Allégations: Les organisations plaignantes allèguent un grand nombre d’assassinats et d’actes de violence à l’encontre de syndicalistes ainsi que des lacunes structurelles qui débouchent sur une situation d’impunité sur le plan pénal et en matière de travail
- 307. Le comité a déjà examiné ce cas sur le fond à de multiples occasions. Il l’a présenté pour la première fois en 2007 et l’a réexaminé pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2019, où il a soumis un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 391e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 337e session (octobre-novembre 2019), paragr. 270 à 302 .]
- 308. Le Mouvement syndical populaire et autonome du Guatemala et les syndicats globaux du Guatemala ont envoyé de nouvelles allégations par le biais d’une communication en date du 14 octobre 2021.
- 309. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 9 décembre 2019, 3 et 27 janvier, 24 octobre, 26 octobre et 11 décembre 2020, et 2 février, 3 août, 30 septembre, 22 et 25 octobre 2021.
- 310. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 311. Lors de sa réunion d’octobre 2019, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 391e rapport, paragr. 302]:
- a) Le comité exprime de nouveau sa profonde et croissante préoccupation face à la gravité de ce cas qui fait état de nombreux assassinats, tentatives d’assassinat, agressions et menaces de mort et face au climat d’impunité qui prévaut; le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’éviter la commission de tout nouvel acte de violence antisyndical.
- b) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement, avec la participation active et le suivi de la Sous-commission d’application de la feuille de route, de continuer de prendre et d’intensifier sans délai les mesures nécessaires pour enquêter efficacement sur tous les actes de violence perpétrés à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, afin d’établir les responsabilités et de sanctionner les auteurs et les instigateurs de ces actes, en tenant compte de l’activité syndicale des victimes. À cet égard, le comité prie instamment le gouvernement: i) de pérenniser et de renforcer le rôle de la Sous-commission d’application de la feuille de route; ii) de faciliter, avec l’appui de la sous-commission, la réactivation des groupes de travail syndicaux du ministère public et du ministère de l’Intérieur; iii) d’augmenter substantiellement les ressources humaines et financières de l’Unité spéciale d’enquête; iv) de continuer à renforcer et à pérenniser la collaboration entre l’Unité spéciale d’enquête et la DEIC de la police civile; v) de prendre les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes accordent l’attention et les ressources voulues aux enquêtes sur les homicides visés au paragraphe 295; et vi) de continuer de renforcer le dialogue avec les autorités judiciaires afin que, par l’intermédiaire des tribunaux de haut risque ou d’autres mécanismes appropriés, les cas de violence antisyndicale soient examinés rapidement par les tribunaux pénaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité prie le gouvernement, avec la participation active et le suivi de la Sous-commission d’application de la feuille de route, de prendre les mesures nécessaires pour: i) la réactivation et le renforcement du groupe de travail syndical du ministère de l’Intérieur et de l’Instance d’analyse des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme de ce ministère; ii) une meilleure coordination entre le ministère public et le ministère de l’Intérieur dans l’octroi et la gestion des mesures de sécurité en faveur des membres du mouvement syndical; et iii) la fourniture des fonds nécessaires afin que les membres du mouvement syndical en situation de risque bénéficient le plus tôt possible de toutes les mesures de sécurité nécessaires, notamment les mesures personnelles, dans les plus brefs délais. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) Le comité prie le gouvernement de maintenir sa pleine vigilance et de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris par le biais de l’attribution de mesures de sécurité personnelles, pour prévenir et dissuader tout meurtre et tout autre acte de violence contre les syndicats municipaux.
- e) Le comité attire de nouveau spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
B. Nouvelles allégations
B. Nouvelles allégations- 312. Par le biais d’une communication du 14 octobre 2021, le Mouvement syndical populaire et autonome du Guatemala et les syndicats globaux du Guatemala dénoncent: i) l’assassinat en 2020 de 5 membres d’organisations syndicales (MM. Gerson Hedelman Ortiz Amaya, du Syndicat des travailleurs de l’Institut de développement municipal (SITRAINFOM), José Miguel Alay, du Syndicat de l’université de San Carlos-STUSC, Héctor David Xoy Ajualip, du Syndicat des travailleurs de l’entreprise Fritolay-GFLG Pepsico- SITRAFRITOLAY-GFLG-Pepsico, Julio César Zamora Álvarez, du Syndicat des travailleurs de l’entreprise Portuaria Quetzal et Ludim Eduardo Ventura Castillo du Syndicat des travailleurs de l’ éducation du Guatemala-STEG et de 5 membres d’organisations paysannes en 2020; ii) le meurtre de Mme Cinthia del Carmen Pineda Estrada, dirigeante du STEGen 2021; iii) la commission d’autres actes graves de violence antisyndicale au cours de ces deux années, incluant 3 attaques armées et plusieurs menaces de mort, particulièrement contre des dirigeants et membres de syndicats municipaux; iv) l’absence de résultats dans les poursuites pénales. par manque de volonté; et v) des mesures de rétorsion de nature budgétaire contre le bureau du Procureur des droits de l’homme par le pouvoir exécutif et le Congrès de la République après que le procureur a exigé des enquêtes et la mise en œuvre de mesures de prévention et de protection pour les syndicalistes et les défenseurs des droits de l’homme.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 313. Dans les diverses communications qu’il a envoyées depuis le dernier examen du cas par le comité en octobre-novembre 2019, le gouvernement fournit des informations sur les initiatives institutionnelles prises pour enquêter sur les actes de violence antisyndicale dénoncés dans le cadre du présent cas et protéger les membres du mouvement syndical en danger.
