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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent une série d’actes contraires
à la liberté syndicale et à la négociation collective
- 90. La plainte figure dans une communication de la Centrale unitaire des
travailleurs de Colombie (CUT) du 19 janvier 2017 et une communication du Syndicat des
travailleurs de l’entreprise de téléphone de Bogota (SINTRATELEFONOS) du 7 juin
2018.
- 91. Le gouvernement de la Colombie a fait parvenir ses observations sur
les allégations dans des communications datées du 5 décembre 2018, d’octobre 2019 et du
29 avril 2022.
- 92. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la
négociation collective, 1981.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 93. Dans leur communication du 19 janvier 2017, la CUT et SINTRATELEFONOS
dénoncent le licenciement, le 23 juin 2016, de 25 travailleurs syndiqués par
l’Entreprise de télécommunications de Bogota (ci-après «l’entreprise»). Ils allèguent
que ces licenciements présentent un caractère arbitraire car ils étaient fondés sur des
affirmations fallacieuses relatives au coût élevé de la masse salariale et ont été
assortis d’actes de représailles contre les travailleurs qui se sont opposés à la vente
de l’entreprise. Ils affirment que des travailleurs ayant une longue ancienneté, des
militants syndicaux, ainsi que des mères chefs de famille figurent parmi les
travailleurs licenciés.
- 94. Les organisations plaignantes font ensuite référence au contexte
antérieur aux licenciements mentionnés et affirment que: i) l’entreprise, qui se
consacre aux services publics de télécommunications, est une entité décentralisée du
gouvernement du district de Bogota; ii) depuis plusieurs années, diverses
administrations municipales cherchent à vendre l’entreprise à des capitaux étrangers;
iii) l’entreprise a adopté une position antisyndicale, encourageant par courriels les
travailleurs à se détacher des avantages de la convention collective afin d’adhérer au
plan d’avantages de l’entreprise; iv) l’entreprise a également cherché à affaiblir
l’organisation syndicale en externalisant la main-d’œuvre; v) les licenciements
susmentionnés de 2016 ont été précédés de nombreux autres licenciements (75) à partir de
2013, touchant principalement des travailleurs syndiqués; et vi) le 19 juin 2015, la
Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT a été saisie d’une
demande visant à faciliter un dialogue sur les licenciements susmentionnés et les
restrictions de droits.
- 95. Les organisations plaignantes affirment en outre que, après le
changement de président de l’entreprise en 2016: i) il y avait eu une augmentation des
licenciements, du recours aux contrats de prestation de services et des offres
d’adhésion au plan d’avantages de l’entreprise au détriment de la convention collective;
ii) le plan de développement de l’entreprise soumis à la municipalité le 29 avril 2016
évoquait l’alternative de la vente de la société; iii) le 20 juin 2016, le syndicat a
présenté une demande de congé syndical pour tenir une assemblée générale le 23 juin afin
de discuter du nouveau cahier de revendications; et iv) le 23 juin 2016, en même temps
que l’assemblée générale susmentionnée, l’entreprise a licencié 19 travailleurs
syndiqués sans motif valable, dans le but d’effrayer les travailleurs et de les pousser
à démissionner du syndicat.
- 96. Les organisations plaignantes dénoncent par ailleurs la mauvaise foi
de l’entreprise dans le processus de négociation collective avec SINTRATELEFONOS. Elles
affirment à cet égard que: i) le 24 juin 2016, le syndicat a soumis son cahier de
revendications pour le renouvellement de la convention collective de l’entreprise;
ii) le 30 juin 2016, l’entreprise a dénoncé la convention collective en vigueur; iii) il
n’a pas été possible de négocier les revendications soumises par le syndicat car
l’entreprise a exigé que la négociation soit basée sur la dénonciation de la convention
en vigueur sans tenir compte des droits acquis des travailleurs; et iv) le recours par
l’entreprise à l’intermédiation du travail viole la convention collective en
vigueur.
- 97. Sur la base des éléments précédemment exposés, les organisations
plaignantes demandent la réintégration des travailleurs licenciés le 23 juin 2016, le
respect des droits acquis dans la négociation des futures conventions collectives, ainsi
que la réalisation, par l’administration du travail, d’enquêtes effectives sur les
agissements dénoncés de l’entreprise.
