Allégations: L’organisation plaignante allègue qu’une entreprise du secteur
minier a commis des actes d’ingérence et de discrimination antisyndicales, y compris des
licenciements, et a porté atteinte au droit de négociation collective, et que la police, au
cours d’une grève, a intimidé et placé en détention des syndicalistes et des militants
syndicaux
- 70. Les communications du Syndicat des mineurs unis de Bulqiza (SMBB)
relatives à la présente plainte sont datées du 25 juillet, du 25 août et du 15 novembre
2020.
- 71. Le gouvernement de l’Albanie a fait part de ses observations au sujet
de ces allégations dans des communications datées du 14 août, du 24 septembre et du
23 novembre 2020.
- 72. L’Albanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation
et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation
collective, 1981.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 73. Dans ses communications du 25 juillet et du 25 août 2020,
l’organisation plaignante allègue que l’entreprise minière AlbChrome (ci-après
«l’entreprise») a commis des actes d’ingérence et de discrimination antisyndicales, y
compris des licenciements, contre des membres et des dirigeants du SMBB. Elle allègue en
outre que des syndicalistes et des militants syndicaux ont été détenus et intimidés au
cours d’une grève, et que l’entreprise et les autorités publiques ont privé le SMBB du
droit de négociation collective et refusé que ses représentants aient accès au lieu de
travail de ses membres.
- 74. L’organisation plaignante indique que le SMBB, qui a été créé pour
mettre fin à des décennies de négligence et de trahison des intérêts des travailleurs
par les centrales syndicales nationales, a acquis le statut syndical le 15 octobre 2019.
Elle déclare que le 13 novembre 2019, le directeur général et la direction locale de
l’entreprise ont convoqué le président du SMBB, M. Elton Debreshi, pour l’interroger sur
la création du syndicat après que celui-ci a créé une page Facebook et annoncé sa
formation.
- 75. L’organisation plaignante allègue que M. Debreshi a été de nouveau
convoqué le 19 novembre 2019, cette fois-ci au siège de l’entreprise, afin d’expliquer
les raisons pour lesquelles il s’était absenté du travail plusieurs mois auparavant.
Elle indique que, le 22 novembre 2019, M. Debreshi a été licencié par l’entreprise pour
manquements à l’éthique, au motif qu’il n’aurait pas effectué l’intégralité des huit
heures d’un quart de travail. Selon l’organisation plaignante, il avait toujours été
d’usage au sein de l’entreprise d’additionner les minutes manquantes d’une période
donnée et de les déduire du salaire du travailleur concerné. Elle fait valoir qu’en
l’occurrence les minutes manquantes ont servi de prétexte pour se défaire de M. Debreshi
et intimider les membres du SMBB.
- 76. L’organisation plaignante déclare que, en réponse au licenciement,
les travailleurs de l’entreprise se sont mis en grève le 25 novembre 2019, exigeant en
outre une augmentation salariale ainsi que la révision des objectifs de production. Elle
soutient aussi que durant la grève: i) un autre dirigeant du SMBB, M. Beqir Durici, a
été licencié le 2 décembre 2019 pour manquements à l’éthique; ii) M. Behar Gjimi, membre
du conseil du SMBB, a fait l’objet d’une mesure disciplinaire en étant affecté à un
autre poste; iii) des syndicalistes ont été placés en détention provisoire, interrogés
et intimidés par la police; et iv) des militants syndicaux ont été battus et incarcérés.
Elle indique que la grève a pris fin le 5 décembre 2019, après que l’Inspection publique
du travail et des services sociaux (ci-après «l’inspection du travail») s’est engagée à
mener une enquête sur les licenciements de MM. Debreshi et Durici.
- 77. L’organisation plaignante allègue qu’après la grève, l’entreprise a:
i) convoqué plusieurs syndicalistes à son siège en raison de leur absence du travail due
à leur participation à la grève; ii) licencié M. Gjimi le 20 décembre 2019; et
iii) licencié un autre dirigeant du SMBB, M. Ali Gjeta, le 24 décembre 2019.
L’organisation plaignante fait savoir qu’elle a déposé auprès de l’inspection du travail
une autre plainte en rapport avec ces deux licenciements.