- 314. Dans sa communication du 9 décembre 2019, le gouvernement présente l’aide mémoire no 03-2019 de la réunion de la Sous-commission d’application de la feuille de route de la Commission nationale tripartite des relations de travail et de la liberté syndicale (ci-après «la Sous-commission d’application de la feuille de route» ou «la sous-commission»), tenue le 22 octobre 2019 et à laquelle ont participé des représentants du ministère public et du ministère de l’Intérieur. Il ressort de ce document que: i) le ministère de l’Intérieur a décrit à la sous-commission les mécanismes conduisant à l’octroi de mesures de sécurité aux membres du mouvement syndical en danger, et il a souligné qu’il était important que tout acte portant atteinte à la sécurité des personnes donne également lieu à une plainte auprès du ministère public; ii) un échange d’informations et une discussion ont eu lieu entre les membres de la sous-commission et des représentants du ministère public sur l’avancement des enquêtes concernant un certain nombre d’homicides de dirigeants syndicaux et de syndicalistes; iii) les enquêtes sur la mort de plusieurs membres du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque ont fait l’objet d’une attention particulière; iv) a été examinée la question de savoir si les enquêtes tenaient compte de l’activité syndicale comme mobile possible des homicides; et v) la sous-commission a prié le ministère public d’indiquer le nombre de condamnations prononcées à l’encontre de commanditaires d’homicides de dirigeants syndicaux et de syndicalistes.
- 315. Dans sa communication du 3 janvier 2020, le gouvernement soumet un rapport daté du 10 décembre 2019 dans lequel le ministère de l’Intérieur évoque tout d’abord sa collaboration avec le ministère public dans le cadre des enquêtes sur les actes de violence commis à l’encontre de membres du mouvement syndical, indiquant à cet égard: i) qu’il dispose d’une équipe d’enquêteurs spécialisés qui font partie de la section chargée des attaques visant les défenseurs des droits de l’homme de la Division spécialisée des enquêtes criminelles (DEIC) de la police nationale civile; ii) que, à la demande du ministère public, cette équipe mène des enquêtes sur le terrain dans des cas d’agressions contre des syndicalistes; et iii) qu’il a enregistré 19 cas de ce type, dont 5 ont abouti à l’arrestation de 9 personnes. Le ministère de l’Intérieur ajoute que les enquêtes menées par la section chargée des menaces et des attaques visant les défenseurs des droits de l’homme ont pour but de prévenir de nouveaux crimes et de protéger ainsi la vie des personnes concernées. À cet égard, il signale que: i) 223 cas de menaces et d’agressions contre des membres du mouvement syndical ont été enregistrés, dont 29 font encore l’objet d’une enquête; et ii) dans 106 cas, les auteurs ont été identifiés.
- 316. Le ministère de l’Intérieur fait ensuite référence au groupe de travail technique syndical permanent pour une protection globale et à l’Instance d’analyse des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme, qui ont tous deux fait l’objet de recommandations du Comité de la liberté syndicale dans son dernier rapport sur le présent cas. Il indique que, en vertu de l’accord ministériel no 241-2013 du 29 mai 2013, ce groupe de travail a été créé pour une durée de quatre ans, prorogeable avant l’expiration de cette période. L’accord n’ayant pas été prorogé avant le 29 mai 2017, il conviendra d’adopter un nouvel accord ministériel pour réactiver ce groupe. En ce qui concerne l’Instance d’analyse des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme, le ministère de l’Intérieur indique que cet organe est devenu inopérant faute de méthodologie opérationnelle et parce que les organisations de la société civile ont cessé d’y participer. Le ministère de l’Intérieur précise que, depuis juillet 2019, il a adopté une méthodologie pour analyser les modalités d’agressions et d’attaques contre les défenseurs des droits humains. Cela a donné lieu à des réunions avec la participation de conseillers du premier vice-ministre de l’Intérieur et de conseillers spécialisés dans les droits de l’homme du ministère de l’Intérieur.
- 317. Le gouvernement transmet ci-après des informations fournies par le ministère public sur la création, en novembre 2019, du parquet spécialisé dans les infractions contre le personnel judiciaire et les syndicalistes. Cette structure dispose d’une direction, d’une unité chargée des infractions contre le personnel judiciaire et d’une autre unité chargée des infractions contre les syndicalistes, cette dernière comptant 26 agents (1 chef d’unité, 3 enquêteurs, 2 auxiliaires d’enquête II, 16 auxiliaires d’enquête, 3 responsables des poursuites et 1 enquêteur de la direction des enquêtes criminelles), 6 nouveaux auxiliaires d’enquête ayant été nommés par rapport à 2017.
- 318. Dans sa communication du 27 janvier 2020, le gouvernement fait référence aux réunions tenues en octobre et décembre 2019 par la Sous-commission d’application de la feuille de route et, ensuite, par la plénière de la Commission nationale tripartite des relations de travail et de la liberté syndicale (ci-après «la Commission nationale tripartite»).Le gouvernement indique que, lors de sa réunion du 3 décembre 2019, après avoir examiné et partagé des points de vue avec le ministère public sur l’état d’avancement des enquêtes relatives à une série d’homicides de membres du mouvement syndical, la sous commission a recommandé que: i) dans le cadre de son suivi, une enquête exhaustive soit menée sur tous les cas d’homicides de membres du mouvement syndical encore à l’examen, en vue de sanctionner les auteurs matériels et les commanditaires de ces meurtres; ii) le groupe de travail technique syndical du ministère public et le groupe de travail technique syndical permanent pour une protection globale (ministère de l’Intérieur) soient réactivés; iii) le pouvoir judiciaire accélère les procès encore en instance concernant les homicides de membres du mouvement syndical et que la Commission nationale tripartite adresse une lettre officielle à la Cour suprême à cet égard; iv) vu le nombre élevé d’homicides de membres du mouvement syndical qui font encore l’objet d’une enquête et le faible nombre de commanditaires identifiés, le ministère public affecte une section d’analyse criminelle à l’unité chargée des infractions contre les syndicalistes; v) le ministère public et le ministère de l’Intérieur renforcent leur collaboration pour traiter les demandes de mesures de protection présentées par des membres du mouvement syndical et les enquêtes connexes.
- 319. Le gouvernement indique que la Commission nationale tripartite réunie en séance plénière a pris bonne note des recommandations de sa sous-commission et, sur la base de celles-ci, a sollicité: i) des réunions avec la Procureure générale et avec les nouvelles autorités du ministère de l’Intérieur en vue de soulever directement la question de la réactivation des groupes de travail techniques syndicaux respectifs; et ii) une audience avec le président de la Cour suprême afin d’envisager l’accélération des procédures judiciaires en cours. Le gouvernement signale à cet égard que: i) la Procureure générale a accordé à la Commission nationale tripartite une audience le 7 février 2020 et a convoqué le groupe de travail technique syndical du ministère public le même jour; ii) une réunion avec le ministère de l’Intérieur était prévue le 8 janvier 2020; et iii) la plénière de la Cour suprême a accordé une audience à la Commission nationale tripartite le 29 janvier 2020.
