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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d'administration
Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d'administration- 49. Le comité a examiné pour la dernière fois ce cas, qui a été déposé en mai 2007 et concerne des allégations de répression constante d’enseignants syndicalistes, lors de sa réunion d’octobre 2020. [Voir 392e rapport, paragr. 64-75.] À cette occasion, le comité avait prié instamment le gouvernement de porter ses conclusions à l’attention des autorités judiciaires en vue de garantir qu’à l’avenir les syndicalistes ne sont pas, suite à des vagues accusations, arbitrairement condamnés pour l’exercice pacifique d’activités syndicales; de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour obtenir immédiatement la libération des personnes ainsi détenues, et de le tenir informé de l’évolution de la situation. Il a en outre prié le gouvernement de veiller à ce qu’à l’avenir toutes les allégations faisant état de violation des droits des syndicalistes détenus fassent l’objet d’une enquête rapide et efficace.
- 50. Dans une communication datée du 23 décembre 2022, la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’Internationale de l’éducation (IE) ont soumis des informations supplémentaires concernant ce cas. Elles indiquent que le gouvernement continue d’arrêter des syndicalistes et des travailleurs et que, depuis le 16 septembre 2022, les manifestations pacifiques de masse qui ont suivi l’assassinat de Jina Mahsa Amini lors de sa garde à vue par la «police de la moralité» ont donné lieu à une répression sévère et à des arrestations dont les syndicalistes et les travailleurs militants ont également été la cible. Deux jeunes travailleurs, Mohsen Shekari et Majid Reza Rahnavardi, tous deux âgés de 23 ans, ont été exécutés en décembre 2022.
- 51. La CSI et l’IE indiquent en outre que, au début de l’année 2022, plus de 230 enseignants ont été arrêtés pour avoir participé aux célébrations du 1er mai. Ils ont ensuite été libérés sous caution. En outre, avant le 1er mai, les autorités ont perquisitionné les domiciles de plusieurs syndicalistes éminents du secteur de l’éducation, les ont arrêtés et condamnés à plusieurs années de prison. Plusieurs membres des associations professionnelles d’enseignants iraniens (ITTA) ont également déclaré avoir reçu des appels téléphoniques et des convocations aux bureaux des services de renseignement ou aux tribunaux révolutionnaires dans le cadre d’affaires en suspens fondées sur des accusations d’atteinte à la sûreté de l’État, et avoir été menacés et avertis de ne pas participer aux rassemblements d’enseignants le 1er mai. Selon le Conseil de coordination des associations professionnelles d’enseignants iraniens (CCITTA), au moins 12 syndicalistes sont toujours en détention arbitraire, pour la seule raison qu’ils ont exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et de manifestation pour réclamer de meilleures conditions d’enseignement et d’apprentissage dans le secteur de l’éducation. La CSI et l’IE fournissent des détails supplémentaires concernant 14 dirigeants iraniens et membres de sections provinciales du CCITTA qui ont été pris pour cible par les autorités pour avoir participé à des manifestations pacifiques ou à d’autres formes d’engagement dans des activités syndicales pacifiques:
- 52. La CSI et l’IE concluent que les descentes de police, les arrestations, la détention et les lourdes condamnations des membres ordinaires et des dirigeants syndicaux s’inscrivent dans le cadre d’une répression systématique menée par les autorités iraniennes en vue d’instaurer un climat de peur et de violence et de réprimer l’exercice légitime du droit à la liberté syndicale, et demandent au comité d’appeler le gouvernement à abandonner immédiatement toutes les charges retenues contre les syndicalistes susmentionnés et à libérer ceux qui sont encore en détention; de s’abstenir de perquisitionner les domiciles des syndicalistes et de confisquer leurs biens et leurs documents de voyage ainsi que ceux de leurs familles; et de mettre fin au harcèlement policier et judiciaire des membres du CCITTA.
- 53. Le comité prend note de la réponse du gouvernement datée du 1er mai 2023. Le gouvernement indique que Mme Cécile Kohler et M. Paris, deux enseignants et syndicalistes français arrêtés en Iran le 8 mai 2022 et toujours en détention provisoire à la prison d’Evin pour «rassemblement et collusion dans le but de porter atteinte à la sécurité de l’État», ont eu des réunions avec les membres des TTAs et du CCITTA, axées sur la manière de transformer les revendications des enseignants et du SVATH en manifestations de rue contre l’État. Le gouvernement réitère sa réponse concernant le cas no 2508 selon lequel, avant leur arrivée, alors qu’ils se trouvaient encore en France, le couple avait organisé des réunions virtuelles et des webinaires de formation avec la participation du CCITTA. Au cours de ces réunions virtuelles, ils avaient présenté des méthodes d’organisation, d’établissement de contacts en évitant les risques de sécurité et de lutte contre l’État, de même que des brochures de formation. Le gouvernement ajoute que Mme Kohler et M. Paris ont également animé plusieurs webinaires et cours de formation en face à face, dans une résidence sécurisée située dans un quartier de Téhéran, afin d’organiser des grèves et manifestations de syndicats d’enseignants. Ils ont injecté des sommes considérables au titre d’un soutien financier et d’un soutien des éléments clés; ils ont fourni un appui et des éléments techniques pour communiquer secrètement sans être découverts par les services de renseignement, dans le but de renverser la République islamique d’Iran.
