Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des actes de violence
(homicides, tentatives d’homicide et menaces de mort) contre des dirigeants syndicaux et des
syndicalistes
- 323. Le comité a examiné le cas no 2761 sur le fond à six reprises [voir
363e, 367e, 380e, 383e, 389e et 393e rapports], le plus récemment lors de sa session de
mars 2021. À cette occasion, il a examiné le cas no 2761 conjointement avec le cas
no 3074 et a présenté un rapport intérimaire concernant ces deux cas au Conseil
d’administration. [Voir 393e rapport, adopté par le Conseil d’administration à sa
341e session, paragr. 80-123 .]
- 324. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications
d’août 2021 et du 3 février 2023.
- 325. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les
relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la
négociation collective, 1981.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 326. Lors de sa réunion de mars 2021, le comité a formulé les
recommandations provisoires suivantes concernant les allégations présentées par les
organisations plaignantes [voir 393e rapport, paragr. 123]:
- a) Saluant les
mesures importantes que les autorités publiques ont adoptées et le nombre croissant
de condamnations prononcées, le comité, compte tenu de l’ampleur des défis auxquels
le pays se trouve confronté dans sa lutte contre la violence antisyndicale et
l’impunité, prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts
pour élucider tous les actes de violence antisyndicale, homicides, menaces et autres
rapportés dans le pays, et pour condamner tant les auteurs matériels que les
instigateurs de tels actes. Le comité espère, en particulier, que toutes les mesures
supplémentaires seront prises et toutes les ressources nécessaires mobilisées pour
que les enquêtes et les procédures pénales menées en relation avec les actes de
violence antisyndicale dénoncés dans le présent cas augmentent considérablement leur
efficacité pour identifier et sanctionner les instigateurs de tels actes. Le comité
prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à cet égard.
- b)
Tout en saluant les efforts considérables déployés par les autorités publiques,
ainsi que les consultations tenues avec les partenaires sociaux au sein de la
Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de
l’homme des travailleurs, le comité prie instamment le gouvernement de continuer
d’intensifier ses initiatives visant à fournir une protection appropriée à tous les
dirigeants et membres syndicaux en situation de risque. En vue d’accroître l’effet
des politiques de prévention de la violence antisyndicale, le comité prie
particulièrement le gouvernement de continuer, tant dans le cadre du plan d’action
et de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des
droits de l’homme des travailleurs qu’au sein de toutes les instances tripartites
concernées, à encourager un dialogue étroit entre les organisations syndicales et
les différentes autorités compétentes. Le comité prie le gouvernement de le tenir
informé à cet égard.
- c) Le comité prie de nouveau le gouvernement de
l’informer sur l’état d’avancement des enquêtes et procédures en cours relatives aux
faits signalés en 2014 par le Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie
(SINTRAELECOL) et le Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali
(SINTRAEMCALI).
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de continuer à
déployer tous les efforts nécessaires pour élucider tous les homicides et la
tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’Association syndicale unitaire
des fonctionnaires publics du système pénitentiaire et carcéral colombien (UTP)
dénoncés dans le présent cas, et condamner les auteurs matériels et les instigateurs
de tels actes. En ce qui concerne les cas dénoncés dans le présent cas, le comité
prie également le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’état
d’avancement des enquêtes en cours, ainsi que sur le contenu des décisions rendues.
En outre, le comité invite l’UTP et le gouvernement à se mettre en contact pour
procéder à l’identification de MM. Diego Rodríguez González et Manuel
Alfonso.
- e) Le comité prie le gouvernement de fournir les informations
demandées sur l’évaluation de la situation à risque de M. Mauricio Paz Jojoa. Il
invite aussi l’UTP et le gouvernement à se mettre en contact pour procéder à
l’identification définitive de Mme Cindy Yuliana Rodríguez Layos.
- f) Le
comité prie également le gouvernement de s’assurer que toutes les allégations de
menaces contre des membres ou des dirigeants de l’UTP ont donné lieu à des enquêtes
visant à identifier et à sanctionner leurs auteurs; le comité prie le gouvernement
de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection de M. Gustavo
Adolfo Aguilar, président du Syndicat des fonctionnaires et agents publics du
gouvernement et des municipalités de Colombie (SINTRASERPUVAL), et pour mener les
enquêtes nécessaires pour identifier et sanctionner rapidement les auteurs matériels
et les instigateurs de l’attentat survenu en mars 2018. Le comité prie le
gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- g) Le comité attire
spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement
grave et urgent du présent cas.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 327. Dans sa communication d’août 2021, le gouvernement souligne que les
enquêtes et les poursuites concernant les homicides de membres du mouvement syndical ont
beaucoup avancé, comme en témoignent les plus de 800 condamnations prononcées depuis
2005 et les 70 jugements rendus en 2020. Dans sa communication de février 2023, le
gouvernement affirme que le mouvement syndical a été victime de divers crimes au fil des
ans et que, grâce au courage des dirigeants syndicaux et au soutien de l’OIT et de ses
organes de contrôle, il existe des politiques publiques de protection et de réparation.
