Allégations: L’organisation plaignante allègue le refus de la part des services
du ministère du Travail et de la Sécurité sociale d’enregistrer un syndicat de
sapeurs-pompiers et, à la suite de la formation dudit syndicat, des licenciements, des
transferts et des pressions pour obtenir des membres qu’ils renoncent à leur
affiliation
- 369. La plainte figure dans une communication en date du 14 mai 2013
présentée par l’Union syndicale des travailleurs du Guatemala (UNSITRAGUA).
- 370. Lors de sa réunion de juin 2014 [voir 372e rapport, paragr. 6], en
l’absence d’observations malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le
comité a lancé un appel pressant au gouvernement et appelé son attention sur le fait
que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport,
approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session, il présenterait un rapport
sur le fond de l’affaire, même si les informations ou observations du gouvernement
n’étaient pas reçues à temps. Dans un document remis à la mission dirigée par la
directrice du Département des normes internationales du travail du BIT qui s’est rendue
dans le pays du 8 au 11 septembre 2014, le gouvernement indique qu’il examine des
informations fournies par différentes institutions publiques et qu’il est en attente des
informations que le ministère public pourrait fournir. A ce jour, aucune information
substantielle du gouvernement n’a été reçue.
- 371. Le Guatemala a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le
droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 372. Dans sa communication en date du 14 mai 2014, l’organisation
plaignante déclare que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a refusé
d’inscrire le Syndicat professionnel des travailleurs du Corps émérite de
sapeurs-pompiers volontaires de Guatemala (SGTBCVBG) et que, à la suite de la formation
de cette organisation, une série de licenciements et d’actes antisyndicaux ont eu lieu.
A cet égard, l’organisation plaignante indique: i) que, le 5 septembre 2012, les statuts
et l’acte constitutif du SGTBCVBG ont été présentés et que les notifications
correspondantes ont été envoyées à la Direction générale du travail et à l’Inspection
générale du travail du ministère du Travail et de la Sécurité sociale; ii) que, le même
jour, les fondateurs de l’organisation ont commencé à bénéficier de l’inamovibilité
syndicale, laquelle a été notifiée le 6 septembre 2012; iii) que, le 17 septembre 2012,
la direction du Corps émérite de sapeurs-pompiers volontaires de Guatemala (CVBG) a
licencié six fondateurs et membres du SGTBCVBG, dont trois membres du comité directeur
provisoire (Mme Lesbia Corina Queme Roma, secrétaire à la condition féminine, M. Adolfo
Martín Enríquez Suchite, secrétaire chargé des actes et des accords, et M. Jonathan Raúl
Girón Kunse, secrétaire au travail et aux conflits) et trois membres fondateurs
(MM. Luis Alberto Pérez Soberanis, Raúl Heriberto Gonzales Archila et Marlon Gabriel
López Chupina); iv) que, le lendemain du dépôt de la plainte de M. Marlon Gabriel López
Chupina auprès du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, du bureau du Défenseur
des travailleurs et du bureau du Procureur aux droits de l’homme, le CVBG a annulé le
licenciement de ce travailleur, ce qui a ramené à cinq le nombre de dirigeants et de
membres du SGTBCVBG licenciés; v) que ces licenciements, prétendument motivés par une
«réorganisation», étaient contraires à la loi sur le Corps émérite de sapeurs-pompiers
volontaires ainsi qu’à la loi sur le service civil et qu’en outre les démarches
nécessaires n’avaient pas été accomplies auprès du ministère du Travail et de la
Sécurité sociale et l’autorisation du juge compétent n’avait pas été obtenue;
vi) qu’après que la plainte pour licenciements a été déposée auprès du ministère du
Travail et de la Sécurité sociale, l’inspection du travail a déclaré les licenciements
illégaux au motif de la violation de l’inamovibilité syndicale en date du 28 septembre
2012; vii) que, lors de l’inspection, la direction du CVBG a affirmé de manière
fallacieuse que, le jour où elle avait procédé aux licenciements, elle n’était pas au
courant de la formation du syndicat; viii) que quatre des cinq personnes licenciées ont
dû déposer plainte auprès du bureau du Procureur du ministère public pour pouvoir
récupérer les effets personnels qu’elles avaient laissés dans les locaux du CVBG;
ix) que l’ordinateur et les appareils photo numériques qui contenaient les informations
relatives à la formation du syndicat ont néanmoins disparu; x) que trois autres membres
fondateurs du syndicat (MM. René Galicia, secrétaire général intérimaire; Félix
Montenegro, fondateur, et Fernando Esquivel, secrétaire intérimaire à l’organisation)
ont été transférés vers un autre lieu de travail de manière intempestive et illégale;
