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Rapport définitif - Rapport No. 399, Juin 2022

Cas no 3396 (Kenya) - Date de la plainte: 17-DÉC. -20 - Clos

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent la décision unilatérale de la Commission du service de l’enseignement (TSC) de suspendre une convention collective signée, ainsi que son refus de mettre à exécution des décisions de justice. Elles dénoncent également de nombreux actes antisyndicaux qui auraient été commis par la TSC: discrimination en matière de promotion et de rémunération, ingérence dans l’élection de représentants syndicaux et refus de percevoir les cotisations syndicales

  1. 164. La plainte figure dans une communication de l’Internationale de l’Éducation (IE) et du Syndicat national des enseignants du Kenya (KNUT) en date du 17 décembre 2020. Le KNUT a envoyé des informations dans une communication reçue le 31 mai 2022.
  2. 165. En l’absence de réponse du gouvernement, le comité s’est vu contraint de reporter à deux reprises l’examen du présent cas. À sa réunion de mars 2022 [voir 397e rapport, paragr. 7], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement en lui indiquant que, conformément aux règles de procédure énoncées au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il serait en mesure de présenter un rapport sur le fond de ce cas dans le cadre de sa prochaine réunion, même s’il ne recevait pas à temps les informations ou observations demandées. À ce jour, le gouvernement n’a toujours pas communiqué d’observations.
  3. 166. Le Kenya a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Il n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 167. Dans une communication du 17 décembre 2020, l’IE et le KNUT indiquent que ce dernier a été créé en 1957 et est membre de l’IE. Jusqu’en mai 2019, il représentait plus de 187 000 membres enregistrés, tous issus d’écoles publiques.
  2. 168. L’IE et le KNUT indiquent que des réclamations ont déjà été formulées, sans succès, pour inciter le gouvernement à régler les questions litigieuses découlant des décisions de la Commission du service de l’enseignement (TSC), notamment le fait que, depuis le mois de mai 2019, elle ne procède ni à l’encaissement ni au versement des cotisations syndicales au KNUT, dans le but d’asphyxier le syndicat. Les attaques visant ce dernier constituent une grave violation des conventions de l’OIT et du droit national, notamment la loi sur les relations professionnelles (2007), la loi sur la Commission du service de l’enseignement (2012) et la convention collective établie pour la période 2017-2021. Elles contreviennent également aux décisions de justice rendues par le tribunal du travail et des relations professionnelles.
  3. 169. L’IE et le KNUT considèrent que, compte tenu du litige opposant le syndicat et la TSC, le gouvernement aurait dû envisager les moyens susceptibles d’aider à surmonter les obstacles, comme le recours à des mécanismes de conciliation ou de médiation ou à un arbitrage effectué par un organisme indépendant bénéficiant de la confiance des parties. La plainte porte sur les points suivants.
  4. 170. Les organisations plaignantes dénoncent la décision unilatérale prise par la TSC de suspendre la convention collective du corps enseignant, convention collective qui a été signée en octobre 2016 et enregistrée en novembre 2016. Selon les organisations plaignantes, la TSC a suspendu la convention collective en juillet 2019, bien que le certificat d’enregistrement de cette convention n’ait jamais été annulé.
