurs font partie intégrante de la société qatarienne et ne peuvent donc être laissés pour compte dans la définition des plans de développement ou des grandes orientations pour l’avenir. Le gouvernement ajoute par ailleurs que le Qatar n’a pas ménagé ses efforts, au cours des dernières décennies, pour améliorer le quotidien des travailleurs migrants et répondre aux problèmes et difficultés auxquels ceux-ci étaient confrontés, se dotant à cet effet des cadres nécessaires pour gérer la main-d’œuvre immigrée et lui offrir une protection exhaustive. Un système juridique complet a été défini pour protéger ces travailleurs et garantir leurs droits tout en cherchant à concilier les pratiques locales et les normes internationales. A cet égard, le gouvernement se réfère à la Constitution de l’Etat du Qatar qui dispose, à son article 30, que «les relations entre travailleurs et employeurs sont fondées sur la justice sociale et régies par la loi» et, à son article 52, que «quiconque réside légalement dans le pays jouit pour sa personne et ses biens de la protection de la loi».
  2. 828. Le gouvernement indique que la loi no 14 de 2004 portant Code du travail a été promulguée afin de régir les relations entre employeurs et travailleurs et ajoute qu’elle reconnaît à ces derniers de nombreux droits et privilèges, renforce leur protection contre les risques professionnels et prévoit des compensations en cas d’accident du travail. Elle reconnaît également aux travailleurs les droits élémentaires de mettre fin à la relation d’emploi quand bon leur semble et de percevoir leurs salaires échus et dispose que toute mesure contraire à ces droits ou renonciation volontaire à leur bénéfice doit être considérée comme nulle et non avenue. Les ministères compétents ont promulgué des décrets afin de renforcer ces droits, décrets qui ont trait notamment aux activités des commissions de conciliation et d’arbitrage des conflits collectifs du travail, aux horaires de travail en extérieur durant l’été, aux organisations de travailleurs et aux règles et conditions à respecter en matière de logement.
  3. 829. Le gouvernement fait savoir qu’il a conclu 31 accords bilatéraux avec différents pays d’origine des travailleurs migrants. Il ajoute que le ministère du Travail joue un rôle de premier plan pour ce qui est du suivi de la situation de ces travailleurs, du contrôle de l’application des mesures de sécurité et de santé au travail, de la notification d’avertissements, du signalement des infractions et du règlement des différends entre agences de recrutement et employeurs. Ces différentes missions sont assurées par ses départements de l’emploi, de l’inspection du travail et des relations professionnelles, qui œuvrent de concert avec le département des droits de l’homme du ministère de l’Intérieur, la Commission nationale des droits de l’homme et la Fondation qatarienne de lutte contre la traite des êtres humains. Le gouvernement y voit la preuve que l’Etat se soucie de la protection des droits des travailleurs migrants, qui sont des droits de l’homme à part entière, et qu’il en a fait une priorité.
  4. 830. Le gouvernement fait observer que la plainte soumise par la CSI et l’IBB ne contient aucune référence à une quelconque plainte ou réclamation antérieure émanant d’une organisation ou d’une commission nationale de travailleurs directement touchés par les problèmes soulevés et que les allégations qui y sont faites ne reposent sur aucune demande ou revendication, qu’elle soit formelle ou non, présentée par une organisation nationale de travailleurs et ne sont pas non plus fondées sur des faits. Le gouvernement considère par ailleurs qu’une plainte dénonçant des violations des droits au travail et des droits syndicaux est recevable uniquement si elle est formulée en termes clairs, repose sur des preuves indiscutables et est étayée d’informations complètes et fiables. Il estime qu’il ne suffit pas d’interpréter la législation en vigueur dans un pays pour pouvoir conclure à l’existence de violations des droits des travailleurs. Le gouvernement affirme que les allégations des deux organisations plaignantes reposent sur des ouï-dire et sont hasardeuses puisque la plainte n’est accompagnée d’aucun document ou liste de noms susceptible de prouver clairement la véracité de ces allégations, d’aucun exemple d’employeurs ne versant pas le salaire promis à leurs employés, d’aucun document ou liste de noms – rapports de police, registres, etc. – attestant clairement les accidents du travail ou décès évoqués; ni d’aucune réclamation formulée à titre individuel par des travailleurs ou des membres de leurs familles et permettant d’établir la véracité des faits. Le gouvernement considère par ailleurs que, pour être examinée par le comité, une plainte doit être dépourvue de tout caractère politique manifeste et il estime que, dans le présent cas, il ne peut s’agir que d’une plainte calomnieuse destinée à ternir la réputation de l’Etat du Qatar alors que celui-ci se prépare à accueillir la Coupe du monde de football en 2022.
  5. 831. Au sujet des allégations de restrictions à la création de syndicats, le gouvernement indique que, eu égard au rôle important des syndicats et afin de garantir aux travailleurs le libre exercice du droit d’association, le Code du travail a été promulgué par la loi no 14 de 2004. Pour permettre aux organisations syndicales de défendre les intérêts et les droits des travailleurs à travers l’amélioration des conditions de travail, la négociation avec les employeurs, etc., un chapitre entier de ce code leur a été consacré. Ces organisations jouissent d’une totale liberté d’action dans les domaines touchant au travail. Le gouvernement ajoute que le poids des travailleurs migrants dans la population active totale, qui est susceptible d’influencer la démographie sociale, ne doit pas être négligé.