Le gouvernement exprime son engagement à renforcer le mouvement syndical et à œuvrer
pour que les enquêtes progressent.
- 328. Le gouvernement rappelle à cet égard que les enquêtes et les
procédures judiciaires relatives aux crimes commis contre des syndicalistes sont une
priorité pour le ministère public, qui dispose depuis 2016 d’une stratégie spécifique et
différenciée en la matière. Il ajoute que, sur la base des dispositions de l’orientation
stratégique 2020-2024, «Résultats dans la rue et dans les territoires», les actions ont
été renforcées de la manière suivante: analyse des crimes affectant le plus la situation
des syndicalistes dans leur travail (homicides, violation des droits de réunion et
d’association et menaces); définition d’un ensemble de cas et situations prioritaires;
coordination entre institutions et avec le ministère du Travail; formation pour
renforcer les enquêtes sur les crimes prioritaires.
- 329. Le gouvernement rappelle par ailleurs l’importance du groupe spécial
chargé de la conduite et du suivi des enquêtes sur les crimes commis contre des
syndicalistes et sur la liberté syndicale, créé en 2016, dont la mission est de mettre
en œuvre les actions définies dans la stratégie susmentionnée. Il signale que ce groupe
est composé comme suit: i) direction spécialisée dans la lutte contre les violations des
droits humains; ii) déléguée à la sécurité territoriale, pour les enquêtes sur les
crimes prioritaires; iii) direction des études avancées, conception et exécution de
programmes de formation périodiques pour les procureurs et les enquêteurs chargés de ces
crimes; iv) direction des politiques et de la stratégie chargée de l’examen de
l’évolution statistique des violences objet d’une attention prioritaire; et enfin
v) direction des affaires internationales. Le gouvernement ajoute que, pour le suivi
spécifique des procédures pénales, un procureur affecté au groupe national de la
déléguée à la sécurité du territoire est chargé de coordonner le travail des procureurs
qui instruisent les affaires dans les 35 directions régionales, et que la direction
spécialisée dans la lutte contre les violations des droits humains dispose aussi d’un
fonctionnaire affecté au suivi des affaires, dans son domaine de compétence.
- 330. Le gouvernement ajoute qu’en 2022, outre les programmes de formation
sur la liberté syndicale destinés aux membres du bureau du procureur général, le
ministère public a mené les actions suivantes en matière d’homicides de syndicalistes:
coordination, au sein du ministère public, entre les stratégies d’enquête sur les
homicides de syndicalistes, de défenseurs des droits humains et les homicides
intentionnels; mise à disposition d’une procureure à l’échelon national pour accélérer
les procédures dans les cas de syndicalistes; suivi par le bureau de la procureure
générale adjointe; et protocole de caractérisation des victimes de violations graves des
droits humains, publié en 2022.
- 331. Le gouvernement expose ensuite les résultats de cette stratégie en
matière d’homicides de syndicalistes, à savoir: i) pour ce qui est des faits signalés
entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2022, l’auteur a été identifié dans
44,69 pour cent des cas et les procédures pénales progressent; ii) en 2022, le ministère
public a eu connaissance de 15 cas d’homicide de syndicalistes qui sont instruits par un
tribunal ordinaire et, à ce jour, leur élucidation avance (c’est-à-dire que les auteurs
ont été identifiés) dans 53,33 pour cent des cas – l’un est en cours de jugement, trois
ont donné lieu à des inculpations et quatre font l’objet d’un mandat d’arrêt décerné par
un juge; et iii) sur les 85 cas de violence antisyndicale expressément signalés dans le
présent cas, des avancées supplémentaires sont constatées dans 22 cas par rapport aux
informations précédemment soumises (8 exécutions de peines, 4 cas en jugement et 10 au
stade de l’enquête).
