Allégations: La plainte s’appuie sur de graves allégations concernant de
nombreuses attaques des autorités militaires contre des syndicalistes, des travailleurs et
des fonctionnaires qui demandent le retour à un régime civil depuis le coup militaire au
Myanmar du 1er février 2021. Les allégations portent sur des actes d’intimidation et des
menaces à l’encontre de syndicalistes, de travailleurs et de fonctionnaires pour qu’ils
reprennent leur travail et renoncent à participer au mouvement de désobéissance civile, sur
la suspension de postes et le recours au remplacement de grévistes, le retrait d’avantages
sociaux et de certificats de compétence professionnelle, l’établissement de listes de
travailleurs et de syndicalistes par la police en vue de leur arrestation, de leur
emprisonnement et de leur détention, ainsi que sur de nombreux décès à la suite
d’interventions des forces militaires et policières lors de manifestations pacifiques, dont
le meurtre et la torture de dirigeants syndicaux
- 268. Le comité a examiné le présent cas pour la dernière fois à sa
réunion de mars 2022 et, à cette occasion, il a présenté un rapport intérimaire au
Conseil d’administration. [Voir 397e rapport, paragr. 503-584, approuvé par le Conseil
d’administration à sa 344e session.] Le comité rappelle qu’il a suspendu l’examen de
cette affaire après son dernier examen au vu de la décision prise par le Conseil
d’administration de nommer une commission d’enquête chargée d’examiner la
non-application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du
droit syndical, 1948, entre autres conventions. [Voir 399e rapport, paragr. 15, approuvé
par le Conseil d’administration à sa 345e session.] Le Conseil d’administration a pris
note du rapport de la commission d’enquête à sa 349e session en octobre-novembre 2023.
Le comité observe que la commission d’enquête a indiqué dans son rapport que, compte
tenu de la gravité des questions soulevées, la situation et les progrès réalisés dans
l’application de ses recommandations devraient faire l’objet d’une supervision active
des organes de contrôle de l’OIT concernés. Le comité observe également que plusieurs
des recommandations en suspens de la commission d’enquête concernent des questions
soulevées dans le cas no 3405, dont l’examen peut maintenant être réactivé. Dans son
405e rapport (mars 2024, paragr. 16), compte tenu de la gravité et de la persistance des
questions soulevées dans cette affaire, le comité demande aux autorités militaires du
Myanmar de lui faire parvenir leurs observations en relation avec ses précédentes
recommandations et à la lumière des recommandations pertinentes de la commission
d’enquête, afin qu’il puisse poursuivre l’examen de ce cas en toute connaissance de
cause lors de sa prochaine réunion.
- 269. La Confédération syndicale internationale (CSI) a présenté de
nouvelles allégations dans une communication datée du 12 avril 2024.
- 270. Le ministère du Travail, de l’Immigration et de la Population
(MOLIP) et la mission permanente à Genève ont présenté une réponse dans les
communications datée du 12 avril et desu 27 et 29 mai 2024.
- 271. Le Myanmar a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, mais n’a pas ratifié la convention (no 98) sur
le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 272. À sa réunion de mars 2022, le comité a formulé les recommandations
suivantes:
- a) Le comité exhorte les autorités militaires responsables à
cesser immédiatement de recourir à la violence contre les manifestants pacifiques et
à diligenter des enquêtes indépendantes sur la mort de tous les travailleurs et
syndicalistes susnommés qui ont été tués dans le cadre d’actions de protestation et
de l’exercice de leurs libertés publiques fondamentales, y compris leurs droits
syndicaux fondamentaux, et de fournir des informations détaillées sur les mesures
prises à cet égard ainsi que sur le résultat des enquêtes.
- b) Le comité
demande instamment l’abrogation et la modification de l’article 505-A du Code pénal,
de l’article 124 du Code de procédure pénale, de l’article 38(c) de la loi sur les
transactions électroniques, la révocation des pouvoirs de surveillance qui ont été
rétablis dans les circonscriptions et les villages au titre de la version révisée de
la loi sur l’administration des circonscriptions et des villages, ainsi que le
retrait de la déclaration frappant des syndicats d’illégalité, en vue de garantir le
plein respect des libertés publiques fondamentales nécessaires à l’exercice des
droits syndicaux, notamment la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de
réunion, le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement et le droit à un
procès équitable par un tribunal indépendant et impartial, de sorte que les
organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités et
leurs fonctions en toute sécurité, sans être exposées à des menaces d’intimidation
ou de violence.
- c) Le comité s’attend à ce que tous les cas de syndicalistes
ou de travailleurs arrêtés ou détenus au motif d’actions visant le rétablissement de
leurs droits syndicaux et de la démocratie dans le pays fassent l’objet d’une
enquête et que des mesures soient prises sans délai pour assurer la libération
immédiate des intéressés. Il demande à être tenu informé de toutes les mesures
prises à cette fin.
- d) Le comité demande à nouveau aux autorités
responsables de réintégrer tous les fonctionnaires, les travailleurs du secteur de
la santé ou les enseignants licenciés ou suspendus pour avoir participé au mouvement
de désobéissance civile et de rétablir tous les avantages qui ont pu être
supprimés.
- e) Le comité rappelle sa recommandation antérieure selon laquelle
des mesures appropriées devraient être prises pour veiller à ce que les
syndicalistes et les travailleurs du secteur privé ne soient pas pénalisés pour
avoir participé au mouvement de désobéissance civile en vue d’obtenir le
rétablissement de leurs droits syndicaux et demande à être tenu informé des mesures
concrètes prises à cet égard.
- f) Eu égard à l’ampleur de la tâche à
accomplir pour examiner tous les cas portés à son attention, le comité considère que
l’institution d’une autorité d’enquête indépendante des militaires serait une mesure
nécessaire pour rendre justice aux personnes qui ont exercé pacifiquement leurs
droits à la liberté de réunion, d’expression et d’association, et demande à être
tenu informé des mesures prises à cet égard.
- g) Le comité prie instamment
les autorités militaires de reconnaître l’importance primordiale de garantir ces
droits et libertés aux travailleurs et aux employeurs du pays comme une condition
nécessaire à toute démocratie légitime et au développement durable du
pays.