xi) que, le 19 septembre 2012, le premier commandant en chef, M. César González, a réuni
12 membres fondateurs du syndicat pour leur demander de renoncer à la formation du
SGTBCVBG, et qu’un avocat des employeurs a frauduleusement présenté la prétendue
déclaration de renonciation de 11 membres du syndicat au ministère du Travail et de la
Sécurité sociale; xii) que ces faits ont fait l’objet d’une plainte déposée le
16 octobre 2012 auprès du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, mais qu’aucune
suite n’a été donnée à cette plainte; xiii) que, quelques jours plus tard, Mme Teresa
Rivas, qui ne faisait pas partie des membres fondateurs mais s’était affiliée peu après
et avait manifesté publiquement son appui au syndicat, a été menacée par un groupe de
cinq personnes armées; xiv) que des personnes de confiance du commandant González se
sont rendues dans la majorité des casernes de sapeurs-pompiers de la capitale et des
départements pour dissuader le personnel de s’affilier au syndicat; xv) que, le 21 mars
2013, le bureau de protection des travailleurs du ministère du Travail et de la Sécurité
sociale a transmis le dossier du SGTBCVBG à la Direction générale du travail et a
recommandé «l’enregistrement et l’approbation de la personnalité juridique du syndicat,
qui est conforme à toutes les dispositions législatives»; xvi) que, par une décision du
2 mai 2013, la Direction générale du travail a néanmoins déclaré irrecevable la demande
d’enregistrement du SGTBCVBG, lequel a formé un recours en révocation contre cette
décision; xvii) que les fondateurs du syndicat ont déposé plainte contre le Directeur
général du travail pour non-respect de la confidentialité du dossier, dont le contenu a
été partagé avec la direction du CVBG dès le départ.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 373. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la
présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas fourni les informations demandées,
alors qu’il y a été invité par un appel pressant lancé lors de la réunion de juin 2014
du comité. Le comité prie le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à
l’avenir.
- 374. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable
[voir le 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration], le comité
se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir
tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
- 375. Le comité rappelle que l’ensemble de la procédure instituée par
l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en violation de la
liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le
comité est convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les
accusations déraisonnables, ceux-ci doivent, à leur tour, reconnaître l’importance de
présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées et précises aux
allégations formulées à leur encontre.
- 376. Le comité note que la présente plainte porte sur des allégations
concernant le refus de la part des services du ministère du Travail et de la Sécurité
sociale d’enregistrer un syndicat de sapeurs-pompiers et, à la suite de la formation
dudit syndicat, des licenciements, des transferts et des pressions pour obtenir des
membres qu’ils renoncent à leur affiliation.
- 377. Concernant le refus de la part des services du ministère du Travail
et de la Sécurité sociale d’enregistrer le SGTBCVBG, le comité note que l’organisation
plaignante allègue que le SGTBCVBG a présenté sa demande d’enregistrement en septembre
2012, conformément aux prescriptions légales; que, en mai 2013, en dépit de l’avis
favorable du bureau de protection des travailleurs du ministère du Travail et de la
Sécurité sociale, la Direction générale du travail a décidé de refuser l’enregistrement
du syndicat, et que le syndicat en formation a immédiatement déposé un recours en
révocation contre cette décision. A cet égard, le comité rappelle en premier lieu qu’il
a signalé à plusieurs reprises que les fonctions exercées par les sapeurs-pompiers ne
justifient pas leur exclusion du droit syndical et qu’ils doivent donc jouir de ce
droit. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale,
cinquième édition, 2006, paragr. 231.] Le comité rappelle en second lieu que le droit à
une reconnaissance par un enregistrement officiel est un aspect essentiel du droit
syndical en ce sens que c’est la première mesure que les organisations de travailleurs
ou d’employeurs doivent prendre pour pouvoir fonctionner efficacement et représenter
leurs membres convenablement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 295.] Le comité prie donc
instamment le gouvernement d’examiner sans délai le recours en révocation déposé par le
syndicat en formation et de veiller à prendre une décision qui soit pleinement conforme
aux principes susmentionnés. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sans
délai de l’évolution de la situation à cet égard.