- 332. Le gouvernement se réfère ensuite à la réponse des autorités
publiques aux menaces proférées contre des membres du mouvement syndical. Il rappelle
que le renforcement des capacités d’enquête sur les crimes de menaces contre les
défenseurs des droits humains est un objectif défini dans le cadre de la stratégie en
matière d’enquête et de poursuite relatives aux crimes commis contre les défenseurs de
ces droits et il décrit à nouveau les principaux points de cette stratégie. [Voir
dernier examen du présent cas, 393e rapport du comité, paragr. 91 93.] Le gouvernement
ajoute que: i) en vertu de la résolution 0775 de 2021, un groupe chargé des menaces a
été créé au sein de la direction spécialisée dans la lutte contre les violations des
droits humains; ce groupe comprend actuellement 10 procureurs chargés d’appuyer les
directions régionales où se produisent des menaces contre les personnes couvertes par
cette stratégie; ii) des lignes téléphoniques d’urgence 24 heures sur 24 et 7 jours
sur 7 sont en place pour traiter les cas dès qu’ils se produisent (actes urgents); et
iii) un cours a été conçu à l’intention des enquêteurs (police judiciaire) de tout le
pays qui s’occupent des menaces. Le gouvernement indique que les syndicalistes du
secteur des mines et de l’énergie du Valle del Cauca sont particulièrement exposés aux
menaces. C’est pourquoi le ministère public a élaboré une stratégie dans cette région du
pays et a détaché un procureur spécialisé du groupe de travail national chargé des
menaces pour enquêter en priorité sur ce type de crime.
- 333. Le gouvernement transmet des données sur les mesures de protection
assurées à des membres du mouvement syndical par l’Unité nationale de protection (UNP).
Il indique que 256 personnes ont bénéficié d’une protection en 2021 (dont des mesures
fortes pour 142 d’entre elles ) et 252 (dont des mesures fortes pour 143 d’entre elles)
en 2022 (données disponibles au 5 novembre 2022). En comparaison, en 2018, 371 membres
du mouvement syndical avaient bénéficié d’une protection (dont des mesures fortes pour
233 d’entre eux). Le gouvernement note que le budget de l’UNP était de
1 645 168 284 600 pesos colombiens en 2022 (environ 349 millions de dollars des
États-Unis), contre 830 363 870 243 pesos en 2018.
- 334. En ce qui concerne le plan d’action rapide pour la prévention et la
protection individuelle et collective des droits à la vie, à la liberté, à l’intégrité
et à la sécurité des défenseurs des droits humains, des dirigeants sociaux et
communautaires et des journalistes, le gouvernement indique que, découlant de ce plan,
le décret 1138 de 2021 a institué le Comité opérationnel pour la protection et la
réaction immédiate aux violations des droits à la vie, à l’intégrité, à la liberté et à
la sécurité et que, dans ce cadre, 32 municipalités ont été classées prioritaires pour
une intervention, et il est proposé d’en ajouter 9 autres.
- 335. Le gouvernement ajoute que, en vertu du décret 2078 de 2017
établissant le protocole de protection collective, des évaluations du niveau de risque
collectif ont été réalisées sur six groupes de personnes ayant statut de dirigeant ou de
militant syndical (quatre évaluations sont terminées et deux sont en cours). En ce qui
concerne le dialogue avec les organisations syndicales sur les mesures de protection, le
gouvernement indique que le ministère du Travail dirige le secrétariat technique de la
Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de
l’homme des travailleurs et que la commission a tenu trois réunions en 2022, la
troisième portant sur les questions de genre.
- 336. En ce qui concerne les blessures infligées en 2014 à M. Oscar Arturo
Orozco, membre du Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie (SINTRAELECOL), le
gouvernement: i) rappelle qu’il avait indiqué qu’une enquête était en cours à la
direction régionale de Caldas pour délit de blessures; et ii) fait savoir que, selon le
ministère public, le procureur chargé de l’affaire a rendu une décision de
classement.
- 337. Pour ce qui est des menaces dénoncées en 2014 par M. Oscar Lema
Vega, le gouvernement indique que l’enquête a été provisoirement classée en raison de
l’impossibilité d’identifier l’auteur, malgré les différentes recherches
effectuées.