- h) Le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le
caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes
B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes- 273. Dans sa communication datée du 12 avril 2024, la CSI présente des
informations supplémentaires concernant de nombreuses attaques des autorités militaires,
portant notamment sur des actes d’intimidation et des menaces à l’encontre de
syndicalistes, de travailleurs et de fonctionnaires pour qu’ils reprennent leur travail
et renoncent à participer au mouvement de désobéissance civile, sur la suspension de
postes et le recours au remplacement de grévistes, le retrait d’avantages sociaux et de
certificats de compétence professionnelle, l’établissement de listes de travailleurs et
de syndicalistes par la police en vue de leur arrestation, de leur emprisonnement et de
leur détention, ainsi que sur de nombreux décès à la suite d’interventions des forces
militaires et policières lors de manifestations pacifiques, dont le meurtre de
dirigeants syndicaux.
- 274. La CSI allègue en particulier que le 20 août 2023, le Conseil
d’administration de l’État dirigé par les militaires a publié la notification no 161
(jointe à la plainte) en vue d’établir un comité directeur en réponse à la commission
d’enquête de l’OIT sur le Myanmar, qui vise en particulier à coordonner des actions
«contre des organisations telles que la Confédération des syndicats du Myanmar (CTUM),
qui incite les acteurs internationaux à faire pression sur le Myanmar et à organiser des
manifestations en se servant du forum de l’OIT».
- 275. Les libertés civiles fondamentales essentielles à l’exercice de la
liberté syndicale n’ont pas été rétablies et les syndicalistes arrêtés et détenus
arbitrairement sont toujours emprisonnés, tandis que des travailleurs supplémentaires
ont été arrêtés au titre de différentes lois pénales pour des actes liés à leurs
activités syndicales légitimes. La CSI renvoie en particulier à la nouvelle peine de
sept ans d’emprisonnement assortie de travaux forcés prononcée par le tribunal militaire
de Dagon Sud à l’encontre du secrétaire général de la Fédération des syndicats de
l’industrie, de l’artisanat et des services du Myanmar (MICS-TUF), Thet Hnin Aung, à la
suite de sa nouvelle arrestation après sa sortie de la prison de Insein, le 23 juin
2023.
- 276. La situation des syndicalistes forcés à se cacher ou à s’exiler et
dont les passeports ont été annulés ou la citoyenneté retirée reste inchangée à ce jour.
La situation n’a pas non plus évolué pour les organisations syndicales, à tous les
niveaux, ayant été dissoutes, souvent remplacées par des syndicats dominés par les
employeurs ou par des comités sur le lieu de travail qui ne représentent pas
véritablement les intérêts des travailleurs. La CSI ajoute que les personnes ayant
commis des crimes graves contre des syndicalistes, y compris des actes de violence
sexuelle, des tortures ou des meurtres, n’en ont pas subi la moindre conséquence.
- 277. La CSI insiste sur le fait qu’au Myanmar, les travailleurs n’ont
aucune possibilité réelle d’exercer leur droit syndical et d’organisation, que ce soit
en droit ou en pratique. La législation et les ordonnances promulguées par le Conseil
d’administration de l’État dirigé par les militaires restent en vigueur, tandis que
l’état d’urgence a été imposé dans de nouveaux cantons. Les zones industrielles du pays,
qui produisent des biens pour des marques renommées du monde entier, restent sous le
régime de la loi martiale. L’environnement de travail est coercitif et empêche les
travailleurs d’exercer leurs droits syndicaux, parmi d’autres libertés civiles. La CSI
donne l’exemple d’une usine où 48 travailleurs ont tenté de constituer un syndicat afin
d’améliorer les conditions de travail en septembre 2023. Ils ont demandé
l’enregistrement de l’organisation syndicale de base, mais l’armée a transféré leurs
données personnelles à l’employeur, qui a ensuite licencié 41 des travailleurs. Cinq
soldats sont entrés dans une autre usine en octobre 2023, ont convoqué sept travailleurs
qui s’étaient plaints à propos de vol de salaire, et les ont accusés d’organiser une
manifestation et d’inciter aux émeutes. Les travailleurs ont été arrêtés et contraints
de signer un engagement à s’abstenir de prendre part à des actions similaires à
l’avenir. Les soldats les ont menacés de les accuser pour motifs politiques et de les
faire emprisonner s’ils refusaient de signer le document. Plusieurs autres cas ont été
rapportés, en instance jusqu’à ce jour.
- 278. Selon la CSI, les arrestations et les extorsions arbitraires par les
militaires sont systématiques depuis l’entrée en vigueur des lois sur la conscription,
tandis que selon des témoignages, plus de 4 600 personnes ont été tuées par les
militaires depuis février 2021, dont 659 femmes et 490 enfants, le nombre réel de morts
étant beaucoup plus élevé. Plus de 20 000 opposants aux militaires, dont 3 909 femmes,
sont en détention.
- 279. Le 10 février 2024, la junte militaire derrière le Conseil
d’administration de l’État a promulgué la loi relative au service militaire (2010)
permettant la conscription obligatoire des hommes (âgés de 17 à 35 ans) et des femmes
(âgées de 18 à 27 ans). Cette loi vise à légitimer les pratiques de recrutement forcé de
civils dans des entraînements militaires et d’enrôlement dans des milices, qui ont cours
depuis le coup d’État. Quatorze millions de jeunes dans le pays, parmi lesquels
7,7 millions de femmes et 6,3 millions d’hommes, soit 26 pour cent de la population,
seront contraints de se soumettre au service militaire, qui durera entre 24 et 36 mois
s’ils sont considérés comme des «experts» susceptibles de fournir des services
techniques à l’armée. La durée du service peut être prolongée jusqu’à cinq ans au plus
en cas de situation d’urgence (article 3). Toute personne qui se soustrait à l’ordre de
conscription est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans.