- 98. Dans une communication du 7 juin 2018, SINTRATELEFONOS demande que le
contenu d’une communication précédemment envoyée le 29 mai 2015 soit intégré au présent
cas. L’organisation plaignante y dénonce: i) les licenciements massifs de travailleurs
affiliés au syndicat entre 2013 et 2016, dont le conseiller de l’organisation, Fernando
Alberto Osma Pachón; ii) l’action en justice intentée par l’entreprise contre la
commission des revendications et la direction de l’organisation pour un arrêt de travail
jugé injustifié les 7 et 21 novembre 2013; et iii) plusieurs violations de la convention
collective en vigueur (conditions de promiscuité des travailleurs se consacrant au
projet «Fiber to the Home» (FTTH), discrimination à l’encontre des travailleurs ayant
des problèmes de santé, externalisation des fonctions essentielles de l’entreprise à des
sous-traitants et attitude antisyndicale en encourageant les travailleurs à adhérer au
plan d’avantages de l’entreprise au détriment de la convention collective).
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 99. Dans sa communication du 5 décembre 2018, le gouvernement transmet
tout d’abord la réponse de l’entreprise aux allégations des organisations plaignantes.
L’entreprise réfute le caractère antisyndical des licenciements intervenus entre 2013 et
2016 et affirme à cet égard que: i) elle a procédé à des ajustements de ses effectifs
pour des raisons de compétitivité et d’efficacité, conformément au pouvoir légal qui lui
permet de mettre fin aux contrats avec paiement de l’indemnité fixée par la loi ou par
convention; ii) les départs de ces dernières années, y compris ceux du 23 juin 2016, ont
concerné tant du personnel syndiqué – qui représente la majorité de l’effectif total –
que des travailleurs non syndiqués; iii) l’allégation de stratégie de départs collectifs
pour prétendument affaiblir l’organisation syndicale ne repose sur aucun élément factuel
ou juridique; iv) par les résolutions nos 3304 et 3402 des 22 et 28 novembre 2016, le
groupe de règlement des conflits et des conciliations de la direction territoriale de
Bogota du ministère du Travail a relaxé l’entreprise des accusations portées à son
encontre concernant quatre travailleurs licenciés le 23 juin 2016 qui avaient décidé de
s’enchaîner à leur poste de travail, considérant qu’il n’existait pas de preuves
démontrant que l’organisation syndicale avait été lésée, ni de preuves indiquant que les
travailleurs licenciés exerçaient une responsabilité au sein de l’organisation
syndicale, et aussi parce qu’il était évident que les licenciements n’avaient pas porté
atteinte au droit d’association syndicale ni à la capacité de l’organisation; v) il est
faux d’affirmer que le licenciement de 19 travailleurs le 23 juin 2016 avait pour but
d’entraver la tenue de l’assemblée du syndicat prévue le même jour, puisque la demande
de tenue de cette assemblée avait été présentée par le syndicat le 20 juin 2016, et
autorisée le 21 juin 2016 conformément aux dispositions de la convention et à la demande
du syndicat; vi) tous les licenciements effectués ont respecté les dispositions de la
législation et de la convention collective, comme le démontrent les décisions rendues
par les tribunaux compétents dans le règlement des actions engagées par huit des
travailleurs licenciés le 23 juin 2016, qui, tant en première qu’en seconde instance,
ont considéré que l’entreprise avait agi en pleine conformité avec le droit; vii) la
situation de M. Osma Pachón a été portée à la connaissance et clarifiée devant la
Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT, où il a été déclaré que,
si le cas avait été résolu conformément aux dispositions du droit du travail colombien,
il n’y avait pas lieu de formuler une recommandation à cet égard; et viii) les
informations selon lesquelles l’entreprise encouragerait les travailleurs à se
désaffilier du syndicat ne sont étayées par aucun élément ni aucune preuve. L’absence de
discrimination antisyndicale est démontrée par le fait que le syndicat, qui est présent
dans l’entreprise depuis plus de quatre-vingts ans, est largement majoritaire depuis de
nombreuses années sans que le nombre de ses membres n’ait subi d’évolutions
substantielles.