  6. 832. En ce qui concerne l’allégation relative à la non-protection des activités syndicales, le gouvernement fait savoir que l’article 122 du Code du travail établit que l’employeur ne peut pas contraindre le travailleur à adhérer à une organisation de travailleurs n’y l’en empêcher, pas plus qu’il ne peut lui interdire d’appliquer les décisions d’une telle organisation, l’article 145 punissant d’une peine de prison et d’une amende toute infraction à cette disposition. En outre, les organisations de travailleurs ont le droit de publier un règlement et de se doter de statuts. Tous ces éléments montrent que la législation garantit la protection des activités syndicales.
  7. 833. En réponse à l’allégation relative à l’impossibilité de faire usage du droit de grève, le gouvernement objecte que l’article 130 du Code du travail garantit le droit de grève lorsqu’employeurs et travailleurs ne sont pas parvenus à conclure un accord amiable. Il ajoute que, le droit de grève étant un moyen pour les travailleurs de faire valoir leurs revendications, il convenait d’établir certaines règles et conditions afin d’en encadrer l’exercice, à plus forte raison si ces règles et conditions servent les objectifs voulus tout en garantissant la sécurité des travailleurs et la protection des biens publics. L’expérience prouve que les autorités compétentes interviennent toujours dans l’intérêt des travailleurs car leur intervention permet de régler le différend et de satisfaire les revendications des travailleurs avant tout recours à la grève. L’application de ces règles et conditions ne signifie pas que le ministère du Travail et le ministère de l’Intérieur cherchent à empêcher les travailleurs d’exercer le droit de grève consacré par le Code du travail, mais au contraire qu’ils s’emploient à leur donner les moyens d’en faire usage. Le gouvernement considère que ces règles et conditions sont conformes aux dispositions des conventions applicables de l’OIT, qui reconnaissent aux Etats Membres le droit de déterminer quels sont les services essentiels dans lesquels la grève peut être interdite du fait de l’importance de ces secteurs ou des effets potentiels de la grève sur les biens publics et les personnes.
  8. 834. Pour ce qui est des allégations de l’organisation plaignante concernant l’absence de négociations collectives, le gouvernement souligne que l’article 127 du Code du travail consacre le droit des employeurs et des travailleurs de négocier collectivement et de conclure des conventions collectives sur toute question relative au travail, et ce sans intervention indue des pouvoirs publics. Il précise que différents départements et organismes d’Etat supervisent le processus de négociation collective: le ministère du Travail, par l’intermédiaire de ses différents services, veille au respect des règles régissant les conventions paritaires et le règlement amiable des différends du travail; le département des droits de l’homme du ministère de l’Intérieur intervient également dans les négociations entre employeurs et travailleurs en favorisant l’émergence d’un compromis entre les parties; la Commission nationale des droits de l’homme est chargée quant à elle d’assurer la coordination entre les parties afin que celles-ci parviennent à régler leur différend et que les travailleurs puissent faire valoir leurs droits; enfin, la Fondation qatarienne de lutte contre la traite des êtres humains assure la coordination avec les autorités compétentes en vue de permettre aux travailleurs de négocier avec leur employeur, de faire valoir leurs droits et de les défendre. Les interventions positives inscrites à l’actif de ces départements et services sont la preuve que des négociations collectives dignes de ce nom ont bien lieu dans le pays.
  9. 835. Le gouvernement indique par ailleurs que le Code du travail n’impose aucune restriction ni condition susceptible d’entraver l’exercice des activités syndicales. Bien au contraire, les organisations syndicales ont toute latitude pour définir leur règlement et sont pleinement indépendantes dans l’exercice de leurs activités et la poursuite de leur mandat, qui est de protéger et de défendre les intérêts et les droits des travailleurs.
