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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 384, Mars 2018

Cas no 3244 (Népal) - Date de la plainte: 17-NOV. -16 - Cas de suivi fermés en raison de l'absence d'informations de la part du plaignant ou du gouvernement au cours des 18 mois écoulés depuis l'examen de ce cas par le Comité.

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce l’adoption, en 2016, sans consultation des organisations de travailleurs, de la loi sur les entreprises industrielles et de la loi sur la zone économique spéciale, qui dénient le droit de grève aux travailleurs dans les entreprises industrielles et dans la zone économique spéciale, ainsi que la publication de l’avis de 2016 au titre de la loi sur les services essentiels interdisant l’exercice du droit de grève dans 17 secteurs

  1. 409. La plainte figure dans une communication du Centre conjoint de coordination syndicale (JTUCC) en date du 17 novembre 2016.
  2. 410. Le gouvernement a transmis sa réponse à ces allégations dans une communication en date du 22 mai 2017.
  3. 411. Le Népal a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, mais pas la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 412. Dans sa communication en date du 17 novembre 2016, l’organisation plaignante explique que le JTUCC est un centre commun pour toutes les confédérations syndicales enregistrées (la Fédération générale des syndicats népalais (GEFONT), le Congrès des syndicats du Népal (NTUC), la Fédération népalaise des syndicats (ANTUF), la Confédération des professionnels népalais (CONEP), la Confédération syndicale madhesi (MTUC), la Fédération nationale des salariés du Népal (NEFON), la Fédération démocratique nationale des syndicats népalais (NDFONT), la Confédération démocratique nationale et indépendante des syndicats du Népal (NDCONT-I), la Fédération syndicale inclusive du Népal (NITUF) et la Confédération démocratique nationale des syndicats du Népal (NDCONT).
  2. 413. L’organisation plaignante affirme que, récemment, le Parlement a adopté le projet de loi sur les entreprises industrielles conformément au projet soumis par le ministère de l’Industrie. Aux termes de son préambule, le projet de loi a essentiellement pour objectifs d’offrir des concessions quant aux installations fournies et un abattement fiscal à l’industrie et de créer un environnement propice à l’investissement, d’accroître les exportations, de renforcer la productivité nationale et d’améliorer les perspectives d’emploi. Le projet de loi ne contient aucune disposition sur les droits, la rémunération et les avantages des travailleurs, pas plus que sur leurs devoirs et responsabilités. Toutefois, l’article 47 du projet de loi (il s’agira de l’article 45 dans le texte définitif) contient la disposition intitulée «Ressources humaines pour l’industrie» sous le chapitre «Dispositions diverses». Cet article se lit comme suit:
    • Ressources humaines pour l’industrie
      • 1) Les ressources humaines nécessaires pour n’importe quelle industrie sont recrutées parmi les citoyens népalais.
      • […]
      • 6) Le principe «pas de travail, pas de salaire» s’applique dans l’industrie afin d’accroître la productivité industrielle et de créer de bonnes relations professionnelles. Il est mis en œuvre conformément aux lois existantes sur le travail et aux autres lois en vigueur.
      • 7) Les travailleurs et les employés de l’industrie s’abstiennent de participer à une quelconque activité créant des obstacles au fonctionnement de l’industrie ou à une quelconque action telle qu’une grève ou un «bandh».
      • Cela étant, le présent paragraphe ne peut nuire d’aucune façon à la possibilité donnée aux travailleurs et aux employés de présenter pacifiquement une demande légitime à la direction en vue de trouver ensemble une solution.
      • 8) S’il ne peut être réglé, le différend visé au paragraphe 7 est soumis au tribunal constitué en vertu de la loi en vigueur, et la décision du tribunal est définitive et contraignante.
  3. 414. L’organisation plaignante indique que le Parlement a également adopté la loi no 2073 BS de 2016 sur la zone économique spéciale, qui contient une disposition similaire interdisant toutes les grèves des travailleurs.
  4. 415. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement consulte normalement les confédérations syndicales sur toutes les questions liées au travail et à l’emploi et discute avec elles dans le cadre du Comité consultatif central du travail. Le Népal a ratifié le 21 mars 1995 la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. Le JTUCC a été consulté lors de l’élaboration de la loi sur le travail et de la loi sur la sécurité sociale, mais jamais pendant la rédaction de la loi sur les entreprises industrielles, qui contient la disposition hostile aux travailleurs citée plus haut. Lors du débat que la sous-commission parlementaire compétente a consacré à cette loi, le JTUCC a demandé en vain la suppression de cette disposition.