  5. 171. Les organisations plaignantes affirment que la TSC a élaboré des politiques et des programmes sans la participation du KNUT, ce qui contrevient aux dispositions de la Constitution, du Code des dispositions réglementaires régissant la profession enseignante (CORT) et de la convention collective. Dans un premier temps, la TSC a remplacé cette dernière par un système non négocié fondé sur la performance et comportant l’évaluation et l’amélioration de la performance des membres du personnel enseignant (système désigné ci après par le sigle TPAD). La TSC a également imposé de manière unilatérale un corpus de directives (ci-après désigné par le sigle CPG) appelées à régir les progressions de carrière dans le service de l’enseignement (circulaire no 7 du 2 mai 2018). Dans le jugement qu’il a rendu le 12 juillet 2019, le tribunal du travail et des relations professionnelles a déclaré nulles et non avenues tant la décision d’introduire le TPAD que la circulaire publiée en vue d’imposer le CPG. Le tribunal a déclaré que le TPAD mis en œuvre par la TSC serait annulé si des règlementations pertinentes n’étaient pas élaborées conformément à la loi sur les instruments statutaires (2013). Il a en outre fait observer que, dans la mesure où le CPG n’avait pas fait l’objet d’une négociation entre les parties, seul le CORT avait vocation à s’appliquer en matière de promotion des enseignants. Les organisations plaignantes dénoncent également le fait que la TSC ait instauré deux régimes de rémunération parallèles, l’un pour les membres du KNUT, l’autre pour les enseignants non affiliés à ce dernier.
  6. 172. Les organisations plaignantes dénoncent en outre le fait que la TSC a transmis ses propres recommandations à la Commission des salaires et des rémunérations de l’organe législatif sans consulter les parties par voie de négociation collective, comme le prévoit la loi sur les relations professionnelles (articles 54-60). Le KNUT a réagi en adressant un courrier à la Commission des salaires et des rémunérations. Enfin, le KNUT aurait réclamé à plusieurs reprises l’engagement de négociations en vue de l’établissement d’une nouvelle convention collective pour la période 2021-2023, avant la mise en œuvre du régime de retraite appelé à avoir une incidence sur les pensions des enseignants en janvier 2021. Cette réclamation est restée lettre morte.
  7. 173. Les organisations plaignantes affirment que, dans le but d’affaiblir encore davantage le KNUT, la TSC a mis en place sur son portail Web un procédé numérique de validation de l’affiliation syndicale mais que le bouton qui y est clairement mis en évidence porte la mention «Démission du syndicat», et qu’elle a publié en juin 2019 une circulaire (TSC/IPPD/UN/20/VOL III/47) exigeant des membres du KNUT qu’ils valident leur affiliation syndicale avant septembre 2019. Cette exigence, imposée en dehors de toute procédure et contraire aux dispositions de l’article 48 de la loi sur les relations professionnelles, a fait perdre au KNUT un nombre important de membres. Les organisations plaignantes rappellent que la loi dispose que, lorsqu’un membre d’un syndicat souhaite résilier son adhésion, il doit à cet effet adresser une notification écrite à l’employeur, ce dernier étant ensuite tenu de transmettre au syndicat une copie de cette notification de démission. Cette démission prend effet un mois après la notification. Les organisations plaignantes allèguent qu’en septembre 2019 plus de 86 000 enseignants de l’enseignement primaire et post-primaire, dont certains dirigeants syndicaux élus du KNUT, ont vu leur adhésion à ce dernier supprimée de manière illégale, au motif qu’ils n’avaient pas validé leur adhésion au syndicat dans le délai de trois mois prescrit.
  8. 174. Les organisations plaignantes allèguent par ailleurs que la TSC a également mené dans l’ensemble du pays une campagne destinée à inciter les enseignants à quitter le KNUT s’ils souhaitaient être couverts par la convention collective, et ce malgré le fait que le KNUT satisfait toujours à l’obligation qui lui incombe de représenter une majorité simple d’enseignants pour être officiellement reconnu.
  9. 175. Selon les organisations plaignantes, le nombre de membres affiliés au KNUT a chuté, passant de plus de 187 000 en 2019 à 28 015 en novembre 2020, ce qui a paralysé les activités du syndicat ainsi que la fourniture de services à ses membres. Le déficit financier du syndicat a été tel qu’il n’a plus été en mesure de verser les salaires de son personnel, d’effectuer le transfert mensuel de fonds à ses 110 sections locales, de rembourser ses prêts, d’assurer le financement de divers programmes et projets ni de faire face à ses autres dépenses administratives.