- 338. En ce qui concerne les faits dénoncés par le Syndicat des
travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI), qui ont donné lieu à
l’ouverture du cas no 3074, le gouvernement rappelle que le ministère public a ouvert
une enquête sur les faits qui ont provoqué l’incendie du véhicule automobile de M. José
Ernesto Reyes; il a été ensuite décidé de classer la plainte, l’auteur du délit n’ayant
pu être identifié. Le gouvernement souligne à cet égard que lorsqu’une plainte est
classée par impossibilité de trouver ou d’établir l’auteur des faits, la procédure peut
être rouverte et se poursuivre si l’on obtient de nouvelles informations ou des preuves
pertinentes et utiles.
- 339. Le gouvernement indique que le ministère public mène 43 enquêtes sur
les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’Association
syndicale unitaire des fonctionnaires du système pénitentiaire et carcéral colombien
(UTP) dénoncés dans le présent cas. Le taux d’élucidation de ces affaires s’élève à
48,84 pour cent (21 cas), soit 4,65 points de pourcentage de plus que dans le rapport
précédent. Le gouvernement précise que 9 cas sont en cours d’exécution des peines,
4 sont en procès, 5 en sont au stade de l’instruction et de l’enquête et 3 sont
forclos.
- 340. En ce qui concerne l’identification de M. Diego Rodriguez González
et de M. Manuel Alfonso, tenant compte de ce qu’a rapporté le président national de
l’UTP M. Oscar Robayo Rodríguez, le gouvernement indique que: i) M. Diego Rodríguez
González, membre militant de l’UTP jusqu’au 5 juin 2013, a été assassiné par des groupes
terroristes à San Vicente del Caguan, selon les informations communiquées par les médias
à l’échelle nationale; et ii) M. Manuel Alfonso Julio Maestre, membre militant de l’UTP
jusqu’au 24 octobre 2016, a été assassiné lors d’un attentat terroriste à Granada –
Meta, selon les informations communiquées par les médias à l’échelle nationale.
- 341. Pour ce qui est des menaces à l’encontre de membres de l’UTP et des
enquêtes menées à ce sujet, le gouvernement indique que le ministère public a effectué
une recherche dans les registres d’enquêtes: 23 dossiers ont ainsi été recensés, dont 7
«actifs» qui font l’objet d’une enquête par la police judiciaire. En ce qui concerne les
informations spécifiques demandées par le comité, le gouvernement indique que:
i) M. Mauricio Paz Jojoa ne bénéficie pas du programme de protection car son niveau de
risque a été estimé ordinaire; ii) selon les informations fournies par le président de
l’UTP, Mme Cindy Yuliana Rodríguez Layos travaille à l’Institut pénitentiaire et
carcéral national.
- 342. En ce qui concerne l’attentat dont aurait été victime M. Gustavo
Adolfo Aguilar, président du Syndicat des fonctionnaires et agents publics du
gouvernement et des municipalités de Colombie (SINTRASERPUVAL), le 22 mars 2018: i) le
gouvernement signale que cette enquête a été fermée sur décision du ministère public de
classer l’affaire en raison de l’impossibilité de trouver ou d’identifier l’auteur des
faits; et ii) l’UNP indique que «[...] pour l’année 2018, l’évaluation au 25 juin 2018 a
qualifié le niveau de risque de l’intéressé d’extraordinaire et qu’une mesure de
protection lui a été accordée, en vertu de la résolution no 5257 du 04 juillet 2018,
sous la forme d’un moyen de communication et d’un gilet pare-balles». Mais l’UNP ajoute
qu’une fois effectuée la recherche dans les bases de données dont dispose le service,
M. Gustavo Adolfo Aguilar Gutiérrez n’a plus bénéficié du programme de prévention et de
protection.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 343. Le comité rappelle que les cas nos 2761 et 3074 concernent des
allégations faisant état de nombreux homicides de dirigeants syndicaux et de membres du
mouvement syndical, ainsi que de nombreux autres actes de violence antisyndicale.
- 344. Le comité note tout d’abord la déclaration du gouvernement, à savoir
que les enquêtes et les poursuites concernant les homicides de membres du mouvement
syndical ont beaucoup progressé – plus de 800 jugements ont été rendus depuis 2005 – et
qu’il s’engage à renforcer le mouvement syndical et à travailler pour faire avancer les
enquêtes.