  5. 416. L’organisation plaignante fournit des informations sur la situation dans le pays en indiquant que l’industrie népalaise connaît des actions massives de protestation sociale («bandh» en népalais) déclenchées par les partis politiques, les castes, les groupes et partis régionaux ou les employeurs eux-mêmes. En 2016, les partis madhesi du sud du Népal ont lancé une grève générale qui a duré plus de cinq mois, et l’unité locale de l’organisation des employeurs y a également participé. En 2017, le secteur du transport a été presque totalement paralysé en raison d’actions de protestation d’employeurs entraînant la fermeture d’entreprises déclenchées par la Fédération des employeurs dans le transport, qui voulait faire baisser les amendes pour infractions routières. Au cours de la décennie écoulée, sur l’ensemble des actions déclenchées par tous les groupes, environ 64 pour cent l’ont été par des partis politiques et des organisations qui leur sont associées, 30 pour cent par la Fédération des chambres du commerce et de l’industrie du Népal et sa fédération industrielle ou antenne locale qui lui est affiliée; seulement 6 pour cent étaient des grèves à l’appel des fédérations syndicales et de leurs organisations affiliées au Népal. La proportion de grèves est peut-être encore moindre si on la calcule selon la formule du nombre de journées de travail perdues.
  6. 417. L’organisation plaignante dénonce le fait que, nonobstant ce qui précède, la loi n’interdit: ni i) les «bandh» déclenchés par les partis politiques et les organisations qui leur sont associées; ni ii) les «bandh» nationaux ou les «bandh» dans une région déclenchés par l’organisation des employeurs; ni iii) les lock-out déclenchés par un employeur dans une industrie quelconque. En outre, la loi impose le principe «pas de travail, pas de salaire» même lorsque les actions ont été déclenchées par les employeurs, les partis politiques ou les organisations qui leur sont associées. L’organisation plaignante estime donc que cette disposition est hostile aux travailleurs et inacceptable.
  7. 418. Selon l’organisation plaignante, la grève est une suspension du travail par les travailleurs. Les travailleurs ont un droit inhérent de suspendre leur travail si la rémunération, les avantages ou l’environnement de travail ne leur est pas favorable. De même, les travailleurs ne doivent pas être tenus responsables d’un quelconque type d’arrêt forcé du travail du fait d’employeurs, de partis politiques, de castes ou de groupes régionaux. La suspension de la rémunération des travailleurs (au nom du principe «pas de travail, pas de salaire») en raison d’un «bandh» ou d’une autre action que les travailleurs n’ont pas déclenchés est une grave injustice.
  8. 419. L’organisation plaignante est d’avis que la loi sur les entreprises industrielles récemment adoptée par le Parlement n’est conforme ni aux dispositions de la Constitution du Népal ni aux conventions nos 87 et 98 de l’OIT. L’article 34 de la Constitution du Népal se lit comme suit:
    • Droit au travail
      • 1) Tout travailleur a le droit d’être protégé par des conditions de travail équitables.
      • Explication: aux fins du présent article, on entend par «travailleur» l’ouvrier ou le travailleur qui effectue un travail physique ou intellectuel pour un employeur contre rémunération.
      • 2) Tout travailleur a droit à une rémunération équitable, à des installations appropriées et à un régime de sécurité sociale contributif.
      • 3) Tout travailleur a le droit de créer et de rejoindre des syndicats et d’engager des négociations collectives, conformément à la loi.
  9. 420. L’organisation plaignante estime que le droit de négociation collective ne peut exister sans le droit de grève et que l’interdiction du droit de grève par la loi sur les entreprises industrielles et la loi sur la zone économique spéciale est une violation manifeste de la convention no 98, que le Népal a ratifiée. En outre, en tant qu’Etat Membre de l’OIT, le Népal est tenu de respecter et d’appliquer les dispositions de la convention no 87, étant donné que la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, 1998, a fait de cette convention une norme fondamentale du travail. De même, la disposition du projet de loi récemment adopté est contraire à la loi sur le travail et à la loi sur les syndicats, qui garantissent aux syndicats le droit de s’organiser, de se réunir, de manifester pacifiquement et de négocier collectivement, ce qui inclut le droit légitime à la grève. Elle est également contraire à l’accord entre l’organisation des employeurs et les syndicats signé le 14 octobre 2014 et transmis au ministère du Travail lors de la rédaction du projet de loi sur le travail de 2014, toujours à l’examen devant le Parlement.