  10. 176. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, passant outre une directive du tribunal et la volonté du ministère du Travail, la TSC a retenu les frais d’agence destinés au KNUT tout en continuant de verser les montants correspondants aux autres syndicats de l’éducation.
  11. 177. Selon les organisations plaignantes, la TSC s’est employée à faire en sorte que les membres du KNUT ne soient plus couverts par les dispositions de la convention collective établie pour la période 2017-2021, convention qui est toujours en vigueur, et a privé l’ensemble des membres du syndicat de toute forme de droit en matière de promotion. Des enseignants ayant amélioré leur niveau de qualification et remplissant toutes les conditions requises se sont vu refuser une promotion du seul fait de leur affiliation au syndicat.
  12. 178. Selon les organisations plaignantes, l’un des préjudices les plus manifestes dont le KNUT est victime ressort clairement du fait que la TSC a établi deux régimes de rémunération parallèles au sein du service public de l’enseignement: les enseignants non affiliés au KNUT ont ainsi perçu des salaires et des indemnités plus élevés et certains ont été promus sur la base du CPG; les membres du KNUT ont quant à eux subi une discrimination à cet égard. Il est également établi que les enseignants du KNUT se sont vu refuser des promotions et des reclassements. Les organisations plaignantes affirment qu’un nombre croissant d’enseignants et de membres du personnel du KNUT n’ayant pas reçu leur salaire complet pendant des mois ont été inscrits par la société d’information financière sur la liste des personnes insolvables. La mise en place de deux régimes de rémunération parallèles dans le service public de l’enseignement exerce une fonction punitive et équivaut à une discrimination. Elle vise également, par la contrainte, à radier les enseignants du registre des membres du KNUT. En mettant en œuvre une telle mesure, la TSC viole ses propres règles et règlements, sachant que l’article 16 du CORT stipule que, en matière d’emploi, la commission est tenue de n’exercer aucune discrimination, pour quelque motif que ce soit, à l’encontre de quiconque. La mesure de la TSC consistant à ne pas offrir une rémunération identique à des enseignants détenteurs du même statut et des mêmes qualifications constitue également une violation de l’article 19 de la convention collective 2017 2021, qui dispose que les parties à l’accord sont liées par les dispositions relatives à la non-discrimination figurant dans la réglementation no 16 du CORT.
  13. 179. Dans une requête dirigée contre le KNUT (requête 151 de 2018), la TSC a avancé l’argument selon lequel les directeurs d’école et les chefs d’établissement n’étaient pas «syndicables» et que si le tribunal devait reconnaître leur droit d’adhérer à un syndicat, ils n’en devraient pas moins rester des membres ordinaires et ne pas occuper des postes électifs au sein du syndicat concerné. Les organisations plaignantes maintiennent que tous les enseignants peuvent adhérer à des syndicats, conformément à la Constitution du Kenya, à la loi sur les relations professionnelles et au CORT. Elles rappellent également que le tribunal a considéré que les administrateurs jouissaient de l’égalité de droits en matière de syndicalisation.