- 320. Par une communication du 24 octobre 2020, le gouvernement transmet des informations du ministère public concernant les enquêtes sur les homicides de huit dirigeants et membres du Syndicat des travailleurs de la banane d’Izabal (SITRABI) commis entre septembre 2007 et février 2012. Le ministère public affirme d’abord qu’aucune des victimes n’avait «de relation de travail avec l’entité Frutera del Motagua Sociedad Anónima, ni qu’aucun des décès n’a été motivé par le non-respect de la convention collective entre SITRABI et cette entité». Le ministère public fournit ensuite des informations sur chacun des huit cas, qui se trouvent en phase d’enquête, l’un des cas ayant donné lieu à un mandat d’arrêt contre l’auteur matériel des faits. En ce qui concerne les liens possibles entre l’activité syndicale des victimes et les homicides, le ministère public déclare spécifiquement que: i) dans trois cas, il n’apparaît pas qu’un conflit socio-économique ait été soulevé devant le tribunal du travail local ni qu’il y ait eu de négociation de convention collective ni aucun conflit lié aux cotisations syndicales; ii) dans un quatrième cas, le syndicat a indiqué qu’il n’était pas au courant que la victime avait reçu des menaces et qu’aucun conflit socio-économique n’avait été soulevé devant le tribunal du travail ni aucune négociation de convention collective; iii) dans un cinquième cas, aucune indication d’un éventuel motif syndical n’a été identifiée; iv) dans un sixième cas, bien qu’une convention collective était en cours de négociation dans l’entreprise au moment des faits, le syndicat a indiqué que la victime n’était membre ni du bureau du syndicat ni du comité de négociation; v) dans un septième cas, l’appartenance de la victime à un syndicat a fait l’objet d’une analyse parce qu’elle venait d’être nommée à un nouveau poste (employé de bureau) qui était considéré comme un poste de confiance; toutefois, il n’a pas été possible de lier l’homicide à des actes de menace ou d’intimidation à l’encontre de membres du syndicat; vi) dans un huitième cas, la victime était à la retraite depuis deux ans et huit mois. Dans quatre de ces cas, le ministère public fait référence à l’identification d’autres motifs (motif passionnel dans deux cas, crime de droit commun dans un autre, autres motifs non spécifiés dans un quatrième cas). Enfin, le ministère public ajoute que le syndicat a demandé que les informations qui seraient recueillies après l’exécution du mandat d’arrêt en vigueur pour l’une des affaires soient utilisées pour les autres enquêtes.
- 321. Dans la même communication, le gouvernement soumet des informations du ministère de l’Intérieur sur le budget alloué à la division de la protection des personnes et de la sécurité de la sous-direction des opérations générales de la police nationale civile. Le ministère de l’Intérieur indique que le budget initial alloué à cette division pour l’année fiscale 2020 est de 8 867 500,00 quetzales (1 138 923,64 dollars des Etats-Unis).
- 322. Dans sa communication du 26 octobre 2020, le gouvernement se réfère à la déclaration conjointe du 22 octobre 2020 du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, du ministère de l’Intérieur et du ministère public sur la violence antisyndicale, déclaration dans laquelle ces institutions s’engagent à: i) assurer une coordination interinstitutionnelle agile pour garantir les droits fondamentaux des dirigeants syndicaux et des syndicalistes; ii) chercher à accroître et à renforcer les capacités institutionnelles pour atteindre cet objectif; et iii) dynamiser les espaces de dialogue avec les représentants des défenseurs des droits du travail et avec la Commission nationale tripartite. Dans le cadre de cette déclaration conjointe, le ministère public ajoute que: i) en novembre 2019, il a créé le parquet spécialisé dans les infractions contre le personnel judiciaire et les syndicalistes; ii) cette structure compte une direction, une unité chargée des infractions contre le personnel judiciaire et une unité chargée des infractions contre les syndicalistes, et dispose, pour l’exercice budgétaire 2020, de 4 918 412 quetzales (environ 618 500 dollars É.-U.); iii) l’unité chargée des infractions contre les syndicalistes dispose d’un chef d’unité, de 3 responsables des poursuites, de 2 enquêteurs et de 16 auxiliaires d’enquête, soit une équipe de 22 personnes contre 19 en 2017; iv) le ministère public a mis en place un système de gestion intégral des cas pour éviter les retards; et v) il a convoqué le groupe de travail technique syndical le 28 octobre 2020 et fixé cinq réunions pour 2021.
- 323. Pour sa part, dans le cadre de la même déclaration, le ministère de l’Intérieur se déclare prêt à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du groupe de travail technique syndical permanent pour une protection globale et de l’Instance d’analyse des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme.
- 324. Dans la même communication, le gouvernement fournit des informations sur le contenu de la réunion qui s’est tenue le 7 février 2020 entre la Procureure générale, María Consuelo Porras Argueta, et la Commission nationale tripartite. Le gouvernement indique à cet égard que: i) cette commission a remis à la procureure le dernier rapport du comité concernant le présent cas; ii) la commission lui a par ailleurs transmis les cas d’homicides de membres du mouvement syndical mis en évidence par le comité au paragraphe 295 de son dernier rapport, ainsi que les 12 cas recensés par les représentants des travailleurs qui ont bénéficié du soutien de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala, en vue de l’identification rapide des auteurs matériels et des commanditaires des crimes; iii) un membre travailleur de la commission a souligné la nécessité de progresser dans l’identification des commanditaires des homicides de membres du mouvement syndical et a mis en évidence les graves menaces dont font l’objet les dirigeants et les membres des syndicats municipaux. Le gouvernement note que, pour sa part, la procureure: i) a souligné l’importance de l’adoption de l’instruction générale no 01-2015 concernant la conduite effective d’enquêtes et de poursuites pénales relatives aux délits visant des syndicalistes, des membres d’organisations de travailleurs et d’autres défenseurs des droits au travail et des droits syndicaux (ci-après «l’instruction no 01-2015») pour l’identification des auteurs et des commanditaires des meurtres susmentionnés; ii) a proposé la création d’un groupe de travail sur les mesures de sécurité préventives en faveur des dirigeants syndicaux et des membres de syndicats, qui serait composé d’un représentant du ministère public, d’un représentant du ministère de l’Intérieur et d’un représentant du ministère du Travail.