  10. 836. Le gouvernement ajoute que d’autres garanties sont prévues au niveau national pour assurer la protection des droits individuels et collectifs des travailleurs. Le ministère du Travail a mis en place différents mécanismes destinés à offrir aux travailleurs une protection adéquate, tels que des permanences téléphoniques dans lesquelles un personnel qualifié reçoit plaintes et requêtes et leur donne suite au plus vite. Une boîte aux lettres électronique a été créée spécialement pour les questions et plaintes, lesquelles reçoivent réponse dans les plus brefs délais. Avec le concours du Conseil supérieur de la magistrature, le ministère a ouvert une antenne dans les locaux du palais de justice afin de suivre les procédures opposant travailleurs et employeurs et en faciliter le déroulement; les services qu’il offre dans ce cadre sont gratuits. En coopération avec les ambassades de leurs pays d’origine au Qatar, le ministère examine les problèmes rencontrés par les travailleurs migrants afin de trouver des solutions appropriées et de les aider à faire respecter leurs droits. Le gouvernement indique enfin que le département des droits de l’homme du ministère de l’Intérieur assure la protection de ces travailleurs et leur apporte son assistance pour la soumission de plaintes. Il traite les plaintes et réclamations présentées par ceux d’entre-deux qui souhaitent dénoncer des problèmes professionnels avec leur employeur. Ces interventions s’inscrivent dans le cadre du Code du travail, de la loi régissant les conditions d’entrée, de séjour et de départ des travailleurs migrants ainsi que les garanties offertes à ces travailleurs, du Code de procédure pénale et d’autres lois applicables.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 837. Le comité relève que les allégations de l’organisation plaignante portent sur plusieurs dispositions du Code du travail de 2004, qui contreviendraient selon elle aux principes de la liberté syndicale et au droit de négociation collective. Le comité relève que le gouvernement n’a ratifié ni la convention no 87 ni la convention no 98 et il rappelle que, lorsqu’un Etat décide d’adhérer à l’Organisation internationale du Travail, il s’engage à respecter les principes fondamentaux définis dans la Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie, y compris les principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 15.] Le comité rappelle que la liberté syndicale est l’une des garanties primordiales de la paix et de la justice sociale. Le comité exprime sa préoccupation devant la gravité des allégations de violation de la liberté syndicale au Qatar.
  2. 838. Le comité relève que, selon le gouvernement, une plainte dénonçant des violations des droits au travail et des droits syndicaux est recevable uniquement si elle est formulée en termes clairs, si elle repose sur des preuves indiscutables et si elle est étayée par des informations complètes et fiables. Le gouvernement estime qu’il ne suffit pas d’interpréter la législation en vigueur dans un pays pour pouvoir conclure à l’existence de violations des droits des travailleurs. Il conteste la plainte soumise par la CSI, qui ne contient selon lui aucune référence à une quelconque plainte ou réclamation antérieure, émanant d’une organisation ou d’une commission de travailleurs nationale affectée directement par les problèmes soulevés, et il ajoute que les allégations qui y sont faites ne reposent sur aucune demande ou revendication, qu’elle soit formelle ou non, présentée par une organisation nationale de travailleurs et qu’elles ne sont pas non plus fondées sur des faits. Le gouvernement considère par ailleurs que, pour être examinée par le comité, une plainte doit être dépourvue de tout caractère politique manifeste et il estime que, dans le présent cas, la plainte est calomnieuse et destinée à ternir la réputation de l’Etat du Qatar alors que celui-ci se prépare à accueillir la Coupe du monde de football en 2022.
  3. 839. Le comité rappelle à cet égard que son mandat est précisément d’examiner si, et dans quelle mesure, des preuves satisfaisantes sont présentées à l’appui des allégations de violation de la liberté syndicale. En outre, le mandat du comité consiste à déterminer si, concrètement, telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans les conventions portant sur ces sujets et d’assurer le respect des droits syndicaux en droit comme en fait. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 9, 6 et 3.] Quand les lois nationales, y compris celles qui sont interprétées par les tribunaux supérieurs, contreviennent aux principes de la liberté syndicale, le comité s’est toujours considéré comme habilité à examiner ces lois, à proposer des orientations et à offrir l’assistance technique du BIT pour les rendre conformes aux principes de la liberté syndicale affirmés dans la Constitution de l’OIT ou aux conventions applicables. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 11.] Par conséquent, le comité examinera les dispositions législatives qui contreviennent, d’après l’organisation plaignante, aux principes de la liberté syndicale et du droit de négociation collective.
  4. 840. Le comité prend note de la position du gouvernement, qui déclare que le Code du travail protège comme il convient le droit des travailleurs de constituer des syndicats pour défendre leurs intérêts et les représenter aux fins de la négociation collective avec l’employeur. Selon le gouvernement, ce texte consacre aussi le droit des employeurs et des travailleurs de négocier collectivement et de conclure des conventions collectives sur toute question relative au travail, et ce sans intervention indue des pouvoirs publics. La CSI allègue cependant que le Code du travail compromet l’exercice du droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. L’organisation renvoie à cet égard aux articles 3 et 116 de ce texte, qui sont reproduits ci-dessous:

      Article 3

    • Sauf mention contraire dans d’autres lois, les dispositions du présent code ne sont pas applicables aux catégories suivantes:
      • 1. Les employés et collaborateurs des ministères et autres services de l’Etat, institutions publiques, sociétés ou entreprises créées par Qatar Petroleum, seul ou avec d’autres, ainsi que les travailleurs dont la situation au regard de l’emploi est régie par des lois particulières.
      • 2. Les agents et membres des forces armées et de la police ainsi que les travailleurs servant à la mer.
      • 3. Les travailleurs occasionnels.
      • 4. Les travailleurs domestiques, notamment les chauffeurs, bonnes, cuisiniers, jardiniers et autres personnels apparentés.
      • 5. Les travailleurs familiaux, soit la femme de l’employeur ainsi que ses parents ou enfants qui résident avec lui et sont entièrement à sa charge.