  10. 421. L’organisation plaignante critique le fait que, malgré les recommandations faites à plusieurs reprises par le comité dans les cas nos 2120 et 2340, le gouvernement viole encore les conventions nos 87 et 98. Le gouvernement a restreint les droits des travailleurs, par exemple en appliquant abusivement la loi sur les services essentiels dans les 17 services ci-après en publiant un avis dans le Journal officiel du 25 avril 2016: la poste; tous les types de radiodiffusion et de médias imprimés; les services de télécommunications et de médias; le transport routier, aérien et maritime; le travail lié à l’aviation civile, à l’entretien et à la sécurité des aéronefs; le service dans les gares de chemins de fer et dans les entrepôts de l’Etat; la monnaie et l’imprimerie nationale; la production d’équipements pour la défense et les services connexes; la distribution d’électricité; l’adduction d’eau potable; les hôtels, les motels, les restaurants, les stations de villégiature, l’hébergement touristique et les services assimilés; l’importation et la distribution des produits pétroliers; les hôpitaux, les centres de santé, l’établissement de production de médicaments et la distribution de ceux-ci; les services bancaires; la collecte des ordures ménagères, les services de transfert et de recyclage; les services d’assurance; l’importation, l’exportation, l’entreposage et la distribution des biens de consommation courante (tels que les aliments, les lentilles, le riz, le sel ou encore l’huile comestible).
  11. 422. De l’avis de l’organisation plaignante, tous les services ne peuvent pas être considérés comme essentiels. En outre, la loi sur les entreprises industrielles a banni le droit de grève dans tous les secteurs, ce qui constitue une violation directe des principes et droits fondamentaux au travail. Dans les cas nos 2120 et 2340, le comité avait déjà prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger l’avis paru dans le Journal officiel qui qualifiait les services de l’hôtellerie, de la restauration et de l’hébergement touristique de services essentiels et interdisait de ce fait les grèves dans ces services en vertu de la loi sur les services essentiels. Toutefois, le gouvernement a continué de violer les recommandations du comité et d’appliquer la loi sur les services essentiels en interdisant les grèves tous les six mois, le dernier avis ayant été publié en 2016.
  12. 423. L’organisation plaignante est donc d’avis que la disposition hostile aux travailleurs de la loi de 2016 sur les entreprises industrielles (disposition relative aux ressources humaines dans l’industrie) doit être abrogée, que la disposition de la loi de 2016 sur la zone économique spéciale contenant une interdiction du droit de grève doit être abrogée, que la loi sur les services essentiels et l’avis publié en vertu de celle-ci doivent être abrogés, qu’il faut mettre un terme à toutes les pratiques injustes telles que la publication répétée d’ordonnances interdisant les grèves, et qu’il faut garantir le droit à la consultation préalable des syndicats sur les questions touchant leurs intérêts.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 424. Dans une communication en date du 22 mai 2017, le gouvernement affirme que les articles 33 et 34 de la Constitution du Népal garantissent le droit à l’emploi et le droit au travail en tant que droits fondamentaux et que, en vue de garantir le respect de ces droits fondamentaux, l’article 46 de la Constitution prévoit un droit de recours constitutionnel conformément aux articles 133 et 144.
  2. 425. Le gouvernement indique que le paragraphe 6 de l’article 46 de la loi no 2073 BS de 2016 sur les entreprises industrielles pose le principe «pas de travail, pas de salaire» en vue d’accroître la productivité industrielle et de créer de bonnes relations professionnelles. Ce paragraphe n’est pas, en soi, une disposition indépendante – il doit être mis en œuvre conformément à la loi sur le travail et aux autres lois en vigueur. Ce principe n’est contraire ni à la loi sur le travail ni aux autres lois en vigueur et n’empiète pas sur les droits des travailleurs.
  3. 426. En ce qui concerne le paragraphe 7 de l’article 45 de la loi de 2016 sur les entreprises industrielles, qui dispose que les travailleurs et les employés de l’industrie s’abstiennent de participer à une quelconque activité créant des obstacles au fonctionnement de l’industrie ou à une quelconque action telle qu’une grève ou un «bandh», le gouvernement souligne que la disposition garantit que l’on ne peut empêcher aux travailleurs et aux employés de présenter pacifiquement leurs demandes légitimes à la direction en vue de trouver ensemble une solution. Selon le gouvernement, étant donné que le paragraphe 8 de l’article 45 dispose que, si le différend n’est pas réglé en vertu du paragraphe 7 de l’article 45, il peut être soumis aux fins de règlement au tribunal constitué en application des lois en vigueur, et que la décision du tribunal est définitive et contraignante pour les deux parties, le paragraphe 7 de l’article 45 n’a pas nui aux droits des travailleurs et des employés de présenter leurs demandes de façon pacifique.