  14. 180. Les organisations plaignantes estiment que la TSC est tenue de respecter et d’appliquer strictement les droits des enseignants consacrés par le CORT, la convention collective couvrant la période 2017-2022, la loi sur la Commission du service de l’enseignement de 2012, la loi sur les relations professionnelles de 2007, la Constitution de 2010 et l’ensemble des traités et conventions internationaux ratifiés par le pays, notamment la convention no 98 de l’OIT, ratifiée en 1964. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que la TSC a malgré tout refusé systématiquement de respecter ou d’appliquer les décisions de justice suivantes:
    • la décision no 151 du 12 juillet 2019 du tribunal du travail et des relations professionnelles par laquelle le tribunal ordonnait: i) que la TSC procède à la mutation des enseignants membres mais non dirigeants du KNUT, conformément aux dispositions du CORT, et que les enseignants faisant partie des dirigeants du KNUT mais n’ayant pas le statut d’administrateurs institutionnels soient mutés dans les zones géographiques qu’ils ont été élus pour représenter; ii) que la TSC assure la promotion des enseignants conformément aux dispositions pertinentes du CORT et aux régimes de service applicables à l’ensemble des enseignants remplissant les conditions requises pour adhérer au syndicat défendeur, étant entendu que la circulaire opérationnelle du 2 mai 2018 sur le CPG visant à abolir et remplacer les trois régimes de service en vigueur n’aura dès lors pas vocation à s’appliquer; iii) que la TSC consulte le KNUT au sujet du développement et de la mise en œuvre du TPAD; iv) que les modules de perfectionnement professionnel des enseignants qui constituent l’enjeu du litige ne soient pas mis en œuvre, dans la mesure où ils sont loin d’équivaloir aux programmes de perfectionnement professionnel susceptibles d’être prescrits par le demandeur par voie règlementaire et conformément à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 35 de la loi sur la Commission du service de l’enseignement de 2012;
    • la décision no 158 du 20 août 2019 du tribunal du travail et des relations professionnelles par laquelle le tribunal ordonnait (en attendant l’audience au cours de laquelle il statuerait au sujet de la procédure principale): i) que la TSC encaisse et verse au KNUT les cotisations syndicales pour le mois d’août 2019; ii) la suspension de la circulaire de la TSC portant la référence TSC/IPPD/UN/20/VOL III/47 du 10 juin 2019, en l’attente d’autres ordonnances du tribunal.
  15. 181. Les organisations plaignantes dénoncent enfin le fait que la TSC a souvent exprimé ouvertement l’opinion selon laquelle le remplacement du secrétaire général du KNUT permettrait de résoudre le conflit avec ce dernier. La pression qui s’exerce ainsi sur les membres et les dirigeants du syndicat pour qu’ils désignent un autre responsable constitue une grave ingérence dans l’administration des affaires internes du syndicat. Alors que l’assemblée des délégués du KNUT doit avoir lieu en avril 2021, une campagne visant les actuels dirigeants du syndicat est menée sur les médias et les réseaux sociaux. Les organisations plaignantes rappellent que le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs propres représentants constitue un préalable indispensable pour qu’elles puissent agir en toute liberté et promouvoir efficacement les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il est essentiel que les pouvoirs publics s’abstiennent de toute intervention susceptible d’en entraver l’exercice. Les organisations plaignantes rappellent également l’avis du Comité de la liberté syndicale, selon lequel les jugements à l’emporte-pièce d’un employeur public mettant en doute l’intégrité des dirigeants syndicaux ne sont nullement de nature à favoriser le développement de relations professionnelles harmonieuses et portent atteinte au droit d’élire des dirigeants syndicaux en toute liberté.
  16. 182. Pour conclure, l’IE et le KNUT souhaitent se prévaloir de la présente plainte pour rappeler au gouvernement qu’il lui appartient de défendre les normes internationales du travail et de s’acquitter des obligations qui lui incombent en matière de respect et de garantie de l’exercice de la liberté syndicale et du droit de négociation collective.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 183. Le comité constate avec un profond regret que, malgré le temps qui s’est écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’a pas fourni en temps voulu les observations et informations demandées, bien qu’il ait été à plusieurs reprises invité à le faire, notamment par un appel pressant lancé lors de la réunion de mars 2022 du comité. Par conséquent, conformément aux règles de procédure applicables [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session (1972)], le comité est tenu de présenter un rapport sur le fond du cas sans pouvoir s’appuyer sur les informations qu’il avait espéré recevoir du gouvernement.
  2. 184. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations de violations de la liberté syndicale vise à assurer le respect des droits syndicaux dans le droit comme dans la pratique. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir le premier rapport du comité, 1952, paragr. 31.] Le comité invite instamment le gouvernement à faire preuve d’une plus grande coopération à l’avenir.