      • 6. Les travailleurs de l’agriculture et de l’élevage pastoral, exception faite du personnel des établissements agricoles qui transforment et commercialisent leur propre production et des collaborateurs affectés à titre permanent au maniement ou à l’entretien de machines agricoles.
    • Les dispositions du présent code peuvent, pour tout ou partie, et sous réserve d’une résolution du Conseil des ministres agissant sur la recommandation du ministre, être appliquées aux catégories visées aux points 3, 4, 5 et 6 du présent article.

      Article 116

    • Les travailleurs employés dans un établissement comptant parmi leurs effectifs 100 travailleurs de nationalité qatarienne au moins peuvent s’entendre pour constituer une commission, qui sera désignée sous le nom de «commission des travailleurs», étant entendu qu’il ne devra pas y avoir plus d’une commission par établissement.
    • Les commissions de travailleurs constituées au sein d’établissements relevant de la même branche ou secteur d’activité ou encore de branches ou secteurs d’activité similaires ou apparentés sont autorisées à s’entendre pour constituer une commission générale, qui sera désignée sous le nom de «Commission générale des travailleurs» de la branche ou du secteur d’activité.
    • Les commissions générales des travailleurs des différentes branches ou secteurs d’activité peuvent s’entendre pour constituer un syndicat général, qui sera désigné sous le nom de «Syndicat général des travailleurs du Qatar».
    • L’adhésion aux deux commissions susmentionnées et au Syndicat général des travailleurs du Qatar sera réservée aux travailleurs de nationalité qatarienne. Le ministre fixera les conditions et procédures régissant la constitution des organisations de travailleurs et l’adhésion à de telles organisations, il définira les modalités de leur activité et il déterminera quelles sont les branches et secteurs similaires ou apparentés.
  5. 841. Le comité rappelle que l’article 2 de la convention no 87 entend consacrer le principe de la non-discrimination en matière syndicale, et la formule «sans distinction d’aucune sorte», contenue dans cet article, signifie que la liberté syndicale est reconnue sans discrimination d’aucune sorte tenant à l’occupation, au sexe, à la couleur, à la race, aux croyances, à la nationalité, aux opinions politiques, etc., non seulement aux travailleurs du secteur privé de l’économie, mais aussi aux fonctionnaires et aux agents des services publics en général. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 209.] Pour illustrer le principe général en question, le comité appelle l’attention du gouvernement sur les paragraphes suivants du Recueil:
    • 216. Tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, y compris sans discrimination tenant à l’occupation, devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier.
    • ...
    • 219. Les fonctionnaires doivent bénéficier, comme tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, du droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, sans autorisation préalable, afin de promouvoir et de défendre leurs intérêts.
    • 220. Les fonctionnaires (à la seule exception possible des forces armées et de la police, en vertu de l’article 9 de la convention no 87) devraient, à l’instar des travailleurs du secteur privé, pouvoir constituer des organisations de leur choix destinées à promouvoir et à défendre les intérêts de leurs membres.
    • ...
    • 229. Les civils travaillant dans les services de l’armée devraient avoir le droit de se syndiquer.
    • ...
    • 241.  Les travailleurs de l’agriculture devraient bénéficier du droit de constituer des organisations syndicales.
    • ...
    • 255.  Tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, qu’il s’agisse de travailleurs permanents ou de travailleurs recrutés pour une période temporaire, ou de travailleurs temporaires.
    • ...
    • 267.  Les travailleurs domestiques ne sont pas exclus de l’application de la convention no 87, ils doivent donc tous bénéficier des garanties offertes par la convention et avoir le droit de constituer [des] organisations professionnelles et s’y affilier.
  6. 842. S’agissant des restrictions au droit d’organisation fondées sur la nationalité, situation qui découle de la première phrase du paragraphe 4 de l’article 116 du Code du travail, le comité estime qu’une telle restriction empêche les travailleurs migrants de jouer un rôle actif dans la défense de leurs intérêts, notamment dans des secteurs où ils constituent la principale source de main-d’œuvre. Le droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier implique que toutes les personnes résidant légalement dans le pays jouissent des droits syndicaux, sans aucune distinction fondée sur la nationalité. Le comité rappelle également la résolution concernant une approche équitable pour les travailleurs migrants dans une économie mondialisée, qui a été adoptée par la Conférence de l’OIT à sa 92e session, en 2004, et qui indique que «[t]ous les travailleurs migrants bénéficient également de la protection offerte par la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi (1998). Par ailleurs, les huit conventions fondamentales de l’OIT relatives à la liberté syndicale et au droit de négociation collective, à la non-discrimination en matière d’emploi et de profession, à l’interdiction du travail forcé, et à l’élimination du travail des enfants couvrent tous les travailleurs migrants, quel que soit leur statut.» [paragr. 12.]
  7. 843. S’agissant du droit de négociation collective, le comité rappelle que ne peuvent être exclus de la négociation collective que les membres des forces armées et de la police ainsi que les fonctionnaires publics commis à l’administration de l’Etat.
