Allégations: Les organisations plaignantes affirment que, dans le cadre d’un
conflit collectif, des travailleurs coopérateurs ont été lésés dans leurs droits
constitutionnels et que Mme Milagro Sala, responsable de l’Association civile, sociale,
culturelle et sportive Túpac Amaru, a été illégitimement privée de liberté
- 98. La plainte figure dans des communications de l’Association civile,
sociale, culturelle et sportive Túpac Amaru, de l’Association des travailleurs de l’État
(ATE) et de la Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA des travailleurs), datées
des 11 avril, 16 août et 10 novembre 2016.
- 99. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications
datées du 8 mars et du 23 octobre 2017, ainsi que du 22 mars 2018.
- 100. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 101. Dans leurs communications des 11 avril, 16 août et 10 novembre 2016,
les organisations plaignantes allèguent que, dans le cadre d’une grève et d’un conflit
collectif menés dans la province de Jujuy en décembre 2015, des travailleurs
coopérateurs ont été lésés dans leurs droits constitutionnels et que Mme Milagro Sala,
responsable de l’Association civile, sociale, culturelle et sportive Túpac Amaru
(ci-après la Túpac Amaru), une association civile affiliée à la CTA des travailleurs, a
été illégitimement privée de liberté.
- 102. Selon la documentation jointe à la plainte, la Túpac Amaru est un
groupement politique d’origine populaire et autochtone fondé à la fin des années
quatre-vingt-dix dans la province de Jujuy; elle vise à redynamiser les milieux les plus
défavorisés de la province en gérant des programmes de logement, de santé, d’emploi et
d’éducation par le biais de coopératives locales organisées par les habitants. La
documentation indique également que Mme Sala est une militante sociale indigéniste,
fortement engagée en faveur des droits humains, des peuples autochtones, des
laissés-pour-compte et des exclus, et qu’elle a contribué à reconstruire la société
civile dans la province en promouvant le travail décent et en organisant des services
d’éducation et de santé gratuits et de qualité, créant ainsi un nouveau tissu
social.
- 103. Les organisations plaignantes indiquent qu’après avoir pris ses
fonctions de gouverneur de la province le 10 décembre 2015, M. Gerardo Morales a
suspendu les paiements octroyés aux coopératives, en violation des accords et des
engagements de travaux publics signés par l’État provincial et que, confrontés à cette
situation, les coopérateurs ont décidé de procéder à un rassemblement pacifique à partir
du 14 décembre sous la forme d’un campement sur la place Belgrano, cherchant un moyen de
négocier avec le pouvoir exécutif au niveau provincial. Elles ajoutent que la Túpac
Amaru a adressé trois demandes d’audience au gouverneur, mais n’a reçu aucune réponse.
Elles affirment par ailleurs que si officiellement le gouverneur a gardé le silence, il
a fait savoir dans les médias qu’il ne rencontrerait pas l’organisation, et il s’est
contenté d’agresser et de stigmatiser Mme Sala, l’accusant sans fondement de délits
inexistants.
- 104. Les organisations plaignantes soulignent que, le 13 janvier 2016, le
pouvoir exécutif provincial a publié le décret no 403/G-2016 en vertu duquel les
coopératives ont fait l’objet d’une soi disant régularisation, dite «Plan de
régularisation et de transparence des coopératives et des prestations sociales»,
prévoyant le recensement des personnes et des organisations sociales et des mesures de
contrainte. Elles citent différents articles du décret aux termes desquels, outre
l’établissement d’un plan de régularisation des coopératives et des prestations sociales
et la réinscription des bénéficiaires, instruction était donnée au bureau du procureur
d’entamer la procédure visant à retirer la personnalité juridique aux associations
civiles pour des délits commis lors du rassemblement sur la place, et il était prévu que
les personnes et les organisations qui continueraient à participer au rassemblement ne
bénéficieraient plus des plans, prestations ou programmes de logements sociaux. Les
organisations plaignantes allèguent qu’en vertu des dispositions de ce décret Mme Sala a
été privée de liberté le 16 janvier 2016 au motif présumé «d’incitation à commettre des
délits et appel à l’ émeute» dans le cadre de ce qui était un conflit collectif du
travail avec les coopératives de l’organisation qu’elle représentait et un campement
pacifique organisé sur la place. Elles indiquent que Mme Sala a été détenue au
commissariat de police jusqu’au 21 janvier et qu’elle a ensuite été transférée à la
prison pour femmes.