- 54. Le gouvernement fournit les indications suivantes concernant le statut de certains des syndicalistes mentionnés dans la communication de l’IE et de la CSI:
- 55. Le comité prend note des informations actualisées soumises par la CSI et l’IE et de la réponse du gouvernement. Le comité note avec une profonde préoccupation que, depuis son précédent examen de ce cas, les mesures prises à l’encontre des membres et des dirigeants du CCITTA et des associations professionnelles locales d’enseignants (TTA) semblent avoir été considérablement intensifiées, puisqu’un grand nombre d’entre eux auraient fait l’objet d’arrestations, de détentions, de poursuites judiciaires et de condamnations, ainsi que de sanctions administratives en rapport avec des activités syndicales légitimes. Le comité note que, à l’exception d’un cas, les affaires concernant tous les membres et dirigeants syndicaux mentionnés dans la communication de l’organisation plaignante de décembre 2022 restent ouvertes au moment de l’examen.
- 56. Le comité note que les syndicalistes suivants sont en prison, purgeant des peines définitives prononcées contre eux par des tribunaux révolutionnaires ou pénaux, principalement en vertu des articles 500 et 610 du Code pénal islamique (CPI), qui concernent respectivement la «propagande contre l’État» et la «rassemblement et collusion dans le but de porter atteinte à la sécurité de l’État»: M. Esamail Abdi (quinze ans), M. Rasoul Bodaghi (quatre ans), M. Jafar Ebrahimi (cinq ans), M. Mehdi Fathi (huit ans), et M. Hashem Khastar (dix ans). Le comité note que M. Jafar Ebrahimi a été condamné à cinq ans d’emprisonnement – dont quatre ans sont exécutoires – sur la base des articles 500 et 610 du CPI et qu’il est détenu depuis le 30 avril 2022. Néanmoins, le gouvernement indique que son procès est encore en cours, sans donner plus de détails.
- 57. Le comité note que, selon les informations soumises par l’organisation plaignante et les informations publiées par le CCITTA, les syndicalistes suivants ont été libérés sous caution et attendent leur procès et une éventuelle condamnation:
- M. Massoud Farhikhteh a été libéré pour la dernière fois le 25 mai après avoir passé 25 jours à l’isolement. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle M.Farhikhteh est inculpé en vertu des articles 610 et 500 du CPI.
- M. Mohammad Habibi a été libéré pour la dernière fois le 21 mai 2023 après 47 jours de détention, dont 21 jours d’isolement. Des accusations basées sur les articles 500 et 610 du CPI sont portées contre lui.
- Mme Zhila Khayer a été libérée sous caution le 23 janvier 2023, elle a été inculpée pour rassemblement et collusion dans le but de porter atteinte à la sécurité de l’État (article 610 du CPI).
- MM. Eskandar Lotfi, Shaban Mohammadi et Massoud Nikkhah ont été libérés sous caution pour la dernière fois le 5 décembre 2022 et sont inculpés en vertu des articles 500 et 610 du CPI.
- M. Pirouz Naami a été libéré sous caution pour la dernière fois le 9 novembre 2022. La procédure pénale concernant des accusations de propagande en faveur de groupes d’opposants, d’appartenance à des groupes visant à perturber la sécurité de l’État et l’article 610 du CPI est toujours en cours contre lui.
- M. Hamid Rahmati a été arrêté pour la dernière fois le 2 octobre 2022 et libéré sous caution le 15 décembre 2022, après 74 jours de détention. Le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles il est inculpé en vertu de l’article 610 du CPI.