- 100. En ce qui concerne les allégations de mauvaise foi dans les
processus de négociation collective, l’entreprise indique que la législation du travail
colombienne prévoit, dans les articles 478 et 479 du Code du travail, la possibilité de
dénoncer les conventions collectives dans les soixante jours précédant leur expiration,
tant de la part du ou des syndicats signataires que de celle de l’employeur. Dans ce
scénario, le processus de négociation collective doit traiter à la fois le cahier de
revendications soumis par le(s) syndicat(s) et la dénonciation effectuée par
l’employeur. À cet égard, l’entreprise déclare que: i) dans les soixante jours précédant
l’expiration de la convention convenue pour être en vigueur jusqu’au 30 juin 2016, elle
en a dénoncé certains articles dans l’objectif d’en réglementer et d’en clarifier le
contenu; ii) les représentants de SINTRATELEFONOS à cette réunion ont exigé, comme
condition pour entamer la phase de règlement direct, que l’entreprise retire la
dénonciation de la convention, position qu’elle a maintenue avec intransigeance au cours
de plus de 20 réunions avant le début de la phase et qui ont duré jusqu’à la fin de
2017; iii) finalement, la phase de règlement direct a commencé le 21 novembre 2017,
incluant à la fois les revendications du syndicat et la dénonciation de l’entreprise
comme objet du processus de négociation, et iv) à l’issue du processus de négociation,
un accord a été conclu entre les parties le 7 mars 2018 et la convention collective a
été signée, pour rester en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020.
- 101. L’entreprise affirme enfin que la possibilité de vendre une
entreprise ou non est une question qui dépasse la compétence de l’OIT et que la vente
éventuelle de la société ou la participation du District de la capitale dans celle-ci
n’affecterait en rien l’existence du syndicat, puisque la loi colombienne prévoit que,
dans ces cas-là, s’applique la figure juridique de la substitution d’employeur,
également incluse dans l’accord conventionnel, et qui obligerait le nouvel employeur à
assumer toutes les obligations professionnelles qui incombent à l’entreprise.
- 102. Le gouvernement présente ensuite ses propres observations sur les
allégations formulées dans le présent cas. Il indique tout d’abord que les tribunaux ont
rejeté les actions engagées par huit des travailleurs licenciés le 23 juin 2016, qui
affirmaient à l’époque que ces licenciements ignoraient la procédure régulière établie
dans la convention collective et portaient atteinte à la liberté syndicale. Il relève
également que le licenciement en 2015 d’un membre du comité de direction de
SINTRATELEFONOS qui faisait l’objet d’une procédure disciplinaire a été autorisé par les
juges du travail. Le gouvernement fait ensuite savoir que toutes les enquêtes demandées
par l’organisation syndicale sur d’éventuelles violations de la liberté syndicale ont
été dûment menées par le ministère du Travail.
- 103. En ce qui concerne les allégations de mauvaise foi de la part de
l’entreprise dans la négociation collective, le gouvernement indique que, selon les
documents fournis par l’entreprise, la phase de règlement direct a commencé le
21 novembre 2017 et s’est terminée le 7 mars 2018, avec la signature de la convention
collective 2018-2020, document qui a été déposé auprès du ministère du Travail. Sur la
base de ce qui précède, il est constaté que l’organisation syndicale et l’entreprise ont
pu parvenir à des accords qui ont été concrétisés dans la convention collective
susmentionnée; c’est la raison pour laquelle cette question est réglée. Le gouvernement
indique enfin que: i) SINTRATELEFONOS compte apparemment environ 1 790 membres sur les
2 713 travailleurs de l’entreprise, ce qui montre que l’exercice de la liberté syndicale
n’est pas violé par l’entreprise; et ii) l’intermédiation du travail est réglementée par
la législation colombienne de telle sorte qu’elle puisse être réalisée dans des
conditions qui respectent les droits du travail.
- 104. Dans une seconde communication d’octobre 2019, le gouvernement
fournit des observations supplémentaires de l’entreprise en réponse à la seconde
communication de SINTRATELEFONOS. L’entreprise déclare à nouveau que les licenciements
qui ont eu lieu ces dernières années dans l’entreprise ont concerné aussi bien des
travailleurs syndiqués que non syndiqués, y compris des cadres, et en général des
travailleurs qui ne sont pas bénéficiaires de la convention, ces derniers constituant un
pourcentage beaucoup plus faible dans l’entreprise que ceux qui sont syndiqués.