- 325. Le gouvernement signale ensuite que: i) le groupe de travail technique syndical est inopérant depuis février 2020 en raison de l’absence de participation des travailleurs, dont la réponse à la proposition d’une nouvelle méthodologie de travail formulée en février reste attendue; ii) lors de leur réunion du 9 septembre 2020, la Commission nationale tripartite et la Cour suprême ont abordé la question de l’accélération de plusieurs procédures judiciaires liées à des homicides de membres du mouvement syndical; iii) le 6 août 2020 la Commission nationale tripartite a approuvée le Programme de coopération technique «Renforcement de la Commission nationale tripartite des relations de travail et de la liberté syndicale au Guatemala pour l’application effective des normes internationales du travail», qui a été élaboré par le Bureau international du Travail et dont l’un des aspects essentiels est la lutte contre la violence antisyndicale.
- 326. Dans sa communication du 11 décembre 2020, le gouvernement soumet à nouveau des informations fournies par le ministère public, qui indiquent que: i) après plusieurs mois d’inactivité, en raison notamment de la pandémie de COVID-19, le groupe de travail syndical tripartite du ministère public s’est à nouveau réuni le 28 octobre 2020 et cinq réunions ont été programmées pour 2021; ii) une réunion s’organise avec le ministère de l’Intérieur et la DEIC de la police nationale civile, conformément au protocole du ministère de l’Intérieur sur les droits de l’homme afin, en particulier, de désigner la personne chargée de coordonner au niveau national l’activation immédiate du protocole de sécurité en faveur des membres du mouvement syndical; et iii) il est prévu d’organiser une formation sur l’instruction no 01-2015 à l’intention des membres du parquet.
- 327. Dans ses communications des 28 juillet et 30 septembre 2021, le gouvernement soumet des éléments supplémentaires fournis par le ministère public indiquant que: i) actuellement, le parquet spécialisé dans les infractions contre le personnel judiciaire et les syndicalistes dispose d’un budget de fonctionnement de 406 994 quetzales (équivalent à 52 560,93 dollars É.-U.) pour 2021, information qui complète la communication du 26 octobre 2020, laquelle faisait état d’un budget de 4 918 412 quetzales (équivalent à 632 158,19 dollars É.-U.); ii) cette structure compte 23 personnes dédiées à la question des syndicalistes; iii) le groupe de travail syndical s’est réuni le 11 février 2021; iv) les réunions convoquées les 22 avril, 24 juin et 26 août par le ministère public n’ont pas eu lieu, vu l’absence – motivée – des syndicats; v) le ministère public a prévu que le groupe de travail technique tiendrait sa prochaine réunion le 28 octobre 2021; vi) en ce qui concerne la coordination entre le ministère public et le ministère de l’Intérieur, la sous-direction générale des enquêtes criminelles a désigné le sous-inspecteur de police, Armando Ajcapajá Cutz, comme interlocuteur direct pour le suivi des affaires liées aux crimes contre la vie et l’intégrité physique des dirigeants syndicaux et des syndicalistes.
- 328. Dans sa communication du 28 juillet 2021, le gouvernement soumet aussi des informations fournies par le ministère de l’Intérieur, dont il ressort ce qui suit: i) il serait opportun de mettre en place la formation en droit du travail proposée par le ministère du Travail à l’intention des opérateurs téléphoniques de la ligne d’assistance syndicale 1543; ii) l’augmentation du budget de la DEIC visant à traiter spécifiquement les cas de dirigeants syndicaux et de syndicalistes en coordination avec le parquet spécialisé dans les infractions contre le personnel judiciaire et les syndicalistes ne pourra être examinée que dans l’avant-projet de budget pour l’exercice 2022.
- 329. Le ministère de l’Intérieur recense ensuite les mesures de sécurité sollicitées entre 2019 et le 31 mai 2021 en faveur de dirigeants syndicaux et de syndicalistes: i) 131 mesures ont été octroyées sur un total de 136 demandes; ii) sur ces 131 mesures, 122 étaient des mesures d’établissement d’un périmètre de sécurité, 4 des mesures de sécurité personnelle et 5 des mesures consistant à fournir un numéro de téléphone parce qu’un faible niveau de risque avait été identifié. Le ministère de l’Intérieur ajoute qu’il continue à appliquer le protocole pour la mise en œuvre de mesures de sécurité immédiates et préventives en faveur des travailleurs syndiqués. Dans sa communication du 30 septembre 2021, le gouvernement fournit des données portant spécifiquement sur les mesures visant à garantir la sécurité des membres du mouvement syndical prises entre le 1er janvier 2020 et le 31 août 2021, en précisant que: i) 93 analyses de risques ont été réalisées au cours de cette période; ii) sur la base de ces analyses, 89 mesures d’établissement d’un périmètre de sécurité et 1 mesure de sécurité personnelle ont été accordées. Le gouvernement ajoute que, au cours de la même période, le numéro d’urgence 1543 a reçu 3 appels de syndicalistes signalant des menaces, qui ont été transmis au ministère de l’Intérieur.
- 330. Dans plusieurs des communications susmentionnées, le gouvernement présente des informations actualisées sur les enquêtes et les procédures judiciaires concernant des cas précis d’homicide de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, ainsi que des données globales sur les résultats obtenus par le ministère public et les tribunaux. Dans ses dernières communications (28 juillet et 30 septembre 2021), le gouvernement indique que, selon les données du ministère public, 96 cas de décès de dirigeants et de membres syndicaux ont été enregistrés dans le cadre de la feuille de route, dont 6 se sont produits en 2020. En ce qui concerne ces 96 cas: i) 28 décisions ont été prononcées, dont 22 condamnations (relatives à 19 homicides, dont 3 ont chacun donné lieu à 2 condamnations), 5 acquittements et 1 mesure de sûreté et de correction; ii) sur les 22 condamnations, 16 concernent les auteurs, 5 les commanditaires et 3 des auteurs également commanditaires, le ministère public ne fournissant pas d’informations pour 4 cas; iii) en outre, 3 affaires sont en phase de procès oral et public, 7 mandats d’arrêt sont en vigueur; iv) les poursuites pénales sont éteintes dans 6 affaires dans lesquelles les personnes inculpées sont décédées; et v) les autres cas sont toujours en cours d’instruction.