- 280. L’article 21(a) de la loi relative au service militaire impose la
conscription obligatoire de la population pour une période prolongée dans le cadre du
programme du service national, qui comporte du travail et des activités non militaires
au titre d’«états d’urgence» indéfinis et formulés en termes vagues. La vaste portée de
la conscription telle que décrite dans la loi dépasse largement les exceptions prévues
dans l’article 2 (2) a) de la convention no 29. La CTUM, l’Alliance des travailleurs du
Myanmar (MLA) et le gouvernement d’unité nationale ont dénoncé la conscription, dont le
but est de forcer les jeunes civils à défendre le régime militaire qu’ils rejettent
depuis trois ans par le biais de moyens pacifiques et de manifestations publiques. Selon
la cartographie établie par la CTUM, un mois après l’entrée en vigueur de la loi, des
cas d’enrôlement forcé dans des entraînements militaires ont été signalés dans
25 cantons. Dans les États shan et kachin, ainsi que dans les régions de Magway,
Mandalay, Sagaing, Bago et Yangon, des soldats se postaient à des postes de contrôle et,
le long des routes principales, arrêtaient les jeunes passants et les voitures à la
recherche de jeunes qu’ils emmenaient avec eux. Selon les informations disponibles,
entre le 11 et le 14 février, 80 personnes de 6 cantons de la région de Mandalay ont été
emmenées par des soldats. Certaines ont été détenues au secret, sans contact avec leur
famille, tandis que d’autres ont été détenues pendant des heures dans les locaux de
l’administration de la circonscription ou au poste de police avant que leurs proches ne
paient en échange de leur libération.
- 281. Des syndicalistes, des étudiants, des militants, ainsi que des
fonctionnaires, des cheminots et des travailleurs des secteurs de l’habillement et de la
santé, qui ont été licenciés, placés sur liste noire ou expulsés de leurs dortoirs pour
avoir participé à des grèves, fuient le pays. La pratique de l’enrôlement forcé de
jeunes dans des entraînements militaires est en augmentation. Dans la région de Yangon,
les directions d’usines demandent aux travailleurs de remplir et de renvoyer le
formulaire d’enrôlement biométrique du département du conseil militaire chargé de
l’immigration et du travail. Le 13 février, 17 ouvriers âgés de 18 ans ont été convoqués
alors qu’ils se trouvaient dans leurs dortoirs dans la zone industrielle 1 du canton de
Dagon Sud, par une équipe conjointe de militaires, de policiers et de fonctionnaires de
l’administration du canton.
- 282. Dans les régions où les conflits entre les milices et les
organisations ethniques armées se sont intensifiés, comme dans le canton de Naung Tayar,
dans l’État shan, les villageois sont menacés par les soldats d’être utilisés comme
porteurs s’ils tentent de quitter le village. La CSI formule des allégations détaillées
concernant le traitement des Rohingyas et des peuples autochtones dans la mise en œuvre
de la loi. La CSI ajoute qu’un grand nombre de jeunes et d’ouvriers de l’État rakhine
ont été arrêtés par les militaires et la police à leur retour de Yangon. Le 18 février,
76 d’entre eux ont été arrêtés à leur arrivée à l’aéroport de Kyaukphyu. Le lendemain,
26 autres ont été arrêtés dans le même aéroport et le 20 février, une centaine de jeunes
ont été arrêtés à un poste de contrôle du canton de Shwe Phyi Thar de la région de
Yangon, principalement des travailleurs qui rentraient dans l’État rakhine en bus.
- 283. Ces récents événements, qui enfreignent les droits syndicaux, les
libertés civiles et l’interdiction du travail forcé, sapant davantage la possibilité
d’un environnement propice à l’exercice effectif du droit de liberté syndicale, ont lieu
dans le contexte de la publication du rapport de la commission d’enquête de l’OIT,
auquel les autorités militaires ont répondu le 29 février 2024, déclarant qu’elles
acceptaient les recommandations formulées et qu’elles avaient progressé dans
l’application des conventions nos 87 et 29. Les autorités militaires n’ont montré aucune
preuve que des mesures avaient été prises pour mettre fin à la violence et pour revenir
sur les lois et les pratiques précisées dans les recommandations de la commission
d’enquête (paragr. 642-645).
- 284. Pour conclure, la CSI prie instamment le comité d’ignorer toute
déclaration des autorités militaires du Myanmar affirmant le respect par ce dernier des
obligations qui lui incombent au titre de ces deux conventions, étant donné la non
reconnaissance par l’Assemblée générale des Nations Unies et par la Conférence
internationale du Travail, et plutôt d’engager vivement ces autorités à révoquer
immédiatement la loi relative au service militaire et à cesser le recrutement militaire
et l’enrôlement forcé en vertu de cette loi, ainsi qu’à interrompre ou révoquer sans
délai les mesures ou actions contraires aux obligations qui incombent au Myanmar au
titre des conventions nos 87 et 29, spécifiées dans les recommandations de la commission
d’enquête.
C. Réponse du Myanmar
C. Réponse du Myanmar- 285. Dans sa communication datée du 12 avril 2024, la mission permanente
à Genève transmet des informations du ministère du Travail indiquant que ce dernier a
mené de vastes campagnes de sensibilisation pour s’assurer que les employeurs et les
travailleurs soient bien informés de leur droit à constituer des syndicats, conformément
à la loi de 2011 sur l’organisation du travail. Entre décembre 2023 et février 2024, des
ateliers de sensibilisation ont été menés dans 268 ateliers et usines, auxquels
16 860 travailleurs et employeurs ont pris part. En outre, le ministère dirige
actuellement la distribution de livrets pédagogiques relatifs à la loi sur
l’organisation du travail, afin de veiller à ce qu’elle soit connue des travailleurs.
Les travailleurs qui souhaitent se constituer en syndicats ont le droit de le faire dans
le respect de la loi, le ministère traitant les demandes sans délai ni restriction. En
2024, en date du 1er avril, deux nouvelles organisations syndicales de base avaient été
enregistrées et des certificats ont été délivrés aux syndicats GTIG Guohua Glory Garment
et Gysen Garment dans le canton de Shwepyithar (État de Yangon).
- 286. Afin de résoudre les conflits relatifs à la négociation collective
et les conflits du travail susceptibles de survenir dans les usines et les ateliers, les
employeurs, les travailleurs et les départements pertinents collaborent pour s’assurer
que les employeurs résolvent les conflits conformément au droit du travail, dont
l’application relève du ministère du Travail, au lieu de déposer plainte directement
auprès des forces de police du Myanmar en vue d’une résolution. Les autorités militaires
déclarent n’avoir ni modifié les dispositions de la législation ni présenté de nouvelles
lois en lien avec les questions relatives au travail. Les mécanismes pertinents destinés
à faire appliquer les lois relatives au travail fonctionnent, et il n’y a donc aucune
raison de considérer que, sur le plan législatif, le Myanmar ne respecte pas les
conventions de l’OIT qu’il a ratifiées. Les autorités militaires ajoutent qu’en réponse
aux recommandations de la commission d’enquête, elles ont indiqué que certaines
recommandations de nature législative seront examinées conformément à leurs procédures
internes.