- 78. L’organisation plaignante fait savoir que l’inspection du travail a
considéré, dans sa décision du 21 décembre 2019, que les licenciements de MM. Debreshi
et Durici n’étaient pas dus à leur activité syndicale. Elle indique en outre que, de
même, dans une décision du 21 janvier 2020, l’inspection du travail a déterminé que
l’entreprise n’avait pas transgressé le Code du travail en procédant à ces
licenciements.
- 79. L’organisation plaignante affirme que le 26 décembre 2019 le SMBB,
qui était l’organisation syndicale la plus représentative au sein de l’entreprise, a
soumis à l’entreprise et au ministère des Finances et de l’Économie une demande
officielle de négociation d’une nouvelle convention collective, puisque celle qui était
en vigueur et qui avait été négociée par la Fédération syndicale des travailleurs
industriels de l’Albanie (FSPISH) devait expirer le 31 janvier 2020. L’organisation
plaignante ajoute que le 6 janvier 2020, la demande officielle a été envoyée une
nouvelle fois à l’entreprise, qui a répondu que la convention collective avait été
modifiée le 1er octobre 2019 et qu’elle resterait donc en vigueur pour une durée
indéterminée, ce qui a été ultérieurement confirmé par le ministère des Finances et de
l’Économie.
- 80. L’organisation plaignante indique qu’en février 2020 le SMBB a
présenté une plainte auprès du ministère des Finances et de l’Économie lui reprochant
d’avoir légitimé la procédure de modification illégale de la convention collective
conclue entre l’entreprise et la FSPISH. L’organisation plaignante indique toutefois que
le ministère a répondu qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur des questions de
procédure. Elle fait en outre savoir qu’elle s’est plainte auprès de l’inspection du
travail en février et en mars 2020 des violations multiples du droit à la liberté
syndicale et à la négociation collective commises par l’entreprise.
- 81. L’organisation plaignante indique qu’en mars 2020 le SMBB a obtenu de
l’inspection du travail des copies de la version modifiée de la convention collective et
du certificat notarié du syndicat le plus représentatif qui avait été présenté par la
FSPISH. Elle affirme qu’il manquait au certificat des éléments essentiels pour qu’il
soit considéré comme valide (à savoir, un relevé de compte bancaire attestant le
versement des cotisations syndicales), et que le SMBB a donc écrit à l’inspection du
travail, au ministère des Finances et de l’Économie, ainsi qu’à l’Office régional de
l’emploi de Dibra et à son bureau local de Bulqiza pour le dénoncer. L’organisation
plaignante indique que, en avril 2020, l’inspection du travail et le ministère des
Finances et de l’Économie ont répondu au SMBB qu’il devait porter cette question à
l’attention du ministère de la Justice.
- 82. L’organisation plaignante affirme que, en juin 2020, l’entreprise et
la FSPISH ont annoncé avoir conclu une nouvelle convention collective, négociée en
secret et en violation des prescriptions légales préalables à toute négociation
collective. Elle considère que ces négociations secrètes, qui constituent une stratégie
visant à empêcher toute possibilité pour les travailleurs de voter pour le syndicat le
plus représentatif, constituent un obstacle à la tenue d’une véritable négociation
collective.
- 83. L’organisation plaignante soutient en outre que l’entreprise et la
FSPISH, qui est dépourvue de toute légitimité aux yeux des travailleurs, ont uni leurs
forces afin de faire disparaître le SMBB. Elle affirme à cet égard que: i) lorsque les
travailleurs ont commencé à s’organiser pour créer le SMBB, la FSPISH a fourni à
l’entreprise une liste des personnes qui participaient à ces efforts, ce qui a valu à
ces dernières un avertissement pour manquement à la discipline au travail; ii) depuis
que le SMBB a annoncé sa création, l’entreprise menace de licencier les travailleurs qui
adhèrent à cette organisation ou continuent d’en faire partie; et iii) ces menaces se
sont intensifiées lorsque le SMBB est devenu le syndicat majoritaire et a demandé à
négocier au nom de tous les travailleurs, l’entreprise ayant alors fait appel à
l’ensemble de ses cadres afin qu’ils fassent pression sur les travailleurs pour les
amener à quitter le SMBB et à s’affilier à la FSPISH; et iv) l’entreprise a rejeté les
demandes du SMBB relatives à l’application d’un système de prélèvement à la source des
cotisations syndicales de ses membres.
