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Allégations: Refus d’enregistrer le conseil de direction générale du syndicat au moyen de directives discrétionnaires
- 297. La plainte figure dans une communication du Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur de l’eau (SITIAGUA) en date du 15 janvier 2015.
- 298. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 31 octobre 2016 et du 6 mars 2017.
- 299. El Salvador a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 300. Dans sa communication du 15 janvier 2015, le Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur de l’eau (SITIAGUA) allègue que les autorités compétentes ont formulé des directives discrétionnaires non prévues par la loi pour l’enregistrement de son conseil de direction, enfreignant le droit à la garantie de l’immunité syndicale et générant une situation de vacance du pouvoir au sein de l’organisation syndicale.
- 301. L’organisation plaignante indique que, le 21 octobre 2014, son secrétaire général a déposé une demande d’enregistrement de son conseil de direction générale et de délivrance des accréditations et des cartes pour les dirigeants élus auprès du département national des organisations sociales du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale. Alors que le délai légal prévu pour obtenir une réponse est de 15 jours ouvrables, elle n’est parvenue que 35 jours ouvrables plus tard sous la forme d’une demande invitant le syndicat, par mesure de précaution, à rectifier sa requête en la complétant par les documents suivants: i) une copie simple de la carte d’identité, du passeport ou du certificat de naissance de tous les dirigeants élus; et ii) des feuilles de paie ou un autre document récent attestant de leur statut de salarié.
- 302. Le SITIAGUA allègue que ces exigences, n’étant pas prescrites dans la loi, outrepassent les compétences du département national des organisations sociales. L’organisation plaignante indique en outre que, au moment de déposer la demande, ces exigences ne figuraient pas non plus sur la page Web du département.
- 303. L’organisation plaignante estime que le refus d’enregistrer le conseil de direction constitue une violation de son droit constitutionnel à l’immunité syndicale. Parce que le syndicat n’avait pas satisfait à une obligation discrétionnaire des autorités, à la date du dépôt de la plainte, 125 jours s’étaient écoulés depuis l’élection des membres du conseil sans qu’ils aient reçu leur accréditation alors que l’organisation avait respecté toutes les prescriptions légales. Par conséquent, la décision des autorités a généré une situation de vacance du pouvoir au sein du syndicat, l’empêchant d’engager des actions en justice pour défendre ses membres.
- 304. A cet égard, le SITIAGUA estime que l’attitude des autorités a porté atteinte non seulement au droit constitutionnel à l’immunité syndicale, mais également au principe de sécurité juridique. A ce propos, il indique qu’à cinq reprises depuis 2009 le syndicat a déposé des demandes d’enregistrement et de délivrance d’accréditations pour les membres de son conseil de direction et que les autorités les ont acceptées sans exiger de copies des cartes d’identité (ou des passeports ou des certificats de naissance) ni de feuilles de paie aux personnes élues. Mettant en cause ce changement administratif, l’organisation plaignante affirme que les autorités ne peuvent pas s’attribuer des compétences que ni le Code du travail ni aucune autre disposition législative ne prévoient expressément.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 305. Dans sa communication du 31 octobre 2016, le gouvernement indique que la mesure de précaution transmise par écrit le 17 novembre 2014 et contestée par l’organisation plaignante ne constituait pas un refus de la demande, mais invitait le syndicat à la rectifier en la complétant par les documents nécessaires. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une entrave à l’exercice de l’activité syndicale comme le prétend le SITIAGUA.
- 306. A cet égard, le gouvernement souligne que l’invitation à compléter la demande par mesure de précaution (réclamant des copies de la carte d’identité, du passeport ou du certificat de naissance de tous les dirigeants, ainsi que des feuilles de paie ou tout autre document attestant qu’ils sont salariés) s’appuyait sur la législation et la jurisprudence nationales. Comme l’a reconnu la Cour suprême du pays, l’enregistrement des conseils de direction ne constitue pas un acte discrétionnaire, mais une démarche administrative réglementée qui, pour être menée à bien, requiert de respecter les obligations légales. A ce propos, le gouvernement souligne que la mesure de précaution ne constituait pas un acte discrétionnaire ou fantasque. La présentation des documents demandés était nécessaire pour vérifier le respect des conditions prévues par la Constitution du pays (la nationalité, art. 47) et par le Code du travail (entre autres, outre la nationalité, l’obligation d’être majeur, d’être membre du syndicat et de n’être ni employé de confiance ni représentant patronal, art. 225).