- 287. En ce qui concerne le «mouvement de désobéissance civile», les
autorités militaires répètent que le mouvement appelle tous les travailleurs, y compris
les fonctionnaires, à interrompre pour une durée indéterminée la fourniture de services,
notamment des services publics essentiels tels que les soins de santé à la population.
La loi sur l’organisation du travail dispose que les grèves sont illégales si elles
touchent des services essentiels et ceux dont l’interruption est susceptible de
compromettre la vie, la santé et la sécurité de la population. Il est internationalement
reconnu que le droit de grève n’est pas absolu et qu’il peut être soumis à certaines
conditions ou restrictions légales dans les services essentiels. La durée des grèves est
un autre élément qui entre en considération, et certains pays font le choix d’interdire
une grève dans un service lorsque, par sa durée, elle crée un état de fait qui
s’apparente à une situation d’urgence pour l’ensemble de la population.
- 288. Les autorités militaires indiquent que certains fonctionnaires ont
été suspendus ou licenciés après avoir non pas exercé leurs droits légalement, mais pris
part au «mouvement de désobéissance civile» en commettant des infractions telles que la
négligence de leurs devoirs, l’abandon de leur poste de travail, la violation des règles
de la fonction publique en matière de temps de travail et l’absence sans congé.
Conformément à la loi sur le personnel de la fonction publique et au règlement qui
l’accompagne, une enquête départementale a été ouverte; les mesures disciplinaires
appropriées ont été prononcées contre les personnes reconnues coupables d’infractions,
et celles dont l’innocence a été prouvée ont réintégré leurs départements respectifs. Si
les fonctionnaires sont insatisfaits des peines ou des mesures disciplinaires prononcées
à leur encontre, ils peuvent faire appel conformément à la loi sur le personnel de la
fonction publique et son règlement.
- 289. Les autorités militaires ajoutent à cet égard que selon le ministère
de l’Éducation, 119 615 fonctionnaires ont été licenciés pour absence sans congé, sans
motif suffisant au titre de la loi sur le personnel de la fonction publique. Après avoir
fait appel des décisions les concernant, 7 904 fonctionnaires ont réintégré leurs
postes. En novembre 2023, un total de 6 120 membres du personnel de santé avaient été
réintégrés et le ministère de la Santé s’occupait également des personnes faisant
l’objet de poursuites judiciaires en collaboration avec les chefs de service concernés,
les départements administratifs locaux et les parties poursuivantes dans le cadre de
leurs procédures.
- 290. Les autorités militaires rappellent que les fonctionnaires ont le
droit de saisir un juge, de se défendre et de faire appel en ce qui concerne les
sanctions disciplinaires prononcées à leur encontre pour non respect du code de conduite
et pour manquement à la discipline et au devoir, conformément à la loi sur le personnel
de la fonction publique.
- 291. Le Myanmar fournit également des renseignements supplémentaires au
sujet des personnes suivantes:
- a) Le 3 mars 2021, un rapport préliminaire de
police (no 62/2021) a été établi contre Daw Myo Myo Aye au poste de police du canton
de Shwe Pyi Thar, en vertu de l’article 505 A du Code pénal. Elle a été arrêtée le
15 avril 2021 et son dossier a été transmis à un tribunal. L’ordonnance no 147/2021
du Conseil d’administration de l’État a ensuite entraîné le classement de l’affaire,
et Daw Myo Myo Aye a été relâchée le 18 octobre 2021.
- b) Le 14 mars 2021, un
groupe de quelque 200 émeutiers a attaqué le bureau de l’administration situé à
Bayin Naung Road, dans la sixième circonscription du canton de Shwe Pyi Thar, avec
des épées, des bâtons et des cocktails Molotov et a mis le feu en se livrant à des
violences. Les forces de sécurité ont pris les mesures nécessaires. Parmi la foule,
Zaw Zaw Htwe, 21 ans, travailleuse de l’entreprise SUNTIME JCK Co., Ltd, a été
blessée et est morte de ses blessures. La déclaration de décès no 15/2021 a été
enregistrée au poste de police de Shwe Pyi Thar et transmise au tribunal du canton
de Shwe Pyi Thar. Le 18 mars 2022, le tribunal a rendu une ordonnance déclarant que
le décès était survenu du fait des mesures antiémeutes prises conformément à
l’article 76 du Code pénal.
- c) Le secrétaire général de la Fédération des
syndicats de l’industrie, de l’artisanat et des services du Myanmar (MICS-TUF),
Thet Hnin Aung, a été arrêté le 15 juin 2021 au poste de contrôle conjoint du canton
de Paund (État mon). Il a été révélé qu’il recevait l’aide financière de Khin Kyaw,
dirigeant du groupe armé «UNRA» et qu’il conduisait 12 participants à un
entraînement terroriste de la force de défense populaire organisé dans la zone de la
brigade 5 de l’Union nationale Karen (KNU). Il a été inculpé au titre de
l’article 17(1) de la loi sur les associations illégales. Le 5 décembre 2022,
Thet Hnin Aung a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement et à une
amende de 20 000 kyats. Thet Hnin Aung a été relâché le 23 mars 2023 après avoir
purgé sa peine. Il a en outre été vérifié que Thet Hnin Aung avait envoyé 4 amis et
11 jeunes assister à l’entraînement terroriste de la force de défense populaire
situé près du village de War Mee Koe, dans la zone de la brigade 5 de la KNU. En
outre, il a également été découvert que Thet Hnin Aung avait pris la tête des
émeutes à Mandalay en rédigeant un texte incitatif. Pour ces motifs, il a été
inculpé au titre de l’article 52(a) de la loi sur la lutte contre le terrorisme et
de l’article 505 A du Code pénal, et le 15 novembre 2023, Thet Hnin Aung a été
condamné à une peine de sept ans d’emprisonnement pour ces deux affaires, au motif
de sa participation à des activités illégales, conformément à la loi.
