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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 386, Juin 2018

Cas no 3188 (Guatemala) - Date de la plainte: 03-FÉVR.-16 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce des licenciements antisyndicaux à la suite de la création du SINTRAFODES, l’annulation de l’enregistrement de cette organisation, ainsi que des intimidations et des menaces de mort contre des dirigeants et des membres de ladite organisation

  1. 315. La plainte figure dans une communication du Syndicat des travailleurs du Fonds de développement social (SINTRAFODES) en date des 3 février, 8 mai et 26 mai 2016 et des 24 mars, 26 septembre, 23 octobre et 1er novembre 2017.
  2. 316. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par des communications en date des 3 janvier et 26 avril 2017 et du 2 février 2018.
  3. 317. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 318. Le SINTRAFODES allègue tout d’abord que la totalité de ses 80 membres ont été licenciés comme conséquence directe de la création de cette organisation syndicale de premier degré en octobre 2015. A cet égard, l’organisation plaignante déclare en particulier que: i) le 9 octobre 2015, face aux difficultés rencontrées pour toucher leur salaire, plusieurs dizaines de travailleurs du Fonds de développement social du ministère du Développement social (ci après dénommé l’entité publique), qui continuaient à travailler pour cette institution dans l’attente du renouvellement de leurs contrats temporaires, ont constitué l’organisation syndicale SINTRAFODES; ii) les membres du SINTRAFODES ont immédiatement entamé des démarches en vue de faire enregistrer leur syndicat par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, enregistrement qui a été officialisé le 22 décembre 2015; iii) le 23 octobre 2015, l’entité publique a interdit aux 80 travailleurs membres du SINTRAFODES d’accéder à leur poste de travail, raison pour laquelle ces derniers ont déposé plainte auprès de l’Inspection générale du travail; et iv) l’inspection du travail leur a fait savoir qu’ils devaient rester à leur poste pour éviter que leur employeur dépose une plainte contre eux pour abandon de poste.
  2. 319. L’organisation plaignante indique que, le 6 novembre 2015, elle a engagé une action en justice afin d’obtenir la réintégration des 80 travailleurs syndiqués qui avaient été licenciés pour avoir participé à la création du SINTRAFODES, que le 28 janvier 2016, la onzième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale a ordonné uniquement la réintégration des 30 travailleurs qui avaient établi l’acte constitutif du SINTRAFODES et qu’elle a refusé toutefois de réintégrer les 50 autres travailleurs car leurs noms figuraient seulement dans le document d’adhésion au syndicat. L’organisation plaignante fait savoir qu’elle a demandé une révision de cette décision, mais que le tribunal a décidé, le 4 février 2016, de ne pas faire droit à cette demande et a maintenu sa décision de ne réintégrer que les 30 membres fondateurs susmentionnés. Elle indique que l’entité publique a cependant empêché la réintégration des 30 travailleurs en question et qu’elle a engagé d’autres personnes pour remplacer les travailleurs licenciés.
  3. 320. Dans ses communications de mai 2016, l’organisation plaignante signale en outre que: i) elle a interjeté appel devant la première chambre de la cour d’appel du travail et de la prévoyance sociale contre la décision du 4 février 2016 en vue d’obtenir la réintégration des 50 autres membres du SINTRAFODES; ii) de son côté, pour retarder la réintégration des 30 personnes en question décidée en première instance, l’entité publique a mis en place de nombreux moyens de contestation en alléguant toute une série de vices de procédure; et iii) à la suite des divers recours précités, la onzième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale a décidé, le 9 mai 2016, que la procédure suivie devait être amendée et reprise depuis le début, rendant ainsi sans effet la réintégration des 30 travailleurs qui ont créé le syndicat et rejetant la demande de réintégration des 50 autres travailleurs. L’organisation plaignante se dit préoccupée par cette décision, estimant qu’elle a été prise sans que les diverses requêtes présentées par l’organisation aient été analysées.