- 84. L’organisation plaignante allègue également que l’entreprise a
systématiquement refusé aux représentants du SMBB le droit d’entrer dans ses locaux pour
y rencontrer ses membres. Elle indique que le SMBB a demandé formellement à l’entreprise
de respecter ce droit prévu par la loi, mais que ses demandes sont restées sans réponse.
L’organisation plaignante fait savoir en outre que le SMBB s’est plaint auprès de
l’inspection du travail, qui lui a répondu que seuls les représentants d’un syndicat
signataire d’une convention collective avaient le droit de se réunir avec les
travailleurs sur leur lieu de travail.
- 85. Dans sa communication du 15 novembre 2020, l’organisation plaignante
affirme que, en plus de ses plaintes auprès de l’inspection du travail, le SMBB a
dénoncé auprès du ministère des Finances et de l’Économie les actes de discrimination
antisyndicale commis par l’entreprise; le ministère a cependant estimé que l’entreprise
n’était pas coupable de tels actes. Elle déclare aussi que le SMBB a présenté une
plainte relative aux licenciements de ses quatre dirigeants au Commissaire à la
protection contre la discrimination (ci-après «CPD»), qui a conclu le 26 octobre 2020
que deux des dirigeants avaient été licenciés en raison de leur affiliation syndicale.
L’organisation plaignante fait savoir que le SMBB formera un recours contre la décision
du CPD afin d’obtenir justice pour les quatre dirigeants, et qu’il a également contesté
les quatre licenciements devant les tribunaux ordinaires.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 86. Dans ses communications datées du 14 août, du 24 septembre et du
23 novembre 2020, le gouvernement fait savoir que l’inspection du travail a reçu
plusieurs plaintes de la part du SMBB, qu’elle a procédé à plusieurs inspections au sein
de l’entreprise et qu’elle n’a constaté aucune violation des droits syndicaux. Il ajoute
que l’inspection du travail a répondu à toutes les questions soulevées par le SMBB dans
ses plaintes et qu’elle a conseillé ce dernier sur la manière de légitimer les actions
qu’il mène en sa qualité d’organisation syndicale.
- 87. Pour ce qui est du licenciement de M. Debreshi, le gouvernement
précise qu’il ressort de l’inspection effectuée que: i) M. Debreshi a été licencié en
raison de manquements disciplinaires répétés (absences injustifiées), sans rapport avec
son implication au sein du SMBB; ii) l’entreprise n’avait pas été officiellement
informée de la création du SMBB, ni du fait que M. Debreshi en était le président; et
iii) durant la même période, d’autres travailleurs qui ne faisaient pas partie du SMBB
ont également été licenciés pour manquements disciplinaires.
- 88. En ce qui concerne le droit de négociation collective, le
gouvernement indique que la convention collective actuellement en vigueur a été conclue
par l’entreprise et la FSPISH le 10 mai 2018. Il précise que cette convention a été
soumise au ministère des Finances et de l’Économie et qu’elle a été conclue dans le
respect des procédures prévues par le Code du travail. Le gouvernement indique également
que l’entreprise emploie 657 travailleurs, dont 515 sont membres de la FSPISH et paient
régulièrement leurs cotisations syndicales.
- 89. Le gouvernement signale que, conformément à l’article 182 du Code du
travail, tout syndicat qui a été reconnu en tant que personne morale peut saisir les
tribunaux pour la protection des intérêts de ses membres. Il déclare cependant que, en
dépit de la proposition qu’il lui a faite de se pourvoir en justice, le SMBB a préféré
présenter des plaintes devant diverses autres institutions.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 90. Le comité note que l’organisation plaignante allègue des actes
d’ingérence et de discrimination antisyndicales, y compris le licenciement de quatre
dirigeants du SMBB, par une entreprise du secteur minier. Il note également que, selon
l’organisation plaignante, des syndicalistes et des militants syndicaux ont été détenus
et intimidés par la police au cours d’une grève et que, quand bien même le SMBB était le
syndicat le plus représentatif, l’entreprise et les autorités publiques ont refusé de le
reconnaître aux fins de la négociation collective et ont empêché ses dirigeants d’avoir
accès au lieu de travail de ses membres. Le comité note que, de son côté, le
gouvernement fournit des informations sur les résultats des inspections effectuées par
l’inspection du travail et réfute l’affirmation selon laquelle le SMBB serait le
syndicat le plus représentatif au sein de l’entreprise.