- 292. Par la suite, dans une communication reçue le 27 mai 2024, la
mission permanente à Genève a transmis des informations en réponse aux allégations
supplémentaires de la CSI, dans lesquelles elle affirme que les autorités militaires ne
facilitent les demandes de dissolution des organisations syndicales que sur demande des
comités exécutifs des organisations syndicales respectives et que des plans d’action ont
été mis en place pour garantir la libre organisation des organisations syndicales dans
tout le pays. En plus des informations fournies précédemment sur le nombre
d’organisations syndicales dans le pays, deux organisations syndicales de l’habillement
de base nouvellement formées ont reçu des certificats en 2024.
- 293. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’armée a transmis à
l’employeur des informations personnelles sur des travailleurs qui tentaient de former
une organisation et qu’ils ont ensuite été licenciés, les autorités militaires déclarent
qu’elles ne sont pas en mesure de répondre car aucun fait significatif, tel que le nom
de l’usine et la date, n’a été fourni. En ce qui concerne les allégations relatives à
l’enrôlement militaire par la direction de l’usine, il est indiqué que ces allégations
sont basées sur de fausses nouvelles diffusées par des médias en exil visant à les
discréditer le gouvernement et à engendrer des préoccupations inutiles parmi le public
et les travailleurs des zones industrielles à la suite de la promulgation de la loi sur
le service militaire populaire et qu’aucune inspection de ce type n’a été effectuée dans
la zone industrielle ce jour-là.
- 294. Le 24 février 2024, le porte-parole de l’équipe d’information a
annoncé que toute personne ayant connaissance d’un recrutement forcé peut déposer une
plainte auprès de l’organe central et que le premier groupe de formation est composé
uniquement de volontaires, et qu’il n’y a donc pas de recrues bengalies.
- 295. Enfin, iIl convient de rappeler que la loi de 2011 sur
l’organisation du travail définit le cadre de l’exercice de la liberté syndicale par les
travailleurs et que la loi sur le règlement des conflits du travail exige la mise en
place de comités de coordination sur le lieu de travail (WCC) pour résoudre les conflits
du travail. Les conflits d’intérêts qui ne peuvent être résolus par les comités de
coordination sur le lieu de travail sont soumis aux organes de conciliation des cantons,
aux organes d’arbitrage et au conseil d’arbitrage tripartite.
- 296. Dans une communication reçue le 29 mai 2024, les autorités
militaires font référence aux allégations concernant le travail forcé et les
dispositions de la convention sur le travail forcé. Les autorités militaires déclarent
que la loi sur le service militaire populaire a été promulguée en tenant compte de cette
convention. Elles contestent les allégations comme étant inexactes et principalement
basées sur des affirmations d’organisations anti-gouvernementales. Ces allégations
visent à ternir la réputation de la Tatmadaw et doivent être considérées comme
infondées. Si des violations se produisaient, des mesures seraient prises à l’encontre
des auteurs quel que soit leur grade conformément à la loi.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 297. Le comité rappelle que les graves allégations du présent cas
concernent de nombreuses attaques des autorités militaires contre des syndicalistes, des
travailleurs et des fonctionnaires qui demandent le retour à un régime civil depuis le
coup militaire au Myanmar du 1er février 2021. Ces graves allégations portent sur des
meurtres, des actes de torture et autres brutalités commis contre des syndicalistes et
des travailleurs qui ont participé au mouvement de désobéissance civile. Le présent cas
concerne en outre de graves allégations d’arrestations, d’emprisonnement et de mise en
détention de nombreux travailleurs et syndicalistes pour leur participation à des
manifestations pacifiques, et d’actes d’intimidation et de menaces par les forces de
sécurité et les autorités militaires à l’encontre de travailleurs et de fonctionnaires
qui manifestaient pour qu’ils reprennent le travail et renoncent à leur participation au
mouvement de désobéissance civile, notamment par des licenciements, des suspensions, le
recours au remplacement des grévistes et le retrait d’avantages sociaux.
- 298. Le comité prend note du rapport de la commission d’enquête («Vers la
liberté et la dignité au Myanmar») nommée par le Conseil d’administration pour examiner
les allégations de non respect par le Myanmar, entre autres conventions, de la
convention no 87, adoptée le 4 août 2023. Le rapport met en lumière le lien crucial
entre ses recommandations concernant la convention no 87 et le mandat plus large de
l’OIT, et déclare que «La commission estime que la liberté syndicale est un élément
fondamental de la démocratie et de l’état de droit et une condition préalable au
dialogue social, à la négociation collective et à la coopération tripartite». Le comité
constate que de nombreuses questions en jeu dans le présent cas ont été examinées par la
commission d’enquête et que celle ci a confirmé, au terme d’un examen détaillé,
plusieurs des préoccupations qu’il a exprimées dans le cadre de ce cas. Le comité
observe à cet égard avec une profonde préoccupation les conclusions de la commission et
prend dûment note de ses recommandations concernant les questions abordées dans le cas à
l’examen, à savoir l’appel aux autorités militaires de faire cesser sur le champ toute
forme de violence, notamment la violence fondée sur le genre, la torture et autres
traitements inhumains infligés à des dirigeants syndicaux, des membres syndicaux ou
d’autres personnes en relation avec l’exercice d’activités légitimes par des
travailleurs ou des employeurs, y compris en particulier les violences commises dans le
cadre de la répression de protestations et de manifestations publiques pacifiques, lors
de l’arrestation ou de la détention, ainsi que les attaques militaires contre des
infrastructures civiles, qui, par leur effet conjugué, créent un climat de violence et
de terreur qui compromet l’exercice effectif de la liberté syndicale. S’agissant des
questions législatives, la commission a appelé les autorités militaires à annuler toutes
les ordonnances militaires ou autres dispositions décrétées depuis février 2021 et
considérées comme attentatoires à la liberté syndicale et aux libertés civiles
fondamentales des syndicalistes, ainsi qu’à révoquer les retraits de citoyenneté
frappant des dirigeants et des membres syndicaux et à restituer sans délai leurs
documents de voyage aux personnes concernées. Enfin, la commission a appelé à cesser
toute forme d’ingérence dans l’établissement, l’administration et le fonctionnement des
syndicats à tous les niveaux, notamment en ce qui concerne l’élection de dirigeants
syndicaux, le règlement des différends du travail, la conduite d’actions collectives et
la dissolution ou la suspension administrative de syndicats.