- 345. Le comité prend note par ailleurs des informations générales que le
gouvernement a fournies sur les initiatives institutionnelles menées pour élucider les
actes de violence antisyndicale et sanctionner les coupables. Il observe que le
gouvernement rappelle que les enquêtes et les procédures judiciaires relatives aux
crimes commis contre des syndicalistes sont une priorité pour le ministère public, qui
dispose depuis 2016 d’une stratégie spécifique et différenciée en la matière, mise en
œuvre par le groupe spécial chargé de la conduite et du suivi des enquêtes sur les
crimes commis contre des syndicalistes et sur la liberté syndicale. Le comité note
également que, selon le gouvernement, outre les programmes de formation sur la liberté
syndicale destinés aux membres du bureau du procureur général, le ministère public a
appliqué les mesures suivantes en matière d’homicides de syndicalistes: coordination, au
sein du ministère public, entre les stratégies d’enquête sur les homicides de
syndicalistes, de défenseurs des droits humains et les homicides intentionnels; mise à
disposition d’une procureure à l’échelon national pour accélérer les procédures dans les
cas de syndicalistes; suivi par le bureau de la procureure générale adjointe; et
protocole de caractérisation des victimes de violations graves des droits humains,
publié en 2022.
- 346. Le comité prend également note des informations fournies par le
gouvernement sur les résultats de la stratégie concernant les homicides de
syndicalistes, à savoir: i) les auteurs ont été identifiés dans 44,69 pour cent des
homicides dénoncés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2022; ii) en 2022, les
auteurs ont été identifiés dans 53,33 pour cent des 15 cas d’homicides de syndicalistes
recensés par le ministère public, l’un est en cours de jugement, trois ont donné lieu à
des inculpations et quatre font l’objet d’un mandat d’arrêt décerné par un juge; et
iii) en ce qui concerne les 85 cas de violence antisyndicale (dont 79 homicides)
expressément dénoncés dans le présent cas, des avancées supplémentaires sont constatées
dans 22 cas par rapport aux informations précédemment examinées (8 exécutions de peines,
4 cas en jugement et 10 au stade de l’enquête).
- 347. Le comité prend note également des informations fournies par le
gouvernement sur la poursuite des efforts déployés pour accroître l’efficacité des
enquêtes visant à identifier et sanctionner les auteurs de menaces contre les défenseurs
des droits humains en général et les membres du mouvement syndical en particulier. Il
note que le gouvernement indique notamment ce qui suit: i) en vertu de la
résolution 0775 de 2021, un groupe chargé des menaces a été créé au sein de la direction
spécialisée dans la lutte contre les violations des droits humains; il se compose
actuellement de 10 procureurs chargés d’appuyer les directions régionales où se
produisent des menaces contre la population visée par cette stratégie; et ii) le
ministère public a élaboré une stratégie spécifique et a détaché un procureur spécialisé
du groupe de travail national chargé des menaces pour enquêter en priorité sur les
menaces dont sont victimes les syndicalistes dans le secteur des mines et de l’énergie
du Valle del Cauca.
- 348. Le comité prend bonne note des informations fournies par le
gouvernement et salue en particulier la poursuite et l’approfondissement des efforts
visant à garantir que les enquêtes et l’élucidation de tous les actes de violence
antisyndicale, ainsi que la sanction de leurs auteurs, constituent une priorité de
l’État, poursuivie au moyen de méthodes adaptées au type de crimes concernés et d’une
large coordination entre institutions. Il prend également note de l’avancement des
enquêtes sur les actes de violence antisyndicale expressément dénoncés dans le présent
cas et sur les homicides recensés par le ministère public tout au long de l’année 2022.
Dans le même temps, le comité note à nouveau l’absence d’informations sur
l’identification et la sanction des éventuels commanditaires. Il souligne à nouveau que
les enquêtes doivent porter non seulement sur l’auteur du crime, mais aussi sur ses
commanditaires, afin de rendre pleinement justice et de prévenir de façon significative
de futurs actes de violence contre des membres du mouvement syndical. Saluant les
mesures importantes que les autorités compétentes ont adoptées, le comité prie
instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour élucider tous les
actes de violence antisyndicale, homicides, menaces et autres rapportés dans le pays, et
pour condamner tant les auteurs que les instigateurs de tels actes. Il espère, en
particulier, que toutes les mesures supplémentaires seront prises et toutes les
ressources nécessaires mobilisées afin que les enquêtes et les procédures pénales menées
en relation avec les actes de violence antisyndicale dénoncés dans le présent cas
augmentent considérablement leur efficacité pour ce qui est d’identifier et de
sanctionner les instigateurs de ces actes. Le comité prie le gouvernement de fournir des
informations détaillées à cet égard.