- 91. En ce qui concerne les allégations d’actes de discrimination
antisyndicale, le comité prend note que l’organisation plaignante affirme que: i) le
SMBB a acquis le statut syndical le 15 octobre 2019 et, moins de deux mois plus tard,
son président, M. Elton Debreshi, a été licencié par l’entreprise pour manquements à
l’éthique; ii) au cours d’une grève menée par le SMBB du 25 novembre au 5 décembre 2019,
l’entreprise a licencié un autre dirigeant du syndicat, M. Beqir Durici, et imposé un
changement de poste à M. Behar Gjimi, membre du conseil du syndicat; iii) après la
grève, l’entreprise a licencié M. Gjimi et un autre dirigeant du SMBB, M. Ali Gjeta;
iv) le SMBB a déposé plusieurs plaintes relatives à ces licenciements auprès de
l’inspection du travail et du ministère des Finances et de l’Économie, qui se sont tous
deux prononcés en faveur de l’entreprise; v) le SMBB a porté plainte auprès du CPD, qui
a estimé, dans une décision du 26 octobre 2020, que deux des quatre dirigeants du
syndicat avaient été licenciés en raison de leur affiliation syndicale; vi) le SMBB fera
appel de cette décision dans l’optique d’obtenir justice pour les quatre dirigeants; et
vii) le SMBB a aussi contesté les quatre licenciements devant les tribunaux ordinaires.
En outre, le comité note que, selon le gouvernement, l’inspection du travail a procédé à
de multiples inspections au sein de l’entreprise en rapport avec les plaintes du SMBB,
et qu’elle n’a constaté aucune violation des droits syndicaux. Il relève toutefois que
le gouvernement ne nie pas que le CPD a conclu au caractère antisyndical du licenciement
de deux des quatre dirigeants du SMBB. Il rappelle que le licenciement d’un travailleur
en raison de son appartenance à un syndicat ou de ses activités syndicales porte
atteinte aux principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation des décisions du
Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1104.] Le comité prie le
gouvernement de le tenir informé de l’issue du recours formé par le SMBB contre la
décision du CPD datée du 26 octobre 2020, ainsi que de toute mesure de réparation ou de
sanction qui en résulterait. À la lumière des informations fournies par l’organisation
plaignante, selon lesquelles celle-ci a également contesté ces licenciements devant les
tribunaux ordinaires, le comité prie l’organisation plaignante de fournir des
informations actualisées sur l’état d’avancement de ces affaires et copie de toute
décision judiciaire rendue.
- 92. S’agissant de la grève organisée par le SMBB, le comité note que,
selon l’organisation plaignante, des syndicalistes ont été placés en détention
provisoire, interrogés et intimidés par la police, et des militants syndicaux ont été
battus et incarcérés alors qu’ils participaient à la grève. Notant avec préoccupation
que le gouvernement ne répond pas à ces allégations, le comité rappelle que les mesures
privatives de liberté prises contre des syndicalistes pour des motifs liés à leurs
activités syndicales, même s’il ne s’agit que de simples interpellations de courte
durée, constituent un obstacle à l’exercice des droits syndicaux. [Voir Compilation,
paragr. 122.] Il rappelle également qu’un mouvement syndical libre et indépendant ne
peut se développer que dans un climat exempt de violences, de menaces et de pression et
qu’il incombe au gouvernement de garantir que les droits syndicaux puissent se
développer normalement. [Voir Compilation, paragr. 87.] Le comité prie le gouvernement
de mener une enquête indépendante sur ces allégations et de fournir des informations
détaillées sur l’issue de celle-ci.