- 299. Le comité prend note avec une profonde préoccupation des dernières
informations fournies par les organisations plaignantes dans leur communication datée
d’avril 2024 concernant de nombreuses attaques des autorités militaires, et notamment
des actes d’intimidation et des menaces contre des syndicalistes, des travailleurs et
des fonctionnaires pour qu’ils reprennent leur travail et renoncent à participer au
mouvement de désobéissance civile, la suspension de postes et le recours au remplacement
de grévistes, le retrait d’avantages sociaux et de certificats de compétence
professionnelle, l’établissement de listes de travailleurs et de syndicalistes par la
police en vue de leur arrestation, de leur emprisonnement et de leur détention, ainsi
qu’au sujet de nombreux décès à la suite d’interventions des forces militaires et
policières lors de manifestations pacifiques, dont le meurtre de dirigeants syndicaux.
Les organisations plaignantes affirment que les libertés civiles fondamentales
nécessaires à l’exercice de la liberté syndicale n’ont pas été rétablies et que les
syndicalistes détenus arbitrairement sont toujours emprisonnés, tandis que des
travailleurs supplémentaires ont été arrêtés au titre de différentes lois pénales pour
des actes liés à leurs activités syndicales légitimes.
- 300. La CSI attire en outre l’attention sur les attaques perpétrées
contre le principal mouvement syndical au moyen de la notification no 161 publiée le
20 août 2023 par le Conseil d’administration de l’État, dirigé par les militaires, en
vue d’établir un comité directeur en réponse à la commission d’enquête de l’OIT sur le
Myanmar, qui vise en particulier à coordonner des actions «contre des organisations
telles que la Confédération des syndicats du Myanmar (CTUM), qui incite les acteurs
internationaux à faire pression sur le Myanmar et à organiser des manifestations en se
servant du forum de l’OIT». Le comité se doit d’exprimer sa plus profonde préoccupation
devant toute mesure de représailles visant la CTUM pour avoir eu recours au mécanisme de
contrôle de l’OIT, qui tire sa légitimité de la Constitution, et rappelle que la
Conférence internationale du Travail a signalé que le droit de réunion, la liberté
d’opinion et d’expression et, en particulier, le droit de ne pas être inquiété pour ses
opinions et celui de chercher, de recevoir et de divulguer, sans considération de
frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit
constituaient des libertés civiles qui sont essentielles à l’exercice normal des droits
syndicaux (Résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les
libertés civiles, adoptée à la 54e session, 1970). [Voir Compilation des décisions du
Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 77.] Le comité rappelle
en outre la décision du Conseil d’administration prenant note du rapport de la
commission d’enquête et exhorte lui aussi les autorités militaires à s’abstenir de tout
acte de représailles contre toute personne ou organisation ayant fourni des informations
à la commission d’enquête ou continuant de prendre part aux procédures de l’OIT pour
assurer le suivi des recommandations de la commission.
- 301. En ce qui concerne la condamnation et la détention de dirigeants
syndicaux, la CSI renvoie en particulier à la nouvelle peine prononcée par le tribunal
militaire de Dagon Sud de sept ans d’emprisonnement assortie de travaux forcés à
l’encontre du secrétaire général de la Fédération des syndicats de l’industrie, de
l’artisanat et des services du Myanmar (MICS TUF), Thet Hnin Aung, à la suite de sa
nouvelle arrestation après sa sortie de la prison de Insein, le 23 juin 2023. Le comité
prend note des informations fournies par les autorités militaires concernant deux
syndicalistes parmi les dizaines d’autres qui auraient été arrêtés précédemment. Selon
les militaires, Daw Myo Myo Aye a été relâchée en octobre 2021. En ce qui concerne Thet
Hnin Aung, les autorités militaires indiquent qu’il a été arrêté au poste de contrôle
conjoint du canton de Paund (État mon) le 15 juin 2021, où il a été révélé qu’il
recevait l’aide financière de Khin Kyaw, dirigeant du groupe armé «UNRA» et qu’il
conduisait 12 participants à un entraînement terroriste de la force de défense
populaire. Il a été inculpé au titre de l’article 17(1) de la loi sur les associations
illégales et a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement et à une amende de
20 000 kyats le 5 décembre 2022. Après sa libération le 23 mars 2023, les autorités
militaires déclarent qu’il a en outre été vérifié qu’il avait envoyé 4 amis et 11 jeunes
fréquenter une autre école d’entraînement terroriste de la force de défense populaire et
qu’il avait pris la tête des émeutes à Mandalay en rédigeant un texte incitatif. Il a
donc été inculpé au titre de l’article 52(a) de la loi sur la lutte contre le terrorisme
et de l’article 505-A du Code pénal, et, le 15 novembre 2023, a été condamné à une peine
de sept ans d’emprisonnement pour sa participation à des activités illégales,
conformément à la loi.
- 302. Le comité se doit de rappeler la profonde préoccupation qu’il avait
exprimée lors de son précédent examen du cas concernant l’article 505-A du Code pénal,
qui a été modifié par les autorités militaires dans le sens d’une formulation large
permettant de menacer et de sanctionner toute personne qui critique l’action militaire
et a donc appelé à son abrogation. Le comité note qu’au cours de son premier procès,
Thet Hnin Aung a été inculpé au titre de la loi sur les associations illégales et qu’en
deuxième instance, pour des actions décrites de façon similaire par le gouvernement, il
a été inculpé au titre de la loi sur la lutte contre le terrorisme et de l’article 505-A
du Code pénal devant un tribunal militaire, lors d’un procès qui a été décrit comme
inéquitable. Le comité déplore profondément les circonstances de ce procès et l’absence
de décision judiciaire concernant la nature précise de sa condamnation. Il rappelle sa
recommandation précédente visant à ce que des mesures soient prises sans délai pour
assurer la libération immédiate des syndicalistes ou des travailleurs arrêtés ou détenus
au motif d’actions visant le rétablissement de leurs droits syndicaux et de la
démocratie dans le pays, ainsi que l’appel lancé par le Conseil d’administration de
l’OIT aux autorités militaires en faveur de la libération de Thet Hnin Aung, et demande
à être tenu informé de toutes les mesures prises à cette fin, et à recevoir une copie du
jugement rendu à l’encontre de Thet Hnin Aung.