L’entreprise déclare qu’il ressort de ce qui précède que les allégations des
organisations plaignantes concernant une prétendue stratégie de licenciements collectifs
visant à affaiblir l’organisation syndicale n’ont aucun fondement factuel ou juridique.
Elle réaffirme également que les licenciements effectués par l’entreprise sont conformes
tant aux dispositions de la législation qu’à celles de la convention collective et que,
en vertu de cette dernière, les indemnités versées dépassent largement ce que prévoit le
Code du travail. En ce qui concerne les prétendues conditions de promiscuité des
travailleurs affectés au projet FTTH, l’entreprise indique que ce projet a fait l’objet
de clauses dans la convention collective signée en 2013 et que, bien que le démarrage du
projet ait pu entraîner la concentration d’un nombre inhabituel de travailleurs pendant
de courtes périodes, cela n’implique pas des conditions de promiscuité au travail.
L’entreprise affirme enfin que: i) la convention collective signée avec SINTRATELEFONOS
s’applique par extension à tous les travailleurs de l’entreprise et qu’il n’existe pas
de pacte collectif au sein de l’entreprise, de sorte qu’aucune prérogative supérieure ne
s’applique aux travailleurs qui ne sont pas membres du syndicat, et ii) le simple
désaccord des organisations syndicales avec les décisions prises par l’entreprise ne
signifie pas que celles-ci constituent des atteintes à la liberté syndicale.
- 105. Le gouvernement présente ensuite ses propres observations
complémentaires. Il réaffirme que les demandes des organisations plaignantes sont
manifestement dépourvues de fondement factuel et juridique, que les licenciements
décidés par l’entreprise ont concerné des travailleurs syndiqués comme non syndiqués et
que, si une situation de licenciement antisyndical se produisait, l’entreprise devrait
se conformer aux conventions de l’OIT, à la législation interne et à la jurisprudence
nationale.
- 106. En ce qui concerne les allégations relatives à une intermédiation
illégale du travail, le gouvernement indique que, le 25 janvier 2019, le ministère du
Travail a acquitté, par la résolution no 152, l’entreprise de tels agissements, de sorte
que, sur ce point, il n’existe pas de motif de plainte pour une question qui a déjà été
réglée. Le gouvernement ajoute que, bien que cela relève de la compétence de
l’entreprise et de ses associés, l’article du plan de développement de Bogota qui
prévoyait la vente d’une partie des actions de l’entreprise a été annulé par les
tribunaux administratifs. Le gouvernement conclut que, sur les 2 713 travailleurs
employés par l’entreprise, SINTRATELEFONOS compte environ 1 790 membres, ce qui, outre
les conventions collectives signées par l’entreprise avec cette organisation, démontre
l’absence de toute violation des conventions de l’OIT sur la liberté syndicale.
- 107. Par une troisième communication datée du 29 avril 2022, le
gouvernement transmet des observations supplémentaires à l’entreprise. Après avoir
réaffirmé qu’elle respecte la liberté syndicale et la négociation collective,
l’entreprise déclare que: i) le nombre de travailleurs syndiqués au sein de l’entreprise
reste stable; ii) elle entretient actuellement de bonnes relations avec SINTRATELEFONOS,
soulignant la signature, le 22 avril 2021, d’une nouvelle convention collective de
travail, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023, un accord qui est pleinement respecté; et
iii) l’entreprise se réunit une fois par semaine avec le syndicat pour définir
conjointement des solutions et/ou des actions d’amélioration concernant les
préoccupations qui peuvent être exprimées par SINTRATELEFONOS. L’entreprise ajoute enfin
que le 10 septembre 2019, Mme Claudia López, à l’époque candidate à la mairie de Bogota
(et actuellement maire de la ville), a signé un accord de programme avec SINTRATELEFONOS
afin de protéger l’entreprise en tant qu’entité publique et de garantir le respect de la
convention collective de travail, accord que l’entreprise a mis en œuvre pour les
parties qui le concernent.