  4. 427. Le gouvernement renvoie en outre à l’article 42 de la loi no 2073 BS de 2016 sur la zone économique spéciale, qui dispose que, nonobstant toute disposition des lois existantes, les travailleurs et employés d’une industrie établie dans la zone économique spéciale n’ont pas le droit de participer à une quelconque activité qui crée des obstacles pour l’industrie et sa production, par exemple un «bandh», une grève ou des troubles. Le gouvernement estime que cette disposition devrait également être vue de façon positive, étant donné que, en vertu de cette loi, qui s’applique à la zone économique spéciale où l’on encourage les exportations grâce à la mise en place d’une zone franche industrielle et d’une chambre de promotion des exportations, un contrat est signé avec les travailleurs et les employés travaillant dans la zone économique spéciale (art. 40, paragr. 1), et les installations et prestations sociales prévues dans le contrat signé conformément au paragraphe 2 de l’article 40 ne peuvent pas être moins favorables que celles qui sont garanties par les lois existantes.
  5. 428. De l’avis du gouvernement, même si une loi adoptée dans le respect des procédures et formalités exigées par les lois existantes contient des anomalies, le requérant doit d’abord se tourner vers les recours prévus par les lois en vigueur au Népal. Le fait que le requérant ait recours immédiatement au mécanisme international, sans passer par le mécanisme national, est en soi une anomalie.
  6. 429. Le gouvernement ajoute qu’il existe une autre loi sur les syndicats (no 2049 BS), adoptée en 1993, qui régit l’enregistrement et le fonctionnement des syndicats, en vue de protéger et de promouvoir les droits et intérêts professionnels des travailleurs et des indépendants. Les dispositions légales arrêtées ont permis de garantir le respect des droits des syndicats. De même, la loi sur le travail en vigueur prévoit les dispositions nécessaires pour les droits, les intérêts, les avantages et la sécurité des travailleurs et des employés. Cette loi a garanti des droits tels que le droit à la négociation collective et le droit de déclencher des grèves. En vue de prendre les dispositions nécessaires pour les droits, les intérêts et les avantages des travailleurs, et de créer de bonnes relations professionnelles en arrêtant des dispositions claires sur les droits et les devoirs des travailleurs et des employés, le gouvernement a récemment présenté un nouveau projet de loi sur le travail au pouvoir législatif (le Parlement), projet qu’il a préparé en prenant également en considération les discussions tenues récemment avec les employés et les syndicats. Le gouvernement souligne qu’il prend ses responsabilités concernant les questions relatives au travail et qu’il est sensible à ces questions.
  7. 430. En conclusion, le gouvernement affirme que les dispositions contenues dans la loi sur les entreprises industrielles et dans la loi sur la zone économique spéciale récemment adoptées n’ont, d’aucune manière, nui aux droits consacrés par les conventions nos 87 et 98 tels qu’ils sont prévus par la Constitution du Népal et la loi sur le travail.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 431. Le comité note que, en l’espèce, l’organisation plaignante dénonce l’adoption, en 2016, sans consultation des organisations de travailleurs, de la loi sur les entreprises industrielles et de la loi sur la zone économique spéciale, qui dénient le droit de grève aux travailleurs dans les entreprises industrielles et dans la zone économique spéciale, ainsi que la publication de l’avis de 2016 au titre de la loi sur les services essentiels interdisant l’exercice du droit de grève dans 17 secteurs. A cet égard, le comité prend note de la situation du pays telle que décrite par l’organisation plaignante, caractérisée par des actions massives de protestation sociale récurrentes à l’appel de divers acteurs impliquant des partis politiques et des organisations qui leur sont associées (64 pour cent), des organisations d’employeurs (30 pour cent), 6 pour cent étant des grèves à l’appel de syndicats, mais observe que les allégations de l’organisation plaignante se concentrent sur la question de savoir si les restrictions législatives précitées à l’exercice du droit de grève des travailleurs vont à l’encontre des principes de la liberté syndicale.