  8. 844. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, les exceptions possibles se limitant aux cas susmentionnés, puissent jouir de la liberté syndicale et du droit de négociation collective. En particulier, le comité prie le gouvernement d’envisager de modifier l’article 3, ou, en ce qui concerne les catégories de travailleurs mentionnés aux paragraphes 3 à 6, de prendre les mesures nécessaires à l’adoption d’une résolution du Conseil des ministres, conformément à ce que prévoit le dernier paragraphe de cet article. En outre, le comité prie instamment le gouvernement de lever la restriction pesant sur le droit d’organisation des travailleurs migrants en supprimant la première phrase du paragraphe 4 de l’article 116 du Code du travail, qui limite la jouissance du droit d’organisation aux seuls travailleurs de nationalité qatarienne.
  9. 845. Le comité relève également que, selon le paragraphe 1 de l’article 116, la constitution d’une commission de travailleurs est possible uniquement dans les entreprises employant 100 travailleurs de nationalité qatarienne au moins. Le comité rappelle à cet égard que le droit d’organisation ne doit pas dépendre de la taille de l’entreprise ni du nombre des travailleurs qu’elle emploie et, considérant que la population active est composée en grande majorité de travailleurs migrants, il comprend que les entreprises comptant plus de 100 travailleurs de nationalité qatarienne risquent d’être très peu nombreuses, notamment parmi les petites et moyennes entreprises; par conséquent, il prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour abroger cette disposition.
  10. 846. Le comité relève encore que, selon la CSI, et en application de l’article 116, il est possible de créer dans chaque établissement un seul comité de travailleurs, habilité à son tour à former un comité général à l’échelon de la branche ou du secteur d’activité, les comités généraux pouvant de leur côté constituer un syndicat général désigné sous le nom de «Syndicat général des travailleurs du Qatar». Le comité rappelle à cet égard que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité effective de créer – si les travailleurs le désirent – plus d’une organisation de travailleurs par entreprise. En outre, l’unité du mouvement syndical ne doit pas être imposée par une intervention de l’Etat par voie législative, car celle-ci irait à l’encontre des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 315 et 321.] Le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour modifier l’article 116 afin de le mettre en conformité avec le principe susmentionné.
  11. 847. La commission prie également le gouvernement de lui faire parvenir le texte des règlements régissant la constitution et les activités des organisations de travailleurs, ainsi que l’adhésion à de telles organisations, adoptés en application de la dernière phrase de l’article 116 du Code du travail.
  12. 848. S’agissant de l’allégation selon laquelle le Code du travail interdit le droit de grève dans les faits, le comité relève que, selon le gouvernement, ce droit est au contraire consacré par le texte en question. Le gouvernement ajoute cependant que, le droit de grève étant un moyen pour les travailleurs de faire valoir leurs revendications, il convient d’établir certaines règles et conditions, qui permettront d’en encadrer l’exercice, pour qu’il serve les objectifs voulus tout en garantissant la sécurité des travailleurs et la protection des biens publics. Le gouvernement indique en outre que les autorités agissent toujours dans l’intérêt des travailleurs, car leur intervention permet de régler le différend avant tout recours à la grève. L’application de ces règles et conditions ne signifie pas que le ministère du Travail et le ministère de l’Intérieur cherchent à empêcher les travailleurs d’exercer le droit de grève consacré par le Code du travail, mais au contraire qu’ils s’emploient à leur donner les moyens d’en faire usage. Le gouvernement estime que ces règles et conditions sont conformes aux dispositions des conventions applicables de l’OIT, qui reconnaissent aux Etats Membres le droit de déterminer quels sont les services essentiels dans lesquels la grève peut être interdite (du fait de l’importance de ces services ou des effets potentiels de la grève sur les biens publics ou les personnes).
  13. 849. Le comité prend note des articles suivants de la loi:

      Article 120

    • Les travailleurs peuvent faire grève en cas d’échec avéré du règlement à l’amiable du différend qui les oppose à l’employeur, et sous réserve des conditions suivantes:
      • 1. Approbation par les trois quarts des membres de la commission générale des travailleurs de la branche ou du secteur d’activité.
      • 2. Notification à l’employeur deux semaines au moins avant le début de la grève et aval du ministre [ministre de la Fonction publique et du Logement], après consultation du ministre de l’Intérieur en ce qui concerne la date et le lieu de la grève.
      • 3. Absence de toute atteinte aux biens publics et aux individus, leur sécurité et leur sûreté.
      • 4. Interdiction de la grève dans les services publics essentiels, qui s’entendent des industries pétrolière et gazière, de la distribution d’eau et d’électricité, des ports maritimes, des aéroports, des hôpitaux et des transports.
      • 5. Recours exclu à la grève à moins d’un échec avéré du règlement à l’amiable par les travailleurs et l’employeur, au moyen de la conciliation ou de l’arbitrage et conformément aux dispositions légales.

      Article 129

    • Lorsqu’un différend oppose l’employeur à certains de ses salariés ou la totalité d’entre eux, les deux parties devront s’efforcer de parvenir à un règlement par leurs propres moyens et, s’il existe au sein de l’établissement une commission paritaire, il conviendra de soumettre le litige à cette institution en vue d’un règlement.