- 349. En ce qui concerne les mesures prises par les pouvoirs publics pour
prévenir les actes de violence antisyndicale et protéger les membres du mouvement
syndical en danger, le comité prend note, tout d’abord, des chiffres fournis par le
gouvernement: i) 256 membres du mouvement syndical ont été protégés en 2021 (dont des
mesures fortes pour 142 d’entre eux) et 252 (dont des mesures fortes pour 143 d’entre
elles) en 2022 (données disponibles au 5 novembre 2022)); et ii) le budget de l’UNP
était de 1 645 168 284 600 pesos colombiens en 2022 (environ 349 millions de dollars des
États-Unis), contre 830 363 870 243 pesos en 2018. Le comité note en outre que le
gouvernement indique ce qui suit: i) dans le cadre du plan d’action rapide pour la
prévention et la protection individuelle et collective des droits à la vie, à la
liberté, à l’intégrité et à la sécurité des défenseurs des droits humains, des
dirigeants sociaux et communautaires et des journalistes, a été institué le Comité
opérationnel pour la protection et la réaction immédiate aux violations des droits à la
vie, à l’intégrité, à la liberté et à la sécurité et, dans ce cadre, 32 municipalités
sont prioritaires pour une intervention, et il est proposé d’en ajouter 9 autres; ii)des
évaluations collectives du niveau de risque ont été effectuées sur six groupes de
personnes ayant statut de dirigeant ou de militant syndical (quatre évaluations sont
terminées et deux sont en cours); et iii) le ministère du Travail continue de diriger le
secrétariat technique de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la
protection des droits de l’homme des travailleurs, qui a tenu trois réunions en 2022,
dont une consacrée à la problématique de la travailleuse et aux questions de genre.
- 350. Le comité salue les efforts importants déployés par les autorités
compétentes en matière de protection contre la violence antisyndicale. Il prend
particulièrement note à cet égard de l’augmentation significative du budget de l’UNP et
des consultations régulières qui se sont tenues avec les partenaires sociaux au sein de
la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de
l’homme des travailleurs. Dans le même temps, le comité note avec une profonde
préoccupation qu’il y a eu 15 homicides de syndicalistes recensés en 2022, ce qui
témoigne de la persistance d’un niveau élevé de violence antisyndicale dans le pays. Le
comité rappelle à ce sujet que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une
situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en
particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir
Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018,
paragr. 82.] Compte tenu de cette situation, le comité prie instamment le gouvernement
de continuer à intensifier ses efforts pour offrir une protection adéquate à tous les
membres du mouvement syndical en danger. Afin que les politiques de prévention de la
violence antisyndicale aient une plus grande efficacité, le comité prie le gouvernement
notamment: i) dans le cadre des initiatives et dispositifs institutionnels de protection
des défenseurs des droits de l’homme et des dirigeants sociaux, de continuer à accorder
toute l’attention nécessaire à la situation spécifique des membres du mouvement syndical
en danger; et ii) de communiquer des informations actualisées sur les mesures prises
pour prévenir les actes de violence antisyndicale dans les principaux foyers de risque
aux niveaux régional et sectoriel que le gouvernement avait portés à l’attention du
comité lors de son précédent examen du cas. [Voir 393e rapport du comité, paragr. 93.]
Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 351. En ce qui concerne les blessures infligées en 2014 à M. Oscar Arturo
Orozco, membre du Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie, le comité note que
le gouvernement: i) rappelle qu’il avait indiqué qu’une enquête était en cours à la
direction régionale de Caldas pour délit de blessures; et ii) fait savoir que, selon le
ministère public, le procureur chargé de l’affaire a rendu une décision de classement.
Pour ce qui est des menaces dénoncées en 2014 par M. Oscar Lema Vega, le comité note
que, ainsi que l’indique le gouvernement, l’enquête a été provisoirement classée en
raison de l’impossibilité de trouver ou d’identifier l’auteur.
- 352. En ce qui concerne les faits dénoncés par le Syndicat des
travailleurs des entreprises municipales de Cali, le comité note que, ainsi que le
rappelle le gouvernement, le ministère public a ouvert une enquête sur les faits qui ont
provoqué l’incendie du véhicule automobile de M. José Ernesto Reyes; il a été ensuite
décidé de classer le dossier, l’auteur du crime n’ayant pu être identifié. Le
gouvernement souligne à cet égard que lorsqu’une plainte est classée par impossibilité
de trouver ou d’établir l’auteur des faits, la procédure peut être rouverte et se
poursuivre si l’on obtient de nouvelles informations ou des preuves pertinentes et
utiles.