- 108. Le gouvernement réitère ensuite que les éléments fournis dans ses
communications précédentes démontrent que les conventions nos 87 et 98 n’ont pas été
violées. Il ajoute que les nouvelles informations fournies par l’entreprise montrent que
les relations entre l’entreprise et l’organisation syndicale se sont grandement
améliorées et qu’elles ont réussi à signer une nouvelle convention collective, valable
jusqu’au 31 décembre 2023.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 109. Le comité observe que le présent cas concerne des allégations
relatives à une série d’actes antisyndicaux de la part d’une entreprise du secteur des
télécommunications. Le comité note que les organisations plaignantes dénoncent plus
précisément: i) le licenciement de 75 travailleurs, pour la plupart syndiqués, entre
2013 et 2016 et le licenciement d’un autre groupe de travailleurs syndiqués le 23 juin
2016; ii) une action en justice intentée par l’entreprise contre la commission de
revendications de SINTRATELEFONOS alléguant le caractère illégal d’un arrêt de travail
effectué en novembre 2013; iii) une série de violations de la convention collective en
vigueur visant à affaiblir l’organisation syndicale SINTRATELEFONOS; et iv) la mauvaise
foi de l’entreprise dans la négociation du cahier de revendications soumis par cette
organisation syndicale le 24 juin 2016. Le comité note que, de leur côté, l’entreprise
et le gouvernement nient l’existence d’actes antisyndicaux de la part de l’entreprise,
soulignant notamment le nombre élevé de travailleurs syndiqués dans l’entreprise et la
signature avec SINTRATELEFONOS d’une nouvelle convention collective pour la période
2018-2020.
- 110. En ce qui concerne la dénonciation de licenciements antisyndicaux au
sein de l’entreprise, le comité note que l’organisation plaignante allègue que:
i) l’entreprise a procédé entre 2013 et 2016 à des licenciements massifs de travailleurs
(75), pour la plupart syndiqués, dont le conseiller de SINTRATELEFONOS, M. Fernando
Alberto Osma Pachón; ii) ces licenciements sont fondés sur des affirmations fallacieuses
relatives au coût élevé de la masse salariale; et iii) environ 20 travailleurs
supplémentaires ont été licenciés le 23 juin 2016, jour où le syndicat tenait son
assemblée générale pour adopter la présentation de son cahier de revendications.
- 111. Le comité note que, de leur côté, l’entreprise et le gouvernement
déclarent que: i) les licenciements effectués sont le résultat d’ajustements des
effectifs de l’entreprise pour des raisons de compétitivité et d’efficacité et qu’ils
ont touché aussi bien des travailleurs syndiqués que non syndiqués; ii) étant donné que
le personnel de l’entreprise est largement syndiqué, les licenciements ont effectivement
concerné une majorité de travailleurs syndiqués sans que cela ne traduise une politique
antisyndicale de l’entreprise, allégation qui ne repose sur aucun élément factuel; et
iii) tous les licenciements effectués ont respecté les dispositions applicables de la
législation et les clauses pertinentes de la convention collective. Le comité note que
l’entreprise et le gouvernement ajoutent que le licenciement de M. Pachón a été précédé
d’une autorisation judiciaire de levée de son immunité syndicale. En ce qui concerne les
licenciements effectués le 23 juin 2016, le jour d’une assemblée générale de
SINTRATELEFONOS, le comité note que l’entreprise et le gouvernement déclarent en outre
que: i) l’entreprise a autorisé la tenue de cette assemblée générale dont elle avait été
informée le 20 juin 2016; ii) l’inspection du travail a constaté l’absence d’atteinte à
la liberté syndicale au regard de la situation de quatre des travailleurs précités qui
avaient refusé de quitter leur poste de travail; et iii) les tribunaux du travail n’ont
pas non plus relevé d’irrégularités ou de preuves de violation de la liberté syndicale à
l’égard de huit travailleurs qui ont contesté leur licenciement en justice.