- 93. En ce qui concerne les actes allégués d’ingérence antisyndicale, le
comité prend note que l’organisation plaignante affirme que: i) l’entreprise et la
FSPISH se sont concertées afin de nuire au SMBB; ii) les travailleurs ont été menacés de
licenciement s’ils adhéraient au SMBB ou continuaient d’en faire partie; iii) lorsque le
SMBB est devenu le syndicat majoritaire, ses membres ont fait l’objet de pressions de la
part de leurs supérieurs hiérarchiques pour qu’ils quittent le SMBB et s’affilient à la
FSPISH; et iv) l’entreprise a refusé d’appliquer le système de prélèvement à la source
des cotisations syndicales aux membres du SMBB. Notant avec préoccupation que le
gouvernement ne répond pas à ces allégations, le comité rappelle le principe fondamental
du libre choix des organisations par les travailleurs et la non-ingérence de
l’entreprise en faveur d’un syndicat. [Voir Compilation, paragr. 1190.] Il rappelle en
outre que les menaces directes et les actes d’intimidation à l’encontre des membres
d’une organisation de travailleurs et le fait de les forcer à s’engager à rompre tout
lien avec l’organisation sous la menace d’un renvoi équivalent à nier les droits
syndicaux de ces travailleurs. [Voir Compilation, paragr. 1100.] Le comité prie le
gouvernement de mener sans délai une enquête indépendante sur les allégations
d’ingérence antisyndicale de la part de l’entreprise et de veiller à ce que tout acte
d’ingérence constaté fasse l’objet de mesures correctives et de sanctions suffisamment
dissuasives. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à
cet égard.
- 94. Pour ce qui est du refus allégué de l’entreprise et des autorités
publiques de reconnaître le SMBB aux fins de la négociation collective, le comité note
que l’organisation plaignante affirme que: i) en décembre 2019, le SMBB, qui était le
syndicat le plus représentatif, a soumis à l’entreprise et au ministère des Finances et
de l’Économie une demande de négociation d’une nouvelle convention collective, puisque
celle qui avait été conclue avec la FSPISH devait expirer le 31 janvier 2020, mais
l’entreprise et le ministère ont répondu que la convention avait été modifiée en octobre
2019 et qu’elle resterait en vigueur pour une durée indéterminée; ii) le certificat
notarié du syndicat le plus représentatif présenté par la FSPISH n’est pas valable, car
il y manque des éléments essentiels, tels qu’un relevé de compte bancaire attestant le
versement des cotisations syndicales; et iii) le SMBB a dénoncé la situation à
l’inspection du travail, au ministère des Finances et de l’Économie, ainsi qu’à l’Office
régional de l’emploi de Dibra et à son bureau local de Bulqiza, mais l’inspection du
travail et le ministère lui ont répondu qu’il devait porter cette question à l’attention
du ministère de la Justice; iv) en juin 2020, une nouvelle convention collective a été
conclue entre l’entreprise et la FSPISH; v) cette convention a été négociée secrètement
et en violation des prescriptions légales préalables à toute négociation collective, ce
qui fait partie d’une stratégie visant à empêcher les travailleurs de voter pour le
syndicat le plus représentatif et à faire obstacle à la tenue d’une véritable
négociation collective. Le comité note en outre que le gouvernement, de son côté,
indique que: i) une convention collective conclue en mai 2018 entre l’entreprise et la
FSPISH est toujours en vigueur; ii) parmi les 657 travailleurs employés par
l’entreprise, 515 sont membres de la FSPISH et paient régulièrement leurs cotisations
syndicales; et iii) malgré la proposition qu’il a faite au SMBB de se pourvoir en
justice pour protéger les intérêts de ses membres, celui-ci a choisi de saisir d’autres
institutions.
- 95. Le comité prend note des informations contradictoires fournies par
l’organisation plaignante et par le gouvernement à propos de la convention collective
actuellement en vigueur au sein de l’entreprise et de la représentativité du SMBB et de
la FSPISH. Tout en notant qu’il ne dispose pas d’informations suffisantes lui permettant
de déterminer laquelle des deux organisations syndicales est la plus représentative à
l’heure actuelle, le comité rappelle que les autorités compétentes devraient, dans tous
les cas, être habilitées à procéder à une vérification objective de toute demande d’un
syndicat prétendant représenter la majorité des travailleurs d’une entreprise, pour
autant qu’une telle demande semble plausible. Si le syndicat intéressé se révèle grouper
la majorité des travailleurs, les autorités devraient prendre des mesures de
conciliation appropriées en vue d’obtenir la reconnaissance, par l’employeur, de ce
syndicat aux fins de la négociation collective. [Voir Compilation, paragr. 1366.]