- 303. Le comité prend note des autres allégations des organisations
plaignantes indiquant que les personnes ayant commis des crimes graves contre des
syndicalistes, y compris des actes de violence sexuelle, de torture ou des meurtres,
n’en ont pas subi la moindre conséquence, tandis que la situation des syndicalistes
forcés à se cacher ou à s’exiler et dont les passeports ont été annulés ou la
citoyenneté retirée reste inchangée à ce jour. En outre, la situation n’a pas évolué
pour les organisations syndicales à tous les niveaux ayant été dissoutes, souvent
remplacées par des syndicats dominés par les employeurs ou par des comités sur le lieu
de travail qui ne représentent pas véritablement les intérêts des travailleurs.
- 304. En ce qui concerne le meurtre de syndicalistes et de militants
ouvriers, le comité regrette profondément que les autorités militaires n’aient pas
fourni d’informations détaillées au sujet de ces graves allégations, autres que
concernant un seul meurtre sur plus d’une vingtaine présumés lors de son précédent
examen du cas [voir 397e rapport, paragr. 560], et en l’occurrence, (Zaw Zaw Htwe)
indiquant seulement que la victime faisait partie d’un groupe d’émeutiers et que le
tribunal a rendu une ordonnance le 18 mars 2022 déclarant que le décès était survenu du
fait des mesures antiémeutes prises conformément à l’article 76 du Code pénal. Le comité
se doit de souligner avec la plus grande fermeté que les droits des organisations de
travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence,
de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de
ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce
principe. [Voir Compilation, paragr. 84.] Le comité prie à nouveau instamment les
autorités militaires responsables de cesser immédiatement de recourir à la violence
contre les travailleurs et syndicalistes prenant part à des manifestationtants
pacifiques et de faire diligenter des enquêtes indépendantes sur les allégations de
violence à leur encontrecontre des syndicalistes et des travailleurs, afin que les
responsabilités soient déterminées et les auteurs punis. Le comité les prie de lui
fournir des informations détaillées sur les mesures prises à cet égard et sur le
résultat des enquêtes. Le comité, notant en outre la question des retraits de
citoyenneté frappant des syndicalistes, soulevée dans les conclusions de la Commission
de l’application des normes et dans les recommandations de la commission d’enquête,
appelle les autorités militaires à rendre leur citoyenneté aux syndicalistes et aux
travailleurs concernés, et à le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- 305. Le comité regrette en outre que les autorités militaires n’aient
fourni aucune information concernant ses recommandations antérieures visant à modifier
ou à abroger les dispositions de la législation et les décrets qu’elles ont publiés et
qui ont été mis en évidence comme contraires à la liberté syndicale. Le comité se doit
par conséquent d’exhorter à nouveau les autorités militaires à abroger et à modifier
l’article 505-A du Code pénal, l’article 124 du Code de procédure pénale, et
l’article 38(c) de la loi sur les transactions électroniques, à révoquer les pouvoirs de
surveillance rétablis dans les circonscriptions et les villages au titre de la version
révisée de la loi sur l’administration des circonscriptions et des groupes de villages
et à retirer la déclaration frappant des syndicats d’illégalité, en vue de garantir le
plein respect des libertés civiles fondamentales nécessaires à l’exercice de la liberté
syndicale, de sorte que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent
exercer leurs activités et leurs fonctions en toute sécurité, sans être exposées à des
menaces d’intimidation ou de violence.
- 306. Le comité prend bonne note des conclusions générales formulées par
les organisations plaignantes indiquant qu’au Myanmar, les travailleurs n’ont aucune
possibilité réelle d’exercer leur droit syndical et d’organisation, que ce soit en droit
ou en pratique. La législation et les ordonnances promulguées par le Conseil
d’administration de l’État dirigé par les militaires restent en vigueur, tandis que
l’état d’urgence a été imposé dans de nouveaux cantons. Les zones industrielles du pays,
qui produisent des biens pour des marques renommées du monde entier, restent sous le
régime de la loi martiale et les organisations plaignantes donnent des exemples de
situations dans lesquelles les travailleurs, dans cet environnement coercitif, ne
peuvent exercer leurs droits syndicaux, parmi d’autres libertés civiles. Des
syndicalistes, des étudiants, des militants, ainsi que des fonctionnaires, des cheminots
et des travailleurs des secteurs de l’habillement ou de la santé, qui ont été licenciés,
placés sur liste noire ou expulsés de leurs dortoirs pour avoir participé à des grèves,
fuient le pays. La CSI fait en outre référence à des mesures généralisées de recrutement
forcé dans l’armée au moyen de la loi relative au service militaire.
- 307. S’agissant des allégations de représailles et de sanctions à
l’encontre de fonctionnaires n’ayant pas repris leurs fonctions, le comité note que les
autorités militaires réaffirment que le mouvement de désobéissance civile a appelé tous
les travailleurs, y compris les fonctionnaires et les travailleurs de services publics
essentiels, à interrompre la fourniture de services. Conformément à la loi sur le
personnel de la fonction publique et au règlement qui l’accompagne, une enquête
départementale a été ouverte; les mesures disciplinaires appropriées ont été prises à
l’encontre des personnes reconnues coupables d’infractions, et celles dont l’innocence a
été prouvée ont réintégré leurs départements respectifs. Si les fonctionnaires sont
insatisfaits des peines ou des mesures disciplinaires prononcées à leur encontre, ils
peuvent faire appel conformément à la loi sur le personnel de la fonction publique et
son règlement. Les autorités militaires ajoutent à cet égard que selon le ministère de
l’Éducation, sur les 119 615 fonctionnaires licenciés pour absence sans congé, sans
motif suffisant, 7 904 fonctionnaires ont réintégré leurs postes après avoir fait appel
des décisions les concernant. En novembre 2023, un total de 6 120 membres du personnel
de santé avaient été réintégrés et le ministère de la Santé s’occupait également des
personnes faisant l’objet de poursuites judiciaires en collaboration avec les chefs de
service concernés, les départements administratifs locaux et les parties poursuivantes
dans le cadre de leurs procédures.