  4. 321. Dans sa communication en date du 26 septembre 2017, l’organisation plaignante indique que: i) la onzième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale s’est prononcée à nouveau sur le fond de l’affaire le 25 septembre 2017, et a rendu exécutoire la réintégration de 29 travailleurs fondateurs du syndicat; ii) en présence des fonctionnaires du Centre pour la justice du travail chargés de faire appliquer les décisions judiciaires et d’un représentant du Bureau des droits de l’homme de l’archevêché du Guatemala en qualité d’observateur, l’entité publique, par l’intermédiaire de sa directrice exécutive Mme Brenda Mayen, a accepté et signé le constat de réintégration; iii) toutefois, deux heures après le départ des fonctionnaires et de l’observateur, l’entité publique a fait savoir que la réintégration n’aurait pas lieu et qu’elle avait déposé un nouveau recours contre celle-ci; et iv) bien que ce recours ait été rejeté et que la décision de réintégration soit devenue définitive, l’employeur a empêché les travailleurs d’accéder à leur poste de travail en fermant les portes du bâtiment et s’est livré à des actes d’intimidation par l’intermédiaire d’agents de sécurité interne.
  5. 322. L’organisation plaignante dénonce en second lieu les faits suivants: i) à la suite de la contestation de l’enregistrement du syndicat par le ministère du Développement social, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a, par une décision du 25 février 2016, ordonné l’annulation de l’inscription du SINTRAFODES au registre public des syndicats des personnalités juridiques; ii) le SINTRAFODES a formé un recours administratif en révision contre la décision d’annulation, et ce recours est en instance de règlement; et iii) le 13 février, 2017, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a transmis un rapport au ministère public lui indiquant que l’enregistrement du syndicat avait été annulé. L’organisation plaignante déclare que cette annulation de la part du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale est contraire à l’article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui prévoit que les organisations de travailleurs et d’employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative.
  6. 323. L’organisation plaignante dénonce en troisième lieu des intimidations et des menaces de mort contre ses dirigeants et ses membres. Dans ses communications en date du 3 février et du 8 mai 2016, l’organisation plaignante indique que, le 19 février 2016, elle a déposé plainte contre l’institution publique auprès du ministère public au motif que ses membres faisaient l’objet d’intimidations et de menaces permanentes visant à les empêcher d’exercer librement leur droit syndical et qu’ils recevaient des appels téléphoniques menaçants destinés à leur faire abandonner la procédure syndicale, à tel point que certains membres du comité exécutif ont été obligés de changer de numéro de téléphone afin de ne plus être harcelés. L’organisation plaignante affirme également qu’elle n’a reçu aucun soutien de la part de l’organisme chargé des poursuites pénales, celui-ci s’étant contenté de l’entendre puis de classer la plainte.
  7. 324. L’organisation plaignante affirme en outre que: i) le 20 janvier 2016, elle a été convoquée par téléphone à une réunion avec le directeur du Fonds de développement social mais que, en arrivant sur place, ses membres ont fait l’objet d’intimidations de la part de la police nationale civile qui les a empêchés d’entrer en faisant barrage devant la porte principale; ii) sa secrétaire générale, Mme Claudia Marina Linares Juárez, a été menacée avec une arme à feu par quatre inconnus qui ont exigé qu’elle leur donne son téléphone, faute de quoi ils feraient usage de leur arme; et iii) à partir du 2 février 2016, ses membres ont remarqué qu’ils étaient surveillés, voire suivis par des véhicules inconnus quand ils quittaient des institutions comme le ministère du Travail ou les tribunaux du travail, ce qui les amène à penser que leur vie est menacée. Dans une communication du 23 octobre 2017, l’organisation plaignante indique enfin que les menaces et intimidations se poursuivent et que des véhicules sans plaque minéralogique continuent de participer à ce processus de persécution antisyndicale.