- 353. Le comité regrette de constater que les auteurs de ces graves crimes
n’ont été ni identifiés ni sanctionnés. Il rappelle qu’il a souligné que, dans des cas
d’actes de violence physique ou verbale contre des dirigeants travailleurs ou employeurs
et leurs organisations, l’absence de jugements contre les coupables entraîne une
impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc
extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Compilation,
paragr. 108.]
- 354. Le comité prie donc le gouvernement de le tenir informé de tout
nouvel élément qui permettrait la réouverture des enquêtes susmentionnées et de veiller
à ce que les autorités compétentes réagissent immédiatement à toute nouvelle situation
de risque à laquelle pourraient être confrontés les membres et dirigeants de ces deux
organisations.
- 355. En ce qui concerne la plainte relative à l’assassinat de 21 membres
de l’Association syndicale unitaire des fonctionnaires du système pénitentiaire et
carcéral colombien (UTP), dont 3 dirigeants syndicaux, commis entre le 5 juin 2012 et le
24 octobre 2016, ainsi qu’à la tentative d’homicide dont a été victime un autre
dirigeant de l’UTP le 4 juin 2015, le comité prend note des informations transmises par
le gouvernement, à savoir: i) le ministère public mène 43 enquêtes sur les homicides et
la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’UTP dénoncés dans le présent
cas; et ii) le taux d’élucidation s’élève à 48,84 pour cent: exécution de peines
(9 cas), procès (4 cas), instruction et enquête (5 cas) et forclos (3 cas).
- 356. Le comité note également que le gouvernement soumet les informations
fournies par le président de l’UTP concernant MM. Diego Rodriguez González et Manuel
Alfonso Julio Maestre: i) M. Diego Rodríguez González, membre militant de l’UTP jusqu’au
5 juin 2013, a été assassiné par des groupes terroristes à San Vicente del Caguan, selon
les informations communiquées par les médias à l’échelle nationale; et ii) M. Manuel
Alfonso Julio Maestre, membre militant de l’UTP jusqu’au 24 octobre 2016, a été
assassiné lors d’un attentat terroriste à Granada – Meta, selon les informations
communiquées par les médias à l’échelle nationale.
- 357. Enfin, le comité prend note des informations fournies par le
gouvernement sur les enquêtes relatives aux menaces dont auraient fait l’objet un
certain nombre de membres et de dirigeants de l’UTP. Il constate que le ministère public
a recensé 23 rapports, dont sept «actifs» qui font l’objet d’une enquête par la police
judiciaire.
- 358. En ce qui concerne les informations spécifiques demandées par le
comité dans son précédent rapport au sujet de deux personnes pour lesquelles des mesures
de protection avaient été demandées, le comité note que le gouvernement indique ce qui
suit: i) M. Mauricio Paz Jojoa ne bénéficie pas du programme de protection puisque son
niveau de risque a été évalué ordinaire; ii) selon les informations fournies par le
président de l’UTP, Mme Cindy Yuliana Rodríguez Layos travaille à l’Institut
pénitentiaire et carcéral national. Le comité comprend qu’il découle de ce qui précède
que le syndicat n’a pas fourni d’informations spécifiques sur l’éventuelle affiliation
ou activité syndicale de cette personne.
- 359. Le comité prend bonne note des informations générales et spécifiques
fournies par le gouvernement et accorde une attention particulière aux rapports sur
l’avancement des enquêtes et des décisions judiciaires concernant les homicides de
membres de l’UTP et les menaces signalées dans le présent cas. Toutefois, il doit à
nouveau constater qu’il ne dispose toujours pas des informations demandées sur les
motifs des homicides qui ont débouché sur des condamnations, ainsi que sur la question
de savoir si les personnes condamnées sont à la fois les auteurs et les instigateurs des
actes et si ces condamnations ont révélé des liens entre les différents assassinats en
question. C’est pourquoi le comité prie instamment le gouvernement de continuer à tout
mettre en œuvre pour élucider tous les homicides et la tentative d’homicide de
dirigeants et de membres de l’UTP dénoncés dans le présent cas, et condamner leurs
auteurs et leurs instigateurs. En ce qui concerne les cas dénoncés dans le présent cas,
le comité prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur
l’état d’avancement des enquêtes en cours, ainsi que sur le contenu des décisions
rendues.
