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Rapport intérimaire - Rapport No. 396, Octobre 2021

Cas no 3380 (El Salvador) - Date de la plainte: 13-MAI -20 - En suivi

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Allégations: Actes de harcèlement, de persécution et d’ingérence visant l’ANEP et ses dirigeants, qu’auraient commis de hauts représentants du gouvernement, en particulier en ne reconnaissant pas son nouveau président

  1. 258. La plainte figure dans une communication de l’Association nationale de l’entreprise privée (ANEP) datée du 4 juin 2020.
  2. 259. Le gouvernement a fait part de ses observations dans une communication datée du 22 juin 2020.
  3. 260. El Salvador a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 261. L’organisation plaignante dénonce des actes de harcèlement, de persécution et d’ingérence visant l’ANEP et ses dirigeants, et plus particulièrement son président, commis par de hauts représentants du gouvernement d’El Salvador, parmi lesquels le Président de la République. L’organisation plaignante souligne que l’ANEP est l’organisation d’employeurs la plus représentative d’El Salvador: elle regroupe 49 organisations représentant plus de 50 sous-secteurs d’activité et plus de 15 000 entreprises, qui totalisent 82 pour cent du produit intérieur brut.
  2. 262. Plus précisément, l’ANEP fait savoir que: i) le 29 avril 2020, toutes les organisations qui composent l’ANEP, réunies en assemblée générale, ont élu à l’unanimité M. Javier Ernesto Simán Dada en tant que président, ainsi qu’un nouveau conseil d’administration pour une période de deux ans; ii) le 12 mai 2020, le Président de la République d’El Salvador a déclaré, dans un message publié sur son compte Twitter, qu’il «est évident que la nouvelle direction de l’ANEP El Salvador ne cherche qu’à saboter le travail du gouvernement. Ce qu’il y a de pire, en pleine pandémie. [...] À compter de ce jour, le gouvernement de la République ne reconnaît pas Javier Simán en tant que représentant des entreprises privées»; iii) sur sa page Facebook, le Président de la République a écrit que, «naturellement, l’ANEP est libre d’élire qui elle veut et d’accepter en son sein les membres de son choix. [...] Mais quel est l’intérêt de conserver quelqu’un à la tête d’une organisation s’il ne sert plus à rien ? De toute façon, la grande majorité des chefs d’entreprise de notre pays veulent aller de l’avant et ne se sentent pas représentés par l’ANEP. La majorité des organisations d’employeurs (dont beaucoup ne sont jamais prises en compte) veulent travailler pour El Salvador et ne font pas primer leurs intérêts politiques sur le bien-être de tous. C’est avec elles que nous allons collaborer. Dans notre gouvernement, le temps où l’ANEP dictait sa conduite au Président de la République est révolu»; iv) le même jour, le 12 mai, la directrice des opérations et du cabinet de la présidence, Mme Carolina Recinos, a publiquement confirmé la décision du Président de la République de ne pas reconnaître M. Simán Dada en tant que président de l’ANEP et représentant du secteur privé, précisant que «c’est dans les situations difficiles que les personnalités et les intérêts se révèlent. On ne peut pas utiliser la crise engendrée par la pandémie comme tremplin pour lancer des attaques»; v) plusieurs fonctionnaires du gouvernement et/ou représentants du parti au pouvoir ont envoyé des messages par lesquels ils refusaient de reconnaître M. Simán Dada et harcelaient celui-ci et, sur l’ordre d’autorités supérieures, une société du groupe d’entreprises dont M. Simán Dada fait partie, qui avait obtenu l’agrément du ministère de la Santé et du ministère du Travail pour produire des masques et des blouses à usage médical destinés à l’exportation mais aussi au gouvernement d’El Salvador, a été arbitrairement fermée; et vi) le 21 mai 2020, lors d’un entretien télévisé qui a été diffusé sur les chaînes 2, 4 et 6 de la télévision salvadorienne, le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale a déclaré que, quelques jours auparavant, des représentants de plusieurs organisations étaient venus au ministère du Travail pour le rencontrer et qu’il les avait reçus, car à aucun moment ils ne s’étaient présentés comme représentant l’ANEP; il a ajouté pendant ce même entretien que les portes du ministère resteraient closes pour M. Simán Dada, précisant que le gouvernement et le ministère du Travail étaient disposés à travailler et à se réunir avec tous les secteurs, à l’exclusion de l’ANEP.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 263. Dans une communication datée du 22 juin 2020, le gouvernement indique qu’il respecte le dialogue social ainsi que la légalité de la représentation des travailleurs comme des employeurs. Il affirme en outre qu’à aucun moment il ne s’est immiscé dans le processus d’élection ni dans les activités du conseil d’administration et du président de l’ANEP étant donné qu’il ignore (à la date de sa communication en réponse à la plainte) si des élections ont eu lieu pour désigner un conseil d’administration. Par conséquent, le gouvernement affirme qu’il ne sait pas si M. Javier Ernesto Simán Dada a été élu en tant que président de l’association susmentionnée à la date de l’assemblée générale mentionnée dans la plainte.