- 58. Le comité note avec une profonde préoccupation les nombreuses arrestations, la détention préventive prolongée, les poursuites judiciaires et les lourdes peines d’emprisonnement prononcées à l’encontre des dirigeants et des membres du CCITTA et des TTA locales depuis avril 2022. Le comité note que le gouvernement indique les charges retenues contre les enseignants syndicalistes arrêtés et condamnés, sans indiquer les actes concrets attribués aux personnes inculpées et condamnées. Il note en outre que les allégations de l’organisation plaignante et les informations accessibles au public suggèrent que les arrestations et les mesures judiciaires à l’encontre des syndicalistes sont liées à leurs activités syndicales, en particulier la participation à des manifestations et l’expression publique d’opinions concernant des questions d’intérêt pour les enseignants et les politiques du gouvernement sur les questions éducatives, sociales et économiques. Le comité note en particulier les descentes de police simultanées visant les domiciles de MM. Bodaghi, Ebrahimi, Habibi, Lotfi, Mohammadi et Nikkhah aux premières heures du 30 avril, un jour avant les manifestations du 1er mai 2022, suivies de l’arrestation, de la longue détention préventive et de l’inculpation de ces cadres du CCITTA, ainsi que de la réarrestation de M. Farhikhteh le 1er mai 2023. Le comité note la reproduction du schéma habituel et de longue date de qualification pénale des activités syndicales légitimes en vertu des dispositions du CPI relatives à la sécurité nationale et à l’ordre public, en particulier les articles 500 et 610 du CPI.
- 59. Concernant M. Esmail Abdi, secrétaire général de la TTA de Téhéran, le comité rappelle qu’il a été arrêté pour la première fois en 2015 et qu’il a commencé à purger une peine de prison en 2016 sur la base des articles 500 et 610 du CPI. Le comité rappelle également qu’en 2020 le gouvernement a indiqué que la peine de M. Abdi prendrait fin et qu’il serait libéré le 22 décembre 2020 [392e rapport, paragr. 67]. Néanmoins, le comité note avec une profonde préoccupation que, dans sa dernière communication, le gouvernement indique que M. Abdi a commencé à purger une peine de dix ans d’emprisonnement pour rassemblement et collusion dans le but de porter atteinte à la sécurité de l’État et propagande contre l’État à compter du 11 janvier 2021. Le comité note que, selon des informations accessibles au public, à la fin de 2020, alors que M. Abdi aurait dû être libéré, les autorités judiciaires ont commencé à exécuter une condamnation antérieure avec sursis à dix ans d’emprisonnement pour espionnage. Le comité note également que, le 16 novembre 2022, la Cour suprême iranienne a finalement annulé la condamnation à dix ans de prison et a admis la demande de nouveau procès de M. Abdi concernant l’affaire d’espionnage, la renvoyant pour un nouveau procès à une autre subdivision du tribunal révolutionnaire de Téhéran. Néanmoins, le comité note avec une profonde préoccupation que des mois après l’annulation du jugement le condamnant à une peine d’emprisonnement, M. Abdi n’a été ni libéré ni rejugé, et le gouvernement indique dans sa communication qu’il purge une peine de dix ans. Le comité note que le caractère manifestement arbitraire de la détention de M. Abdi après l’annulation d’un ancien jugement censé justifier son maintien en prison constitue un développement extrêmement alarmant. Le comité rappelle à cet égard que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques, en général, et des libertés syndicales, en particulier. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 123.] En outre, nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire l’objet de sanctions pénales pour le simple fait d’avoir organisé une grève, des réunions publiques ou des cortèges pacifiques, surtout à l’occasion du 1er mai. [Voir Compilation, paragr. 156.] En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement d’abandonner immédiatement les charges et de libérer les enseignants mentionnés dans ce cas dont la détention ou les charges sont dues à leurs activités syndicales. Il prie en outre le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard et du statut de toutes les personnes concernées.
- 60. Le comité note avec une profonde préoccupation les allégations de torture et de mauvais traitements infligés à MM. Lotfi et Nikkhah pendant leur détention, ainsi que les allégations de recours à l’isolement prolongé concernant MM. Farhikhteh, Fathi et Habibi. Le comité rappelle à cet égard que, dans les cas allégués de tortures ou de mauvais traitements de prisonniers, les gouvernements devraient mener des enquêtes indépendantes sur les plaintes de cette nature pour que les mesures qui s’imposent, y compris la réparation des préjudices subis, soient prises et que des sanctions soient infligées aux responsables pour veiller à ce qu’aucun détenu ne subisse ce genre de traitement. [Voir Compilation, paragr. 112.] Il rappelle en outre que, quels que soient les motifs des arrestations, selon l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, l’isolement cellulaire ne doit être utilisé qu’en dernier ressort dans des cas exceptionnels, pour une durée aussi brève que possible, sous contrôle indépendant et uniquement avec l’autorisation d’une autorité compétente. L’isolement cellulaire prolongé – pendant une durée de plus de quinze jours consécutifs – correspond à de la torture et doit être interdit (voir la résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 2015 (Règles Nelson Mandela), A/RES/70/175, Règles 43-45) [voir 400e Rapport, paragr. 511]. Le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu’une enquête indépendante soit menée sur les allégations de torture et de mauvais traitements infligés à MM. Lotfi et Nikkhah pendant leur détention et de s’abstenir de recourir à l’isolement cellulaire des syndicalistes détenus à l’avenir. Il prie en outre le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.