  3. 185. Le comité prend note des graves allégations formulées par l’IE et la KNUT au sujet des questions problématiques découlant de décisions prises par la TSC, notamment sa décision de suspendre une convention collective signée avec le KNUT en juillet 2019, ainsi que le fait que depuis cette date la TSC n’a ni encaissé ni versé les cotisations syndicales au KNUT, dans le but d’asphyxier le syndicat. Les autres allégations concernent des actes antisyndicaux commis par la TSC, à savoir une discrimination en matière de promotion et de rémunération des membres du KNUT et une ingérence dans l’élection de ses représentants.
  4. 186. S’appuyant sur les informations communiquées par les organisations plaignantes, le comité retrace la chronologie des événements. Le TSC et la KNUT ont signé en octobre 2016 une convention collective (2017-2021) du corps enseignant. Au cours de l’année 2018, la TSC aurait remplacé cette convention par un ensemble de politiques et de programmes élaborés sans la pleine participation du KNUT, notamment un système fondé sur la performance (Teachers Performance Appraisal and Development (TPAD)) et aurait imposé unilatéralement un corpus de directives (CPG) comme cadre de référence pour les promotions dans le service de l’enseignement. En ce qui concerne la modification unilatérale présumée de la convention collective et l’absence de concertation avec le KNUT au sujet des nouvelles modalités de fonctionnement proposées, le comité rappelle avec fermeté que les accords doivent être contraignants pour les parties et que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables. Le comité rappelle en outre qu’il importe que toutes les organisations syndicales concernées soient consultées au sujet des questions touchant à leurs intérêts ou à ceux de leurs membres. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1334, 1336 et 1521.]
  5. 187. Selon les organisations plaignantes, ces diverses initiatives ont conduit le KNUT à notifier un arrêt de travail en décembre 2018. La TSC a déposé une requête auprès du tribunal du travail et des relations professionnelles le 31 décembre 2018. Le 2 janvier 2019, le tribunal a rendu un premier jugement au sujet de la demande interlocutoire du requérant. Le 12 juillet 2019, le tribunal du travail et des relations professionnelles a prononcé son verdict final (décision no 151) prévoyant la suppression du TPAD mis en place par la TSC si des règlementations appropriées n’étaient pas élaborées conformément à la loi sur les instruments statutaires (2013). Le tribunal a par ailleurs déclaré que, puisque le CPG n’avait pas fait l’objet d’une négociation entre les parties, seul le CORT avait vocation à s’appliquer en matière de promotion des enseignants. Le comité note avec préoccupation l’allégation selon laquelle la TSC a refusé de déférer aux décisions de l’instance judiciaire.
  6. 188. Le comité prend note de l’allégation selon laquelle, suite à la décision du tribunal, la TSC est allée encore plus loin, en instaurant deux régimes de rémunération parallèles, l’un pour les membres du KNUT, dans le cadre des conditions de service en vigueur, l’autre pour les non-membres du KNUT, dans le cadre du CPG. Selon les organisations plaignantes, l’introduction de deux régimes de rémunération parallèles dans le service public de l’enseignement exerce une fonction punitive et équivaut à une discrimination, sachant que les personnes non affiliées au KNUT ont perçu des salaires et des indemnités plus élevés et que certaines d’entre elles ont bénéficié d’une promotion dans le cadre du CPG, contrairement aux membres du KNUT, lesquels auraient été privés de toute forme de droit en matière de promotion. Selon les organisations plaignantes, une telle mesure vise également à radier par la contrainte les enseignants du registre des membres du KNUT. Le comité prend note de l’affirmation selon laquelle la mesure de la TSC consistant à ne pas proposer un salaire identique à des enseignants détenteurs du même statut et des mêmes qualifications constitue également une violation de l’article 19 de la convention collective 2017-2021 qui stipule que les parties à l’accord sont liées par les dispositions de l’article 16 du CORT relatives à la non-discrimination. Le comité rappelle à cet égard avec fermeté que nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées. [Voir Compilation, paragr. 1074.]
