Allégations: L’organisation plaignante dénonce des actes de discrimination
antisyndicale de la direction d’un hôtel à l’encontre d’un syndicat nouvellement constitué,
notamment le licenciement des dirigeants syndicaux et le harcèlement des travailleurs ayant
manifesté leur soutien au syndicat. L’organisation plaignante dénonce en outre l’incapacité
du gouvernement à assurer le respect du droit à la liberté syndicale et à la négociation
collective dans cette affaire
- 362. La plainte figure dans une communication datée du 2 mars 2021,
soumise par l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture,
de l’hôtellerie-restauration, du catering, du tabac et des branches connexes (UITA).
L’organisation plaignante a fourni des informations complémentaires dans des
communications en date des 9 novembre 2021, 18 février 2022, 3 février et 18 août
2023.
- 363. Le gouvernement a fourni ses observations partielles dans une
communication datée du 20 août 2021.
- 364. La Guinée a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135)
concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 365. Dans sa communication en date du 2 mars 2021, l’organisation
plaignante allègue que, depuis mars 2019 au moins, les employés de l’hôtel Marriott
Sheraton Grand Conakry (ci après l’hôtel) sont confrontés à de nombreuses entraves à
l’exercice du droit à la liberté d’association et à la négociation collective et dénonce
l’incapacité du gouvernement à remédier à la situation.
- 366. L’organisation plaignante allègue que le 15 mars 2019 l’affiliée de
l’UITA, la Fédération de l’hôtellerie, du tourisme, de la restauration, catering et
branches connexes de l’Organisation nationale des syndicats libres de Guinée
(FHTRC-ONSLG), a formellement demandé à la direction de l’hôtel d’entamer le processus
électoral syndical selon la législation nationale. L’organisation indique que, pendant
les huit mois qui ont suivi, bien que la FHTRC-ONSLG se soit efforcée de faire avancer
le processus électoral, relayée en cela par une pétition comptant plus de 150 signatures
sur 400 employés demandant la tenue des élections, ce n’est que le 11 février 2020 que
la direction a finalement organisé les élections. Selon l’organisation plaignante, le
syndicat les a largement remportées avec 72 pour cent de voix pour la liste des
dirigeants syndicaux.
- 367. L’organisation allègue que, dans la période qui a précédé les
élections, les travailleurs ont été confrontés à une hostilité antisyndicale croissante
de la part de la direction et que deux employés, MM. Alhassane Sylla et Mory Soumaoro,
ont été licenciés en novembre 2019 pour des questions disciplinaires mineures peu après
avoir manifesté leur soutien au syndicat, de tels licenciements étant en fait destinés à
intimider d’autres employés susceptibles de faire de même. M. Sylla aurait également été
emprisonné par la police locale pendant trois jours, sous prétexte qu’il avait quitté
l’hôtel avec de la nourriture préparée, alors qu’il s’agissait de son propre repas qu’il
n’avait pu manger pendant sa pause.
- 368. L’organisation plaignante allègue qu’en mars 2020 le syndicat
nouvellement constitué a souhaité entamer des négociations avec la direction s’agissant
des conditions de santé et de sécurité du personnel, de l’accès aux soins médicaux,
ainsi que des heures supplémentaires non rémunérées, mais que la direction a refusé,
alors qu’il y avait urgence dans le contexte de la pandémie de COVID 19.
- 369. L’organisation plaignante allègue qu’un autre membre du syndicat,
M. Mohammed Sampil, a été sanctionné puis licencié en septembre 2020 pour avoir
accidentellement cassé un pot de fleurs et que la direction a refusé qu’il soit
représenté par le syndicat dans le cadre de la procédure disciplinaire le
concernant.