- 331. Le gouvernement indique qu’il ressort des données ci-dessus que, malgré les effets de la pandémie de COVID-19: i) deux condamnations ont été prononcées à ce jour en 2021 (concernant le décès d’Adolfo Ich Chamán et le meurtre de Bruno Ernesto Figueroa) et une l’a été en 2020 (concernant le meurtre de Miguel Ángel Ramírez Enríquez); et ii) des progrès ont par ailleurs été réalisés en 2020 dans les procédures d’enquête concernant 13 homicides.
- 332. Par des communications des 22 et 25 octobre 2021, le gouvernement communique ses observations sur les allégations soumises par les organisations plaignantes le 14 octobre 2021. En ce qui concerne l’allégation d’un certain nombre de meurtres commis en 2020 et 2021, le gouvernement manifeste que: i) les victimes des homicides signalés n’étaient pas toutes des membres du mouvement syndical; ii) les homicides des syndicalistes MM. Gerson Hedelman Ortiz Amaya, José Miguel Alay, Héctor David Xoy Ajualip, Julio César Zamora Álvarez, et de la dirigeante syndicale Mme Cinthia del Carmen Pineda Estrada, font l’objet d’enquêtes du parquet spécialisé dans les infractions contre le personnel judiciaire et les syndicalistes; iii) il a demandé au ministère public des informations sur les autres homicides dénoncés dans la communication précitée des organisations syndicales et dans la communication des mêmes organisations adressée au Conseil d’administration en octobre 2020. En ce qui concerne les allégations d’attaques armées et d’autres actes de violence antisyndicale commis en 2020 et 2021, le gouvernement fournit des éléments sur trois attaques et un cas de menaces et indique que deux syndicats affectés par les faits bénéficient désormais de mesures d’établissement d’un périmètre de sécurité. Le gouvernement ajoute que: i) le ministère public a été prié de fournir des informations sur les enquêtes menées sur les différents cas dénoncés; et ii) cependant, l’absence de données sur les numéros de dossier et autres détails de différents cas rend plus difficile la localisation des informations pertinentes, raison pour laquelle un contact avec les plaignants serait nécessaire.
- 333. En ce qui concerne les allégations des organisations syndicales relatives à l’inefficacité et à l’absence volonté des autorités publiques, le gouvernement renvoie à nouveau à une série d’informations transmises dans des communications précédentes et réaffirme le ferme engagement du ministère public et du ministère de l’intérieur dans la lutte contre la violence antisyndicale. Elle nie catégoriquement toute tentative de la part du pouvoir exécutif et du Congrès de la République d’entraver, par des mesures budgétaires, le travail du Bureau du procureur des droits de l’homme. Le gouvernement ajoute que depuis sa constitution en avril 2018, la sous-commission d’application de la feuille de route a tenu 23 réunions (huit en 2018; cinq en 2019; six en 2020; et quatre au 22 octobre 2021). En ce qui concerne le groupe de travail technique syndical du ministère public, le gouvernement indique que: i) le 28 octobre 2020, six réunions du groupe technique syndical du ministère public ont été programmées jusqu’au 28 octobre 2021; ii) sur les cinq réunions de ce groupe technique qui auraient dû avoir lieu à ce jour, seules deux (11 février et 12 mai) se sont tenues; et iii) les autres fois, les représentants syndicaux ont informé quelques jours avant les réunions qu’ils avaient d’autres engagements prévus.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 334. Le comité rappelle que, dans le présent cas, les organisations plaignantes dénoncent un grand nombre d’assassinats et d’actes de violence perpétrés à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ainsi que la situation d’impunité qui en découle.
- 335. Tout en appréciant les observations détaillées envoyées depuis le dernier examen du cas par le gouvernement dans les communications du 9 décembre 2019, des 3 et 27 janvier, 24 octobre, 26 octobre et 11 décembre 2020 et des 1er février, 28 juillet,30 septembre, 22 et 25 octobre 2021, le comité continue de déplorer profondément les nombreux homicides de membres du mouvement syndical depuis 2004, qui restent en instance devant les tribunaux. Le comité prend note avec une profonde préoccupation de l’information du gouvernement selon laquelle le ministère public a pris en charge 6 affaires supplémentaires de décès de membres du mouvement syndical intervenus en 2020. Par ailleurs, le Comité observe à cet égard que, par le biais d’une communication du 14 octobre 2021, les organisations plaignantes dénoncent l’assassinat de six membres du mouvement syndical commis en 2020 et 2021. Le comité attire à nouveau l’attention du gouvernement sur le fait que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 84.] Le comité prend bonne note de la réponse immédiate du gouvernement à la dernière communication des organisations syndicales, réponse qui comprend des informations sur cinq homicides, trois attaques et un cas de menaces contre des membres du mouvement syndical ainsi que sur la mise en œuvre de mesures de sécurité en faveur de deux syndicats. Le comité note également l’indication du gouvernement selon laquelle le manque de données sur différents cas dénoncés rend plus difficile la recherche des informations pertinentes et qu’un contact avec les plaignants serait donc utile. Le comité prie donc le gouvernement de contacter et de rencontrer les organisations plaignantes afin de faciliter l’identification de tous les cas de violence antisyndicale signalés par ces dernières dans leur dernière communication. Le comité prie donc le gouvernement, sur la base des éléments réunis, de compléter les informations fournies en indiquant les mesures prises pour enquêter sur les faits dénoncés et assurer la protection des membres du mouvement syndical qui pourraient être en danger.
Allégations de meurtres de membres du mouvement syndical et autres actes de violence antisyndicale
- 336. Le comité note qu’il ressort des informations fournies par le gouvernement dans ses différentes communications que, sur le total de 96 homicides évoqués par le gouvernement: i) 28 jugements ont été rendus à ce jour, dont 22 condamnations (relatives à 19 homicides, dont 3 ont chacun donné lieu à 2 condamnations), 5 acquittements et 1 mesure corrective et de sécurité; ii) 7 mandats d’arrêt sont en cours; iii) 3 affaires sont au stade du procès oral et public; iv) les poursuites pénales sont éteintes pour 6 affaires dans lesquelles les personnes inculpées sont décédées; et v) les autres affaires sont toujours en cours d’instruction.