- 112. Le comité rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur
la question de la rupture du contrat de travail par congédiement, sauf dans le cas où le
régime de congédiement implique une discrimination antisyndicale. [Voir Compilation des
décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1085.] En ce
qui concerne les 75 licenciements survenus entre 2013 et 2016, le comité observe que les
organisations plaignantes ne fournissent pas de détails sur leurs circonstances
factuelles et, au-delà de l’affirmation générale selon laquelle les licenciements en
question ont surtout touché des travailleurs syndiqués, n’apportent aucune information
supplémentaire sur leur caractère antisyndical allégué ni sur les actions en justice qui
auraient pu être engagées à cet égard. Le comité note également que l’entreprise et le
gouvernement affirment que les licenciements étaient motivés par la nécessité de
maintenir la compétitivité de l’entreprise et que le fait qu’une majorité de
travailleurs syndiqués aient été concernés n’indique pas l’existence d’une politique
antisyndicale, mais reflète simplement l’affiliation de la majorité du personnel de
l’entreprise. Compte tenu de ce qui précède, le comité constate qu’il ne dispose d’aucun
élément lui permettant de se prononcer sur l’éventuel caractère antisyndical des
75 licenciements en question.
- 113. En ce qui concerne le licenciement de M. Pachón, conseiller de
SINTRATELEFONOS, le comité note que le gouvernement indique que son congédiement a été
précédé d’une autorisation judiciaire. Le comité observe également qu’il ressort des
annexes fournies par les parties que cette autorisation judiciaire a été confirmée par
une décision de seconde instance du 24 avril 2015.
- 114. En ce qui concerne le licenciement d’un groupe de travailleurs
syndiqués le 23 juin 2016, jour où se tenait une assemblée générale de SINTRATELEFONOS,
le comité, tout en constatant que les allégations des organisations plaignantes font
référence à un nombre de travailleurs touchés variant entre 19 et 25, note que le
gouvernement indique que l’inspection du travail a constaté l’absence d’atteinte à la
liberté syndicale concernant la situation de quatre des travailleurs susmentionnés ayant
refusé de quitter leur poste de travail et que les tribunaux du travail n’ont pas
considéré comme antisyndicaux les licenciements de huit travailleurs qui ont saisi la
justice pour contester la rupture de leur contrat de travail. Constatant qu’il ne
dispose pas d’informations sur d’éventuels recours introduits par d’autres travailleurs
ayant fait l’objet de ces licenciements, le comité veut croire que toute action en
justice qui aurait pu être intentée par des travailleurs affiliés à SINTRATELEFONOS au
sujet de leur licenciement a été examinée dans le respect de la liberté syndicale.
- 115. En ce qui concerne un arrêt de travail effectué les 7 et 21 novembre
2013 et l’action en justice intentée par l’entreprise contre la commission de
revendications de SINTRATELEFONOS, le comité, tout en notant l’absence de réponse du
gouvernement à cet égard, constate qu’un arrêt de la chambre du travail de la Cour
suprême du 7 mars 2018 (arrêt SL1447-2018), relevant du domaine public, a confirmé une
décision de première instance qui avait estimé qu’il n’était pas justifié de déclarer
l’illégalité de l’arrêt de travail collectif susmentionné. Le comité prend bonne note de
ce jugement et ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
- 116. En ce qui concerne une série de violations présumées de la
convention collective par l’entreprise en vue d’affaiblir SINTRATELEFONOS
(externalisation d’activités, conditions de promiscuité de travailleurs se consacrant à
un nouveau projet de l’entreprise et promotion de l’adhésion au plan d’avantages de
l’entreprise au détriment de la convention collective), le comité note que l’entreprise
et le gouvernement déclarent que: i) les allégations mentionnées sont dépourvues de
fondement factuel; ii) l’externalisation d’activités de la part de l’entreprise est
conforme à la législation en vigueur, comme il ressort des décisions pertinentes de
l’administration du travail; iii) la concentration de nombreux travailleurs dans une
zone de l’entreprise n’a été que temporaire et due au démarrage du projet FTTH de la
société; iv) la convention collective signée avec le syndicat majoritaire
SINTRATELEFONOS est d’application générale dans l’entreprise, qui ne dispose d’aucun
pacte collectif signé avec les travailleurs non syndiqués, de sorte qu’il est faux
d’affirmer que les travailleurs non syndiqués bénéficieraient d’avantages supérieurs à
ceux prévus par la convention collective; v) l’absence de politique antisyndicale de
l’entreprise se reflète dans le fait que SINTRATELEFONOS regroupe la majorité des
travailleurs de la société et dans la signature de conventions collectives avec cette
organisation; et vi) dans le cadre de l’amélioration de leurs relations, l’entreprise et
SINTRATELEFONOS se réunissent désormais régulièrement pour trouver des solutions aux
préoccupations exprimées par le syndicat. Le comité prend bonne note de ces
informations, ainsi que du caractère générique de la plupart des allégations
mentionnées. En ce qui concerne la promotion alléguée du plan d’avantages de
l’entreprise au détriment de la convention collective, le comité note que les annexes
fournies par les parties contiennent un jugement du 19 décembre 2016 (0162-00) par
lequel il est décidé que l’entreprise étende aux travailleurs syndiqués le bénéfice des
jours de congé de Noël contenus dans le plan d’avantages. Compte tenu de ce qui précède
et prenant bonne note des dernières informations fournies par l’entreprise sur le
renforcement de ses relations avec SINTRATELEFONOS, le comité veut croire que le
gouvernement continuera à prendre les mesures nécessaires pour continuer à assurer le
plein respect de la liberté syndicale dans l’entreprise et que les parties, qui signent
des conventions collectives depuis longtemps, continueront à s’appuyer sur le dialogue
et la négociation collective pour résoudre tout possible différend.