- 370. L’organisation plaignante allègue qu’à la même période la direction
a convoqué une première réunion avec M. Amadou Diallo, secrétaire général du syndicat,
M. Alhassane Diallo, secrétaire général adjoint, et Mme Maminata Camara, membre du
comité syndical, pour discuter de sujets de préoccupation communs et qu’à la suite de la
réunion la direction a suspendu M. Amadou Diallo et M. Alhassane Diallo sans salaire et
les a ensuite licenciés. L’organisation plaignante indique qu’en réponse le syndicat a
présenté une pétition à la direction, signée par plus de 100 travailleurs, demandant
leur réintégration. Selon l’organisation plaignante, le ministère du Travail a tenu une
réunion avec la direction et les employés pour discuter des licenciements et de
l’allégation de discrimination à l’encontre des responsables syndicaux, mais il n’a pris
aucune autre mesure concernant les licenciements. Mme Maminata Camara aurait quant à
elle été empêchée de témoigner devant l’inspecteur du travail par ordre du directeur
général adjoint de l’hôtel. L’organisation plaignante indique avoir alerté la Société
financière internationale (SFI), en sa qualité de principal investisseur du projet de
développement de l’hôtel, à propos des licenciements discriminatoires des responsables
syndicaux, mais que celle ci aurait répondu qu’elle ne pouvait pas agir étant donné que
«les mesures disciplinaires appliquées dans ce cas sont prévues par le règlement interne
de l’hôtel pour ce genre de comportement et que le règlement interne de l’hôtel a été
officiellement approuvé par l’inspection du travail et le ministère du Travail de
Guinée».
- 371. L’organisation plaignante allègue que le syndicat a présenté une
nouvelle pétition à la direction, rassemblant plus de 100 photos des employés syndiqués,
pour exiger la réintégration des dirigeants de leur syndicat, mais que la direction a
par la suite utilisé cette pétition pour menacer les travailleurs lors d’entretiens
individuels ou devant un «auditoire captif» en février 2021. L’organisation plaignante
dénonce une «escalade de l’animosité et de l’hostilité antisyndicale sur le lieu de
travail», avec la multiplication des caméras de surveillance et le contrôle des employés
dans tout l’hôtel, la présence régulière de policiers en civil, ainsi que celle du
ministre fédéral de la Sécurité.
- 372. L’organisation plaignante allègue que le 10 décembre 2020 le panneau
d’affichage et le bureau du syndicat au sein de l’hôtel ont été vandalisés. Selon elle,
la direction n’aurait pas informé le syndicat de son intention de pénétrer dans les
locaux du syndicat, celui-ci n’étant pas en possession des clés du bureau qui sont
conservées dans les locaux de la sécurité par ordre de la direction de l’hôtel.
- 373. Dans sa communication en date du 9 novembre 2021, l’organisation
réitère l’absence de réaction des pouvoirs publics au sujet de la dégradation de la
situation après le licenciement des deux responsables syndicaux.
- 374. Dans sa communication en date du 18 février 2022, l’organisation
plaignante allègue que les employés de l’hôtel avaient fixé le 22 octobre 2021 comme
date butoir pour parvenir à un accord avec la direction au sujet de la réintégration de
leurs représentants élus, le secrétaire général Amadou Diallo et le secrétaire général
adjoint Alhassane Diallo. Leur pétition, signée par la quasi-totalité des quelque
210 employés sous contrat, étant restée sans réponse, le syndicat a déposé un préavis de
grève pour le 26 octobre 2021.
- 375. L’organisation allègue que le dépôt du préavis de grève a entraîné
des mesures d’intimidation et des menaces de représailles de la part de la direction.
Selon l’organisation, le directeur des ressources humaines a pris à part
individuellement les employés ayant un contrat à durée déterminée en leur disant que ces
contrats ne seraient pas renouvelés s’ils faisaient grève. Un représentant du
propriétaire aurait questionné les délégués syndicaux au sujet du préavis de grève et
lorsque l’un des délégués a demandé: «Est-ce que vous essayez de nous intimider?», le
représentant l’a confirmé, affirmant: «Les autorités sont de notre côté.»
- 376. Selon l’organisation plaignante, la direction a abusivement usé de
son pouvoir disciplinaire sur les employés dans le but d’accroître les pressions sur les
grévistes et d’exercer des représailles à leur encontre; ainsi la direction, peu après
le dépôt du préavis, a recruté des stagiaires et des préposés intérimaires à l’entretien
pour travailler à l’hôtel, afin de constituer une réserve d’employés de remplacement
potentiels; et, pour intimider les travailleurs qui envisageaient de faire grève, la
direction a engagé 30 gardes de sécurité supplémentaires à l’hôtel. L’organisation
plaignante allègue que la direction a également annoncé une augmentation salariale
générale d’environ 50 dollars des États-Unis (dollars É. U.) par mois, soit une
augmentation de 25 pour cent, réservée aux non-grévistes. De même, le directeur de
l’hôtel aurait menacé de priver les employés grévistes du bénéfice d’un programme de
prêts à faible taux d’intérêt.