- 307. Le gouvernement soutient que la vacance du pouvoir au sein du syndicat n’était pas imputable aux autorités, la situation pouvant être résolue, mais bien à la résistance opposée par l’organisation plaignante malgré les nombreuses initiatives des autorités pour tenter de faciliter la présentation des documents. A cet égard, le gouvernement signale que: i) pour en faciliter le respect, la mesure de précaution prévoyait des solutions de substitution, comme la présentation d’autres documents que la carte d’identité (le passeport ou le certificat de naissance); ii) préalablement à la communication de la mesure de précaution par écrit, le 1er octobre 2015, il a tenté d’entrer en contact avec le fondateur du SITIAGUA (signataire de la plainte devant le comité) afin d’entamer le dialogue en vue de compléter la demande et d’être en mesure de procéder à l’enregistrement et d’octroyer les accréditations demandées, mais il n’a obtenu aucune réponse; et iii) une dernière notification a été effectuée auprès de ce dirigeant syndical par l’envoi d’une note, le 22 avril 2016, dans laquelle la directrice générale du travail l’invitait à une réunion, le 3 mai 2016, afin d’aborder la question de la situation juridique du conseil de direction du SITIAGUA et d’insister pour que l’organisation présente les documents nécessaires et obtienne ses accréditations et ses cartes. Le secrétaire général élu du conseil de direction du SITIAGUA, M. Alejandro Alvarenga Vásquez, ainsi qu’une avocate représentant le mandataire du syndicat ont assisté à la réunion au cours de laquelle il leur a été expliqué que la raison de sa tenue était de leur communiquer la préoccupation du ministère alors que plus d’une année s’était écoulée depuis que le syndicat avait été prévenu, et de leur expliquer les fondements juridiques de la requête. Alors que les représentants du syndicat ont bien pris note de ces explications, depuis cette réunion jusqu’à la date de la dernière communication du gouvernement, plus aucun représentant du SITIAGUA ne s’est présenté aux autorités pour régler la question. Le gouvernement demande au comité qu’il exhorte l’organisation plaignante à se présenter au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale afin de répondre aux demandes faites et de procéder à l’enregistrement du conseil de direction et à la délivrance des accréditations de son conseil de direction, et ainsi de légaliser sa situation.
- 308. Quant à l’allégation de changement de la pratique administrative, le gouvernement affirme que si, en effet, des administrations antérieures n’ont pas procédé à la vérification de certaines des obligations légales relatives à l’enregistrement des conseils de direction, cela a engendré de graves problèmes dans la pratique, dont l’existence de conseils de direction composés de ressortissants étrangers ou d’employés de confiance et de représentants patronaux, ou encore des problèmes juridiques liés à l’identité des dirigeants (lorsque les noms ne sont pas vérifiés au moyen de documents officiels, car il est fréquent que les noms des personnes soient mal orthographiés dans le procès-verbal de l’assemblée).
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 309. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante fait état du refus d’enregistrer le conseil de direction générale du SITIAGUA au moyen de directives discrétionnaires imposées par le département national des organisations sociales du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale. Il note en outre que, selon le gouvernement, la décision contestée ne constitue pas un refus discrétionnaire d’enregistrer le conseil de direction, mais une simple invitation à présenter les documents nécessaires (documents nationaux d’identité et feuilles de paie) afin de s’assurer du respect des conditions applicables aux membres d’un conseil de direction, conformément à la Constitution du pays et au Code du travail.
- 310. A cet égard, le comité souhaite rappeler une fois de plus que les conditions prévues par le droit national en matière d’enregistrement d’un conseil de direction doivent être conformes aux principes de la liberté syndicale, en particulier au droit des travailleurs de choisir librement leurs représentants. Le comité note que le gouvernement indique qu’il a exigé la présentation de copies de documents d’identité et de feuilles de paie afin de s’assurer du respect des prescriptions légales applicables aux membres des conseils de direction, à savoir: être salvadorien de naissance, être majeur et membre du syndicat et n’être ni employé de confiance ni représentant patronal.
- 311. Le comité rappelle: i) pour ce qui est de l’obligation d’être salvadorien de naissance, le principe en vertu duquel il y aurait lieu de conférer une plus grande souplesse aux dispositions législatives afin de permettre aux organisations d’élire librement et sans entraves leurs dirigeants et aux travailleurs étrangers d’accéder aux fonctions syndicales, du moins après une période raisonnable de résidence dans le pays d’accueil; et ii) pour ce qui est de l’obligation d’être majeur pour faire partie d’un conseil de direction, qu’il s’agit d’une restriction excessive au droit des travailleurs de choisir librement leurs représentants. [Voir 377e rapport, cas no 3136 (El Salvador), paragr. 326.] Le comité observe en outre que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) a prié le gouvernement de prendre des mesures pour réviser l’article 47, paragraphe 4, de la Constitution du pays, l’article 225 du Code du travail et l’article 90 de la loi sur la fonction publique, lesquels établissent l’obligation d’être «salvadorien de naissance» pour devenir membre du conseil de direction d’un syndicat.
- 312. Etant donné qu’El Salvador a ratifié la convention no 87 et au vu de la situation particulière du pays, le comité prie le gouvernement de transmettre des informations détaillées à la CEACR sur les mesures prises pour rendre la législation concernant la formation et l’enregistrement des conseils de direction conforme aux principes de la liberté syndicale et porte à l’attention de la CEACR les aspects législatifs du présent cas.
- 313. Enfin, en prenant bonne note des initiatives que le gouvernement dit avoir prises en vue d’établir un dialogue avec le SITIAGUA pour rectifier sa demande et enregistrer son conseil de direction, le comité invite l’organisation plaignante à se mettre en contact avec les autorités pour résoudre sa situation conformément aux principes de la liberté syndicale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 314. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Etant donné qu’El Salvador a ratifié la convention no 87 et au vu de la situation particulière du pays, le comité prie le gouvernement de transmettre des informations détaillées à la CEACR sur les mesures prises pour rendre la législation concernant la formation et l’enregistrement des conseils de direction conforme aux principes de la liberté syndicale et porte à l’attention de la CEACR les aspects législatifs du présent cas.