  2. 264. Pour confirmer ce qui précède, le gouvernement indique qu’il a demandé au Registre des associations et fondations sans but lucratif du ministère de l’Intérieur – qui est chargé de tenir les registres et de conserver les documents relatifs aux associations et aux fondations, ainsi qu’à leurs représentants légaux – de lui communiquer la dernière nomination ou élection officielle du conseil d’administration de l’ANEP consignée dans le registre. Dans une note datée du 25 mai 2020, la directrice générale du Registre des associations et fondations sans but lucratif répond que le dernier procès-verbal certifié de l’ANEP consigné dans le registre concerne l’élection du conseil d’administration d’avril 2018 pour une période de deux ans; elle précise en outre «qu’aucune demande d’enregistrement d’un nouveau conseil d’administration de l’Association nationale de l’entreprise privée n’a été présentée». Ce même registre a été consulté une nouvelle fois le 19 juin 2020 et, dans une note datée du 22 juin, le gouvernement a de nouveau été informé qu’à cette date aucune demande d’inscription d’un nouveau conseil d’administration ou de modification du conseil élu n’avait été soumise. Le gouvernement transmet des copies de ces communications.
  3. 265. En ce qui concerne les allégations de fermeture de sociétés faisant partie du groupe d’entreprises lié à M. Simán Dada, le gouvernement indique qu’il n’y a pas eu de mesure particulière visant M. Simán Dada ou son groupe. Il affirme que les mesures qui ont été prises entraient dans le cadre des mesures générales de confinement et de quarantaine que la loi adoptée pour endiguer la pandémie a imposées, le gouvernement ayant décidé d’accorder la priorité à la vie et à la santé humaines dans sa lutte contre le virus.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 266. Le comité note que la plainte porte sur des actes d’ingérence et de persécution visant l’ANEP et ses dirigeants qu’auraient commis de hauts représentants du gouvernement, en particulier en ne reconnaissant pas son nouveau président, M. Simán Dada, élu lors de l’assemblée générale de l’organisation plaignante le 29 avril 2020. Il note que le gouvernement fait valoir qu’il n’a pas pu intervenir dans ledit processus d’élection puisqu’il ignorait qu’il avait eu lieu. Le gouvernement dit qu’il ne sait pas si un scrutin a été organisé pour élire le conseil d’administration et le président de l’ANEP, et précise que l’élection d’un nouveau conseil d’administration et d’un nouveau président n’a pas été consignée dans le registre approprié. À cet égard, et ne constatant aucune remise en cause du déroulement du scrutin, le comité invite l’organisation plaignante, si elle ne l’a pas déjà fait, à accomplir toutes les formalités nécessaires à l’enregistrement de son nouveau conseil d’administration.
  2. 267. Toutefois, le comité note que le gouvernement ne conteste pas l’authenticité des déclarations publiques dénoncées dans la plainte et émanant du plus haut niveau de l’État. Non seulement ces déclarations font apparaître que les élections au sein de l’ANEP étaient connues, mais elles disent également, en des termes clairs et sans équivoque, que le résultat des élections et, en particulier, du nouveau président de l’ANEP n’a pas été reconnu par les autorités. Le gouvernement ne conteste pas non plus les affirmations d’autres autorités publiques, notamment du ministre du Travail, relatives à la non-reconnaissance explicite du président de l’ANEP et au refus consécutif de reconnaître cette association en tant que partenaire social.