    • Si les deux parties ne parviennent pas à régler leur différend, il conviendra d’appliquer la procédure suivante:
      • 1. Les travailleurs soumettront leur plainte ou réclamation à l’employeur par écrit en adressant copie de ce document au service concerné.
      • 2. L’employeur répondra à la plainte ou réclamation présentée par les travailleurs par écrit, une semaine au plus tard après réception, et il adressera copie de cette réponse au service concerné.
      • 3. Si la réponse de l’employeur ne permet pas le règlement du différend, le service s’efforcera de trouver une issue au conflit par la voie de la médiation.

      Article 130

    • Si la médiation par le service ne permet pas le règlement du différend dans les quinze jours qui suivent la date de la réponse de l’employeur, le service soumettra le conflit à une commission de conciliation qui sera invitée à se prononcer.
    • La commission de conciliation comprendra:
      • 1. Un président nommé sur décision du ministre.
      • 2. Un membre désigné par l’employeur.
      • 3. Un membre représentant les travailleurs qui sera désigné conformément aux dispositions du deuxième paragraphe de l’article.
    • La commission pourra s’appuyer sur des consultations avec des spécialistes avant de se prononcer sur le différend et elle rendra sa décision dans un délai d’une semaine à compter de la date à laquelle elle en a été saisie.
    • La décision de la commission aura force obligatoire pour les deux parties si celles-ci sont convenues par écrit qu’elles saisiraient cet organe de leur différend avant qu’il se réunisse pour examiner l’affaire; si aucun accord n’est conclu, le différend sera soumis à une commission d’arbitrage dans un délai de quinze jours. La sentence arbitrale aura force obligatoire pour les deux parties.
  14. 850. En ce qui concerne l’article 120 du Code du travail, le comité rappelle que les conditions posées par la législation pour qu’une grève soit considérée comme un acte licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu’elles constituent une limitation importante aux possibilités d’action des organisations syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 547.] S’agissant du vote majoritaire requis pour la convocation d’une grève légale, le comité estime qu’en général le fait que la décision de déclarer une grève doive être approuvée par plus de la moitié de tous les travailleurs concernés est une exigence trop élevée qui pourrait par trop limiter la possibilité de faire grève, surtout dans les grandes entreprises. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 556.] En outre, la faculté du ministère de la Fonction publique et du Logement de déterminer la date et le lieu de la grève pourrait constituer une entrave excessive à l’exercice du droit de grève.
  15. 851. S’agissant de l’interdiction des grèves dans les «services publics essentiels», soit dans les industries pétrolière et gazière, la distribution d’eau et d’électricité, les ports maritimes, les aéroports, les hôpitaux et les transports, le comité rappelle que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 576.] Il rappelle en outre qu’il a considéré que les services suivants ne constituaient pas des services essentiels: les installations pétrolières, les ports, les transports en général, les pilotes de ligne, ainsi que la production, le transport et la distribution de combustibles. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 587.] En outre, même dans les services essentiels, certaines catégories d’employés, par exemple les ouvriers et les jardiniers des hôpitaux ne devraient pas être privées du droit de grève. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 593.] Cependant, un service minimum pourrait être approprié comme solution de rechange possible dans les situations où une limitation importante ou une interdiction totale de la grève n’apparaît pas justifiée et où, sans remettre en cause le droit de grève de la plus grande partie des travailleurs, il pourrait être envisagé d’assurer la satisfaction des besoins de base des usagers ou encore la sécurité ou le fonctionnement continu des installations. Un service minimum peut être maintenu en cas de grève dont l’étendue et la durée pourraient provoquer une situation de crise nationale aiguë telle que les conditions normales d’existence de la population pourraient être en danger. Pour être acceptable, ce service minimum devrait se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d’existence de tout ou partie de la population, et les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer à sa définition tout comme les employeurs et les autorités publiques. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 607 et 610.] Le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires en vue de modifier l’article 120 afin d’assurer le respect des principes énoncés ci-dessus.
  16. 852. Le comité relève que, selon l’organisation plaignante, le recours à la grève est limité aux seuls conflits entre un employeur et ses salariés. Il rappelle à cet égard que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs défendent par le droit de grève se rapportent non seulement à l’obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d’ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale et aux problèmes qui se posent à l’entreprise, et qui intéressent directement les travailleurs. En outre, les organisations chargées de défendre les intérêts socio-économiques et professionnels des travailleurs devraient en principe pouvoir utiliser la grève pour appuyer leur position dans la recherche de solutions aux problèmes posés par les grandes orientations de politique économique et sociale, qui ont des répercussions immédiates pour leurs membres, et plus généralement pour les travailleurs, notamment en matière d’emploi, de protection sociale et de niveau de vie. L’interdiction des grèves non liées à un conflit collectif auquel les travailleurs ou le syndicat seraient parties est contraire aux principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 526, 527 et 538.] Le comité prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les organisations de travailleurs soient en mesure d’exprimer si nécessaire, par des grèves ou des mouvements de protestation, et dans un cadre plus général que celui qui est fourni aujourd’hui par l’article 120, leur opinion sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres.