  8. 325. Enfin, l’organisation plaignante affirme que l’entité publique n’a pas intérêt à participer à quelque réunion de concertation que ce soit et que, par conséquent, le processus de médiation entamé le 10 mars 2017 au sein de la Commission de traitement des conflits portés devant l’OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective n’a pas abouti.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 326. Dans ses différentes communications, le gouvernement fournit des informations au sujet de l’évolution des procédures judiciaires relatives à la demande de réintégration des membres du SINTRAFODES. Le gouvernement indique en particulier que: i) le 28 janvier 2016, la onzième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale a ordonné la réintégration des 30 membres fondateurs du syndicat; ii) le 9 mai 2016, à la suite d’un recours présenté par l’entité publique pour vices de procédure, la onzième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale a décidé que la procédure suivie devait être amendée et reprise depuis le début et que les travailleurs devaient tout d’abord remplir une série de conditions préalables avant de donner à nouveau son avis sur le fond de l’affaire; iii) le 28 août 2017, le SINTRAFODES a demandé à nouveau la réintégration des travailleurs licenciés; iv) le 26 septembre 2017, la onzième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale a ordonné une nouvelle fois la réintégration des membres fondateurs du syndicat; v) l’entité publique a présenté à nouveau plusieurs recours; et vi) à la suite des recours susmentionnés, le 24 janvier 2018, l’organe juridictionnel a décidé de modifier à nouveau la procédure du fait de l’existence de vices de forme, raison pour laquelle il incombe à nouveau au juge de première instance de se prononcer sur les demandes de réintégration.
  2. 327. Le gouvernement signale en outre que l’entité publique lui a fait savoir qu’elle n’avait jamais établi de relations de travail avec les 80 travailleurs syndicalistes; en effet, les services techniques ou professionnels qu’ils ont fournis l’ont été dans le cadre de relations contractuelles établies au titre de la ligne budgétaire 029, et donc, dans ce cas, il était impossible de mettre un terme à une relation contractuelle au moyen de l’institution du licenciement, laquelle exige, comme condition légale, l’existence d’une relation de travail. De même, l’entité publique a indiqué que ces travailleurs, outre le fait que ce sont des prestataires de services temporaires et non des fonctionnaires, ne possédaient pas, le 23 octobre 2015, de contrats en cours de validité; en effet, sur les 80 contrats, 78 sont venus à expiration le 31 juillet 2015, un contrat le 30 septembre 2015 et un autre le 20 octobre 2015.
  3. 328. En ce qui concerne l’enregistrement du SINTRAFODES, le gouvernement indique que le ministre du Développement social a présenté un recours en révocation auprès du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale du Guatemala contre la décision du 22 décembre 2015 par laquelle la personnalité juridique de l’organisation plaignante avait été reconnue. Le gouvernement indique que le motif principal du recours formé par le ministère du Développement social, autorité chapeautant l’entité publique, a été que les membres de l’organisation syndicale n’étaient pas des travailleurs et ne satisfaisaient pas à la condition de fonctionnaires, étant donné qu’ils étaient engagés au titre de contrats de services professionnels et de prestations de services techniques au titre de la ligne budgétaire 029. Le gouvernement ajoute que le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a ordonné, le 25 février 2016, l’annulation de l’inscription de l’organisation plaignante au registre public des syndicats des personnalités juridiques étant donné que: i) le ministère du Développement social a affirmé, preuves à l’appui, que les personnes affiliées au SINTRAFODES sont engagées dans le cadre d’un régime de services professionnels et de prestations de services techniques et que, partant, elles ne peuvent être considérées comme des travailleurs ou des fonctionnaires; ii) il n’appartient pas au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale de reconnaître la condition de travailleurs aux personnes qui se sont affiliées au syndicat car cette fonction incombe aux tribunaux du travail; iii) le dossier ne mentionnait pas l’existence d’une décision judiciaire reconnaissant la condition de travailleurs aux membres du SINTRAFODES; iv) au vu de ce qui précède, en ayant fait droit à la demande d’enregistrement de l’organisation plaignante, la Direction générale du travail a commis une erreur; et v) il a été indiqué aux membres de l’organisation plaignante qu’ils pouvaient se constituer en tant que syndicat de métier ou d’activité, et des conseils leur ont été offerts pour qu’ils puissent engager une nouvelle procédure d’enregistrement et de reconnaissance en tant que syndicat de métier.