  7. 189. Le comité note en outre l’allégation selon laquelle, dans le but d’affaiblir le KNUT, la TSC a mis en place sur son portail Web un procédé numérique de validation de l’affiliation syndicale mais que le bouton qui y est clairement mis en évidence porte la mention «Démission du syndicat» et a publié en juin 2019 une circulaire exigeant des membres du KNUT qu’ils valident leur appartenance syndicale avant septembre 2019. Selon les organisations plaignantes, cette exigence de validation de l’adhésion syndicale a fait perdre au KNUT un nombre important de membres. Les organisations plaignantes ont rappelé que, aux termes de la loi sur les relations professionnelles, le membre d’un syndicat qui souhaite renoncer à son adhésion doit adresser une notification écrite à l’employeur, lequel est tenu de transmettre au syndicat une copie de cette notification de démission. La démission devient effective un mois après la notification. Les organisations plaignantes allèguent que ce système de validation en ligne est responsable du fait qu’en septembre 2019 plus de 86 000 enseignants du primaire et du post-primaire, parmi lesquels certains dirigeants élus du KNUT, se sont vu privés en toute illégalité de leur adhésion syndicale, uniquement parce qu’ils n’avaient pas validé cette adhésion dans le délai de trois mois. Le comité note avec préoccupation l’allégation selon laquelle, dans le même temps, le TSC a également mené à l’échelle nationale une campagne visant à inciter les enseignants à quitter le KNUT.
  8. 190. Le comité note que le KNUT a déposé une requête auprès du tribunal du travail et des relations professionnelles contre la décision unilatérale de la TSC de suspendre l’encaissement et le versement au KNUT des cotisations syndicales. Il note que, le 20 août 2019, par une décision rendue d’urgence en attendant l’audience au cours de laquelle il statuerait au sujet de la procédure principale (décision no 158), le tribunal a ordonné à la TSC de déduire et de verser au KNUT les cotisations syndicales pour le mois d’août 2019 et suspendu la circulaire du TSC du 10 juin 2019 concernant la validation en ligne de l’affiliation syndicale. Le comité sait, sur la base d’informations rendues publiques, que, par un arrêt du 7 août 2020, le tribunal a rejeté la demande du KNUT, jugeant satisfaisants les arguments avancés par la TSC au sujet du versement des cotisations syndicales ainsi que la bonne volonté dont cette dernière a fait preuve à cet égard, sauf pour le mois de décembre 2019, le manquement constaté à cet égard ayant été imputé à des problèmes techniques. Le tribunal a refusé de donner son aval pour le paiement de la somme de 599 082 312 shillings kényans réclamée par le KNUT, jugeant que cette réclamation ne figurait ni dans les prétentions formulées dans la requête initiale ni dans les décisions constituant l’objet de l’instance.
  9. 191. Le comité prend toutefois note avec préoccupation de l’allégation selon laquelle les agissements de la TSC ont entraîné une baisse du nombre d’adhérents du KNUT (les effectifs, supérieurs à 187 000 en juin 2019, sont passés à 28 015 en novembre 2020) qui a eu pour effet de paralyser les activités du syndicat et la fourniture de services à ses membres. Le comité relève en particulier, sur la base de la correspondance adressée par le KNUT au ministère du Travail, que la TSC n’a pas versé les cotisations au syndicat aux mois juillet, août et décembre 2019, et que, pour les mois restants, les cotisations versées étaient amputées par la baisse constante des effectifs syndiqués. Le syndicat n’était dès lors plus en mesure de verser les salaires de son personnel, d’assurer les versements mensuels à ses 110 sections, de rembourser ses prêts, de financer divers programmes et projets et de faire face à ses autres dépenses administratives.