  17. 853. S’agissant du recours en dernier ressort, en application de l’article 130, à une procédure d’arbitrage obligatoire, le comité rappelle que l’on ne saurait considérer comme attentatoire à la liberté syndicale une législation prévoyant le recours aux procédures de conciliation et d’arbitrage (volontaire) dans les conflits collectifs en tant que condition préalable à une déclaration de grève, pour autant que le recours à l’arbitrage ne présente pas un caractère obligatoire et n’empêche pas, en pratique, le recours à la grève. Dans la mesure où l’arbitrage obligatoire empêche la grève, il porte atteinte au droit des organisations syndicales d’organiser librement leurs activités et ne pourrait se justifier que dans la fonction publique ou dans les services essentiels au sens strict du terme. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 549 et 565.] Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 130 en faisant en sorte que le recours à l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail soit possible uniquement à la demande des deux parties au conflit ou encore lorsque la grève peut être limitée, voire interdite, à savoir dans les cas de conflit dans la fonction publique à l’égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger dans tout ou partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 564.]
  18. 854. Le comité relève que, selon l’organisation plaignante, et dans le cas des services essentiels, les travailleurs dont le droit de grève est restreint ne peuvent prétendre à aucune contrepartie, notamment la garantie de ne pas se voir imposer un lock-out. Le comité rappelle que les employés privés du droit de grève parce qu’ils rendent des services essentiels doivent bénéficier de garanties appropriées destinées à sauvegarder leurs intérêts: par exemple, interdiction correspondante du droit de lock-out, établissement d’une procédure paritaire de conciliation et, seulement lorsque la conciliation échoue, institution d’une procédure paritaire d’arbitrage. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 600.] Le comité compte donc qu’en cas de restrictions à la grève dans les services essentiels, et si le conflit du travail est traité par la voie de la conciliation et de l’arbitrage, le droit de l’employeur au lock-out sera également limité.
  19. 855. S’agissant de l’interdiction faite aux organisations de travailleurs de se livrer à certaines activités, le comité prend note de l’article 119 du Code du travail, qui est libellé ainsi:
    • Sont interdits aux organisations de travailleurs:
      • 1. L’exercice d’activités politiques ou religieuses quelles qu’elles soient.
      • 2. L’élaboration, l’impression ou la distribution de tout document offensant envers l’Etat ou le gouvernement ou de nature à altérer l’ordre établi.
      • 3. Les spéculations financières quelle qu’en soit la nature.
      • 4. L’acceptation de cadeaux ou de donations, sauf si le ministère y consent.
    • Le ministre pourra dissoudre les organisations qui se seraient livrées à l’une ou l’autre de ces activités interdites ou agiraient au mépris des objectifs visés.
  20. 856. En ce qui concerne les activités politiques, le comité rappelle que les organisations syndicales ne doivent pas abuser de telles activités en outrepassant leurs fonctions propres et en promouvant des intérêts essentiellement politiques, mais que les dispositions qui interdisent de façon générale les activités politiques exercées par les syndicats pour la promotion de leurs objectifs spécifiques sont contraires aux principes de la liberté syndicale. Il ajoute que, outre qu’elle serait incompatible avec les principes de la liberté syndicale, une interdiction générale de toute activité politique par les syndicats manquerait du réalisme nécessaire à son application pratique. En effet, les organisations syndicales peuvent vouloir exprimer publiquement, par exemple, leur opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 500, 502 et 503.] Le comité rappelle en outre que le droit d’exprimer des opinions sans autorisation préalable par la voie de la presse syndicale est l’un des éléments essentiels des droits syndicaux et que la liberté d’expression dont devraient jouir les organisations syndicales et leurs dirigeants devrait également être garantie lorsque ceux-ci veulent formuler des critiques à l’égard de la politique économique et sociale du gouvernement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 156 et 157.] S’agissant de la nécessité d’obtenir l’autorisation du ministère avant d’accepter des cadeaux ou des donations, le comité estime que les syndicats ne devraient pas être obligés d’obtenir une autorisation préalable pour bénéficier d’une assistance financière internationale en matière d’activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 743.] Enfin, s’agissant du droit du ministre de dissoudre une organisation de travailleurs, le comité souligne que les mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative constituent de graves violations aux principes de la liberté syndicale et que l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat ne devrait être possible que par voie judiciaire. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 683 et 687.] Le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires en vue de modifier l’article 119 et le mettre en conformité avec les principes susmentionnés.
  21. 857. Le comité relève encore que, en application de l’article 123 du Code du travail, «le Syndicat général des travailleurs du Qatar peut, avec l’accord préalable du ministère, s’affilier à toute organisation arabe ou internationale active dans le domaine des organisations de travailleurs». Le comité rappelle qu’une organisation de travailleurs doit avoir le droit de s’affilier à la fédération ou à la confédération de son choix, sous réserve des statuts de l’organisation intéressée et sans autorisation préalable, et qu’il appartient aux fédérations et aux confédérations elles-mêmes de décider d’accepter ou de refuser l’affiliation d’un syndicat, conformément à leurs propres règlements et statuts. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 722.] Le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour modifier l’article 123 du Code du travail en conséquence.