Notant, d’après les informations fournies par les parties, que les autorités judiciaires
semblent être la voie appropriée pour contester le statut de syndicat le plus
représentatif de la FSPISH, le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante
de l’informer de toute procédure judiciaire engagée à cet égard et de son résultat. Le
comité s’attend à ce que la question de la représentativité du SMBB et de la FSPISH au
sein de l’entreprise soit clarifiée sans délai soit par des procédures judiciaires, soit
par d’autres moyens, et prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à
cet égard et de fournir des informations précises et actualisées sur la représentativité
des deux organisations.
- 96. S’agissant des allégations selon lesquelles l’entreprise aurait
refusé aux représentants du SMBB l’accès à ses locaux, le comité note que, selon
l’organisation plaignante, la situation a été signalée à l’inspection du travail,
laquelle a informé le SMBB que seuls les représentants des syndicats signataires d’une
convention collective pouvaient rencontrer leurs membres sur leur lieu de travail.
Notant que le gouvernement ne répond pas à ces allégations, le comité rappelle que, pour
que le droit syndical ait vraiment un sens, les organisations de travailleurs doivent
être en mesure de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres en bénéficiant
des facilités nécessaires au libre exercice des activités liées à la représentation des
travailleurs, incluant l’accès aux lieux de travail des membres du syndicat. [Voir
Compilation, paragr. 1594.] Il rappelle en outre que les représentants syndicaux qui ne
sont pas employés eux-mêmes dans une entreprise, mais dont le syndicat compte des
membres dans le personnel de celle-ci, devraient avoir accès à celle-ci, et que l’octroi
de telles facilités ne devrait pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise
intéressée. [Voir Compilation, paragr. 1593.] Le comité prie le gouvernement de prendre
les mesures nécessaires pour garantir que les représentants du SMBB auront accès au lieu
de travail de ses membres dans l’exercice de leurs fonctions. Le comité prie le
gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 97. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le
Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité
prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue du recours formé par le SMBB
contre la décision du Commissaire à la protection contre la discrimination datée du
26 octobre 2020, ainsi que de toute mesure de réparation ou de sanction qui en
résulterait. À la lumière des informations fournies par l’organisation plaignante,
selon lesquelles celle-ci a également contesté ces licenciements devant les
tribunaux ordinaires, le comité prie l’organisation plaignante de fournir des
informations actualisées sur l’état d’avancement de ces affaires et copie de toute
décision judiciaire rendue.
- b) Le comité prie le gouvernement de mener une
enquête indépendante sur les allégations selon lesquelles des syndicalistes ont été
placés en détention provisoire, interrogés et intimidés par la police et des
militants syndicaux ont été battus et incarcérés durant une grève organisée par le
SMBB, et de fournir des informations détaillées sur l’issue de celle-ci.
- c)
Le comité prie le gouvernement de mener sans délai une enquête indépendante sur les
allégations d’ingérence antisyndicale de la part de l’entreprise et de veiller à ce
que tout acte d’ingérence constaté fasse l’objet de mesures correctives et de
sanctions suffisamment dissuasives. Le comité prie le gouvernement de le tenir
informé de tout fait nouveau à cet égard.
- d) Notant, d’après les
informations fournies par les parties, que les autorités judiciaires semblent être
la voie de recours appropriée pour contester le statut de syndicat le plus
représentatif de la FSPISH, le comité prie le gouvernement et l’organisation
plaignante de l’informer de toute procédure judiciaire engagée à cet égard et de son
résultat. Le comité s’attend à ce que la question de la représentativité du SMBB et
de la FSPISH au sein de l’entreprise soit clarifiée sans délai soit par des
procédures judiciaires, soit par d’autres moyens, et prie le gouvernement de fournir
des informations détaillées à cet égard et de fournir des informations précises et
actualisées sur la représentativité des deux organisations.
- e) Le comité
prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les
représentants du SMBB auront accès au lieu de travail de ses membres dans l’exercice
de leurs fonctions. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet
égard.