  4. 329. S’agissant des plaintes présentées par la secrétaire générale du SINTRAFODES auprès du ministère public, le gouvernement signale, dans sa communication du 3 février 2017, que le ministère public, par l’intermédiaire du parquet spécialisé dans les droits de l’homme (unité spéciale chargée des délits commis contre des syndicalistes), a exigé que des demandes de mesures établissant un périmètre de sécurité soient déposées en faveur de sept membres du comité exécutif et du conseil consultatif de l’organisation plaignante, dont sa secrétaire générale. Dans sa communication du 2 février 2018, le gouvernement fournit des informations sur le traitement des cinq plaintes pénales présentées par la secrétaire générale du SINTRAFODES, à savoir que: i) deux plaintes (l’une pour abus d’autorité et l’autre pour désobéissance en rapport avec la non-réintégration des travailleurs membres du SINTRAFODES) ont été rejetées au motif qu’aucun délit ou faute n’avait été commis; et ii) une enquête est toujours en cours concernant les trois autres plaintes (l’une pour abus d’autorité, la deuxième pour des lésions légères et la troisième pour désobéissance), et le ministère public attend toujours, pour chacun de ces cas, les éléments que doit lui fournir la plaignante.
  5. 330. Enfin, le gouvernement indique que l’employeur n’a pas assisté aux réunions de médiation organisées par la Commission de traitement des conflits portés devant l’OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective du Guatemala, car il estime que l’organisation plaignante n’est pas reconnue par la législation interne.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 331. Le comité observe que le présent cas se rapporte à la création d’une organisation syndicale au sein d’une entité publique, ce qui, selon les allégations de l’organisation plaignante, aurait entraîné successivement: i) le licenciement par l’entité publique de la totalité des membres de l’organisation syndicale; ii) l’annulation par une décision administrative de l’inscription de l’organisation syndicale au registre public des personnalités juridiques des syndicats; et iii) des intimidations et des menaces de mort contre les dirigeants et des membres de l’organisation.
  2. 332. S’agissant de l’allégation de licenciements antisyndicaux, le comité prend note en premier lieu des déclarations suivantes de l’organisation plaignante: i) le 23 octobre 2015, soit deux semaines après la création du SINTRAFODES, l’entité publique a empêché d’accéder à leur poste de travail les 80 travailleurs membres du syndicat qui continuaient de fournir leurs services à l’entité publique en attendant que leurs contrats temporaires soient renouvelés; ii) dans une première décision rendue le 28 janvier 2016, la onzième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale a ordonné la réintégration des 30 membres fondateurs du syndicat; iii) toutefois, le tribunal n’a pas examiné le caractère antisyndical du licenciement des 50 autres travailleurs membres du SINTRAFODES, cet aspect de sa décision ayant donné lieu à des recours judiciaires supplémentaires, lesquels sont en attente de résolution; iv) afin d’empêcher la réintégration des 30 membres fondateurs du syndicat, l’entité publique a formé de nombreux recours invoquant divers vices de procédure; v) à la suite de ces recours, la onzième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale a dû se prononcer une seconde fois, ordonnant à nouveau la réintégration des membres fondateurs du syndicat par une décision du 25 septembre 2017; et vi) l’entité publique a refusé de se conformer à cette décision. Le comité note par ailleurs que l’entité publique affirme que: i) dans la mesure où les membres du SINTRAFODES s’acquittaient de leurs tâches en faveur de l’entité publique dans le cadre de contrats de prestations de services et non de contrats de travail, il n’a pas pu être mis un terme à leur relation contractuelle au moyen de l’institution du licenciement; et ii) au 23 octobre 2015, tous les contrats temporaires des membres du SINTRAFODES étaient déjà arrivés à échéance. Le comité note enfin que, d’après le gouvernement: i) les deux décisions de justice de première instance, rendues respectivement le 28 janvier 2016 et le 25 septembre 2017, qui ont ordonné la réintégration des membres fondateurs du SINTRAFODES ont entraîné la présentation de nombreux recours à la suite desquels l’organe juridictionnel a décidé, dans les deux cas, de réviser la procédure au motif qu’il existait des vices de procédure; et ii) au vu de ce qui précède, le tribunal de première instance doit se prononcer une nouvelle fois sur la justification ou non des demandes de réintégration.