- 105. Les organisations plaignantes considèrent que le décret susmentionné
est inconstitutionnel, car il porte atteinte à la défense des coopératives et témoigne
de l’extorsion exercée par le pouvoir exécutif à l’encontre des personnes et
associations civiles qui usent de leur droit de protestation et de grève. Elles
considèrent que les mesures ordonnées par le pouvoir judiciaire de la province de Jujuy
ainsi que les communications publiques du gouverneur de la province (information
journalistique jointe) constituent une persécution idéologique et politique, ce qui fait
de la détention de Mme Sala un acte de privation illégitime de liberté d’un dirigeant
syndical dans le cadre d’un conflit du travail. Les organisations plaignantes
considèrent que les mesures prises ont porté atteinte au droit de manifestation
pacifique des travailleurs coopérateurs et que l’intervention des autorités policières
sur le lieu de la manifestation a eu pour effet de restreindre une forme de
protestation, en violation de la convention no 87. Elles ajoutent que, dans un avis
adopté en 2016, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a
déclaré que la privation de liberté de Mme Milagro Sala était arbitraire et a demandé au
gouvernement de la libérer immédiatement.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 106. Dans ses communications du 8 mars et du 23 octobre 2017, ainsi que
du 22 mars 2018, le gouvernement indique que la Túpac Amaru n’est pas une organisation
syndicale mais une association civile, créée à des fins sociales, culturelles et
sportives, qu’elle n’est pas inscrite au registre des syndicats et ne remplit pas les
conditions pour être considérée comme un syndicat; elle ne relève donc pas de la
compétence du système de contrôle de l’OIT. Il souligne qu’il s’agit d’une organisation
de quartier, d’une organisation politique de base populaire dont l’objectif n’est pas la
défense des travailleurs. Il rappelle également que le fait que la Túpac Amaru soit
membre de la CTA des travailleurs – laquelle a bien une vocation syndicale et accepte
l’affiliation d’entités sociales – ne signifie pas que l’on puisse modifier l’objet que
les intéressés eux-mêmes se sont fixé lorsqu’ils l’ont constituée.
- 107. Le gouvernement ajoute que Mme Milagro Sala n’est pas une dirigeante
syndicale, qu’elle n’a été ni élue ni désignée à cette fin par une organisation
syndicale et que, selon les informations qui lui ont été fournies, elle n’est plus
membre de la Túpac Amaru depuis avril 2015, comme il ressort du dossier de l’organisme
qui s’occupe de la question à la direction des entités juridiques du ministère public de
la province de Jujuy. Le gouvernement indique en outre que la plainte ne mentionne pas
l’étendue de l’action de Mme Sala dans l’organisation ou la défense des droits des
travailleurs et coopérateurs qui se seraient trouvés sur la place Belgrano et que l’on
ne sait pas non plus si elle a participé à la représentation d’une organisation
syndicale concrètement. Il considère que la plainte comporte une faiblesse initiale, à
savoir l’absence d’un syndicat dont on pourrait considérer que Mme Sala est la
représentante ou la dirigeante.
- 108. Le gouvernement souligne également qu’on ne peut déduire de la
plainte qu’il y a eu un conflit collectif du travail en lien avec une négociation
proprement dite entre travailleurs et employeurs et qu’on ne saurait parler d’un conflit
collectif, phénomène naturel dans le monde du travail qui renvoie à un mécanisme de
règlement réunissant l’employeur et les travailleurs, dans lequel ces derniers sont
représentés par les délégués ou les autorités du syndicat représentatif ayant un champ
d’application personnel et territorial déterminé. Le gouvernement estime qu’aucun de ces
aspects ne se retrouve dans les faits exposés dans la plainte.
- 109. Le gouvernement indique que: i) qualifier le rassemblement pacifique
de grève menée par des travailleurs et relevant du droit d’organisation protégé par les
conventions nos 87 et 98 est manifestement inapproprié, car la situation exposée dans la
plainte ne témoigne pas d’une négociation ou d’un conflit collectif du travail au sens
de ces conventions; ii) le rassemblement a eu lieu quatre jours après la prise de
fonctions du gouverneur et le décret no 403/G-2016 visait à régulariser les
organisations et les coopératives sociales, de sorte que l’action déployée lors du
rassemblement est de nature politique; et iii) il n’y a pas eu de conflit collectif ni
de dirigeant syndical identifié qui aurait été lésé dans ses droits, y compris le droit
à la liberté syndicale. Le décret susmentionné indique que le mode d’assistance et
d’aide de l’État qui était en vigueur jusqu’au 10 décembre 2015 a échoué, faute de
contrôle de l’État de quelque type que ce soit et du fait que certaines organisations
exerçaient un contrôle discrétionnaire et paragouvernemental de ces fonds publics. Il
s’agissait dès lors d’enregistrer et de régulariser les coopératives et les personnes
bénéficiant de programmes de logement, de dispositifs d’aide sociale, de prestations
alimentaires et autres, sans recourir à des modes de protestation violents tels que
rassemblements, barrages routiers, destruction de biens publics et privés et, entre
autres actes de violence, les mesures mises en œuvre par les organisations sociales
dirigées par Mme Milagro Sala.