- 377. Dans sa communication en date du 3 février 2023, l’organisation
plaignante informe que la direction de l’hôtel a continué à déroger à ses obligations
légales nationales et internationales envers ses salariés, y compris en licenciant
quatre des six délégués syndicaux restant dans l’hôtel, sans autorisation préalable de
l’inspection du travail, en violation de dispositions du Code du travail. Selon
l’organisation, le gouvernement, malgré ses efforts, n’est pas parvenu à faire en sorte
que la direction de l’hôtel s’acquitte de ses obligations envers ses employés. La SFI,
qui a financé la construction et l’exploitation de l’hôtel, n’aurait pas non plus imposé
de pénalités concrètes à son client en dépit des exigences des normes de performance
sociales applicables. Constatant l’absence de conséquences encourues par la direction de
l’hôtel pour ses violations des droits, d’autres employeurs du secteur hôtelier guinéen
auraient même commencé à faire usage des mêmes tactiques illégales.
- 378. Dans sa communication en date du 18 août 2023, l’organisation
plaignante informe que le 31 mars 2023 le tribunal du travail de Guinée a rendu un
jugement en faveur des deux responsables syndicaux de l’hôtel, MM. Amadou Diallo et
Alhassane Diallo, à savoir que le licenciement prononcé à leur encontre était abusif et
injustifié et qu’il faisait partie d’une campagne antisyndicale menée par la direction
de l’hôtel. L’organisation précise que le tribunal a ordonné à l’employeur de verser des
dommages-intérêts d’un montant de 78 083 190 francs guinéens (9 081 dollars É. U.) à
Alhassane Diallo et de 55 510 000 francs guinéens (6 414 dollars É. U.) à Amadou Diallo,
sans prescrire leur réintégration, et que l’employeur a fait appel de la décision. Une
copie du jugement figure en annexe de la communication.
- 379. L’organisation plaignante fournit enfin d’autres exemples à l’appui
de ses allégations antérieures selon lesquelles les atteintes à la liberté syndicale,
s’agissant notamment de la tenue d’élections syndicales, se sont répandues dans
l’industrie hôtelière guinéenne.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 380. Dans sa communication du 20 août 2021, le gouvernement indique que,
malgré le retard pris dans la tenue des élections prévues pour la constitution d’un
syndicat au sein de l’hôtel, les élections en question ont pu se tenir le 11 février
2020, grâce à l’implication active de la SFI et de l’Inspection générale du
travail.
- 381. S’agissant de la question du licenciement de MM. Alhassane Sylla et
Mory Soumaoro, le gouvernement déclare qu’aucun élément plausible de ce dossier ne
permet d’établir un lien de causalité entre leur congédiement et leurs activités
syndicales. Le gouvernement indique qu’après vérification les intéressés ont été
licenciés pour des fautes disciplinaires qu’ils ont eux-mêmes reconnues et qu’en outre
ils n’avaient pas le statut de membre du syndicat puisqu’à l’époque des faits, en
novembre 2019, le syndicat de l’hôtel n’était pas encore constitué.
- 382. Le gouvernement déclare que l’Inspection générale du travail n’a pas
été informée d’éventuels actes de discrimination de la part de l’hôtel à l’encontre de
responsables syndicaux au motif qu’ils auraient soumis des revendications d’ordre
syndical à leur direction générale.
- 383. En ce qui concerne le licenciement de M. Sampil, le gouvernement nie
les faits allégués, à savoir que l’intéressé n’était pas membre du syndicat, que son
licenciement était un licenciement pour faute personnelle et que l’intéressé était en
droit de se faire assister comme indiqué dans la lettre de convocation à l’entretien
préalable en date du 28 août 2020.
- 384. S’agissant du licenciement de MM. Amadou Diallo et Alhassane Diallo,
délégués titulaires, le gouvernement indique que, en raison de la protection syndicale
dont bénéficient les deux délégués, la direction de l’hôtel avait l’obligation
conformément aux dispositions de l’article 332.2 et suivants du Code du travail de
requérir l’autorisation de l’inspecteur du travail de zone, ce qu’elle a fait. Les
services de l’inspection régionale du travail de Conakry ont conclu de manière
indépendante à la faute grave de ces employés. L’inspecteur régional du travail de
Conakry a favorablement répondu à la demande de l’hôtel tout en ouvrant la possibilité
d’un règlement amiable afin de sauvegarder les intérêts de ces deux employés. Le
gouvernement fait observer que les voies de recours disponibles, sur le plan
administratif et judiciaire, n’ont pas été utilisées (articles 523.1 et suivants du Code
du travail).