  3. 333. Compte tenu de ce qui précède, le comité note tout d’abord avec préoccupation que deux ans et demi après les faits allégués dans la présente plainte, on est à nouveau dans l’attente, après de nombreux recours, d’une décision de première instance relative à la demande de réintégration des membres fondateurs du SINTRAFODES. A cet égard, le comité rappelle que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraire à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale et, en particulier, l’absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1145.] Par conséquent, le comité s’attend fermement à ce que les décisions de justice en suspens concernant la demande de réintégration de tous les membres du SINTRAFODES soient rendues dès que possible. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard. De manière générale, le comité observe le caractère répétitif des cas relatifs au Guatemala qu’il a examinés et au regard desquels il n’a pu que constater la lenteur des procédures judiciaires en matière de discrimination antisyndicale. [Voir 372e rapport, cas no 2989, juin 2014, paragr. 316, et cas no 2869, paragr. 296; 382e rapport, cas no 2948, juin 2017, paragr. 375 à 378; 383e rapport, cas no 3062, octobre-novembre 2017, paragr. 367.] En conséquence, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement d’entamer, en consultation avec les partenaires sociaux, une révision approfondie des règles de procédure applicables aux contentieux du travail de manière à ce que le système judiciaire offre une protection appropriée et efficace face à des cas de discrimination antisyndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  4. 334. En ce qui concerne le fond de l’affaire soumise aux tribunaux, le comité, rappelant que le non-renouvellement d’un contrat d’emploi pour des raisons de discrimination antisyndicale constitue un préjudice au sens de l’article 1 de la convention no 98 [voir Compilation, op. cit., paragr. 1093], veut croire que, si les tribunaux déterminent que le non renouvellement des contrats des membres du SINTRAFODES par l’entité publique a été motivé par leur appartenance à l’organisation syndicale, des mesures seront prises pour qu’ils soient immédiatement réengagés, en tant que solution prioritaire, et que, si cela est impossible, des mesures seront prises pour veiller à ce que les travailleurs lésés soient intégralement et dûment indemnisés et pour que cette indemnisation constitue une sanction suffisamment dissuasive pour qu’à l’avenir ces pratiques antisyndicales ne se reproduisent plus. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  5. 335. En ce qui concerne l’annulation, par une décision du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale du 25 février 2016, de l’enregistrement du SINTRAFODES, le comité note que l’organisation plaignante allègue que cette décision constitue une dissolution par voie administrative contraire à l’article 4 de la convention no 87 ratifiée par le Guatemala et que le recours administratif présenté contre cette décision était en attente de résolution. Le comité note également que, selon le gouvernement, l’annulation de l’enregistrement du SINTRAFODES était due au fait que: i) le ministère du Développement social, auteur d’un recours administratif contre la décision d’enregistrement du SINTRAFODES, avait allégué, preuves à l’appui, que les personnes affiliées au SINTRAFODES étaient engagées dans le cadre d’un régime de services professionnels et de prestations de services techniques en vertu de la ligne budgétaire 029 et que, de ce fait, elles ne pouvaient être considérées comme des travailleurs ou des fonctionnaires; ii) la reconnaissance de la condition de travailleurs incombe aux tribunaux du travail, et l’existence d’une décision judiciaire reconnaissant la condition de travailleurs aux membres du SINTRAFODES ne figurait pas dans le dossier du syndicat; et iii) au moment où l’enregistrement du SINTRAFODES a été annulé, il a été signalé aux membres de l’organisation plaignante qu’ils pouvaient constituer un syndicat de métier.