- 110. Le gouvernement souligne que le gouverneur n’a eu d’autre choix que
de faire évacuer la place où se déroulait le rassemblement, vu le déploiement colossal
de tentes et de chapiteaux qui s’étendaient non seulement sur l’esplanade de la place,
mais aussi sur les principales artères de la ville. Cela signifie qu’il ne s’agissait
pas seulement d’occuper un espace vert, mais d’interrompre immédiatement la circulation
et de nuire ainsi au transport public de passagers en particulier, et donc aussi
directement aux commerces environnants, autrement dit d’assiéger la ville. Le
gouvernement ajoute que le «campement» a commencé à se déployer dès le deuxième jour
ouvrable après l’entrée en fonctions du gouverneur, de manière à intimider de toute
évidence le gouvernement démocratiquement élu, avant qu’il n’ait pu émettre le moindre
acte administratif.
- 111. Le gouvernement indique ce qui suit: i) le 11 janvier 2016, Mme Sala
a été convoquée à une audience pour l’informer des accusations portées contre elle. Elle
s’est engagée à s’identifier auprès du Service des casiers judiciaires, obligation
qu’elle n’a pas respectée, et à s’abstenir de tout acte susceptible d’entraver la
manifestation de la vérité et l’application de la loi pénale, ce qu’elle n’a pas fait
non plus; et ii) le 16 janvier, sur la base de son comportement pendant la procédure et
de la position personnelle qui a été la sienne après l’audience, le juge a ordonné sa
détention, qui s’est prolongée jusqu’au 28 janvier, date à laquelle il y a été mis fin,
en contrepartie d’une caution pécuniaire; cependant, Mme Sala est restée en détention
provisoire, sur décision de justice, au motif qu’elle aurait commis les délits
d’association illicite, de fraude à l’encontre de l’administration publique et
d’extorsion.
- 112. Le gouvernement fournit des informations sur l’état d’avancement des
diverses affaires dans lesquelles des charges pèsent sur Mme Sala et pour lesquelles
elle a été privée de liberté, à savoir:
- Dossiers nos 129.652/16, 131.072/16 et
autres pour association illicite, fraude à l’encontre de l’administration publique
et extorsion. Le recours contre la décision de détention provisoire de Mme Sala est
en cours devant la Cour suprême de justice de la Nation, après que la Chambre
d’appel et la Haute Cour de justice de Jujuy ont rejeté les arguments de la défense,
confirmant la décision du juge du contrôle.
- Dossier no 140.750/2016 pour
abus d’autorité et fraude à l’encontre de l’administration publique. Dans cette
affaire qui en est au stade de l’enquête, Mme Sala n’est pas privée de
liberté.
- Dossier no 2990/12 pour dissimulation de tentative d’homicide
simple. La Chambre d’appel et de contrôle a confirmé l’acte d’accusation, a placé
l’accusée en détention provisoire et l’a renvoyée en jugement.
- Dossier
no 18487/16 pour lésions graves qualifiées. La Chambre d’appel et de contrôle a
confirmé l’inculpation et la détention provisoire de Mme Sala.
- Dossier
no 86.175/14 pour menaces. Bien que l’affaire soit portée en jugement, Mme Sala
n’est pas privée de liberté dans ce cas.
- Dossier no 127785/2015 pour
incitation à commettre des crimes et appel à l’émeute. Bien que l’affaire soit en
appel devant la Haute Cour de justice, Mme Sala n’est pas privée de liberté dans ce
cas.
- Dossier no 137.181/16 pour fraude à l’encontre de l’administration
publique. L’affaire en est au stade de l’enquête et Mme Sala est détenue avec
possibilité de communiquer.
- Dossier no 129.652/16 pour menaces. Le procureur
a demandé le renvoi de l’affaire en jugement, ce qui a été confirmé par le juge du
contrôle, et la défense a fait appel de cette décision.