- 337. Le comité prend note en particulier que, depuis son dernier examen du cas en octobre 2019, trois nouvelles condamnations assorties de peines de prison ont été prononcées, l’une en 2020 pour l’homicide de Miguel Ángel Ramírez Enríquez (Syndicat des travailleurs des bananeraies du Sud) et deux en 2021 pour les homicides d’Adolfo lch Chamán et de Bruno Ernesto Figueroa (Syndicat national des travailleurs de la santé du Guatemala). Le comité note aussi que le ministère public indique cette fois-ci si les peines prononcées concernent les auteurs ou les commanditaires ou les deux. À cet égard, il note que, sur les 28 sentences prononcées, 16 concernent les auteurs, 5 les commanditaires et 3 des auteurs également commanditaires, et que, dans 4 cas, le ministère public n’a pas donné de précisions. Le comité observe par ailleurs que, selon les informations fournies par le ministère public, en 2020 des progrès ont été réalisés dans l’enquête sur 13 homicides.
- 338. Le comité note que, pour la première fois, le ministère de l’Intérieur renseigne sur sa contribution aux enquêtes concernant les actes de violence antisyndicale: i) il a mené des enquêtes sur le terrain concernant 19 attaques contre des syndicalistes, dont 5 ont abouti à l’arrestation de 9 personnes; et ii) la section du ministère de l’Intérieur chargée des menaces et des attaques à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme, dont les enquêtes visent à prévenir de nouveaux crimes et à protéger ainsi la vie des personnes concernées, a enregistré 223 cas de menaces et d’attaques contre des membres du mouvement syndical, dont 29 font encore l’objet d’une enquête, et les auteurs ont été identifiés dans 106 cas. Le comité prend bonne note de ces données et demande au gouvernement d’indiquer quelles sanctions ont été imposées aux auteurs de ces menaces et attaques.
- 339. Le comité prend note par ailleurs des informations fournies par le gouvernement sur les initiatives institutionnelles prises pour renforcer la réponse pénale aux actes de violence contre des membres du mouvement syndical. Il note en particulier ce qui suit:
- 1. La création en novembre 2019 d’un nouveau parquet spécialisé dans les infractions contre le personnel judiciaire et les syndicalistes. Le comité prend dûment note à cet égard de l’indication du ministère public selon laquelle cette structure comprend une unité chargée des infractions contre les syndicalistes et que le nombre de personnes affectées à ce service (23) a augmenté par rapport à 2017 (19).
- 2. Le rôle actif joué par la Commission nationale tripartite et sa Sous-commission d’application de la feuille de route dans le suivi de la réponse pénale aux actes de violence antisyndicale. Le comité prend particulièrement note, à cet égard, des réunions de haut niveau que la commission a tenues avec la Procureure générale et l’assemblée plénière de la Cour suprême pour échanger des points de vue sur l’efficacité des mesures prises afin d’identifier et de punir les auteurs de crimes contre des membres du mouvement syndical. Le comité prend également bonne note des demandes précises que la sous-commission a adressées aux autorités compétentes, à savoir: i) mener une enquête exhaustive sur tous les cas d’homicides de membres du mouvement syndical, en mettant l’accent sur un certain nombre de cas particulièrement importants; ii) réactiver le groupe de travail technique syndical du ministère public et le groupe de travail technique syndical permanent pour la protection intégrale; iii) inciter la justice à accélérer les procès en instance concernant les homicides de membres du mouvement syndical; iv) affecter une section d’analyse criminelle à l’unité chargée des infractions contre les syndicalistes; et v) renforcer la collaboration entre le ministère public et le ministère de l’Intérieur lorsque des membres du mouvement syndical sollicitent des mesures de protection.
- 3. La déclaration conjointe du 22 octobre 2020 du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, du ministère de l’Intérieur et du ministère public sur la violence antisyndicale, dans laquelle ces institutions s’engagent à: i) assurer une coordination interinstitutionnelle agile pour garantir les droits fondamentaux des dirigeants syndicaux et des syndicalistes; ii) chercher à augmenter et à renforcer leurs capacités institutionnelles pour atteindre cet objectif; et iii) dynamiser les espaces de dialogue avec les représentants des défenseurs des droits du travail et avec la Commission nationale tripartite.
- 4. La reprise partielle des activités du groupe technique syndical du ministère public, qui s’est réuni les 7 février et 28 octobre 2020, le 11 février et le 12 mai 2021, le gouvernement signalant plusieurs raisons pour lesquelles les autres réunions prévues ne sont pas tenues (absence de réponse de la part des représentants syndicaux sur la proposition d’une nouvelle méthodologie de travail en 2020, pandémie de COVID-19, non-participation des représentants syndicaux) à trois réunions en 2021).
- 340. Le comité apprécie le niveau de détail des informations fournies par le gouvernement. Il prend bonne note des initiatives institutionnelles mentionnées au paragraphe précédent et se félicite en particulier que la Commission nationale tripartite et sa sous-commission aient consolidé et étendu leur rôle dans le suivi régulier et détaillé des actions menées afin d’élucider et de sanctionner les nombreux actes de violence antisyndicale qui font l’objet du présent cas. Le comité souligne en particulier l’importance: i) des discussions de haut niveau et de fond menées par la commission avec la Procureure générale et la plénière de la Cour suprême et il espère que les responsables du ministère de l’Intérieur y participeront aussi; ii) des demandes concrètes adressées au ministère public, au ministère de l’Intérieur et au pouvoir judiciaire visant à améliorer l’efficacité des enquêtes, à favoriser la collaboration interinstitutionnelle et à accélérer les procédures judiciaires; et iii) de l’identification de 36 cas d’homicide qui, selon la Commission nationale tripartite, requièrent une attention particulière (parmi ces cas figurent 20 homicides signalés par le comité dans ses rapports précédents [voir à cet égard le 391e rapport du comité, paragr. 295] et 12 affaires où la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala a été associée à l’enquête). Le comité se félicite de même du fort engagement exprimé par le ministère public, le ministère de l’Intérieur et le ministère du Travail et de la Sécurité sociale dans leur déclaration conjointe du 22 octobre 2020 sur la violence antisyndicale et espère que cet engagement continuera à se traduire par des initiatives spécifiques. Le comité observe également que, malgré les difficultés supplémentaires engendrées par la pandémie de COVID-19, le travail d’enquête du ministère public ne s’est pas arrêté et que les tribunaux ont pu prononcer trois nouvelles condamnations depuis janvier 2020.