  3. 268. À cet égard, et bien qu’il admette que l’enregistrement des nouveaux comités directeurs des organisations d’employeurs et de travailleurs soit une formalité que la législation peut prévoir pour assurer la publicité des résultats des élections et leur donner pleinement effet, le comité estime que le refus de reconnaître le président et le conseil d’administration de l’ANEP, et le rejet de cette organisation représentative d’employeurs de la part des autorités publiques au plus haut niveau après les élections tenues par l’ANEP en avril 2020, comme le dénonce la plainte, constituent une violation très grave de la liberté syndicale en général et de l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs et de leur droit d’élire librement leurs représentants, en particulier. Le comité considère que, compte tenu du fait notoire de l’élection du président de l’organisation patronale la plus représentative du pays, qui a fait l’objet d’une large publicité dans les médias, l’exigence d’une formalité procédurale pour être reconnu et pouvoir agir en tant que porte-parole légitime devant les autorités est un acte qui n’est pas compatible avec le principe de la liberté syndicale.
  4. 269. À cet égard, le comité rappelle que le fait que les autorités interviennent au cours des élections d’une organisation d’employeurs ou de travailleurs, en exprimant une opinion au sujet des candidats et des conséquences de ces élections, porte gravement atteinte au droit que ces organisations ont d’élire librement leurs représentants, et qu’il revient à ces organisations de nommer leurs propres représentants au sein des instances de consultation.
  5. 270. Le comité prend également note de la discussion à propos de l’application de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, en El Salvador qui a eu lieu devant la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail de juin 2021 et à l’issue de laquelle la commission a prié le gouvernement de s’abstenir de s’immiscer dans la constitution et les activités des organisations de travailleurs et d’employeurs indépendantes, en particulier de l’Association nationale de l’entreprise privée (ANEP).
  6. 271. À la lumière de ce qui précède et tout en déplorant la situation rapportée, le comité prie le gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour assurer le plein respect de l’autonomie de l’ANEP et la reconnaissance des résultats de ses élections d’avril 2020, en particulier de l’élection de son président, M. Simán Dada, ainsi que la reconnaissance de cette organisation d’employeurs en tant que partenaire social, de sorte que l’ANEP puisse participer pleinement au dialogue social par l’intermédiaire de ses représentants élus.
  7. 272. En ce qui concerne les allégations d’actes de harcèlement à l’encontre du groupe d’entreprises du président de l’ANEP, le comité constate de fortes divergences entre les allégations contenues dans la plainte – selon lesquelles le gouvernement a ordonné arbitrairement la fermeture d’une société de ce groupe d’entreprises – et la réponse du gouvernement, qui affirme que ce sont des mesures générales de confinement et de quarantaine obligatoires qui ont été prises en vertu d’une loi adoptée pour endiguer la pandémie. Compte tenu de ces divergences, le comité invite l’organisation plaignante à fournir de plus amples informations sur ces allégations de harcèlement envers le groupe d’entreprises du président de l’ANEP ou de toute autre entreprise affiliée à cette organisation qui est la cible d’actes hostiles, pour que la question puisse être examinée à la lumière de tous les éléments pertinents, et demande au gouvernement de fournir des informations complémentaires à l’appui de son affirmation selon laquelle l’acte dénoncé dans la plainte était une mesure générale.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 273. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour assurer le plein respect de l’autonomie de l’Association nationale de l’entreprise privée (ANEP) et la reconnaissance des résultats de ses élections d’avril 2020, en particulier de l’élection de son président, M. Javier Ernesto Simán Dada, ainsi que la reconnaissance de cette organisation d’employeurs en tant que partenaire social, de sorte que l’ANEP puisse participer pleinement au dialogue social par l’intermédiaire de ses représentants élus.
    • b) Le comité invite l’organisation plaignante à fournir de plus amples informations sur ses allégations de harcèlement envers le groupe d’entreprises du président de l’ANEP ou de toute autre entreprise affiliée à cette organisation qui est la cible d’actes hostiles et prie le gouvernement de fournir des informations complémentaires à l’appui de son affirmation selon laquelle l’acte dénoncé dans la plainte était une mesure générale.
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