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 385. Le comité note que le présent cas concerne principalement des actes
de discrimination antisyndicale et de harcèlement de la part de la direction d’un hôtel
visant aussi bien les responsables du syndicat nouvellement constitué que les
travailleurs ayant manifesté leur soutien au syndicat. Le comité note que l’organisation
plaignante dénonce en outre l’incapacité du gouvernement à assurer le respect du droit à
la liberté syndicale et à la négociation collective dans cette affaire.
- 386. Le comité prend note des allégations selon lesquelles, y compris
dans les mois qui ont précédé les élections syndicales en février 2020, les travailleurs
ont été confrontés à une hostilité antisyndicale croissante de la part de la direction.
Le comité note en particulier que deux employés, MM. Alhassane Sylla et Mory Soumaoro,
ont été licenciés en novembre 2019 peu après avoir manifesté leur soutien au syndicat et
que, d’après la plaignante, de tels licenciements étaient en fait destinés à intimider
d’autres employés susceptibles de faire de même.
- 387. Le comité prend également note des allégations de licenciements
abusifs, intervenus cette fois ci après la tenue des élections syndicales de février
2020, concernant MM. Amadou Diallo et M. Alhassane Diallo, respectivement secrétaire
général et secrétaire général adjoint. Leur licenciement serait intervenu à l’issue
d’une réunion avec la direction de l’hôtel à laquelle ils participaient dans le cadre de
leurs activités syndicales légitimes. Le comité note que, d’après la plaignante, la
direction aurait pris des mesures de représailles à l’encontre des travailleurs ayant
exprimé leur soutien aux responsables syndicaux, notamment par le biais de pétitions et
le dépôt d’un préavis de grève en octobre 2021 visant à obtenir leur réintégration, ce
qui aurait abouti à une «escalade de l’animosité et de l’hostilité antisyndicale sur le
lieu de travail», avec la multiplication des caméras de surveillance et le contrôle des
employés dans tout l’hôtel, la présence régulière de policiers en civil, ainsi que celle
du ministre fédéral de la Sécurité.
- 388. Le comité note que le gouvernement, dans sa communication en date du
20 août 2021, nie pour l’essentiel les faits allégués. Le comité note que le
gouvernement se borne à indiquer que: i) dans le cas du licenciement de MM. Alhassane
Sylla et Mory Soumaoro, aucun élément plausible de ce dossier ne permet d’établir un
lien de causalité entre leur congédiement et leurs activités syndicales, d’autant qu’à à
l’époque des faits, en novembre 2019, le syndicat de l’hôtel n’était pas encore
constitué; et ii) dans le cas du licenciement de MM. Amadou Diallo et Alhassane Diallo,
délégués titulaires du syndicat de l’hôtel, les services de l’inspection régionale du
travail de Conakry ont conclu de manière indépendante à la faute grave de ces employés
et que les intéressés n’ont pas fait appel de la décision.
- 389. Le comité relève cependant, à partir des informations
complémentaires fournies par la plaignante le 18 août 2023, que le 31 mars 2023 le
tribunal du travail de Guinée a rendu un jugement – dont la copie a été fournie – en
faveur des deux responsables syndicaux de l’hôtel, MM. Amadou Diallo et Alhassane
Diallo, à savoir que le licenciement prononcé à leur encontre était «régulier en la
forme, mais abusif et dépourvu de motif réel et sérieux». Le comité note que le tribunal
a constaté une «faute simple ou légère, caractérisée par le fait d’avoir haussé
réciproquement le ton avec leur supérieur hiérarchique», et ordonné à l’employeur de
verser des dommages-intérêts aux intéressés, tout en relevant que «cette faute simple ou
légère ne revêt pas une certaine gravité qui rend impossible leur maintien dans la
société».
- 390. Notant les allégations selon lesquelles des travailleurs auraient
été réprimés pour avoir soutenu la création d’un syndicat et voulu organiser des
élections, dans le but de dissuader les autres travailleurs de faire de même, le comité
souhaite tout d’abord rappeler que le harcèlement et les manœuvres d’intimidation
perpétrés à l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur
participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas
nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier
aux organisations de leur choix et, par là même, violer leur droit d’organisation. [Voir
Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018,
paragr. 1098.]
- 391. S’agissant en particulier des allégations de licenciement abusif
dont il est saisi, le comité rappelle que la discrimination antisyndicale est une des
violations les plus graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre
l’existence même des syndicats. Nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres
mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de
l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de
discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. Le
comité rappelle en outre que nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir
déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime. [Voir Compilation, paragr. 1072,
1075 et 953.]