  2. 432. S’agissant de l’allégation relative au fait que le gouvernement ait omis de consulter les organisations de travailleurs concernées avant l’adoption, en 2016, de la loi sur les entreprises industrielles et de la loi sur la zone économique spéciale, le comité note que le gouvernement ne conteste pas cette allégation, pas plus qu’il n’y répond, et rappelle qu’il avait déjà attiré l’attention du gouvernement sur l’importance d’une consultation des organisations de travailleurs avant l’adoption de toute loi touchant les droits de ces dernières. [Voir 340e rapport, cas no 2412 (Népal), paragr. 1139.] Le comité souligne de nouveau l’intérêt d’une consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation touchant leurs intérêts [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1072] et prie instamment le gouvernement d’assurer la pleine application de ce principe à l’avenir.
  3. 433. Par ailleurs, le comité note le point de vue du gouvernement selon lequel l’adoption de la législation susmentionnée ne viole pas les droits des travailleurs dans la mesure où les travailleurs dans les entreprises industrielles peuvent toujours présenter pacifiquement leurs demandes légitimes à la direction et y trouver une solution d’un commun accord ou devant le tribunal, et dans la mesure où le contrat qui doit être signé avec les travailleurs dans la zone économique spéciale leur accordera des installations et des avantages non moins favorables que ceux prévus par la loi. A cet égard, le comité rappelle que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 522.] Néanmoins, le droit de grève n’est pas absolu et peut être restreint, voire interdit dans certaines conditions. Le comité rappelle que le droit de grève peut être: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Ce que l’on entend par service essentiel au sens strict du terme dépend largement des conditions spécifiques de chaque pays. En outre, ce concept ne revêt pas un caractère absolu dans la mesure où un service non essentiel peut devenir essentiel si la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue, mettant ainsi en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. Le comité a déjà précisé à plusieurs occasions les services qui ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme. Il rappelle en outre que le principe relatif à l’interdiction des grèves dans les services essentiels risquerait de perdre tout son sens s’il s’agissait de déclarer illégale une grève dans une ou plusieurs entreprises qui ne fournissent pas un «service essentiel» au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Le comité rappelle également que les déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent pas d’objections du point de vue des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 522, 576, 582, 583, 587 et 654.]
  4. 434. Notant le large champ d’application des deux lois, en particulier le fait que la loi de 2016 sur les entreprises industrielles couvre pratiquement toutes les industries nationales, le comité prie le gouvernement: i) de fournir des informations sur la façon dont les interdictions de grève énoncées dans la loi de 2016 sur les entreprises industrielles et la loi de 2016 sur la zone économique spéciale interagissent avec la loi sur le travail de 2017 récemment adoptée, dont le comité comprend qu’elle garantit le droit de grève; et ii) de prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier les dispositions portant interdiction générale des actions de grève dans la loi de 2016 sur les entreprises industrielles et dans la loi de 2016 sur la zone économique spéciale de façon à rendre ces textes conformes aux principes susmentionnés, et de le tenir informé des progrès faits à cet égard. S’agissant de l’avis de 2016 publié au titre de la loi sur les services essentiels, le comité note que la liste des secteurs où la grève peut être interdite est excessivement large, et rappelle que, dans les cas précédents concernant le Népal, il avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger des avis similaires publiés dans le Journal officiel. [Voir 328e rapport, cas no 2120 (Népal), paragr. 540, et 336e rapport, cas no 2340 (Népal), paragr. 647.] Le comité regrette profondément les actions répétées du gouvernement en dépit de ses recommandations précédentes, et prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour limiter l’interdiction des actions de grève aux services essentiels au sens strict du terme, et de le tenir informé des mesures prises à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 435. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de garantir à l’avenir la pleine application du principe selon lequel les organisations d’employeurs et de travailleurs doivent être consultées lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation touchant leurs intérêts.
    • b) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la façon dont les interdictions de grève énoncées dans la loi de 2016 sur les entreprises industrielles et la loi de 2016 sur la zone économique spéciale interagissent avec la loi sur le travail de 2017 récemment adoptée, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier les dispositions portant interdiction générale des actions de grève dans la loi de 2016 sur les entreprises industrielles et dans la loi de 2016 sur la zone économique spéciale de façon à rendre ces textes conformes aux principes de la liberté syndicale. Le comité demande d’être tenu informé de tout progrès à cet égard.
    • c) S’agissant de l’avis de 2016 publié au titre de la loi sur les services essentiels, rappelant la nécessité de prendre des mesures pour limiter l’interdiction des actions de grève aux services essentiels au sens strict du terme, le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires et l’invite à solliciter l’assistance technique du Bureau à cet égard. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
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