- 341. Dans le même temps, le comité ne peut que constater que: i) la grande majorité des homicides de membres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes examinés dans le présent cas n’ont toujours pas abouti à une condamnation (sur un total de 96 homicides, il y a actuellement 23 condamnations – dont une qui impose une mesure de sûreté et de correction – se rapportant à 20 homicides, 3 homicides ayant donné lieu à plusieurs condamnations), le nombre de commanditaires identifiés étant encore plus réduit (8); ii) sur les 36 homicides reconnus particulièrement importants par la Commission nationale tripartite, seuls 6 ont donné lieu à des condamnations, en dépit du temps écoulé depuis les faits; iii) à l’exception du cas du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque, le comité ne dispose toujours pas d’éléments indiquant que des liens aient été établis entre les différentes enquêtes sur les homicides de membres de la même organisation syndicale, y compris en ce qui concerne les homicides de membres de SITRABI pour lesquels le ministère public a fourni des informations sur l’état d’avancement de huit dossiers; et iv) bien que les autorités compétentes fassent état d’une collaboration entre la DEIC de la police nationale civile et le ministère public dans la conduite des enquêtes, celle-ci semble se limiter à un nombre restreint de cas.
- 342. Le comité prend donc bonne note, d’une part, des mesures prises par le gouvernement, du développement significatif du dialogue social sur la question de la violence antisyndicale et des résultats rapportés malgré les difficultés supplémentaires engendrées par la pandémie de COVID19, tout en exprimant, d’autre part, sa profonde préoccupation face à la persistance du haut niveau d’impunité qui prévaut à l’égard des nombreux homicides et actes de violence antisyndicale dénoncés dans le cadre de cette plainte. Sur la base de ce qui précède, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de continuer, avec la participation active et le suivi de la Commission nationale tripartite et de sa sous-commission, de prendre et d’intensifier sans délai les mesures nécessaires pour enquêter efficacement sur tous les actes de violence perpétrés à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, afin d’établir les responsabilités et de sanctionner les auteurs et les instigateurs de ces actes, en tenant pleinement compte dans les enquêtes de l’activité syndicale des victimes, conformément à l’instruction no 01-2015. À cet égard, le comité prie expressément le gouvernement de: i) prendre les mesures nécessaires pour pérenniser le rôle de suivi de la Commission nationale tripartite et de sa sous-commission; ii) faciliter, avec le soutien de la commission, la réactivation complète du groupe de travail syndical du ministère public avec la pleine participation de ses représentants syndicaux; iii) augmenter de manière significative les capacités d’enquête criminelle de l’unité chargée des infractions contre les syndicalistes, en allouant les ressources humaines et financières nécessaires; iv) renforcer sensiblement la collaboration de la DEIC de la police nationale civile avec cette unité; v) prendre les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes consacrent l’attention et les ressources voulues aux enquêtes sur les 36 homicides signalés par la Commission nationale tripartite; et vi) maintenir le dialogue fluide établi avec les autorités judiciaires en usant de tous les mécanismes appropriés pour que les cas de violence antisyndicale soient examinés rapidement par les tribunaux pénaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Protection des membres du mouvement syndical en danger
- 343. Lors de ses précédents examens du présent cas, le comité avait noté, dans un contexte d’actes fréquents de violence antisyndicale, le nombre limité de mesures de sécurité personnelle consenties aux membres du mouvement syndical par rapport au nombre élevé de demandes enregistrées. Il avait par ailleurs demandé que soit réactivé le groupe de travail syndical du ministère de l’Intérieur et l’Instance d’analyse des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme; que le ministère de l’Intérieur et le ministère public collaborent davantage pour assurer une protection adéquate des membres du mouvement syndical en danger; et que les menaces que subissent les dirigeants de plusieurs syndicats municipaux fassent l’objet d’une attention particulière.
- 344. Le comité prend note des informations actualisées communiquées par le gouvernement sur le traitement des demandes de mesures de sécurité sollicitées par des membres du mouvement syndical entre 2019 et le 31 mai 2021, selon lesquelles: i) le ministère de l’Intérieur a accordé 131 mesures de sécurité sur les 136 demandées; ii) sur ces 131 mesures, 122 concernaient l’établissement d’un périmètre de sécurité et 4 la sécurité personnelle, et 5 consistaient à fournir un numéro de téléphone parce qu’un faible niveau de risque avait été identifié. Le comité note en outre que, entre le 1er juin et le 31 août 2021, 19 analyses de risques concernant des membres du mouvement syndical ont donné lieu à 15 mesures d’établissement d’un périmètre de sécurité. Le comité prend également note des informations fournies par le gouvernement sur le budget global alloué à la Division de la protection des personnes et de la sécurité de la Sous-direction générale des opérations de la police nationale civile (environ 1 139 000 dollars EU pour l’exercice 2020).
- 345. Le comité note également qu’il ressort des autres informations fournies par le gouvernement que: i) les mécanismes d’octroi de mesures de sécurité aux membres du mouvement syndical et la coordination à ce sujet entre le ministère de l’Intérieur et le ministère public ont fait l’objet de discussions approfondies devant la Sous-commission d’application de la feuille de route; ii) malgré la demande de la sous-commission, le groupe de travail technique syndical permanent pour la protection intégrale du ministère de l’Intérieur n’a pas été réactivé, réactivation qui requiert l’adoption d’une nouvelle réglementation de la part du ministère; iii) de même, l’Instance d’analyse des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme est toujours inopérante; iv) les membres travailleurs de la Commission nationale tripartite continuent d’alerter sur les risques auxquels sont exposés les dirigeants de plusieurs syndicats municipaux; et v) la Procureure générale a proposé à la Commission nationale tripartite de créer un groupe de travail sur la sécurité préventive des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, qui serait composé d’un représentant du ministère public, d’un représentant du ministère de l’Intérieur et d’un représentant du ministère du Travail.