- Dossier
no 169.638/17 pour menaces répétées. L’enquête pénale préliminaire progresse avec
collecte de preuves.
- 113. Le gouvernement souligne qu’il n’a en aucune manière été porté
atteinte à la liberté individuelle de Mme Sala pour des motifs syndicaux et il indique
que sa détention relève de l’action ordinaire du pouvoir judiciaire, toutes les
garanties de procédure régulière étant respectées. Il joint une copie d’un arrêt de 2017
de la Cour suprême de justice de la Nation (CSJ/2017/CS1), rendu dans l’affaire «Sala;
Milagro Amalia Angela et autres s/p.s.a. association illicite, fraude à l’encontre de
l’administration publique et extorsion», ordonnant qu’il soit donné suite à la demande
formulée le 23 novembre 2017 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, à savoir
que les mesures de protection nécessaires et effectives soient prises immédiatement afin
de garantir la vie, l’intégrité physique et la santé de Mme Milagro Sala, et notamment
que sa détention provisoire soit remplacée par une assignation à résidence et que lui
soient dispensés les soins médicaux et psychologiques dont elle aurait besoin et qu’elle
accepterait.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 114. Le comité observe que le présent cas porte sur des allégations de
privation illégitime de liberté de Mme Milagro Sala, responsable de l’Association
civile, sociale, culturelle et sportive Túpac Amaru (ci après la Túpac Amaru), qui
serait détenue depuis le début de 2016, ainsi que d’atteinte aux droits constitutionnels
de travailleurs coopérateurs. Il note que, comme il ressort de la plainte et des
documents qui y sont joints, la Túpac Amaru est un groupement politique d’origine
populaire et autochtone fondé à la fin des années quatre-vingt-dix dans la province de
Jujuy, qui vise à redynamiser les milieux les plus défavorisés en gérant des programmes
de logement, de santé, d’emploi et d’éducation par le biais de coopératives.
- 115. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent ce qui
suit: i) quatre jours après son entrée en fonctions, le gouverneur de la province de
Jujuy a suspendu les paiements octroyés aux coopératives et les coopérateurs ont décidé
de procéder à un rassemblement pacifique sur une place publique, cherchant un moyen de
négocier avec l’exécutif provincial; ii) le gouverneur non seulement ne les a pas reçus,
mais il a agressé et stigmatisé Mme Sala, l’accusant sans fondement de délits
inexistants; iii) un mois plus tard a été publié le décret no 403/G-2016 établissant une
soi-disant régularisation des coopératives et des prestations sociales, donnant au
bureau du procureur instruction d’entamer la procédure visant à retirer la personnalité
juridique aux associations civiles pour des délits commis lors du rassemblement sur la
place et disposant que les personnes qui poursuivraient le rassemblement ne
bénéficieraient plus des plans et programmes sociaux (les organisations plaignantes
considèrent que le décret porte atteinte à la défense des coopératives et témoigne de
l’extorsion exercée par le pouvoir exécutif à l’encontre des personnes et des
associations civiles qui usent de leur droit de protestation et de grève); et iv) trois
jours après la publication du décret, Mme Sala a été privée de liberté pour «incitation
à commettre des crimes et appel à l’émeute», preuve de la persécution idéologique et
politique dont elle fait l’objet. Le comité note que, selon les organisations
plaignantes, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu
en 2016 que la privation de liberté de Mme Sala était arbitraire et a demandé sa
libération immédiate.
- 116. Le comité note que, à ce sujet, le gouvernement indique ce qui suit:
i) la Túpac Amaru n’est pas une organisation syndicale mais une association civile,
Mme Sala n’est pas une dirigeante syndicale, il n’y a pas eu de conflit collectif du
travail en lien avec une négociation proprement dite entre travailleurs et employeurs,
et qualifier le rassemblement pacifique de grève est inapproprié; ii) comme indiqué dans
le décret no 403/G-2016, certaines organisations exerçaient un contrôle discrétionnaire
et paragouvernemental des fonds publics et il était nécessaire d’enregistrer et de
régulariser les coopératives, sans recourir à des modes de protestation violents tels
que rassemblements, barrages routiers, destruction de biens publics et privés;
iii) Mme Sala est détenue sur décision de justice, au motif qu’elle serait l’auteure de
délits dont elle est accusée dans différentes affaires, à savoir association illicite,
fraude à l’encontre de l’administration publique et extorsion, une affaire qui est
devant la Cour suprême de justice de la Nation; et iv) en 2017, cette cour a ordonné
qu’il soit donné suite à la demande de la Cour interaméricaine des droits de l’homme de
prendre des mesures de protection pour garantir la vie, l’intégrité physique et la santé
de Mme Sala, notamment en remplaçant la détention provisoire par une assignation à
résidence.