- 117. En ce qui concerne les allégations de mauvaise foi dans les
négociations de la part de l’entreprise, le comité observe qu’il ressort des éléments
fournis par les organisations plaignantes, l’entreprise et le gouvernement que: i) le
syndicat a présenté le 24 juin 2016 un cahier de revendications pour le renouvellement
de la convention collective en vigueur; ii) l’entreprise, sur la base de l’article 479
du Code du travail et dans un délai de soixante jours avant le terme de la convention, a
dénoncé le 30 juin 2016 plusieurs articles de la convention en vigueur et a demandé que
sa dénonciation de ces articles soit prise en considération comme base de négociation de
la nouvelle convention; iii) après une longue série de réunions visant à déterminer les
bases de la négociation, les parties sont entrées dans une phase de règlement direct le
21 novembre 2017; et iv) les parties ont réussi à signer, le 7 mars 2018, une nouvelle
convention collective pour la période 2018-2020. Le comité rappelle qu’il a estimé que
la possibilité pour les employeurs de présenter, conformément à la législation, des
cahiers contenant leurs propositions aux fins de négociation collective – si ces
propositions sont destinées simplement à servir de base à la négociation volontaire à
laquelle se réfère la convention no 98 – ne doit pas être considérée comme une violation
des principes applicables en la matière. [Voir Compilation, paragr. 1321.] Le comité
observe que l’entreprise a, conformément à la législation en vigueur, dénoncé certains
aspects de la convention collective quelques mois avant la fin de la période de validité
de la convention, et a demandé que sa dénonciation de ces articles soit prise en
considération dans la négociation de la nouvelle convention consécutive à la
présentation du cahier par le syndicat. Le comité note également que le processus de
négociation susmentionné a abouti à la signature d’une nouvelle convention collective
pour la période 2018-2020. Sur la base de ces éléments, et notant que la dynamique de
négociation décrite ci-dessus n’est pas contraire à la nature bilatérale de la
négociation collective libre et volontaire, le comité ne poursuivra pas l’examen de
cette allégation. Observant en outre que, après les faits examinés dans la présente
plainte, l’entreprise et SINTRATELEFONOS ont signé une nouvelle convention collective
pour la période 2021-2023, le comité ne doute pas que les parties continueront à
s’appuyer sur le dialogue et la négociation collective pour fixer les conditions de
travail au sein de l’entreprise.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 118. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité veut croire
que toute action en justice éventuellement engagée par des travailleurs affiliés à
SINTRATELEFONOS ayant fait l’objet d’un licenciement aura été examinée dans le
respect de la liberté syndicale.
- b) Le comité veut croire que le gouvernement
continuera à prendre les mesures nécessaires pour continuer à assurer le plein
respect de la liberté syndicale dans l’entreprise et que les parties
continueront à s’appuyer sur le dialogue et la négociation collective pour fixer
les conditions de travail au sein de l’entreprise et résoudre tout possible
différend.
- c) Le comité considère que ce cas n’appelle pas un examen plus
approfondi et qu’il est clos.