- 308. S’agissant des mesures de représailles à l’encontre de
fonctionnaires qui ont participé au mouvement de désobéissance civile, le comité
rappelle les conclusions de son précédent examen indiquant que, pour que la contribution
des syndicats et des organisations d’employeurs ait le degré voulu d’utilité et de
crédibilité, il est nécessaire que leur activité se déroule dans un climat de liberté et
de sécurité. Ceci implique que, dans une situation où ils estimeraient ne pas jouir des
libertés essentielles pour mener à bien leur mission, les syndicats et les organisations
d’employeurs seraient fondés à demander la reconnaissance et l’exercice de ces libertés
et que de telles revendications devraient être considérées comme entrant dans le cadre
d’activités syndicales légitimes. [Voir Compilation, paragr. 75.] Le comité prend bonne
note des informations fournies concernant le nombre de fonctionnaires ayant réintégré
leurs postes et demande aux autorités responsables de continuer à prendre des mesures
pour garantir la réintégration de tous les fonctionnaires, les travailleurs du secteur
de la santé et les enseignants restants qui ont été licenciés ou suspendus pour avoir
participé au mouvement de désobéissance civile et de rétablir tous les avantages qui ont
pu être retirés.
- 309. Prenant dûment note des dernières allégations relatives à un climat
général dans lequel il n’est pas possible d’exercer la liberté syndicale et notant que
les autorités militaires n’ontle gouvernement n’a fourni aucune information relative à
la recommandation restante visant à garantir un climat propice au plein exercice de la
liberté syndicale pour tous les travailleurs des secteurs public et privé autre que de
se référer au cadre fourni par la loi sur l’organisation du travail et la loi sur le
règlement des conflits du travail, le comité appelle à nouveau le Myanmar à adopter les
dispositions appropriées à cet égard et à le tenir informé des mesures spécifiques qu’il
aura prises.
- 310. En conclusion, le comité déplore les nombreuses mesures prises en
vue de réprimer les droits syndicaux depuis son précédent examen du cas et la
prolongation et l’élargissement de l’état d’urgence, qui ont entraîné le déni absolu de
toute protection possible des libertés civiles nécessaires à l’exercice par les
travailleurs et les employeurs de leurs activités syndicales en toute sécurité et en
toute liberté. Le comité prie instamment les autorités militaires de reconnaître
pleinement l’importance cruciale de garantir ces droits et libertés aux travailleurs et
aux employeurs du pays, comme condition nécessaire au rétablissement de la démocratie et
à l’exercice des activités syndicales, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour
créer un climat propice à ce que la liberté syndicale soit pleinement et véritablement
rétablie au Myanmar.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 311. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le
comité exhorte les autorités militaires à s’abstenir de tout acte de représailles
contre toute personne ou organisation ayant fourni des informations à la commission
d’enquête ou continuant de prendre part aux procédures de l’OIT pour assurer le
suivi des recommandations de la commission.
- b) Le comité rappelle sa
recommandation précédente visant à ce que des mesures soient prises sans délai pour
assurer la libération immédiate des syndicalistes ou des travailleurs arrêtés ou
détenus au motif d’actions visant le rétablissement de leurs droits syndicaux et de
la démocratie dans le pays, ainsi que l’appel lancé aux autorités militaires en
faveur de la libération de Thet Hnin Aung, et demande à être tenu informé de toutes
les mesures prises à cette fin, et à recevoir une copie du jugement rendu à
l’encontre de Thet Hnin Aung.
- c) Le comité prie à nouveau instamment les
autorités militaires responsables de cesser immédiatement de recourir à la violence
contre les travailleurs et les syndicalistes qui participent à des manifestations
pacifiques et de faire diligenter des enquêtes indépendantes sur les allégations de
violence à leur encontre, afin que les responsabilités soient déterminées et les
auteurs punis. Le comité les prie de lui fournir des informations détaillées sur les
mesures prises à cet égard et sur le résultat des enquêtes. Le comité, notant en
outre la question des retraits de citoyenneté frappant des syndicalistes, soulevée
dans les conclusions de la Commission de l’application des normes et dans les
recommandations de la commission d’enquête, appelle les autorités militaires à
rendre leur citoyenneté aux syndicalistes et aux travailleurs concernés, et à le
tenir informé des mesures prises à cet égard.
- d) Le comité exhorte à
nouveau les autorités militaires à abroger et à modifier l’article 505-A du Code
pénal, l’article 124 du Code de procédure pénale, et l’article 38(c) de la loi sur
les transactions électroniques, à révoquer les pouvoirs de surveillance rétablis
dans les circonscriptions et les villages au titre de la version révisée de la loi
sur l’administration des circonscriptions et des groupes de villages et à retirer la
déclaration frappant des syndicats d’illégalité, en vue de garantir le plein respect
des libertés civiles fondamentales nécessaires à l’exercice de la liberté syndicale,
de sorte que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer
leurs activités et leurs fonctions en toute sécurité, sans être exposées à des
menaces d’intimidation ou de violence.
- e) Le comité demande aux autorités
responsables de continuer à prendre des mesures pour garantir la réintégration de
tous les fonctionnaires, les travailleurs du secteur de la santé et les enseignants
restants qui ont été licenciés ou suspendus pour avoir participé au mouvement de
désobéissance civile et de rétablir tous les avantages qui ont pu être retirés.
- f) Rappelant l’importance de garantir un climat propice au plein exercice
de la liberté syndicale pour tous les travailleurs des secteurs public et privé, le
comité appelle à nouveau le Myanmar à adopter les dispositions appropriées à cet
égard et à le tenir informé des mesures spécifiques qu’il aura prises.
- g)
Le comité prie instamment les autorités militaires de reconnaître pleinement
l’importance cruciale de garantir ces droits et libertés aux travailleurs et aux
employeurs du pays, comme condition nécessaire au rétablissement de la démocratie et
à l’exercice des activités syndicales, et de prendre toutes les mesures nécessaires
pour créer un climat propice à ce que la liberté syndicale soit pleinement et
véritablement rétablie au Myanmar.
- h) Notant avec un profond regret que les
autorités militaires n’ont pas mis en œuvre les recommandations de la Commission
d’enquête et de ce comité et que la situation d’extrême violence et de répression
persiste dans le pays, le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur
le caractère grave et urgent du présent cas, afin qu’il puisse envisager toute
mesure supplémentaire pour assurer le respect de ces recommandations.