- 346. Le comité prend bonne note des informations détaillées fournies par le gouvernement. Dans le contexte susmentionné d’actes fréquents de violence antisyndicale et tout en soulignant la nouvelle proposition faite par la Procureure générale pour améliorer l’efficacité des mécanismes de prévention des actes de violence antisyndicale, le comité exprime sa préoccupation quant à l’absence persistante d’une instance de dialogue entre le ministère de l’Intérieur et les organisations syndicales, qui permette de coordonner les mesures de protection dont ont besoin les membres des syndicats en danger. En ce qui concerne l’inactivité de l’Instance d’analyse des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme, le comité note que, dans son rapport de février 2021 sur la situation des droits de l’homme au Guatemala, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme indique que la perte de cet espace clé de coordination et d’échange d’informations accroît la vulnérabilité des défenseurs des droits de l’homme (rapport A/HRC/46/74). Le comité note également, comme il l’a souligné dans ses derniers examens du cas, que le nombre de mesures de protection personnelle accordées aux membres du mouvement syndical en danger reste très limité (4) par rapport au nombre élevé de mesures de sécurité concernant le périmètre (122), bien que les organisations syndicales aient dénoncé leur inefficacité. [Voir le rapport de la mission tripartite au Guatemala, du 26 au 29 septembre 2018 (GB.334/INS/9(Rev.), paragr. 18).]
- 347. Rappelant à nouveau que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe [voir Compilation, paragr. 84], et se déclarant une fois encore profondément préoccupé par les nouveaux cas de décès de membres du mouvement syndical enregistrés par le ministère public et qui se sont produits en 2020 et 2021, le comité prie le gouvernement, avec la participation active et le suivi de la Souscommission d’application de la feuille de route, de prendre les mesures nécessaires pour assurer: i) la réactivation et le renforcement du groupe de travail syndical du ministère de l’Intérieur et de l’Instance d’analyse des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme de ce ministère; ii) une coordination pleine et effective entre le ministère public et le ministère de l’Intérieur dans l’octroi et la gestion des mesures de sécurité en faveur des membres du mouvement syndical; et iii) la fourniture des fonds nécessaires afin que les membres du mouvement syndical qui sont en danger bénéficient le plus tôt possible de toutes les mesures de sécurité nécessaires, notamment les mesures de sécurité personnelles, dans les plus brefs délais. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard, en prêtant tout particulièrement attention aux membres des syndicats municipaux en danger.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 348. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité exprime de nouveau sa profonde et croissante préoccupation face à la gravité de ce cas qui fait état de nombreux assassinats, tentatives d’assassinat, agressions et menaces de mort et face au climat d’impunité qui prévaut. Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’éviter la commission de tout nouvel acte de violence antisyndical.
- b) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement, avec la participation active de la Commission nationale tripartite des relations de travail et de la liberté syndicale et le suivi de la Sous-commission d’application de la feuille de route, de continuer de prendre et d’intensifier toutes les mesures nécessaires pour enquêter efficacement sur tous les actes de violence perpétrés à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, afin d’établir les responsabilités et de sanctionner les auteurs et les instigateurs de ces actes, en tenant compte de l’activité syndicale des victimes, conformément à l’instruction no 01-2015 concernant la conduite effective d’enquêtes et de poursuites pénales relatives aux délits visant des syndicalistes, des membres d’organisations de travailleurs et d’autres défenseurs des droits au travail et des droits syndicaux. À cet égard, le comité prie instamment le gouvernement: i) de pérenniser le rôle de suivi de la Commission nationale tripartite et de sa sous-commission; ii) de faciliter, avec l’appui de la Commission nationale tripartite, la réactivation du groupe de travail syndical du ministère public avec la pleine participation de ses représentants syndicaux; iii) d’augmenter substantiellement les ressources humaines et financières et les capacités d’enquête criminelle de l’unité chargée des infractions contre les syndicalistes; iv) de continuer à renforcer et à pérenniser la collaboration entre la Division spécialisée des enquêtes criminelles (DEIC) de la police civile et cette unité; v) de prendre les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes accordent l’attention et les ressources voulues aux enquêtes sur les 36 homicides signalés par la Commission nationale tripartite; et vi) de poursuivre le dialogue fluide établi avec les autorités judiciaires afin que, en usant de tous les mécanismes appropriés, les cas de violence antisyndicale soient examinés rapidement par les tribunaux pénaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité prie le gouvernement de lui fournir des informations sur les sanctions imposées aux auteurs de menaces et d’attaques contre des membres du mouvement syndical identifiés par la section du ministère de l’Intérieur spécialisée dans les menaces et les attaques visant les défenseurs des droits de l’homme.
- d) Se déclarant profondément préoccupé par les nouveaux cas de décès de membres du mouvement syndical enregistrés par le ministère public et qui se sont produits en 2020 et 2021, le comité prie le gouvernement, avec la participation active et le suivi de la Commission nationale tripartite et de sa sous-commission, de prendre les mesures nécessaires pour assurer: i) la réactivation et le renforcement du groupe de travail syndical du ministère de l’Intérieur et de l’Instance d’analyse des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme de ce ministère; ii) une coordination pleine et effective entre le ministère public et le ministère de l’Intérieur dans l’octroi et la gestion des mesures de sécurité en faveur des membres du mouvement syndical; et iii) la fourniture des fonds nécessaires afin que les membres du mouvement syndical qui sont en danger bénéficient le plus tôt possible de toutes les mesures de sécurité nécessaires, notamment les mesures de sécurité personnelles, dans les plus brefs délais. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard, en prêtant tout particulièrement attention aux membres des syndicats municipaux en danger.
- e) Le comité prie le gouvernement de contacter et de rencontrer les organisations plaignantes afin de faciliter l’identification de tous les cas de violence antisyndicale signalés par celles-ci dans leur dernière communication. Le comité prie le gouvernement, sur la base des éléments ainsi réunis, de compléter les informations fournies en indiquant les mesures prises pour enquêter sur les faits dénoncés et assurer la protection des membres du mouvement syndical qui pourraient être en danger.
- f) Le comité de la liberté syndicale attire de nouveau spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.