- 378. En ce qui concerne l’ingérence alléguée de l’employeur (Corps
émérite de sapeurs-pompiers volontaires de Guatemala (CVBG)) dans la formation du
SGTBCVBG par des pressions visant à obtenir des membres qu’ils renoncent à leur
affiliation, le comité observe que l’organisation plaignante dénonce en particulier les
pressions directes exercées par le premier commandant en chef du CVBG pour obtenir la
renonciation, en date du 19 septembre 2012, de 12 membres fondateurs du syndicat,
initiative qui a abouti, le même jour, à la présentation par l’avocat des employeurs de
la prétendue renonciation de 11 de ces 12 personnes au ministère du Travail et de la
Sécurité sociale. Le comité prend également note des allégations de l’organisation
plaignante selon lesquelles le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n’aurait
pas reçu la plainte correspondante déposée par le syndicat en formation.
- 379. Rappelant que le harcèlement et les manœuvres d’intimidation
perpétrés à l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur
participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas
nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier
aux organisations de leur choix, et par là même violer leur droit d’organisation [voir
Recueil, op. cit., paragr. 786] et que le droit de s’affilier librement à un syndicat
est incompatible avec les pressions visant à ce que les travailleurs renoncent à leur
affiliation syndicale, le comité prie instamment le gouvernement de diligenter
immédiatement une enquête sur les pressions qui auraient été exercées sur les membres du
SGTBCVBG pour obtenir leur désaffiliation et de veiller, s’il y a lieu, à ce que les
résultats de l’enquête soient pris en compte dans la décision de l’administration du
travail sur l’enregistrement de ladite organisation. Le comité prie le gouvernement de
le tenir informé sans délai de l’évolution de la situation à cet égard.
- 380. Pour ce qui est des allégations selon lesquelles cinq membres
fondateurs du SGTBCVBG auraient été licenciés et trois autres auraient été transférés,
le comité rappelle que, lorsqu’elles sont saisies de plaintes en discrimination
antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et
prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de
discrimination qui auront été constatés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 835.] Le
comité prie donc instamment le gouvernement de diligenter immédiatement des enquêtes sur
ces licenciements et transferts et, s’il s’avère que ces derniers ont été décidés pour
des motifs antisyndicaux, de procéder sans délai à la réintégration des travailleurs
concernés. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sans délai de l’évolution
de la situation à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 381. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le
comité note avec regret que, malgré plusieurs demandes et un appel pressant, le
gouvernement n’a fourni aucune information sur les allégations, et lui demande de
faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
- b) Le comité prie instamment
le gouvernement d’examiner sans délai le recours en révocation déposé par le
syndicat en formation pour refus d’enregistrement et de veiller à prendre une
décision qui soit pleinement conforme aux principes de la liberté syndicale
concernant la constitution et l’enregistrement des organisations syndicales qui sont
énoncés dans les conclusions. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé
sans délai de l’évolution de la situation à cet égard.
- c) Le comité prie
instamment le gouvernement de diligenter immédiatement une enquête sur les pressions
qui auraient été exercées pour obtenir la désaffiliation des membres du SGTBCVBG et
de veiller, s’il y a lieu, à ce que les résultats de l’enquête soient pris en compte
dans la décision de l’administration du travail sur l’enregistrement de ladite
organisation. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sans délai de
l’évolution de la situation à cet égard.
- d) Le comité prie instamment le
gouvernement de diligenter immédiatement des enquêtes sur les licenciements et les
transferts de membres fondateurs du syndicat et, s’il s’avère qu’ils ont été décidés
pour des motifs antisyndicaux, de procéder sans délai à la réintégration des
travailleurs concernés. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sans
délai de l’évolution de la situation à cet égard.