  6. 336. S’agissant de l’annulation de l’enregistrement du SINTRAFODES par une décision de l’administration du travail et non pas par une décision judiciaire, le comité rappelle que l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat ne devrait être possible que par voie judiciaire et que la législation devrait éliminer toute faculté de suspension ou de dissolution par voie administrative ou, tout au moins, préciser que la décision administrative rendue ne produira pas ses effets avant l’expiration d’un délai raisonnable permettant un recours devant les autorités judiciaires et, en cas d’appel, avant que l’autorité judiciaire se prononce sur les recours interjetés par les organisations syndicales affectées. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 990 et 1007.] Constatant que l’annulation de l’enregistrement du SINTRAFODES a eu lieu quatre mois et demi après la constitution du syndicat et deux mois après son enregistrement par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale lui-même, période pendant laquelle l’organisation syndicale avait engagé aussi bien des actions de revendication que des actions en justice pour défendre les intérêts de ses membres, et observant que l’annulation de l’enregistrement d’une organisation de travailleurs ou d’employeurs non seulement produit les effets d’une dissolution pour l’avenir, mais peut également produire des effets rétroactifs, le comité souligne l’importance que les principes susmentionnés soient pleinement appliqués au présent cas.
  7. 337. En ce qui concerne les motifs de l’annulation de l’enregistrement du SINTRAFODES fondés sur le fait que les membres de l’organisation syndicale s’acquittaient de leurs tâches en faveur de l’entité publique au moyen de contrats de prestations de services (ligne budgétaire 029) et non pas de contrats de travail, raison pour laquelle ces personnes ne pouvaient constituer qu’un syndicat de métier, le comité rappelle de manière générale que tous les travailleurs devraient pouvoir jouir du droit à la liberté syndicale, quel que soit le lien contractuel au moyen duquel s’est établie la relation de travail. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 327.] Le comité rappelle en outre le caractère répétitif des cas relatifs au Guatemala qu’il a examinés et dans lesquels il n’a pu que constater l’entrave à l’exercice du droit à la liberté syndicale pour les travailleurs recrutés par l’administration publique au titre de la ligne budgétaire 029. [Voir par exemple 340e rapport, cas no 2339, paragr. 872; 363e rapport, cas no 2768, paragr. 641; 376e rapport, cas no 3042, paragr. 560.] Le comité signale en particulier que, dans l’un de ces cas, il a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour reconnaître le droit de s’affilier à un syndicat pour le personnel de la fonction publique qui dispose de contrats civils et l’a prié de reconnaître immédiatement la validité de la disposition statutaire d’une organisation syndicale prévoyant l’affiliation de tous les travailleurs recrutés par le ministère de l’Education, quel que soit le lien contractuel au moyen duquel s’est établie la relation de travail. [Voir 376e rapport, cas no 3042, paragr. 568.] Compte tenu de ce qui précède, le comité considère que, dans le présent cas, tous les travailleurs de l’entité publique, quel que soit le type de contrat qui les lie à cette dernière, doivent pouvoir jouir du droit de s’affilier à une organisation syndicale destinée à défendre les intérêts des travailleurs de l’entité mentionnée. A cet égard, le comité s’attend fermement à ce qu’il soit pleinement tenu compte des principes de la liberté syndicale, tant dans le traitement des recours présentés par le SINTRAFODES contre l’annulation de son enregistrement que dans l’éventualité où l’organisation syndicale déciderait de demander à nouveau son enregistrement. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité prie en outre le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’annulation de l’enregistrement d’organisations de travailleurs ou d’employeurs ne soit possible que par une décision de justice ou que, tout au moins, les décisions administratives d’annulation puissent faire l’objet d’un appel devant les tribunaux et que, en cas de recours, ces décisions ne prennent pas effet tant que l’autorité judiciaire ne se sera pas prononcée en la matière.