- 360. En ce qui concerne l’allégation d’attentat commis contre M. Gustavo
Adolfo Aguilar Gutiérrez, président du Syndicat des fonctionnaires et agents publics du
gouvernement et des municipalités de Colombie, le 22 mars 2018, le comité note que, sur
la base des informations fournies par le ministère public et l’UNP, le gouvernement
indique ce qui suit: i) l’enquête a débouché sur le classement de l’affaire par le
ministère public en raison de l’impossibilité de trouver ou d’identifier l’auteur;
ii) l’évaluation effectuée en juin 2018 a qualifié d’extraordinaire le risque encouru
par M. Aguilar, auquel une mesure de protection a été accordée sous la forme d’un moyen
de communication et d’un gilet pare-balles; et iii) à l’heure actuelle, M. Aguilar ne
bénéficie plus du programme de prévention et de protection.
- 361. Le comité prend note de ces informations. Il regrette de constater
que les auteurs de ces graves crimes n’ont été ni identifiés ni sanctionnés et réitère
ici ce qu’il a signalé au paragraphe 31 ci-dessus. Il prie le gouvernement de le tenir
informé de tout nouvel élément qui permettrait de rouvrir les enquêtes concernées. Le
comité espère également qu’il a été procédé à une nouvelle évaluation de la situation de
risque de M. Aguilar avant de mettre fin aux mesures de protection qui lui avaient été
accordées. À cet égard, le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce que
toute nouvelle situation de risque à laquelle M. Aguilar ou tout autre membre de son
organisation pourrait être confronté donnera lieu à une réponse immédiate des autorités
compétentes.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 362. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le
comité salue les mesures importantes que les autorités compétentes ont adoptées pour
garantir que la lutte contre la violence antisyndicale constitue une priorité de
l’État grâce à une large coordination interinstitutionnelle et prend note des
progrès signalés dans les enquêtes sur les actes de violence antisyndicale. Le
comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour
élucider tous les actes de violence antisyndicale, homicides, menaces et autres
rapportés dans le pays, et pour condamner tant les auteurs que les instigateurs de
tels actes. Il espère, en particulier, que toutes les mesures supplémentaires seront
prises et toutes les ressources nécessaires mobilisées afin que les enquêtes et les
procédures pénales menées en relation avec les actes de violence antisyndicale
dénoncés dans le présent cas augmentent considérablement leur efficacité en ce qui
concerne l’identification et la sanction des instigateurs de ces actes. Le comité
prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à cet égard.
- b)
Le comité salue les mesures importantes prises par les autorités compétentes pour la
protection des membres du mouvement syndical en danger et, en particulier,
l’augmentation significative du budget de l’UNP, ainsi que les consultations
régulières tenues avec les partenaires sociaux au sein de la Commission
interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des
travailleurs. Le comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier
ses efforts pour offrir une protection adéquate à tous les membres du mouvement
syndical en danger. Afin que les politiques de prévention de la violence
antisyndicale aient une plus grande efficacité, le comité prie le gouvernement
notamment: i) dans le cadre des initiatives et dispositifs institutionnels de
protection des défenseurs des droits de l’homme et des dirigeants sociaux, de
continuer à accorder toute l’attention nécessaire à la situation spécifique des
membres du mouvement syndical en danger; et ii) de communiquer des informations
actualisées sur les mesures prises pour prévenir les actes de violence antisyndicale
dans les principaux foyers de risque aux niveaux régional et sectoriel que le
gouvernement avait portés à l’attention du comité lors de son précédent examen du
cas. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le
comité prie instamment le gouvernement de continuer à tout mettre en œuvre pour
élucider tous les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres
de l’Association syndicale unitaire des fonctionnaires du système pénitentiaire et
carcéral colombien dénoncés dans le présent cas, et pour condamner leurs auteurs et
leurs instigateurs. En ce qui concerne les cas dénoncés dans le présent cas, le
comité prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur
l’état d’avancement des enquêtes en cours, ainsi que sur le contenu des décisions
rendues.
- d) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout
nouvel élément qui permettrait la réouverture des enquêtes sur les actes de violence
antisyndicale perpétrés contre des dirigeants du SINTRAELECOL, du SINTRAEMCALI et du
SINTRASERPUVAL dénoncés dans le présent cas et de veiller à ce que toute nouvelle
situation de risque à laquelle pourraient être confrontés les membres et dirigeants
de ces organisations donne lieu à une réponse immédiate des autorités
compétentes.
- e) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil
d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent
cas.