  22. 858. Le comité prend note par ailleurs des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles le Code du travail ne prévoit aucune forme de protection pour les travailleurs ayant des activités syndicales. Tout en tenant compte dûment que le gouvernement est d’un avis contraire, le comité constate avec regret que, à l’exception de l’article 122, qui prévoit que «l’employeur ne peut pas contraindre le travailleur à adhérer à une organisation de travailleurs n’y l’en empêcher, pas plus qu’il ne peut lui interdire d’appliquer les décisions d’une telle organisation», et de l’article 144 qui énonce les sanctions applicables en cas de contravention à l’article 122, soit une peine de prison ne dépassant pas un mois ou une amende comprise entre 2 000 et 6 000 riyals qatariens (QAR) ou les deux, aucune autre disposition ne prévoit de voie de recours rapide et efficace contre les actes de discrimination antisyndicale et l’ingérence dans les activités syndicales, protection nécessaire pour garantir la liberté syndicale dans la pratique. Le comité se voit donc dans l’obligation de souligner qu’il faut adopter, en matière de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans les affaires syndicales, des dispositions législatives spécifiques. Il estime notamment qu’il faut assurer la protection contre les actes suivants: 1) subordonner l’emploi d’un travailleur à la condition qu’il ne s’affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d’un syndicat; ou 2) congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tout autre moyen, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l’employeur, durant les heures de travail. Le comité estime que le respect des principes de la liberté syndicale exige que les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs activités syndicales disposent de moyens de recours expéditifs, peu coûteux et tout à fait impartiaux. En outre, lorsqu’une législation nationale ne contient pas de dispositions spéciales pour protéger les organisations de travailleurs contre les actes d’ingérence des employeurs ou de leurs organisations, il serait souhaitable que le gouvernement étudie la possibilité d’adopter des dispositions nettes et précises visant à protéger de manière efficace les organisations de travailleurs contre ces actes d’ingérence. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 820 et 860.] Le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires en vue de l’adoption de dispositions législatives adaptées à cet effet.
  23. 859. Au vu des considérations qui précèdent, le comité demande au gouvernement d’entamer sans délai la réforme de la législation du travail, et s’attend en outre à ce que les partenaires sociaux soient pleinement associés à ce processus et que toute nouvelle disposition législative se fonde sur les principes énoncés ci-dessus. Il prie le gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures adoptées ou envisagées à cet égard et il lui rappelle qu’il peut recourir à l’assistance technique du Bureau.
  24. 860. Enfin, le comité prend note de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle l’article 127 du Code du travail autorise le gouvernement à fixer les règles et procédures applicables à la négociation collective et aux modalités de la représentation des parties et à préciser quels doivent être le contenu des conventions collectives, leur champ d’application, leur durée et les moyens devant être mis en œuvre pour les établir, compromettant ainsi l’existence d’un processus de négociation collective. Le comité prend note du texte de cette disposition:
    • Les employeurs et les travailleurs ont le droit de procéder à des négociations collectives et de conclure des conventions paritaires sur les questions relatives au travail.
    • Le ministre promulguera une décision dans laquelle il énoncera les règles et procédures applicables à la négociation collective et aux modalités de la représentation des parties à ce processus, ainsi que les principes régissant les conventions paritaires, en [précisant quels doivent être] le contenu de ces conventions, leur champ d’application, les moyens pouvant être mis en œuvre pour les établir, leur durée et la façon de les interpréter et de régler les différends qui pourraient surgir lors de leur mise en œuvre.
  25. 861. Le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir le texte de la décision mentionnée dans l’article 127 du Code du travail en lui indiquant comment celle-ci est mise en œuvre dans la pratique.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 862. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires en vue de modifier le Code du travail (notamment par la révision de ses articles 3, 116, 119, 120, 123 et 130 et l’adoption de dispositions complémentaires pour leur application), conformément aux principes énoncés dans ses conclusions, afin d’assurer la mise en œuvre des principes fondamentaux que sont la liberté syndicale et le droit de négociation collective. Il s’attend à ce que les partenaires sociaux soient associés pleinement à ce processus de réforme de la législation du travail. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures adoptées ou envisagées à cet égard et il lui rappelle qu’il peut recourir à l’assistance technique du Bureau.
    • b) Observant l’indication du gouvernement selon laquelle les travailleurs migrants représentent 93 pour cent de la population économiquement active du Qatar, le comité prie instamment le gouvernement d’éliminer toute restriction concernant la liberté syndicale des travailleurs migrants.
    • c) Le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir:
      • – le texte des règlements régissant la constitution et les activités des organisations de travailleurs, ainsi que l’adhésion à de telles organisations, adoptés en application de la dernière phrase de l’article 116 du Code du travail;
      • – le texte de la décision mentionnée dans l’article 127 du Code du travail, en lui indiquant comment celle-ci est mise en œuvre dans la pratique.
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