  8. 338. En ce qui concerne l’allégation d’actes d’intimidation et de menaces de mort contre les dirigeants et des membres du SINTRAFODES, le comité note tout d’abord que, selon le gouvernement, le ministère public a demandé au ministère de l’Intérieur, en juin 2016, que des mesures établissant un périmètre de sécurité soient accordées à sept dirigeants du SINTRAFODES, dont sa secrétaire générale. Le comité note toutefois avec préoccupation que le gouvernement n’a pas fourni d’informations concernant l’octroi ou non des mesures de sécurité demandées en 2016 et que, dans une communication du 23 octobre 2017, l’organisation plaignante dénonce la persistance des menaces et manœuvres d’intimidation à l’encontre des dirigeants du SINTRAFODES. Le comité rappelle que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 84.] Compte tenu de ce qui précède, le comité prie instamment le gouvernement de faire en sorte que toutes les mesures nécessaires soient prises pour garantir la sécurité des dirigeants et des membres de l’organisation plaignante et assurer que sont menées sans délai des enquêtes concernant les dénonciations les plus récentes de menaces et intimidations, lesquelles incluent des allégations de poursuite de certains dirigeants du SINTRAFODES par des véhicules sans plaques minéralogiques. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  9. 339. Le comité note en second lieu que, sur les cinq plaintes pénales présentées par la secrétaire générale du SINTRAFODES en 2016 et 2017, deux plaintes ont été rejetées au motif qu’aucun délit ou faute n’avait été commis, tandis qu’une enquête est toujours en cours concernant les trois autres plaintes et que le ministère public attend toujours, pour chacun des trois cas, les éléments que doit lui fournir la plaignante. Le comité veut croire que, une fois que les informations attendues de la plaignante auront été reçues, les enquêtes en question aboutiront sans délai. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 340. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité s’attend fermement à ce que les décisions de justice en suspens concernant la demande de réintégration de tous les membres du SINTRAFODES soient rendues dès que possible. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité veut croire que, si les tribunaux déterminent que le non renouvellement des contrats des membres du SINTRAFODES par l’entité publique a été motivé par leur appartenance à l’organisation syndicale, des mesures seront prises pour qu’ils soient immédiatement réengagés, en tant que solution prioritaire, et que, si cela est impossible, des mesures seront prises pour veiller à ce que les travailleurs lésés soient intégralement et dûment indemnisés et pour que cette indemnisation constitue une sanction suffisamment dissuasive pour qu’à l’avenir ces pratiques antisyndicales ne se reproduisent plus. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement d’entamer, en consultation avec les partenaires sociaux, une révision approfondie des règles de procédure applicables aux contentieux du travail de manière à ce que le système judiciaire offre une protection appropriée et efficace face à des cas de discrimination antisyndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • d) Le comité s’attend fermement à ce qu’il soit pleinement tenu compte des principes de la liberté syndicale, tant dans le traitement des recours présentés par le SINTRAFODES contre l’annulation de son enregistrement que dans le cas où l’organisation syndicale déciderait de demander à nouveau son enregistrement. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • e) Le comité pris le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’annulation de l’enregistrement d’organisations de travailleurs ou d’employeurs ne soit possible que par une décision de justice ou que, tout au moins, les décisions administratives d’annulation puissent faire l’objet d’un appel devant les tribunaux et que, en cas de recours, ces décisions ne prennent pas effet tant que l’autorité judiciaire ne se sera pas prononcée en la matière. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • f) Le comité prie le gouvernement de faire en sorte que toutes les mesures nécessaires soient prises pour garantir la sécurité des dirigeants et des membres de l’organisation plaignante et d’assurer que sont menées sans délai des enquêtes concernant les dénonciations les plus récentes de menaces et intimidations.
    • g) Le comité veut croire que, une fois que les informations attendues de la plaignante auront été reçues, les enquêtes en cours auprès du ministère public aboutiront sans délai. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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