- 392. Notant que l’employeur a fait appel de la décision du 31 mars 2023
du tribunal du travail de Guinée en faveur des responsables syndicaux de l’hôtel,
MM. Amadou Diallo et Alhassane Diallo, le comité prie le gouvernement de fournir des
informations sur l’issue de la procédure et de communiquer la décision de la juridiction
d’appel une fois rendue. Le comité souhaite rappeler à cet égard qu’un des principes
fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une
protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la
liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et
autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable
en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs
fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne
subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a
estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est
en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les
organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir
Compilation, paragr. 1117.] Le comité souhaite en outre rappeler, en référence à la
décision du tribunal du travail susmentionnée, que, dans certains cas de licenciements
où des procédures judiciaires étaient en cours, le comité a demandé la réintégration des
travailleurs concernés comme une solution prioritaire au cas où la décision judiciaire
conclut à des actes de discrimination antisyndicale. [Voir Compilation,
paragr. 1171.]
- 393. En ce qui concerne les allégations relatives au licenciement de
MM. Alhassane Sylla et Mory Soumaoro, en novembre 2019, pour des questions
disciplinaires mineures peu après avoir manifesté leur soutien au syndicat, le comité
note que selon l’organisation plaignante de tels licenciements étaient destinés à
intimider d’autres employés susceptibles de faire de même et que ces licenciements sont
intervenus à l’approche des élections. Le comité souhaite souligner que le fait que les
personnes concernées ne jouissaient pas à l’époque d’un statut syndical formel ne permet
pas d’écarter tout acte de harcèlement à leur égard, contrairement à ce que semble
suggérer le gouvernement. Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête
indépendante sur les conditions de leur licenciement. Le comité prie également le
gouvernement, ainsi que l’organisation plaignante, de fournir des informations sur toute
action menée en justice à cet égard.
- 394. S’agissant des allégations relatives au licenciement de M. Sampil,
survenu en septembre 2020, pour des faits mineurs (pot de fleurs cassé), le comité, tout
en prenant note des informations contradictoires portées à sa connaissance par les
parties quant à son statut de membre ou non du syndicat et à la procédure applicable,
observe qu’il ressort de la lecture de la décision du tribunal du travail précitée du
31 mars 2023 que le tribunal du travail, par jugement en date du 19 juillet 2021, a
condamné l’employeur à verser des indemnités en réparation pour licenciement injustifié.
Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de fournir des informations
sur la situation de M. Sampil et d’indiquer s’il a été fait appel de la décision du
tribunal du travail du 19 juillet 2021 le concernant.
- 395. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles la direction de
l’hôtel aurait licencié quatre des six délégués syndicaux restant dans l’hôtel, sans
autorisation préalable de l’inspection du travail, le comité, tout en rappelant que,
dans des cas de licenciements antisyndicaux, des syndicats d’entreprise récemment créés
sont susceptibles de subir des conséquences néfastes qui menacent leur existence même,
si tous leurs dirigeants et une grande partie de leurs membres sont licenciés [voir
Compilation, paragr. 1107], prie l’organisation plaignante de fournir des informations
détaillées sur la situation des quatre délégués en question et toute action en justice y
relative.
- 396. Prenant note des allégations selon lesquelles M. Alhassane Sylla
aurait été emprisonné par la police locale pendant trois jours, sous prétexte qu’il
avait quitté l’hôtel avec de la nourriture préparée, alors qu’il s’agissait de son
propre repas, le comité souhaite rappeler que la détention de dirigeants syndicaux et de
syndicalistes en raison de leur appartenance ou de leurs activités syndicales est
contraire aux principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation, paragr. 120.] Le
comité prie le gouvernement de donner toutes les instructions requises pour faire en
sorte que la police ne soit pas utilisée comme un instrument d’intimidation ou de
surveillance des membres de syndicats et de le tenir informé des mesures prises ou
envisagées à ce sujet.