  10. 192. Tout en rappelant que l’exigence du consentement écrit pour la retenue à la source des cotisations ne serait pas contraire aux principes de la liberté syndicale [voir Compilation, paragr. 693], le comité constate avec préoccupation le fait qu’en l’espèce, selon les allégations du syndicat, un système de confirmation d’affiliation en ligne a été mis en place sans que le syndicat ait été dûment consulté à ce sujet et que le conflit qui en est résulté, qui a débouché sur le retrait de ce dispositif pendant plusieurs mois, semblent avoir contribué à la chute drastique des effectifs du syndicat ainsi qu’aux graves difficultés financières qui l’ont affecté. Le syndicat s’est retrouvé dans l’impossibilité de mener ses activités au profit de ses membres, situation qui n’est guère propice au développement de relations professionnelles harmonieuses et qui aurait dû être évitée.
  11. 193. Le comité prend également note avec une vive préoccupation de l’allégation selon laquelle la TSC a souvent exprimé ouvertement l’opinion selon laquelle le remplacement du secrétaire général du syndicat permettrait de résoudre le conflit avec le KNUT; la pression ainsi exercée sur les membres et les dirigeants du syndicat pour qu’ils désignent un autre responsable constitue une grave ingérence dans la gestion des affaires internes du syndicat. À ce sujet, le comité rappelle avec fermeté que toute intervention des pouvoirs publics dans les élections des organisations syndicales ou patronales risque de paraître arbitraire et de constituer de ce fait une ingérence dans le fonctionnement de ces organisations, ingérence incompatible avec le principe de la liberté syndicale qui leur reconnaît le droit d’élire leurs représentants en toute liberté. Le fait que les autorités interviennent au cours des élections d’un syndicat, en exprimant une opinion au sujet des candidats et des conséquences de ces élections, porte gravement atteinte au droit que les organisations syndicales ont d’élire librement leurs représentants. Par ailleurs, les jugements à l’emporte-pièce d’un employeur public mettant en doute l’intégrité des dirigeants syndicaux ne sont nullement de nature à favoriser le développement de relations professionnelles harmonieuses et portent atteinte au droit d’élire des dirigeants syndicaux en toute liberté. [Voir Compilation, paragr. 640 et 642.]
  12. 194. De manière générale, le comité se doit d’exprimer sa profonde préoccupation du fait que, malgré la décision unilatérale de la TSC d’annuler une convention collective et son refus d’appliquer les décisions de justice qui annulaient les diverses initiatives qu’elle avait prises et qui étaient contestées par le KNUT, le gouvernement n’a fourni aucune information quant aux mesures prises pour garantir que la TSC respecte pleinement la liberté syndicale et les droits de négociation collective du KNUT. Ce manquement a eu pour conséquence de restreindre les capacités du syndicat à organiser ses activités, à élaborer ses programmes, et l’a mis dans l’impossibilité de participer à des négociations fructueuses en vue de l’établissement d’une nouvelle convention collective.
  13. 195. Enfin, le comité a pris connaissance, sur la base d’informations rendues publiques, de l’évolution de la situation concernant le KNUT, notamment le changement de direction survenu en 2021. Le comité prend également note d’une communication reçue du KNUT le 31 mai 2022 indiquant que le syndicat a travaillé sans relâche avec la TSC pour rétablir les relations professionnelles harmonieuses qui prévalaient avant l’année turbulente de 2019 et qu’ils ont réussi à résoudre toutes les questions en suspens. Le KNUT ajoute que tous les recours judiciaires en instance ont été clos et les questions y afférentes soumises à des négociations. Le KNUT considère donc que la plainte peut être considérée comme réglée. À la lumière de ces dernières informations, le comité considère que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 196. Au vu des conclusions qui précédent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité constate avec un profond regret que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas communiqué à temps les observations et informations demandées, alors qu’il avait été invité à le faire à plusieurs reprises. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve d’une plus grande coopération à l’avenir.
    • b) À la lumière des dernières informations reçues du KNUT, le comité considère que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.
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