- 117. Le comité note que, d’après la documentation soumise par les
organisations plaignantes et par le gouvernement, il apparaît que le rassemblement,
auquel ont participé principalement des organisations sociales et des coopérateurs, a
été organisé pour protester contre les mesures prises par le nouveau gouverneur visant à
suspendre les paiements octroyés aux coopératives. Le comité note que la Résolution
concernant l’économie sociale et solidaire, adoptée par la Conférence internationale du
Travail lors de sa 110e session, qui inclut les coopératives, établit que les États
Membres devraient considérer «la nécessité de faire en sorte que les entités et les
travailleurs de l’économie sociale et solidaire jouissent de la liberté syndicale et
d’une reconnaissance effective du droit de négociation collective». Le comité rappelle
également qu’il a déjà eu l’occasion de considérer la situation particulière dans
laquelle se trouvent les travailleurs de l’entité coopérative en ce qui concerne tout
particulièrement la protection de leurs intérêts de travailleurs et estime que ceux-ci
devraient jouir du droit d’association ou de constitution des syndicats afin de défendre
lesdits intérêts. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale,
sixième édition, 2018, paragr. 399.] Le comité observe que, dans ce cas particulier, il
ne ressort pas des informations et documents fournis que l’action de protestation des
membres des coopératives émanait d’un conflit du travail ou que les mesures prises par
le gouvernement régional de Jujuy aient eu une incidence sur l’exercice des droits
syndicaux. Sur la base de ce qui précède, le comité ne procédera pas à l’examen des
allégations concernant la violation des droits constitutionnels des travailleurs
coopérateurs.
- 118. En ce qui concerne la situation de Mme Sala, le comité note que,
selon des informations publiques, elle serait toujours assignée à résidence. Il note
également que, dans un jugement rendu le 15 décembre 2022, la Cour suprême de justice de
la Nation a confirmé la décision du tribunal de Jujuy, qui l’avait condamnée en 2019 à
treize ans de prison pour association illicite, fraude à l’encontre de l’administration
publique et extorsion. Dans ce jugement, la Cour suprême de justice considère que la
décision avait déjà été révisée par la Haute Cour de Jujuy et que la défense n’avait pas
été en mesure de démontrer qu’il y avait eu atteinte à un droit fédéral ou qu’il
s’agissait d’une décision arbitraire, ce qui permettrait l’intervention de la Cour
suprême fédérale.
- 119. Le comité note qu’il ne ressort pas de la documentation fournie que
les affaires judiciaires pour lesquelles Mme Milagro Sala a été condamnée à une peine
d’emprisonnement étaient liées à l’exercice d’activités syndicales ou d’activités d’une
autre nature qui auraient pu nuire à l’exercice des droits syndicaux, dans la mesure où
Mme Sala a été condamnée pour les délits d’association illicite en tant que dirigeante,
de fraude à l’encontre de l’administration publique et d’extorsion. Selon cette
documentation, lesdits actes auraient eu lieu dans le cadre d’une organisation
caractérisée par un degré élevé de coordination, un mode d’action recourant à
l’intimidation et une gestion verticale par l’accusée d’une structure politico-sociale
montée pour percevoir des fonds publics destinés à des programmes sociaux et les
détourner au profit de l’association illicite faisant l’objet de l’enquête. Le comité
rappelle qu’il a estimé que, lorsqu’il ressort des informations qui lui ont été fournies
que les intéressés avaient été jugés par les autorités judiciaires compétentes, qu’ils
avaient bénéficié des garanties d’une procédure judiciaire régulière et qu’ils avaient
été condamnés pour des actes qui n’avaient aucun rapport avec les activités syndicales
ou qui débordaient le cadre des activités syndicales normales, le cas n’appelait pas un
examen plus approfondi. [Voir Compilation, paragr. 183.] En conséquence, le comité
considère que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 120. Au vu des conclusions qui précèdent, et compte tenu du fait que les
questions analysées dans le présent cas ne concernent pas l’affectation des droits
syndicaux, le comité invite le Conseil d’administration à décider que ce cas n’appelle
pas un examen plus approfondi.