- 397. Le comité note par ailleurs que l’organisation plaignante allègue
que la direction de l’hôtel a abusivement usé de son pouvoir disciplinaire sur les
employés dans le but d’accroître les pressions sur les grévistes. Le comité note que:
i) la direction aurait clairement menacé les employés ayant un contrat à durée
déterminée de ne pas renouveler leurs contrats en cas de participation à la grève;
ii) peu après le dépôt du préavis en octobre 2021, la direction aurait recruté des
stagiaires et des préposés intérimaires à l’entretien pour travailler à l’hôtel, afin de
constituer une réserve d’employés de remplacement potentiels, et, pour intimider les
travailleurs qui envisageaient de faire grève, elle aurait engagé 30 gardes de sécurité
supplémentaires à l’hôtel; et iii) la direction aurait également annoncé une
augmentation salariale générale d’environ 50 dollars É. U. par mois, soit une
augmentation de 25 pour cent, réservée aux non-grévistes, et qu’elle aurait menacé de
priver les employés grévistes du bénéfice d’un programme de prêts à faible taux
d’intérêt. Tout en regrettant que le gouvernement n’apporte pas d’éléments de réponse
sur ces points, le comité rappelle, d’une part, que les contrats à durée déterminée ne
devraient pas délibérément être utilisés à des fins antisyndicales et, d’autre part,
qu’il a estimé, en ce qui concerne les mesures accordées pour faire bénéficier les
travailleurs n’ayant pas participé à la grève d’une bonification, que de telles
pratiques discriminatoires constituent un obstacle important au droit des syndicats
d’organiser leurs activités. [Voir Compilation, paragr. 1096 et 976.]
- 398. Enfin, prenant note des allégations selon lesquelles le 10 décembre
2020 le panneau d’affichage et le bureau du syndicat au sein de l’hôtel auraient été
vandalisés et que la direction n’aurait pas informé le syndicat de son intention de
pénétrer dans les locaux du syndicat, celui-ci n’étant pas en possession des clés du
bureau qui sont conservées dans les locaux de la sécurité par ordre de la direction de
l’hôtel, le comité, notant une nouvelle fois l’absence de réponse du gouvernement sur
cette question, rappelle que l’inviolabilité des locaux et des biens syndicaux constitue
l’une des libertés publiques essentielles pour l’exercice des droits syndicaux. [Voir
Compilation, paragr. 276.]
- 399. Prenant note avec préoccupation des allégations générales de
l’organisation plaignante dénonçant l’incapacité du gouvernement à assurer la protection
effective des droits syndicaux non seulement dans l’hôtel en question, mais aussi dans
de nombreux établissements du secteur de l’hôtellerie, le comité rappelle que la
responsabilité d’appliquer les principes de la liberté syndicale incombe en dernier
ressort au gouvernement [voir Compilation, paragr. 46] et que les règles de fond
existant dans la législation nationale qui interdisent les actes de discrimination
antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures
efficaces assurant une protection adéquate contre de tels actes. [Voir Compilation,
paragr. 1140.] Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de prendre
les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, afin de
garantir que la protection des droits syndicaux et la protection contre la
discrimination antisyndicale, en particulier dans le secteur de l’hôtellerie, sont
pleinement garanties tant en droit que dans la pratique.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 400. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Notant que
l’employeur a fait appel de la décision du 31 mars 2023 du tribunal du travail de
Guinée en faveur des responsables syndicaux de l’hôtel, MM. Amadou Diallo et
Alhassane Diallo, le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur
l’issue de la procédure et de communiquer la décision de la juridiction d’appel une
fois rendue.
- b) Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête
indépendante sur les conditions du licenciement de MM. Alhassane Sylla et Mory
Soumaoro, en novembre 2019. Le comité prie également le gouvernement, ainsi que
l’organisation plaignante, de fournir des informations sur toute action menée en
justice à cet égard.
- c) Le comité prie le gouvernement et l’organisation
plaignante de fournir des informations sur la situation de M. Sampil et d’indiquer
s’il a été fait appel de la décision du tribunal du travail du 19 juillet 2021 le
concernant.
- d) Le comité prie l’organisation plaignante de fournir des
informations détaillées sur la situation des quatre délégués syndicaux, parmi les
six restants, qui auraient été licenciés abusivement, ainsi que sur toute action en
justice y relative.
- e) Le comité prie le gouvernement de donner toutes les
instructions requises pour faire en sorte que la police ne soit pas utilisée comme
un instrument d’intimidation ou de surveillance des membres de syndicats et de le
tenir informé des mesures prises ou envisagées à ce sujet.
- f) Le comité prie le
gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les
partenaires sociaux concernés, afin de garantir que la protection des droits
syndicaux et la protection contre la discrimination antisyndicale, en particulier
dans le secteur de l’hôtellerie, sont pleinement garanties tant en droit que dans la
pratique.